Chroniques rebelles
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Samedi 3 décembre 2016
La Médiocratie. Politique de l’extrême centre et Gouvernance de Alain Deneault
Article mis en ligne le 4 décembre 2016
dernière modification le 14 décembre 2016

par CP

Politique de l’extrême centre, préface à La médiocratie et à Gouvernance

d’Alain Deneault (LUX, collection poche « Pollux »)

« L’extrême-droite survient comme une prothèse de l’esprit auprès des spectateurs las [des intrications de la « gauche » au pouvoir]. La pulsion de mort est son moteur, la fin de la pensée complexe son fantasme et l’éradication de toute différence sa solution. Il s’agit moins pour elle d’œuvrer à l’édification de quelque peuple qu’à son enfermement dans une représentation sclérosée qu’on lui tend tel un miroir. » Alain Deneault, Politique de l’extrême centre.

Déjà trois ans qu’Alain Deneault est venu dans les chroniques rebelles pour son essai Gouvernance. Le management totalitaire, dans lequel il démontre que l’emploi de ce terme — « gouvernance » —, « oblitère notre patrimoine des références politiques pour lui substituer les termes tendancieux du management. » Et cela « sous couvert de réaffirmer la nécessité d’une saine gestion des institutions publiques ». « Le terme [désignerait] non seulement la mise en œuvre des mécanismes de surveillance et de reddition des comptes, mais également la volonté de gérer l’État à la manière prétendument efficace d’une entreprise. »

La classe dirigeante contrôle le langage dans l’espace médiatique, politique et économique, un langage que l’on qualifie de plus en plus de novlangue, en référence à Orwell. D’ailleurs, l’impression est toujours plus prégnante d’être sous la férule d’un Big Brother de la globalisation du capital qui, sous prétexte de profit à court terme et sans appel, détruit la planète de manière irrémédiable.

À la lecture des trois textes d’Alain Deneault, la Médiocratie, Politique de l’extrême centre — qui est un texte inédit — et Gouvernance, il apparaît comme une évidence de les avoir rassemblé, car ils se complètent parfaitement pour permettre de mieux cerner et analyser la « révolution anesthésiante » dont les théories du « management » font sans cesse la promotion.

Aux Etats-Unis, « l’axe politique gauche-droite porte essentiellement sur une qualification du libéralisme  ». En France, on peut ajouter qu’au début de son quinquennat, Hollande a restauré « un régime d’extrême centre, l’extrémisme se [traduisant] par une intolérance à tout ce qui ne cadre pas avec un juste milieu arbitrairement proclamé. [Est alors passé pour normal] tout ce que les pouvoirs institués présentent comme tels : le racisme d’État, la brutalité policière, la précarisation du travail, la souveraineté plénipotentiaire des banques, l’autonomie des multinationales via leurs filiales, le mépris de la culture, la trivialisation de la politique, la dépendance au pétrole et au nucléaire, ainsi que la cohabitation des contraires déguisée en “synthèse”… »

Une « révolution anesthésiante » donc, qui rend nécessaire, entre autres pratiques, de « borner sa pensée aux sentiers battus établis par l’institution », de bannir toute critique de la social-démocratie alors qu’elle « contribue à la pérennisation du capitalisme jusqu’à pousser sa puissance de destruction à ses dernières limites », de « châtrer la curiosité » et, en milieu professionnel, d’accepter d’être considéré.e seulement comme une « ressource humaine », c’est-à-dire un pion. Bref, le conformisme est de rigueur, sous peine d’être accusé.e de donner dans « “l’ultra-gauche”, le “terrorisme”, le “populisme” ou l’“archaïsme” — [des étiquettes définitives] toujours à disposition pour mettre hors-jeu la critique » : autrement dit « il faut penser mou et le montrer ».

Face à ce constat, comme l’écrit Alain Deneault, il serait temps de « remplacer la rengaine “qu’est-ce qu’on peut faire ?” par “On fait quoi ?” »