Chroniques rebelles
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Christiane Passevant
Chemin de croix
Film de Dietrich Brüggemann
Article mis en ligne le 4 octobre 2015

par CP

Chemin de croix(Kreuzweg) de Dietrich Brüggemann a remporté l’ours d’agent du meilleur scénario au Festival de Berlin.

Sortie nationale le 29 octobre 2014.

Si l’on avait encore quelques doutes sur les méfaits de l’intégrisme religieux, en l’occurrence catholique, Chemin de croix [1] les balaie, bien que le réalisateur, Dietrich Brüggemann, déclare ne pas avoir voulu réaliser une charge contre l’Église, mais plutôt contre une manière d’éducation. Dès la première scène du film, le voile est levé sur la tradition de manipulation psychologique, violente et pernicieuse, avec une séance de catéchisme. Elle est la parfaite illustration, effrayante et convaincante, du bourrage de crâne subi par des adolescent-es avant la cérémonie de confirmation.

Qu’est-ce que la confirmation ? Le jeune prêtre, en soutane, l’explique avec force questions réthoriques : de même que le baptême marque le début de la vie délivré du péché originel, la confirmation est le passage de l’humain au statut de soldat (soldate ?) de dieu. Entendez par là faire don de sa personne à dieu et évangéliser son entourage, ses voisins, ses camarades de classe… Parce qu’au ciel, la divinité qui vous recevra, vous demandera des comptes : « Combien d’âmes perdues avez-vous ramené dans le sein de l’Église ? » L’Église, la vraie (!), dont il est question dans le film, s’inspire de la « Fraternité sacerdotale Saint-Pie », fondée par Marcel Lefebvre, qui dit la messe en latin et interdit l’écoute des musiques « sataniques », c’est-à-dire le rock, le gospel, la soul, la pop music… Enfin de toutes les musiques, excepté quelques chants « sacrés », ou labellisés tels. Les ayatollas sont partout et peu importe le costume.

Pour appliquer à la lettre les pratiques strictes religieuses, la mère de la jeune Maria est incarnée par une matrone hystérique et autoritaire qui fait régner une discipline sans faille, sinon la terreur, sur la famille. Le prêtre,
le père Weber, convaincu d’être habité par l’esprit divin, est l’autre figure dominante de l’adolescente. Irresponsable et carrément allumé, il prépare les adolescent-es au sacrifice, pour le salut de leur âme bien entendu.

Le film est construit dans un style épuré autour des quatorze stations du chemin de croix du christ, qui ponctuent les étapes de souffrance de la jeune fille. Les quatorze scènes — parallèles et symboliques du chemin de croix — sont filmées en plans fixes, à trois exceptions près (la confirmation, la mort et la mise au tombeau), et se terminent en fondu au noir, comme pour marquer la progression dans l’autodestruction de Maria qui fait écho au supplice de Jésus. Elles scandent en quelque sorte le parcours emprunté par la jeune Maria, tourmentée et persuadée que le sacrifice de sa vie permettra à son jeune frère de quatre ans de sortir du mutisme. Au vu de l’ambiance pesante familiale, empreinte de la crainte du péché et du danger de la tentation de chaque instant, on peut comprendre que l’enfant refuse de communiquer. D’un côté, il y a l’enfant qui s’extraie de la vie commune familiale par le silence, et de l’autre Maria qui s’auto-flagelle pour se punir d’un manquement imaginaire.

Maria a 14 ans et vit dans une famille fondamentaliste catholique qui impose des règles et des pratique religieuses strictes. Elle est entièrement dominée par l’idée du péché et de la tentation dont elle doit se protéger et,
pour cela, le choix de la sainteté lui paraît la seule alternative possible. Le film appréhende et montre très bien la perméabilité des idées de sacrifice chez les adolescent-es et l’incapacité des adultes à les comprendre et à anticiper de l’ampleur du danger. Trois personnages tiennent un rôle positif dans le récit, Bernadette, jeune française au pair très proche de Maria, Christian, son camarade de classe et, enfin, le docteur qui va tenter de sauver Maria en la faisant hospitaliser contre l’avis de sa mère. Mais cela ne suffira pas pour contrer les préceptes et l’imaginaire religieux fortement ancrés dans l’esprit de l’adolescente.

Les libertaires ont de toutes les manières dit et dénoncé les dégâts de la propagande religieuse, quelle que soit sa provenance. Le Chemin de croix de Dietrich Brüggemann souligne avec brio les horreurs d’une idéologie sectaire et les conséquences dramatiques qui peuvent en découler. Le Chemin de croix ou les méfaits du fondamentalisme religieux, de quelque bord qu’il soit.