Chroniques rebelles
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Christiane Passevant
Y’a pire ailleurs
Film de Jean Henri Meunier
Article mis en ligne le 23 décembre 2014

par CP

Sortie nationale le 21 mars 2012

Najac, un joli village dans les collines, mais surtout une aventure cinématographique et des rencontres avec de belles personnes… Avec trois films, à voir ensemble ou séparément — l’impression sera aussi forte —, ce qui pourrait tout d’abord paraître seulement comme une chronique villageoise est avant tout une chronique de vie.

On ne regarde plus certains de ses voisins ou de ses voisines de la même manière après avoir vu les films de Jean Henri Meunier [1]. Dans ses films, on est dans la vraie vie en côtoyant ces « autres » que, souvent, on ne regarde même plus, parce que… Parce que l’indifférence, l’aliénation de l’urgence, les préoccupations font que le regard est absent et que l ’on passe à côté de l’émotion simple.

Le chef de gare, philosophe à la Tati, hédoniste et blagueur, ouvre les films… Le coq chante et alors passe un clown dans la gare jouant l’Internationale… Y’a pire ailleurs, c’est sûr !

Trois films tournés à Najac, La Vie Comme Elle Va, Ici Najac, à vous la Terre et, enfin, Y’a pire ailleurs, à voir absolument en une libre « suite désordonnée » de rencontres avec un cinéma différent et des personnages du coin de la rue, du café de la place, du marché ou de la maison d’en face… Cinéma en roue libre, chroniques du réel… C’est juste du cinéma comme on l’aime et comme on aimerait en faire.

Pas de trucages, pas de montage bousculé ou saccadé, juste des plans qui s’installent, des axes différents pour que l’œil parte en vadrouille sur un détail, un arrière-plan… Au choix.

Les dialogues ? Vifs et spontanés, immergés dans la quotidienneté… On oublie la caméra. Elle est là comme un accessoire presque invisible et anodin, un témoin discret du moment cocasse, magique ou attendrissant, toujours surprenant.

Les trois films se croisent, habités par des réflexions sur l’environnement, les passions, les engueulades, l’ironie tendre, les dictons, l’amour des gens… Il y a Henri Sauzeau, le bricoleur de rêve qui travaille tout le temps et s’invente un musée de la récup. C’est lui qui lance « La lune, c’est fait pour rêver. Le soleil, c’est pour vivre ». Arnaud, le chef de gare philosophe, gourmand et animateur de la gare de Najac. Henri Dardé, le paysan voyageur et sa vision du monde, qui vit avec sa mère Simone, la fermière. Jean-Louis, le retraité lucide, Christian qui a vécu des moments difficiles, mais n’a pas pour autant appris à « fermer sa gueule », comme il dit. Sans oublier Jacky, le clown, qui ouvre Y’a pire ailleurs en jouant à la trompette l’Internationale ; enfin Dominique, celle qui a son franc parler, le maire et Christopher, le chanteur de ballades.

Et il y a le château sur la colline, veilleur ancestral sur les saisons qui passent… Mais place aux gens ! La Vie Comme Elle Va, Ici Najac, À vous la Terre et Y’a pire ailleursY’a pire ailleurs dernier opus d’une trilogie et libre « suite désordonnée » d’une très belle histoire.

Jean Henri Meunier : C’est un film de rencontres non préméditées, faites au hasard de la vie. Lorsque j’ai quitté Paris avec ma famille, ma compagne et mes deux mômes, c’était surtout pour changer de rythme de vie, pour me mettre au vert, fuir Paris où je vivais depuis vingt-cinq ans. Je n’allais pas à Najac pour faire du cinéma, mais j’ai commencé à filmer mon plus proche voisin, Henri Sauzeau, le vieux mécano, qui habitait à 50 mètres de la maison. Très vite il est devenu très proche, presque un membre de la famille. Il venait manger à la maison, on lui faisait ses courses et lui, il était toujours dans ses travaux d’Hercule. Il ramassait tout et il transformait tout.

Christiane Passevant : Le film est plein de ces phrases comme « la terre tourne, mais elle finira par mal tourner ».

Jean Henri Meunier : Ce qu’il dit, les dialogues, c’est du Yvan Audouard. Ce ne sont pas des dialogues d’ailleurs, mais leurs vrais mots. C’est du réel capté et j’ai la chance d’être là pour filmer et partager tous ces instants avec eux. Arnaud, le chef de gare, m’a tout de suite fait penser à Tati.

Quand je suis arrivé à Najac, je venais de lire Tendre jeudi de Steinbeck, Rue de la sardine, Tortilla Flat et quand j’ai rencontré ces gens, j’ai tout de suite pensé aux personnages de Steinbeck. Dominique me fait plus penser à un personnage de Raymond Carver. Elle est nature. Tous sont nature, caméra ou pas. C’est chez Henri Sauzeau que j’ai rencontré tous les personnages des films, le boulanger, Henri le paysan qui part en Palestine, en Bosnie, au Mali. Il venait donner des coups de main à Henri Sauzeau, lui fendre son bois… Finalement, je me suis rendu compte que je filmais une douzaine de personnes qui sont devenus des personnages dans ma tête et je n’ai pas voulu en filmer plus. Je voulais garder une relation forte, intime et passer du temps avec eux et je suis resté sur ces douze personnes. C’est les douze premiers avec lesquels je me suis senti bien et pour qui la caméra n’était pas un problème.

Christiane Passevant : Tu avais toujours ta caméra avec toi ? Tu saisis des scènes impossibles à préparer, totalement spontanée…

Jean Henri Meunier : J’avais une petite caméra numérique, une VX-1000. Je me baladais sur ma mobylette avec une caisse derrière où était ma caméra. […] Aujourd’hui, on peut faire des films avec de petits moyens. Si on a plus besoin du business, c’est un grand pas en avant, parce que le système nous a tellement niqués que maintenant c’est bien qu’il se fasse niquer. Dans la musique, dans le cinéma, c’est pareil. Après, que chacun ou chacune fasse son truc. La meilleure méthode dans la vie, c’est celle qui nous convient le mieux. Je ne peux faire du cinéma qu’à ma manière, à ma sauce et c’est cela qui est génial, il faut être libres pour créer. Il n’y a pas de fatalité, on peut y arriver et je vois aujourd’hui des mômes qui y arrivent dans plein de domaines.

http://www.youtube.com/watch?v=aEC5GcPdH1I


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