Chroniques rebelles
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Samedi 23 août 2014
On a grèvé. Film de Denis Gheerbrant et Peut-on parler avec l’ennemi ? d’Alain Brossat
Article mis en ligne le 25 août 2014
dernière modification le 13 juillet 2014

par CP

On a grèvé

Un film documentaire de Denis Gheerbrant

qui sera sur les écrans le 10 septembre

Tout un symbole pour une rentrée des luttes !

On a grèvé, beau titre pour ce film de Denis Gheerbrant qui retrace l’expérience remarquable de femmes courageuses et déterminées. À l’origine, une lutte contre des conditions de travail insupportables. Imaginez des femmes, Oulimata, Mariam, Géraldine, Fatoumata, qui bossent sans discontinuer pour un salaire minable… Elles sont femmes de chambre dans des hôtels de luxe et sont payées à la pièce, à la chambre nettoyée, donc pas de tarif horaire, pas de pause, une cadence infernale pour un salaire minimum. L’exploitation à outrance avec sourires obligés et tenue impeccable !

Ces femmes, qui n’ont pas avoir le choix, subissent un travail qui tient de l’esclavage
« moderne », c’est-à-dire être corvéable et efficace tout à la fois.
On a grèvé raconte leur lutte, leur révolte face à la machine patronale du deuxième groupe hôtelier d’Europe. Elles se dressent contre une hiérarchie qui les utilise comme du bétail au nom du profit.

Si elles n’ont peut-être pas encore la connaissance des militants et des militantes, elles ont ensemble la force et la détermination et « c’est la rencontre entre leur force et une stratégie syndicale pertinente » qui va faire bouger les choses.

On a grèvé de Denis Gheerbrant, « c’est le récit d’une première fois, un jaillissement de chants et de danses qui renouent avec une culture séculaire de résistance. »

Peut-on parler avec l’ennemi ?

Alain Brossat (Noir et rouge)

En partant de deux romans, Colette Baudoche, histoire d’une jeune fille de Metz de Maurice Barrés et du Silence de la mer de Vercors, Alain Brossat pose une question cruciale et complexe : Peut-on parler avec l’ennemi ? Pour cela, il faut également s’interroger sur la signification du terme ennemi et de la représentation qu’on en donne, suivant les circonstances particulières et les situations… Dans les deux romans, les situations sont extrêmes puisqu’il s’agit de la Première Guerre mondiale et de la période d’Occupation.

Le Silence de la mer de Vercors est une fable, « une allégorie de la Résistance », où « les gestes infimes anticipent sur les grandes actions ». Le silence des personnages du roman représente alors « le premier degré de la résistance des vaincus désarmés. […] Il indique clairement une disposition à ne pas accepter leur réduction en esclavage, la première ébauche muette d’un “non” » Et « Le non, énoncé ou muet, est le geste qui remet l’ennemi à sa place. »

Cet essai d’Alain Brossat, Peut-on parler avec l’ennemi ? est passionnant
à plus d’un titre, car, outre la question qui revient sur les multiples conduites politiques à adopter — l’allégeance ou la révolte, le choix du refus, de la passivité ou de l’engagement —, il analyse l’évolution du statut « d’ennemi » durant le XXe siècle et l’utilisation politique qui en est faite aujourd’hui. Le Silence de la mer marque en effet « un point de rupture, un changement radical de régime dans les relations entre ennemis ».

Les notions de guerre totale et d’ennemi total engendrent une
« criminalisation à outrance de l’ennemi [ce qui] réintensifie des visions manichéennes et des pratiques expéditives qui sont loin d’être l’apanage exclusif des régimes totalitaires. » Cela permet des slogans comme :
« On ne discute pas avec les terroristes » pour ne parler que de l’un des
plus ressassés.

Les guerres dites « démocratiques » sont prises dans une « dynamique décivilisatrice », elles « se barbarisent en empruntant au registre médical ou hygiéniste : nettoyages, frappes dites chirurgicales, assassinats ciblés, tortures n’avouant pas leur nom, refus d’accorder un statut aux prisonniers, disparitions, utilisation d’armes interdites par les conventions internationales, massacres de populations civiles — tout ceci constituant l’ordinaire de guerres comme celles d’Irak ou d’Afghanistan ou encore la guerre perpétuelle et d’intensité variable que conduit l’État d’Israël dans les territoires occupés de la Palestine. » Or ces guerres, qu’Alain Brossat qualifie de « guerre des espèces », « dans laquelle l’ennemi a le statut d’un nuisible à exterminer, est l’envers de l’effacement de la reconnaissance de l’hostilité comme l’un des éléments fondateurs de la relation politique […]. On le voit bien avec la guerre de reconquête du nord du Mali, conduite par l’armée française et ses alliés : guerre sans témoins ni prisonniers. »

« Nous ne communiquons pas avec l’ennemi, nous le combattons. »