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Samedi 31 décembre 2016
3000 Nuits, film de Mai Masri. Tempête de sable, film de Elite Zexer. Entre les frontières, film d’Avi Mograbi. Corniche Kennedy, film de Dominique Cabrera. Vivere Film de Judith Abitbol. Notre révolution intérieure, film documentaire d’Alex Ferrini. Lumière ! L’aventure commence, montage des film restaurés des Frères Lumière. Valley of stars, film de mani Haghighi. Le concours, film documentaire de Claire Simon
Article mis en ligne le 3 janvier 2017
dernière modification le 4 janvier 2017

par CP

3000 Nuits Entretien avec la réalisatrice Mai Masri

Tempête de sable
Entretien avec la réalisatrice Elite Zexer

Et quelques uns des films qui sortent 2017 :

Entre les frontières
Film d’Avi Mograbi (11 janvier 2017)

Corniche Kennedy
Film de Dominique Cabrera (18 janvier 2017)

Vivere
Film de Judith Abitbol (18 janvier 2017)

Notre révolution intérieure
Film documentaire d’Alex Ferrini (25 janvier 2017)

Lumière ! L’aventure commence
Montage des films restaurés des Frères Lumière (25 janvier 2017)

Valley of stars
Film de mani Haghighi (25 janvier 2017)

Le concours
Film documentaire de Claire Simon (8 février 2017)

3000 Nuits Film de Mai Masri

Mai Masri a réalisé de nombreux documentaires, dont Rêves d’exil qui filment deux adolescentes séparées par l’exil. L’une vivant à Beyrouth et l’autre à Dheisheh, près de Bethléem. Elles se rencontrent via Internet et se lient d’amitié. Le film questionne les relations entre mémoire, rêve et identité palestinienne.

3000 Nuits est son premier film de fiction et narre une histoire ancrée, à la fois dans un contexte particulier, celui de l’occupation militaire, et dans une expérience universelle, celle de la prise de conscience d’une femme qui acquiert au fur et à mesure force, dignité et humanité.

Dès le générique, les très gros plans sur les poignets menottés, le froid, la pluie comme une blessure, provoquent immédiatement la sensation de brutalité, d’abus de pouvoir devenu la norme. En témoigne la séquence de l’interrogatoire de Layal, jeune enseignante de Naplouse, accusée à tort d’avoir participé à un attentat pour avoir secouru un jeune homme blessé. Suspendue par les menottes, elle est frappée, menacée et sommée d’avouer sa complicité.

Puis c’est l’entrée en cellule : la fouille, les hurlements des femmes enfermées en attente de procès qui craquent, le bruit des matraques qui résonnent sur les grilles des portes… Layal est poussée dans une cellule de prisonnières israéliennes de droit commun qui, d’emblée, l’agressent. Les affrontements entre les détenues politiques et les détenues de droit commun sont quotidiens ; les matonnes soutiennent les Israéliennes et leur procurent de la drogue. Prostrée dans un premier temps, Layal finit par réagir et, après une bagarre, elle est enfermée avec les prisonnières politiques palestiniennes, qui dans un premier temps se méfient d’elle. Pourquoi était-elle dans la cellule des Israéliennes ?

Dans les yeux de Layal se reflètent les grilles de la prison, seule vision de l’extérieur, qui, à l’image d’un cadran solaire, marque le passage du temps.

La jeune femme est enceinte et, lorsque la directrice de la prison et le compagnon de Layal lui conseillent d’avorter, elle refuse et décide de garder l’enfant. Peu à peu, son caractère se transforme, elle prend conscience et devient une autre femme…

3000 Nuits de Mai Masri est écrit comme un journal de l’enfermement, une observation quotidienne du système carcéral, de l’intérieur, auquel s’ajoute le contexte politique de l’occupation. Se basant sur de nombreux témoignages, la réalisatrice a construit son film comme une enquête, en même temps elle a su montrer les moments de grâce avec l’enfant, le lien avec les autres prisonnières, tant dans les brimades et la violence que, parfois, dans une solidarité bouleversante.

Est-il possible de survivre à la violence et à l’enfer de l’injustice, sans se perdre soi-même ? Au procès, Layal choisit de ne pas mentir et la sentence tombe — 8 ans de prison. La lecture d’un poème de Mahmud Darwish résonne soudain dans la prison : « ma cellule m’a sauvé du trépas ».

Nous sommes en 1980, deux ans avant les massacres de Sabra et Chatilah…

Tempête de sable Entretien avec Elite Zexer

Ce film, la réalisatrice semble l’avoir littéralement porté en elle durant des années, depuis sa rencontre avec les tribus bédouines, notamment avec les femmes qui, malgré une société conservatrice, tentent de la changer en luttant de l’intérieur. C’est l’histoire de Layla, qui est étudiante à l’université, soutenue par son père, Slimane, qui la pousse à acquérir une certaine autonomie, comme conduire par exemple.

Cependant la pression de la communauté est forte et l’oblige à épouser une seconde femme, n’ayant eu que des filles avec la première. Le film se déroule durant la période du mariage où Jalila, sa mère, qui ne supporte pas d’être remplacée par une seconde épouse, découvre que Layla est amoureuse d’un garçon qui n’est pas de la même tribu.

Convaincue que son père la soutiendra dans son choix, Layla lui présente le garçon, mais la rencontre tourne court. Incapable d’aller contre les traditions et le jugement d’autrui, Slimane décide de marier sa fille au plus vite. Layla se rebelle, mais elle est très vite confrontée à un dilemme : couper tout lien avec sa famille et épouser l’homme qu’elle aime ou bien accepter la tradition dans laquelle elle a été élevée.

Tempête de sable sera sur les écrans le 25 janvier.

Cet entretien a eu lieu à Montpellier, lors du 38e festival international du cinéma méditerranéen.

Entre les frontières Film d’Avi Mograbi (sortie nationale : 11 janvier 2017)

Le nouveau film d’Avi Mograbi, Entre les frontières, s’inspire du Théâtre de l’opprimé. Avec le metteur en scène Chen Alon, il questionne le statut de réfugié.e en Israël, c’est-à-dire le rejet et la discrimination vis-à-vis de personnes non juives qui ont fui la guerre et les persécutions de leur pays d’origine, principalement le Soudan et l’Érythrée.

Depuis des années, le réalisateur poursuit un travail de documentariste qui remet en cause les mythes fondateurs d’Israël. Qu’il s’attaque à l’occupation militaire et la violence à l’encontre de la population palestinienne, ou aux pratiques, tout aussi violentes, des autorités, consistant à garder des réfugié.es dans des camps qui sont des zones de non droit, Avi Mograbi s’efforce de susciter une prise de conscience de la société israélienne en regard de situations inacceptables. Quelle est, par exemple, la différence entre ces migrants africains et l’exil des populations juives persécutées ?

En Israël, il y a 50 000 demandeurs d’asile africains. Israël est signataire de la Convention de 1951 relative au statut des réfugié.es. Or, cette Convention doit s’appliquer de manière universelle, aux non juifs également. Mais le gouvernement, embarrassé par cette immigration qui s’accroît et rendu paranoïaque par une « menace démographique », n’a rien trouvé de mieux que de les parquer dans le camp de rétention de Holot, en plein désert du Néguev, espérant sans doute les pousser à un retour dans leur pays d’origine.

Avi Mograbi s’empare de cette problématique et, avec le metteur en scène Chen Alon, propose à des immigrés du camp de Holot de participer à un atelier théâtre et de raconter leur histoire selon les techniques du Théâtre de l’opprimé, mises en pratique par Augusto Boal dans les années 1970, en Amérique latine.

Le film commence avec la représentation de la dictature, en l’occurrence une chaise qu’occupe différents protagonistes qui s’auto déclarent ainsi dictateur : le siège devenant le pouvoir. C’est une manière d’exprimer l’oppression vécue dans leur pays, le danger qu’engendre une expression dissidente ou simplement différente. Le réalisateur entre lui-même dans le cadre et devient ainsi l’un des acteurs du film, de même que le metteur en scène Chen Alon qui incarne la position de l’État face aux exilé.es. « Ici, c’est un État juif » déclare Alon, qui ajoute « les conventions internationales, c’est juste sur le papier, elles sont écrites, mais non appliquées ». Le résultat, c’est le camp de Holot où sont relégué.es les exilé.es dans l’attente d’un statut, pour certains depuis 7 ans.

C’est là que réside le problème, le camp de Holot et ce qu’il représente. Et Mograbi d’expliquer : « nous vivons ici en Israël la même persécution que d’où nous venons. » En ajoutant : « Israël est un pays raciste où la question de la pureté de la race est sans cesse posée. Accepter de donner un vrai statut à ces réfugiés africains, c’est prendre le risque qu’ils restent s’installer chez nous. En effet, à moins que la situation ne s’améliore comme par miracle au Soudan, ils feront leur vie en Israël. Ils tomberont amoureux d’Israéliennes, ils auront des enfants… Ces enfants seront des métisses et dans mon pays, c’est un problème. »

Avec ce film, Entre les frontières, Avi Mograbi réalise encore une fois un film sans concessions. Il sort le 11 janvier 2017.

Corniche Kennedy Film de Dominique Cabrera (sortie nationale : 18 janvier 2017)

Dans Corniche Kennedy, récit des « minots de Marseille », on retrouve l’atmosphère de Samia de Philippe Faucon (2001) qui, pour la première fois, montrait les jeunes des quartiers de Marseille autrement que par le filtre des clichés habituels délivrés la plupart du temps dans les médias. Déjà, ça respire autre chose, d’autres regards, d’autres connivences, d’autres amitiés, l’éveil des amours, des désirs, des attirances… Il y a aussi le contexte des classes sociales avec le personnage de Suzanne qui rêve, depuis sa villa, des impressions fortes que connaissent les jeunes en plongeant de la corniche. L’endroit est impressionnant et il est interdit de sauter, c’est pourtant un moyen de s’évader pour ces jeunes, se dépasser dans un bref moment de gloire.

Dominique Cabrera révèle son amour de Marseille dès le premier plan, magnifique pano sur la baie depuis la mer et les riches villas de la corniche jusqu’au groupe d’adolecent.es, qu’elle filme « dans leur élan vital, leur beauté, leur humanité, leur grâce, leur force, leur poésie, leur liberté. » 20 ans, c’est « l’âge des possibles », c’est aussi l’âge des risques, celui d’être enrôlé dans le crime organisé par exemple. Et c’est là qu’intervient aussi le contexte social qui sous-tend le film et est mis en évidence par la réalisatrice. C’est vivre dans les quartiers au fort taux de chômage, avec la menace de la prison ou de la mort, dans un décor magnifique.

Il n’y a ni les bons ni les méchants dans le film, pas de morale ni de jugements faciles non plus. Il y a des mômes qui sont conscient.es de leur condition sociale, des flics qui ne savent pas comment s’y prendre pour infiltrer la machine mafieuse et endiguer la violence, les règlements de comptes, l’omniprésence de la pègre qui puise sa main d’œuvre dans les quartiers… Les flics et les jeunes délinquants viennent d’ailleurs des mêmes lieux, sont même parfois des anciens potes. Les frontières entre légalité et amitié sont minces, les rôles s’échangent, de même que la réalité sociale de la ville transparaît sans cesse.

La ville est filmée comme rarement, dans une lumière magnifique, tournée certainement hors de la période estivale. Lumière, limpidité, contrastes qui s’accompagnent d’une bande son et de musiques superbes, de dialogues servant magnifiquement le récit et le jeu des comédien.nes. On se souvient longtemps de Mehdi, Marco, Suzanne et les autres.

Corniche Kennedy de Dominique Cabrera est un conte méditerranéen, un état des lieux d’une ville mythique. Une très belle histoire et un beau film.

Vivere Film documentaire de Judith Abitbol

Vivere est un film documentaire à la fois personnel et généreux qui n’est pas sans rappeler la démarche de Kaouther Ben Hania dans son film Zayneb n’aime pas la neige (prochainement sur les écrans, il faut l’espérer). Vivere se déroule en effet sur huit années avec pour trame la relation entre une mère et sa fille, filmée pour « garder la mémoire de la vie des êtres aimés et conserver ces traces. »

La démarche annonce plusieurs films issus des rushes presque intimes de Judith Abitbol. Vivere est le premier film sur ces traces de personnes, mais aussi des animaux et des paysages.
Vivere sera sur les écrans le 18 janvier 2017.

Notre révolution intérieure Film documentaire d’Alex Ferrini

Trois garçons se disent que, finalement, cela vaudrait la peine de voir ce qu’il en est ailleurs de vivre autrement en accord avec ses rêves et ses attentes. Ce qu’ils connaissent ici leur semble voué à l’aliénation, donc pourquoi ne pas tenter ailleurs, faire d’autres choix, d’apprendre aussi. C’est vrai, « pourquoi se soumettre à l’éducation ? Tout sert de leçon. »

Et voilà nos trois amis décidés à partir loin et peut-être, grâce à une prise de conscience, « soigner la cause plutôt que les symptômes et les conséquences » d’une société occidentale mortifère, mondialisée et en perte d’utopies. Ils rompent donc avec la société de consommation et partent en bateau de l’autre côté de l’océan, vers l’Amérique du Sud et de nombreuses rencontres avec des chamans Incas, des directeurs d’écoles alternatives, des personnes impliquées dans la permaculture.

Notre révolution intérieure est un film sympathique, un peu dans la veine de Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent, avec en supplément la détermination d’une recherche profonde du sens de la vie. Insérés dans le film, les clips sur la société occidentale contemporaine, tout entière dominée par la consommation, sont critiques et très drôles. Il faut avouer que des jeunes décidant d’arrêter tout pour tenter autre chose, c’est plutôt réconfortant. Reste à savoir ce qu’ils feront ensuite de leur expérience. À suivre…

Notre révolution intérieure sort le 25 janvier 2017.

Lumière ! L’aventure commence

Un choix de films rares des frères Lumière, un choix composé et commenté par Thierry Frémaux. Nous voilà au tout début du cinématographe, en 1895. Des chefs-d’œuvre restaurés, des découvertes étonnantes, c’est aussi une leçon de cinéma, avec travellings et trucages. Une suite de films que l’on découvre ou que l’on revoit avec délices et curiosité.
Lumière ! L’aventure commence sort sur les écrans le 25 janvier 2017.

Valley of stars Film de Mani Haghighi

23 janvier 1965. Le lendemain de l’assassinat du Premier Ministre iranien, l’agent Babak Hafizi est envoyé par la police secrète sur l’île de Qeshm, à l’est du Golfe persique, pour enquêter sur le suicide suspect d’un dissident en exil. Parcourant la mystérieuse vallée des étoiles accompagné d’un géologue et d’un ingénieur du son, Babak va découvrir que ce lieu renferme bien des secrets : d’un cimetière hanté à une disparition mystérieuse, le trio devra essayer de démêler mythes et réalité.

Valley of stars de Mani Haghighi sort le 25 janvier 2017.

Le concours Film documentaire de Claire Simon

C’est le grand jour du concours pour entrer dans la prestigieuse école de la FEMIS (Fondation européenne des métiers de l’image et du son). La Femis, c’est la référence absolue de l’enseignement du cinéma, le graal en quelque sorte pour ceux et celles qui en rêvent du cinéma.

Le film documentaire de Claire Simon offre une vision, certes extérieure, mais plongeant dans les coulisses de la célèbre école de cinéma et les arcanes de la production cinématographique française.

Le concours est un titre parfait associé au conformisme du cinéma français, car il ressort de cette compétition que rien ne doit dépasser ou risquer de « rock the boat », autrement dit de déranger. Tout doit être lisse et codé… Il n’est pas de place ici pour une originalité trop marquée ou un enthousiasme effréné. Les critères, qui permettent au dernier jury de procéder à la cooptation ou non d’éventuels futurs talents, sont étonnants, l’idée de consensus est on ne peut plus floue et foutraque. « Quand une définition du consensus est tentée, personne ne donne la même » — sans commentaire serait-on tenté de dire. Une seule chose est évidente, la discrimination culturelle de classes qui transparaît au détour d’appréciations ou de jugements.

Le film de Claire Simon est passionnant, touchant et certainement à revoir… La réalisation est superbe, le montage magnifique et la fin très belle, le soir, en prenant de la hauteur. Fin de la représentation, on baisse le rideau.

Le concours est un film politique sur la sélection, grâce auquel on apprend beaucoup sur l’industrie cinématographique et sur la société. Le filmage des juré.es est une réussite, l’entretien avec celui ou celle qui rêve de la FEMIS, puis la délibération qui est une révélation…

Alors, « Ne rentre pas dans la Femis, rentre dans la vie ! »

Le concours de Claire Simon sera sur les écrans le 8 février 2017.