Chroniques rebelles
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Samedi 4 février 2006
Au pays d’Héloïse
Ngo Van (L’Insomniaque)
Article mis en ligne le 27 janvier 2008

par CP

Avec Hélène Fleury, Naomi et Étienne

« Le monde n’a pas changé » disait Van pour répondre à une question sur l’actualité de la poursuite de son travail et de sa lutte contre l’histoire officielle.

« Le monde n’a pas changé », c’est le constat qui s’impose aujourd’hui encore quand on subit l’instrumentalisation politique et marchande du « scandale » de quelques caricatures ayant d’abord circulé sous le manteau. Instrumentalisation politique parce que les États qui s’élèvent contre les caricatures « blasphématoires » au nom du respect de la religion, manipulent allègrement leurs opinions publiques et en jouent pour éviter de parler des problèmes sociaux dans leurs pays, de la corruption et de l’oppression.
C’est finalement une aubaine de brandir le respect de la foi des populations pour continuer de les opprimer !

Instrumentalisation marchande parce que les médias — qui se font l’écho de cette mise sur la sellette des caricatures et des réactions qu’elles suscitent en attisant les amalgames — n’ont qu’un but : vendre le journal ou l’émission ! Il faut ajouter qu’il a fallu quatre mois pour ressortir ces caricatures du chapeau et les traiter en affaire des États ! C’est un peu fort et nous encore une fois prendre pour des imbéciles !

« Le monde n’a pas changé » :
« L’État demeure l’instrument de domination de classe. L’État avec ses institutions, sa police, ses armées, ses prisons, ne dépérit jamais de sa propre volonté. Pour qu’il disparaisse, il faut le détruire par la violence révolutionnaire. » Ngo Van, Au Pays d’Héloïse .

Mon pays, c’est là où je me sens bien… disait Van en souriant dans une conversation à propos des nationalismes.

C’est un des premiers souvenirs que je garde de nos rencontres.
D’année en année, nous nous retrouvions avec des ami-e-s, Hélène, Henri, Jorge et beaucoup d’autres… pour des projets d’émission, des discussions ou des fêtes…
C’était toujours un plaisir de parler, de partager des moments avec lui, impressionnant de le voir aussi attentif aux autres, lucide et critique des systèmes, mais aussi modeste, facétieux, ouvert…
Van n’est plus là depuis janvier 2005 et pourtant, il est toujours présent à travers ses textes et ses ami-e-s.

« Je suis un vagabond, [ écrit-il] une fois disparu, on n’en parle plus, ce sont mes idées de toujours. C’est le moindre de mes soucis de disparaître de quelque façon que ce soit… »

On en parle aujourd’hui avec son dernier livre, Au Pays d’Héloïse , suite des autres écrits sur son itinéraire, ses rencontres, ses engagements depuis le Viêt-Nam, ses ruptures, ses expériences…
Un très beau livre où les photos, ses dessins et ses peintures qui illustrent le texte nous disent encore un peu plus sur lui, ce « témoin de trop » pour l’histoire officielle.

Van a survécu à un « passé plein de fureur et s’en faisait le passeur, Van a vraiment été "le témoin de trop" pour le repos des falsificateurs. En rappelant cette époque de fortes luttes des classes où ouvriers et paysans n’envisageaient la fin du colonialisme qu’avec la révolution, et en décrivant la tortueuse stratégie du parti pour en prendre le contrôle par le double jeu, le mensonge, l’intimidation et le meurtre, Van a ramené à la lumière "l’autre guerre", celle à laquelle le capital ne veut pas donner de nom. »

« Le monde n’a pas changé » disait Van, la domination et la manipulation non plus, avec des techniques nouvelles bien sûr, mais qui ne change en rien la nature de la domination de classes.

Il ajoutait néanmoins : « par utopie, nous entendons le rêve non réalisé mais non pas irréalisable. »