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Samedi 10 décembre 2016
Jota, Beyond Flamenco de Carlos Saura. 3000 Nuits de Mai Masri. Go Home de Jihane Chouaib. La danse des accrochés de Thibault Dentel. Paterson de Jim Jarmush
Article mis en ligne le 11 décembre 2016

par CP

Jota (Beyond Flamenco) de Carlos Saura

3000 Nuits de Mai Masri

La danse des accrochés de Thibault Dentel

Go Home de Jihane Chouaib

Paterson de Jim Jarmush

Entretiens avec Carlos Saura et Mai Masri

Côté DVD. Un coffret édité par Tamasa de 5 films interprétés par Alberto Sordi, cinq réalisateurs différents, cinq comédies grinçantes et une pléiade de comédien.nes. Deux films sont inédits en France, L’agent de Luigi Zampa (1960) et Détenu en attente de jugement de Nanni Loy (1971).

En compagnie de Philippe, de Tamasa distribution, que l’on connaît pour les DVD ou la sortie en salles de copies restaurées du réalisateur Elio Petri : les Jours comptés, l’Assassin, la Classe ouvrière va au paradis, Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon, la Propriété, c’est plus le vol, la Dixième victime… Et la future sortie du très attendu Todo Modo d’Elio Petri. Mais restent encore :

L’Instituteur de Vigevano (il maestro di Vigevano) (1963). Inédit en France.
Nus pour vivre (Nudi per vivere) (1964). Inédit en France.
Haute Infidélité (Alta Infedelta) (1964). Épisode : Péché dans l’après-midi.
À chacun son dû (A Ciascuno Il suo) (1967).
Un coin tranquille à la campagne (Un tranquillo posto di campagna) (1968).
Bonnes nouvelles (Buone Notizie) (1979). Inédit en France.

L’agent de Luigi Zampa (1960). Finalement admis à force de magouilles comme agent municipal de police, Otello Celletti parade dans son bel uniforme et ne met pas beaucoup de cœur à l’ouvrage. Il se fait rappeler à l’ordre : il change alors de méthode et devient extrêmement pointilleux. Un jour, Otello dépasse les bornes… Et retournement de veste !

Une vie difficile de Dino Risi (1961). Silvio refuse les concessions. Il rejoint la résistance contre les fascistes et publie un journal clandestin, il rencontre Elena qui le sauve des Allemands. Après la guerre, il devient journaliste avec un salaire de misère, et finalement ses articles critiques lui valent de se retrouver en prison. Malgré la naissance de son fils, il refuse de rentrer dans le rang et Elena, n’en pouvant plus, le quitte. Il essaie alors une autre manière…

Mafioso de Alberto Lattuada (1962). En vacances dans son village natal de Sicile avec sa femme et ses deux filles, Antonio Badalamenti est kidnappé par ses gangsters, enfermé dans une caisse et envoyé par avion aux Etats-Unis où on lui ordonne de liquider quelqu’un… Un des meilleurs films sur la mafia, loin des clichés habituels, grotesque, terrifiante. Une comédie noire, satiriques, pessimiste.

Détenu en attente de jugement de Nanni Loy (1971). Giuseppe Di Noi est géomètre et s’est marié en Suède où il vit depuis sept ans. Il décide de partir en vacances avec sa femme et ses enfants en Italie, son pays natal. Mais à la frontière, les choses se gâtent et l’absurde se met en branle… Un vrai cauchemar ! Le Procès de Kafka en comédie italienne…

L’argent de la vieille de Luigi Comencini (1972). Chaque année, une Comtesse convie Peppino et Antonia, Italiens pauvres qui habitent un bidonville avec leurs quatre enfants, à une partie de cartes. La Comtesse gagne, mais un jour, ils ont en main une fortune… Le pouvoir et la lutte de classes.

La Femme du dimanche de Luigi Comencini (1975). Un assassinat, un scandale au sein de la bourgeoisie de Turin… Polar, lutte de classes, Portrait au vitriol de la bourgeoisie.

Les Égarés de Francesco Maselli. 1943, une famille bourgeoise liée au fascisme, fuyant les bombardements de Milan, se trouve confrontée à un autre monde, celui des sans-abris, des ouvier.es et des partisans.

Jota (Beyond Flamenco) Carlos Saura

Jota (Beyond Flamenco), le nouveau film de Carlos Saura qui sort le 4 janvier 2017. Une avant-première est proposée au public le 12 décembre au Majestic Passy (75016).

Le film est parfait, dans la lignée des films musicaux du réalisateur, connu pour ses nombreux films comme La Caza (1966), Cria Cuervos (1976), Deprisa, deprisa (Vivre vite, 1981) qu’il sera possible de voir ou revoir bientôt en copie restaurée. Dans ses films musicaux réalisés à partir des années 1980, Carlos Saura explore, avec plaisir et curiosité, l’origine, le contexte culturel et social, les formes différentes des musiques qu’il aime, le mouvement, la danse, l’expression musicale « à l’état pur » comme il le dit, sans intervention de la narration. Autrement dit : place à l’émotion profonde et universelle, au-delà de frontières susceptibles de limiter le plaisir et l’imagination.

Ce nouveau film de Saura, comme à l’accoutumée admirablement maîtrisé, Jota, Beyond Flamenco, est un éblouissement, tant par les sons, l’interprétation des artistes, les danses, les enchaînements, les effets visuels et la scénographie.

Avec Sara Baras, Miguel Ángel Berna, Carlos Núñez, Manuela Adamo, Alberto Artigas, Ara Malikian, Nacho del Río, Giovanni Sollima, Enrike Solinís, Francesco Loccisano, Valeriano Paños, Miguel Ángel Remiro Cuarteto, Vincenzo Gagliani, Amador Castilla, Cañizares.

Il y a tout juste un an, au moment de la sortie de son précédent film, Zonda (Argentina), nous avions, avec Daniel Pinos, rencontré Carlos Saura à Paris. Il avait évoqué son plaisir de réaliser ces films musicaux et, à cette occasion, avait annoncé le prochain film, Jota, qui était encore en production. Nous avons donc repris ce passage en commençant par un extrait musical de Zonda, sorti l’année dernière.

3000 Nuits Film de Mai Masri

Première partie d’un entretien avec Mai Masri, enregistré le 7 décembre, à propos de son film, 3000 Nuits, qui sera sur les écrans le 4 janvier 2017. L’entretien complet sera diffusé en fin d’année, en présentant également quelques-uns de ses documentaires.

Dès le générique, les très gros plans sur les poignets menottés, le froid, la pluie comme une blessure, donnent immédiatement l’idée de l’enfermement, de la brutalité qui s’impose, de l’abus de pouvoir devenu la norme. Puis, c’est une scène d’interrogatoire où Layal, jeune enseignante de Naplouse, est accusée d’avoir participé à un attentat parce qu’elle a secouru un jeune homme blessé. Suspendue par les menottes, frappée et menacée à demi mots, elle est sommée d’avouer sa complicité.

Puis c’est l’entrée en cellule : la fouille, les hurlements des femmes enfermées en attente de procès et qui craquent, le bruit des matraques sur les grillages des portes… Layal est placée dans une cellule de prisonnières israéliennes de droit commun qui, d’emblée, l’agressent. Jour après jour, ce sont des affrontements entre les détenues politiques et détenues de droit commun ; les matonnes soutiennent les Israéliennes et leur procurent de la drogue. Dans un premier temps, Layal est totalement prostrée, mais elle finit par réagir et, après une bagarre, elle est enfermée avec les prisonnières politiques palestiniennes, qui d’abord se méfient d’elle. Pourquoi était-elle dans la cellule des Israéliennes ?

Dans les yeux de Layal se reflètent les grilles de la prison, seule vision de l’extérieur, qui marquent le rythme des jours, comme un cadran solaire.

Layal découvre bientôt qu’elle est enceinte et, lorsque la directrice de la prison et son époux la poussent à avorter, elle décide de garder l’enfant. Peu à peu, elle devient une autre femme…

3000 Nuits de Mai Masri est écrit comme un journal du quotidien de l’enfermement, une observation du système carcéral de l’intérieur auquel s’ajoute le contexte politique de l’occupation. Se basant sur de nombreux témoignages, la réalisatrice a construit son film comme une enquête en même temps qu’elle a su garder les moments de grâce avec l’enfant, le lien avec les autres prisonnières, tant les brimades et la violence que, parfois, une solidarité bouleversante.

Comment survivre en enfer ? Quand la sentence tombe — 8 ans de prison —, c’est la lecture d’un poème de Mahmud Darwish qui soudain résonne dans la prison : « ma cellule m’a sauvé du trépas ».

Nous sommes en 1980, deux ans avant les massacres de Sabra et Chatilah…

Go Home Film de Jihane Chouaib

Autre film qui s’inscrit dans l’histoire du Moyen Orient, également réalisé par une cinéaste, Jihane Chouaib, et interprété par une comédienne magique, Golshifteh Farahani qui incarne Nada.

De retour au Liban après la guerre civile, Nada se réfugie dans la maison de famille qui est en ruines. Mais que s’est-il passé dans cette maison au moment de la guerre ? La jeune femme, qui se sent étrangère dans son pays, cherche à comprendre les secrets de la maison et les raisons du silence autour de la disparition de son grand-père.

Go Home de Jihane Chouaib est sur les écrans depuis le 7 décembre 2016.

Paterson Film de Jim Jarmush

Une semaine, du matin jusqu’au soir, dans la ville de Paterson, New Jersey, où ont vécu des poètes comme Alan Ginsberg, William Carlos Williams et des militants anarchistes comme Gaetano Bresci… Mais aujourd’hui la ville semble oubliée, désertée.

Dans Paterson vit un jeune homme à qui l’on a donné le même nom, Paterson… Il faut le porter ! Chaque jour, il écrit des poèmes en prose sur un carnet secret et conduit un bus ; chaque soir, il promène Marvin, un bouledogue qui a du caractère et va jouer un rôle déterminant dans la vie de Paterson. Une vie en fait réglée comme du papier à musique auprès de Laura, sa compagne, qui, elle littéralement, pétille d’enthousiasme et multiplie les créations — en noir et blanc —, les projets et décide de devenir une chanteuse de country.

On pense à Stranger than Paradise, un des premiers films de Jarmush, par les rencontres avec la jeune poétesse, le chanteur de rap, le patron du bar très philosophe, l’amoureux transi, les jeunes anarchistes du bus, ou encore le poète japonais, et aussi à l’écoute des textes de Paterson, sortes de haïkus ininterrompus qui rythment le film. Le quotidien banal se transforme en poésie.

Paterson de Jim Jarmush sort en salles le 21 décembre 2016.

La danse des accrochés

Film de Thibault Dentel

C’est sans doute le premier film de fiction qui aborde avec une telle acuité la réalité d’une semi liberté, le vécu du bracelet électronique, c’est-à-dire être sous surveillance constante, avec menace de châtiment. L’épée de Damoclès, c’est l’appareil qui capte les déplacements de la personne libérée et les endroits qui lui sont autorisés. Les heures « libres » sont celles, très limitées, où le prisonnier travaille.

Vincent a passé une vingtaine d’années en prison et a obtenu de vivre chez son cousin Didier pour effectuer le reste de sa peine, dix mois, avec un bracelet électronique. Pas facile de se reconstruire avec l’angoisse que le matériel pénitentiaire tombe en rade, qu’il y ait une panne d’électricité par exemple… S’ajoute à cela une impossibilité de dormir, le manque de relation sexuelle alors que son cousin vit avec une compagne. De son côté, Didier est animé par une haine tenace vis-à-vis de sa mère qu’il juge responsable du suicide du père.

La danse des accrochés, filmé dans un noir et blanc contrasté, est un récit sous tension dans lequel « accrochés » a plusieurs sens, accroché par un bracelet électronique, accroché par l’alcool, accroché par la corde du pendu, par les histoires de famille, par l’ennui, les rancœurs et les choix sans retours possibles… Drôle de temps pour une sortie anticipée de taule, sous surveillance aléatoire, parce que le matériel n’est pas fiable. Et dans le cas d’une panne, qui est responsable ?

La danse des accrochés de Thibault Dentel est sur les écrans depuis le 7 décembre 2016.