Chroniques rebelles
Slogan du site
Descriptif du site
Samedi 17 septembre 2016
Réfractions n° 36. Réinventer la révolution
Article mis en ligne le 18 septembre 2016
dernière modification le 3 octobre 2016

par CP

Réfractions Réinventer la révolution

Entretien avec Eduardo Colombo, Jean-Christophe Angaut…

Le nouveau numéro de Réfractions, la revue de recherches et d’expressions anarchistes, consacre son thème principal au questionnement sur ce à quoi devrait ressembler aujourd’hui une transformation révolutionnaire et si celle-ci peut encore s’inscrire dans la continuité de celles des trois derniers siècles. Dans nos sociétés, les perspectives révolutionnaires semblent s’éloigner de plus en plus et, pour cette raison, Réinventer la révolution se place au cœur de la réflexion.

Les dernières expériences politiques et sociales prennent-elles le relais d’un renversement de l’ordre établi ou contribuent-elles à le préparer ? Pour certaines et certains la révolution est un concept périmé qui, s’il avait auparavant un rôle majeur, a déserté la scène politique actuelle. D’autres, en revanche, se refusent à entériner la caducité du concept de révolution, convaincu.es qu’il est plus que jamais indispensable au vu des catastrophes vers lesquelles le capitalisme entraîne l’humanité.

« À quoi pourrait donc ressembler aujourd’hui une transformation révolutionnaire ? » Il ne s’agit pas, dans les différentes contributions au nouveau numéro de Réfractions, d’apporter des réponses définitives et encore moins de mode d’emploi révolutionnaire, mais plutôt de s’interroger sur l’idée de révolution, d’analyser les mouvements en cours et enfin de souligner que pour les anarchistes, « il n’est pas possible de dissocier la préparation de la révolution et sa mise en œuvre. »

« Qu’en est-il aujourd’hui de la révolution et de son imaginaire ? » Avec ce titre, Tomas Ibanez entre dans le vif du sujet. Pour lui, la mutation du capitalisme a pour conséquence un envahissement du quotidien, une captation de « la sphère de l’existence humaine » qui vise à exercer une telle hégémonie, qu’elle annihile toute idée d’alternative. Autrement dit, « il n’y a plus “d’en dehors” du capitalisme, ni géographiquement, ni socialement. »

Les mutations idéologiques induites par l’ère de la post modernité dans laquelle nous serions entré.es, avec l’acceptation généralisée de l’incertitude, ne permettent pas de récupérer les anciennes alternatives. Désormais, selon Ibanez, la « révolution » s’entend comme une mutation de l’institué, c’est-à-dire un changement radical des formes sociales établies, des rapports politiques et des modes de vie sous l’impulsion d’une intense activité politique collective.

Il prête ainsi attention aux discours et aux pratiques de jeunes anarchistes qui créent des espaces relationnels libres de contraintes et de valeurs du système social existant. Le nouvel imaginaire révolutionnaire consisterait fondamentalement à défier collectivement les valeurs du système et ainsi de combattre les dispositifs de domination.

« À l’heure où les imaginaires, sidérés de terrorisme et d’état d’urgence, semblent moins que jamais enclins à se projeter vers un horizon révolutionnaire, quelle pertinence peut-il bien y avoir à revisiter les conceptions de la révolution qui nous ont été léguées par les représentants [et les représentantes] de l’anarchisme révolutionnaire ?  » En posant cette question en début d’article, Jean-Christophe Angaut fait le pari de l’actualité de l’anarchisme révolutionnaire, contre le reflux de l’idée révolutionnaire développée au cours du XXe siècle… Ce qui ne signifie peut-être que la fin d’un certain modèle de révolution.

L’idée révolutionnaire est aujourd’hui délégitimée par un processus idéologique. Selon Eduardo Colombo, le post anarchisme souhaite enterrer l’idée de révolution. Or, si la condition post moderne pose la question de la légitimation des « grands récits », du savoir et de l’émancipation, l’abandon du récit abolit le sens qui unifie l’action face à l’unité de l’État et, par voie de conséquence, les révoltes sont condamnées au localisme, à l’isolement et à la revendication des droits des minorités.
La révolution n’est que désir et fantasme, illusion et chimère avec de telles prémisses, car en plaçant la problématique sociale au niveau de la contre-culture, des subjectivités contestataires, des positions anti-institutionnelles, on forge l’illusion de la radicalité sans remettre en question le néolibéralisme.

En détournant la question sociale et en délaissant la critique de la propriété et des moyens de production, la révolution est renvoyée à un futur lointain et improbable. Il s’agit donc de se réapproprier la puissance utopique de l’imaginaire révolutionnaire : la lutte l’exige. « Nous savons que la vocation de l’anarchisme, c’est de changer la société hiérarchique, de détruire l’État, d’abolir la propriété privée, et que le chemin est la Révolution sociale. » À nous d’imaginer des formes de remise en cause radicale et en acte de l’ordre social et de Réinventer la Révolution !