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Samedi 12 décembre 2015
JE NE MANGE PAS DE CE PAIN-LÀ - Benjamin Péret, poète c’est-à-dire révolutionnaire
Film de Rémy Ricordeau
Article mis en ligne le 13 décembre 2015
dernière modification le 20 décembre 2015

par CP

"JE NE MANGE PAS DE CE PAIN-LÀ - Benjamin Péret, poète c’est-à-dire révolutionnaire".

Film de Rémy Ricordeau (94’)

Bien que le poète Benjamin Péret ait été, avec André Breton, un des principaux animateurs du mouvement surréaliste, il reste méconnu du grand public.

En retraçant ses divers engagements poétiques et politiques, qui ont été une constante de toute sa vie, ce film se propose de le faire redécouvrir au sein d’une aventure intellectuelle collective qui aura durablement marqué le XXème siècle.

Dans le studio, le réalisateur, Rémy Ricordeau et
Alain Joubert, l’un des protagonistes du film et auteur du Passé du futur est toujours présent (Ab irato)

16h30, projection du film de Rémy Ricordeau à Publico

suivie d’un débat avec le réalisateur et Alain Joubert

DVD + livret Seven Doc

https://www.youtube.com/watch?v=mz4pXMWfdis’’

Luis Bunuel a dit de Benjamin Péret qu’il représentait « le poète surréaliste, par excellence : liberté totale d’une inspiration limpide, coulant de source, sans aucun effort culturel et recréant tout aussitôt un autre monde. […] Péret était un surréaliste à l’état naturel, pur de toute compromission. »

Bien que son rôle ait été important dans le surréalisme, Benjamin Péret semble aujourd’hui quelque peu oublié ou méconnu. Et grâce au film de Rémy Ricordeau, qui reprend dans son titre celui d’un ouvrage de Benjamin Péret — Je ne mange pas de ce pain-là —, on découvre une figure importante, un homme engagé, un poète révolutionnaire, ce qui a pour effet une incontestable bouffée d’esprit de révolte et de contestation dans une période de paranoïa, d’abandon de la subversion, de la discussion et de la critique politique.

Dès l’enfance, Benjamin Péret est un réfractaire à toutes les formes d’autorité. Il s’engage néanmoins à 16 ans, poussé par sa mère, dans la Première Guerre mondiale. Au début des années 1920, il débarque à Paris et est d’abord attiré par le dadaïsme, puis par le surréalisme.

En 1925, il cosigne une lettre ouverte adressée à Paul Claudel, auteur et ambassadeur, qui avait déclaré qu’aucun des mouvements — dadaïste ou surréaliste — ne pourrait « conduire à une véritable rénovation ou
création
 » Et voici la réponse :

« Peu nous importe la création. Nous souhaitons de toutes nos forces que les révolutions, les guerres et les insurrections coloniales viennent anéantir cette civilisation occidentale dont vous défendez jusqu’en Orient la vermine et nous appelons cette destruction comme l’état de choses le moins inacceptable pour l’esprit.

Il ne saurait y avoir pour nous ni équilibre ni grand art. Voici déjà longtemps que l’idée de Beauté s’est rassise. Il ne reste debout qu’une idée morale, à savoir par exemple qu’on ne peut être à la fois ambassadeur de France et poète.

Nous saisissons cette occasion pour nous désolidariser publiquement de tout ce qui est français, en paroles et en actions. Nous déclarons trouver la trahison et tout ce qui, d’une façon ou d’une autre, peut nuire à la sûreté de l’État beaucoup plus conciliable avec la poésie que la vente de « grosses quantités de lard » pour le compte d’une nation de porcs et de chiens.

C’est une singulière méconnaissance des facultés propres et des possibilités de l’esprit qui fait périodiquement rechercher leur salut à des goujats de votre espèce dans une tradition catholique ou gréco-romaine. Le salut pour nous n’est nulle part. Nous tenons Rimbaud pour un homme qui a désespéré de son salut et dont l’œuvre et la vie sont de purs témoignages de perdition.

Catholicisme, classicisme gréco-romain, nous vous abandonnons à vos bondieuseries infâmes. Qu’elles vous profitent de toutes manières ; engraissez encore, crevez sous l’admiration et le respect de vos concitoyens. Écrivez, priez et bavez ; nous réclamons le déshonneur de vous avoir traité une fois pour toutes de cuistre et de canaille. Paris, le 1er juillet 1925.

André Breton a également signé cette lettre, de même que René Crevel, Robert Desnos, Paul Eluard, Max Ernst, Philippe Soupault et d’autres. On peut imaginer l’effet produit d’une lettre semblable sur l’élite consensuelle qui, aujourd’hui, pérore sur les effets bénéfiques de la « guerre antiterroriste ».
Benjamin Péret nous manque, c’est certain. L’auteur qui, en 1936, publie le recueil de Je ne mange pas de ce pain-là, fait montre en effet d’une radicalisation critique contre la religion, les militaires et les nantis.

En juillet 1936, il part à Barcelone, rejoint le POUM, participe à la radio, puis s’engage dans la colonne Durruti sur le front d’Aragon. À son retour en France, il est arrêté, sort de la prison de Rennes, retrouve des amis à Marseille et s’exile au Mexique, n’ayant pu obtenir un visa pour les Etats-Unis en raison de son passé politique. Lorsqu’il revient en France en 1948, il n’a rien perdu de sa faconde, de son ironie, de sa virulence contre la société capitaliste et ses serviteurs.

Avec Breton, il tente de réactiver le groupe surréaliste, mais son pamphlet, le Déshonneur des poètes (1945), dirigé contre toute forme de poésie militante, lui vaut bien des inimitiés dans un moment où la Résistance est à l’honneur.

De ce parcours de vie à contre courant, fascinant et mouvementé, Rémy Ricordeau a réalisé un magnifique film documentaire, à la fois fouillé et précis qui donne à voir la profondeur de la pensée de Benjamin Péret. La recherche iconographique et les archives cinématographiques sont impressionnantes, elles illustrent à la perfection l’itinéraire complexe de l’homme, irréductible, et du poète. De même que les témoignages des différents intervenant-es qui l’ont croisé ou connu ajoutent encore à la perception de voyage dans la vie, l’œuvre et l’engagement de Péret.

L’imagination, la révolution, l’amour de la liberté, l’écriture automatique sont à la base de ses poèmes, de ses écrits subversifs, surréalistes et sans concession. Il n’existait pas jusqu’alors de film sur la démarche poétique, sur la pensée politique de Benjamin Péret, et Rémy Ricordeau nous offre avec ce film la richesse d’une vie, le jaillissement des mots, de l’irrespect et des critiques acerbes. Une véritable délectation qui donne l’envie de relire, de retrouver ou de découvrir une œuvre originale, forte, dissidente, libre…

https://www.youtube.com/watch?v=or1nc8wzvvY



Un grand poète est mort cette semaine, un poète engagé, un artiste luttant pour les droits civiques des Indiens-américains. Il disait notamment :

« Nous avons été endoctriné-es pour penser que l’autorité est le pouvoir. Le système économique, comme le système militaire et la religion, sont des systèmes autoritaires. Nous avons été programmé-es pour croire que ces systèmes sont le pouvoir et que nous n’avons rien pour y résister. »

John Trudell était un activiste de l’American Indian Movement, comme Leonard Peltier qui croupit toujours en prison.

John Trudell, Shadow Over Sisterland



Bande annonce du film de Carlos Saura

Argentina. (Zonda)

L’entretien avec Carlos Saura sera diffusé le samedi 26 décembre

Sortie nationale le 30 décembre

Bande annonce du film de Leyla Bouzid

À peine j’ouvre les yeux

L’entretien sera diffusé le samedi 19 décembre

Sortie nationale le 23 décembre