Chroniques rebelles
Slogan du site
Descriptif du site
Samedi 4 avril 2015
Les Sœurs savantes Marie Curie et Bronia Dluska, deux destins qui ont fait l’histoire de Natacha Henry. Le rappel des oiseaux de Stéphane Batut. Les Chebabs de Yarmouk d’Axel Salvatori-Sinz
Article mis en ligne le 6 avril 2015

par CP

Les Sœurs savantes

Marie Curie et Bronia Dluska, deux destins qui ont fait l’histoire

Natacha Henry (Librairie Vuibert)

Le rappel des oiseaux

Film documentaire de Stéphane Batut

Les Chebabs de Yarmouk

Film documentaire d’Axel Salvatori-Sinz

Les Sœurs savantes

Marie Curie et Bronia Dluska, deux destins qui ont fait l’histoire

Natacha Henry (Librairie Vuibert)

Les Sœurs savantes. Marie Curie et Bronia Dluska, deux destins qui ont fait l’histoire… Natacha Henry retrace, dans un récit intéressant à plus d’un titre, la vie de deux sœurs luttant pour l’égalité des droits des femmes, depuis l’accès aux études supérieures jusqu’aux droits élémentaires d’autonomie ; une lutte qui s’inscrit dans une fin de XIXe siècle particulièrement dominé par le patriarcat.

Féministes, éprises de justice et de liberté, internationalistes, Marie et Bronia sont impressionnantes par leur volonté, leur courage, leur générosité et leurs doutes aussi.

Elles naissent toutes deux en Pologne, sous occupation russe qui interdit aux femmes de faire des études. L’éducation est donc une forme de résistance à l’occupation et la détermination des deux jeunes filles est également liée à cette résistance.

Parallèlement à la dimension biographique, le livre de Natacha Henry est aussi une plongée dans l’environnement européen de l’époque, les mouvements qui la traversent, les conditions de vie des étudiantes pauvres et exilées, leur vision d’une classe ouvrière où les femmes sont doublement victimes, de la misère et du sexisme. La vision des deux sœurs est d’autant plus fine et profonde qu’elles viennent toutes deux d’un pays sous domination étrangère subissant la répression, situation qui forme leur conscience politique et critique par rapport aux inégalités sociales.

Issues d’un milieu modeste d’enseignants, leur mère meurt de tuberculose alors qu’elles sont encore très jeunes, leur père soutiendra ses filles, convaincu lui-même de l’importance de l’égalité des droits des femmes, de même que des possibilités de progrès grâce à l’éducation et aux avancées scientifiques. Ainsi, lorsque sa fille aînée Bronia décide de partir à Paris pour y étudier la médecine, il l’encourage. Et c’est Bronia qui persuadera sa sœur Marie de la rejoindre afin de poursuivre ses études dans le domaine scientifique.

Dans Les Sœurs savantes. Marie Curie et Bronia Dluska, deux destins qui ont fait l’histoire, Natacha Henry décrit deux femmes libres dans une époque difficile et bouleversée, deux caractères, deux volontés, deux parcours de vie liés, tant professionnellement que dans le respect mutuel et l’affection.

Marie écrit à propos de l’humanité et de son besoin de rêveurs et de rêveuses : « On pourrait dire que ces idéalistes ne méritent pas la richesse, simplement parce qu’ils [et elles] n’en font pas l’objet de leurs désirs. Il semble cependant qu’une société organisée devrait assurer à ces rêveurs [et à ces rêveuses] des moyens nécessaires à un travail efficace et les décharger des soucis matériels afin [de] se mettre librement au service de la science. » Or, dès l’enfance, Bronia sera l’organisatrice et le soutien indéfectible de sa sœur Marie.

« Aux grands hommes, la patrie reconnaissante » orne le fronton du Panthéon où les cendres de Marie Curie furent transportées avec celles de Pierre, son compagnon. Pour une reconnaissance de la place des femmes dans la société, Natacha Henry suggère en conclusion : « Aux grandes sœurs, les patries reconnaissantes. » J’ajouterai peut-être : « À celles et à ceux qui reposent ici, l’humanité reconnaissante. »

Le rappel des oiseaux

Film documentaire de Stéphane Batut

Surprenant et fascinant, le Rappel des oiseaux est l’un de ces films originaux dont on se souvient, tout d’abord parce que le sujet est tabou dans de nombreux pays, la mort est en effet généralement sacralisée ou se dissimule par l’escamotage des corps des personnes décédées. Le langage traduit bien d’ailleurs cet effet d’escamotage et de refus lorsque l’on parle de disparu-es ; et les rituels funéraires ont leur codes le plus souvent liés aux religions monothéistes. Les corps sont en général préparés, maquillés, pour transcender la perte, estomper l’arrêt de la vie et sublimer, en quelque sorte, un phénomène naturel. La mort n’est pas acceptée ou bien doit être mise en scène.

Le film documentaire de Stéphane Batut, le Rappel des oiseaux, montre un rapport bien différent à la mort, c’est comme un abandon du corps, un passage naturel vers une autre dimension. Le corps mort, entouré par la famille, nourrit les oiseaux dans une sorte de ballet où le corps est absorbé. Un rituel étrange et étonnant dont on découvre, grâce au film et sans aucun voyeurisme, des images qui, dans un premier temps peuvent choquer allant à l’encontre des images habituelles de funérailles. Viennent ensuite la réflexion, la mise en écho aux autres rituels et le questionnement du rapport à la mort et au corps, comme enveloppe éphémère.

Le Rappel des oiseaux de Stéphane Batut sort le 15 avril sur les écrans.

Les Chebabs de Yarmouk

Film documentaire d’Axel Salvatori-Sinz

Le premier film documentaire d’Axel Salvatori-Sinz, Les Chebabs de Yarmouk, est un document sur la jeunesse du camp palestinien de Yarmouk, en Syrie. Pour la réalisation du documentaire, Axel Salvatori-Sinz séjourna à plusieurs reprises dans le camp, situé dans la banlieue de Damas, durant les trois années du tournage des entretiens. Les discussions et les dialogues ont été filmés entre 2009 et 2011, huit mois après le début des manifestations de la population syrienne contre le régime de Bachar El Assad…

L’expression est libre, tant sur la nostalgie d’une Palestine imaginaire — « on a rêvé de la Palestine, mais nous n’y sommes jamais allés » explique l’un d’eux — que sur les rêves de départs et les projets artistiques. L’interdiction de filmer dans les rues a créé une contrainte, celle de réaliser toutes les prises de vues extérieures sur les terrasses et les toits. « Le camp,
c’est la Palestine
 » dit l’un des garçons, et l’une des filles ajoute avec pragmatisme :
« on en fait une ville, mais c’est un camp ».

Depuis la fin du tournage des Chebabs de Yarmouk, que reste-t-il du camp, dans cette banlieue de Damas ? Un champ de ruines après les bombardements et un blocus alimentaire instauré depuis des mois par les autorités syriennes. Le camp palestinien de Yarmouk, complètement détruit où l’on meurt de faim, vient d’être évacué.