Chroniques rebelles
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Samedi 24 septembre 2016
Histoire du fascisme aux États-Unis. Larry Lee Portis (éditions CNT-RP)
Article mis en ligne le 27 septembre 2016

par CP

Histoire du fascisme aux États-Unis

Larry Lee Portis (CNT-RP)

En compagnie d’Alexandre des éditions CNT-RP, de Bastien et de Thierry.

Présentation du livre à Publico :

Et projection du film de Peter Watkins, Punishment Park (1971)

Les institutions, la vie politique aux Etats-Unis soulèvent des questions, surtout en cette période de campagne électorale, des controverses aussi bien évidemment et beaucoup de fantasmes. C’est d’abord un pays à l’échelle d’un continent qui se proclame la première des « démocraties », et se greffe là-dessus le mythe d’un pays d’opportunités, une belle image de communication qui ne correspond absolument pas à une réalité historique et politique.

Il faut se souvenir que la fondation des Etats-Unis repose sur une politique génocidaire et ségrégationniste : le nettoyage ethnique des populations indiennes et l’esclavage des Noirs. À cela s’ajoute la répression brutale des revendications sociales qui est une constante dans l’histoire de l’immigration de la terre du fameux melting pot.
S’il n’y a pas eu de régime fasciste au niveau fédéral, les pratiques et les mouvements fascistes se sont développés dans le pays. C’est ce que répertorie et analyse Larry Portis dans son livre, Histoire du fascisme aux Etats-Unis, et que Peter Watkins illustre remarquablement dans son film, Punishment Park.

Avec le système de gouvernance et la protection formelle des libertés fondamentales inscrite dans la constitution, les États-Unis se targuent d’être la démocratie la plus avancée et la plus stable du monde, ainsi que d’être une terre des opportunités et de l’égalité des chances.

Or, les États-Unis présentent des contradictions qui sévissent au cœur même de la société et de la structure de gouvernance, notamment avec la discrimination raciale qui façonne la culture politique états-unienne, les mentalités, et engendrent violences et répression.

Aux Etats-Unis, le contraste est frappant entre les principes déclarés qui ont prévalu lors de sa création et les dérives de leur application. La constitution est, en théorie, basée sur l’attachement à la liberté et aux droits de la personne ; cependant la « démocratie » états-unienne s’est construite sur une politique génocidaire pour accaparer les terres des populations indiennes et régler ainsi ce que les dirigeants appelaient le « problème indien ». De même, l’institution de l’esclavage, qui a fait la fortune des propriétaires terriens du Sud, a perduré légalement durant les 80 premières années de la « République » états-unienne, et son abolition a entraîné de facto la mise en place d’un régime d’apartheid légal.

Qui a déclaré qu’un soi-disant « intérêt général » — en regard de la constitution et de ses grandes idées inscrites dans le marbre —, justifie la spoliation et l’extermination des populations indiennes et l’asservissement barbare des Noirs africains ? La société états-unienne est en majorité aveugle aux contradictions entre les principes inscrits dans la constitution, qui défendent en théorie les droits humains, et les pratiques inégalitaires et brutales qui laissent le champ libre à la discrimination, à la violation des droits humains et aux crimes contre l’humanité.

Dès les premières années, la « démocratie  » états-unienne n’a pas dissimulé sa volonté hégémonique de domination et d’accaparement des richesses dans le monde, quelles que soient les méthodes. C’est l’idée à la base de son expansionnisme territorial, économique et culturel et, si l’impérialisme est le dernier stade du capitalisme, le fascisme est le mode ultime de défense de la politique capitaliste. L’impérialisme et le fascisme sont, de fait, intimement liés.

L’histoire des Etats-Unis est jalonnée de périodes où les libertés garanties par la constitution furent bafouées, et aujourd’hui encore, de même que passèrent à la trappe les principes des droits humains.

Toutefois, jamais un régime fasciste, au sens strict du terme, ne s’est imposé à la tête de l’État. Le fascisme peut en effet exister dans un pays sans que le gouvernement se déclare fasciste. Mais force est de constater que le fascisme s’est progressivement développé aux Etats-Unis, selon les époques, en réponse aux conflits sociaux engendrés par l’avènement rapide d’un système industriel de production. Au syndicalisme, au socialisme, aux antagonismes de classe auxquels s’ajoutaient les tensions racistes et les pratiques communautaires, les élites capitalistes et les politiques à leur botte ont riposté en finançant des groupes qui pratiquaient l’intimidation, les violences, le meurtre, et qui n’avaient rien à envier aux chemises brunes italiennes.

Étudier la dimension occultée de l’histoire des Etats-Unis et analyser les pratiques du pouvoir du capitalisme états-unien, c’est comprendre les mécanismes de l’idéologie nationaliste légitimant l’hégémonisme états-unien. Cela revient aussi, comme se plait à le rappeler Larry Portis, à s’interroger sur toutes les sociétés « démocratiques » capitalistes dont la nature même peut engendrer le fascisme. Ce n’est qu’en combattant les forces opposées au progrès social que nous pourrons construire un projet libertaire et égalitaire. Et comme on l’a dit ce printemps : «  ils ont les milliards, mais nous sommes des millions ! »

Larry Lee Portis est né en 1943 aux États-Unis, à Bremerton, dans l’état de Washington. Il a grandi dans une famille ouvrière à Seattle, puis à Billings dans le Montana. De 1965 à 1968, il reprend ses études à l’Université d’État de Billings, où il est très actif sur le plan politique. Il écrit notamment dans le journal de l’université, La Riposte, et crée un journal clandestin, La Presse libre étudiante. Parallèlement, il travaille pour la compagnie des eaux et participe aux luttes des employé.es. Il poursuit ses études à l’Université de Northern Illinois, près de Chicago, sur l’histoire du mouvement ouvrier en France et l’histoire de la sociologie. Il séjourne en France pour sa recherche et en 1974, milite pour le syndicat des travailleurs agricoles. En 1975, Il obtient son doctorat d’histoire en soutenant une thèse sur les débuts de la sociologie en France au XIXe siècle, mais préfère ne pas entrer dans le système universitaire états-unien. Il s’installe à Seattle où il exerce entre autres métiers, celui de cuisinier, de projectionniste et de rédacteur de projets et mémoires universitaires.

En 1977, il quitte les États-Unis pour voyager en Europe. En 1981, il enseigne à l’Université américaine de Paris, où il crée une section CGT, puis dans plusieurs universités françaises, à Paris VII, Paris X, Clermont-Ferrand et enfin à l’Université Paul Valéry de Montpellier.

À partir des années 1980, il publie des ouvrages extrêmement importants sur l’histoire du mouvement ouvrier. Son travail sur les IWW (Industrial Workers of the World) aux éditions Spartacus fait connaître à toute une génération de militantes et de militants le syndicat révolutionnaire états-unien créé en 1905. De même, ses travaux sur les classes sociales en France, aux éditions ouvrières, sont un apport critique essentiel sur la question. Son livre consacré à Georges Sorel, publié d’abord chez Pluto Press, puis chez Maspero, permet de réhabiliter cet intellectuel marxiste acquis à la cause du syndicalisme révolutionnaire, malheureusement souvent réduit aujourd’hui à un symbole récupéré par l’extrême droite dans les années 1920.

D’autres ouvrages suivent, sur la question de la Palestine, ainsi que sur la politique extérieure états-unienne. Sa passion pour la culture populaire le conduit à y consacrer deux ouvrages en français : La Canaille ! Histoire sociale de la chanson française aux éditions CNT-RP, et un Dictionnaire des chansons politiques et engagées, chez Scali, coécrit avec Christiane Passevant, qui collabore à ses publications en français.

De 1984 à 1989, Larry est membre de l’équipe éditrice des éditions Spartacus. Il est aussi membre du comité de rédaction de la revue de recherches en sciences sociales, L’Homme et la Société, de 1987 à 2007. Il publie également de nombreux articles pour divers journaux, magazines et revues libertaires.

Militant infatigable, il co-fonde en 2002, à Montpellier, le collectif « Les Américains pour la paix et la justice » pour dénoncer la guerre contre l’Irak.
Larry a également écrit et publié des essais, des romans et des nouvelles en anglais…

Histoire du fascisme aux Etats-Unis paraît en 2008, puis est repris en 2015 aux éditions CNT-RP. Larry y analyse le lien direct entre, d’une part, le système de représentation politique développé avec l’émergence du capitalisme industriel et, d’autre part, le fascisme. En 2010, il consacre un second livre sur la question, intitulé Qu’est-ce que le fascisme ? Un phénomène social d’hier et d’aujourd’hui, publié aux éditions Alternative libertaire dans lequel il propose une grille d’analyse libertaire du fascisme afin de mieux comprendre le phénomène pour le combattre efficacement.

(Thierry Vandennieu)