Chroniques rebelles
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Samedi 2 septembre 2017
Quartier en guerre. New York années 1980 de Seth Tobocman. Demain les flammes. Fanzines 1 et 2
Article mis en ligne le 6 septembre 2017
dernière modification le 1er juillet 2017

par CP

Quartier en guerre

New York années 1980

Seth Tobocman

(éditions CMDE, traduction Julien Besse)

Et

Demain les flammes Fanzines 1 et 2

Rencontre avec Paulin à St Jean du Gard en avril 2017.

La rentrée des chroniques rebelles sera créative et radicale avec un roman graphique de Seth Tobocman, Quartier en guerre. New York années 1980 et Demain les flammes, des fanzines qui éclatent les codes et rejettent les règles comme un carcan encombrant, un boulet anti-révolte et anti-rêve.

Ronald Reagan arrive au pouvoir fin janvier 1981, la politique sécuritaire règne et les spéculations immobilières vont bon train dans le quartier populaire du Lower East Side, en plein cœur de New York. La gentrification ou comment chasser une population modeste, ou marginale, du centre ville pour installer des super marchés et des logements pour yuppies. Wall Street et la haute finance n’est pas loin. Profit, not People !

Enough is enough ! dénonçait la population lors de manifestations contre les violences policières. Le profit avant tout et qu’importe le peuple, c’est la doctrine qui, avec la dérégulation de l’économie, prend un essor particulier dans les années Reagan qui marquent la renaissance de la droite états-unienne. La gentrification a depuis fait des émules et s’est exportée un peu partout dans le monde.

Quartier en guerre est un roman graphique magistral, tant par le dessin, les angles et les cadres choisis, le texte, les témoignages, les portraits d’hommes et de femmes que l’auteur a croisé, ou connu, dans une succession de récits qui représentent une décennie de lutte de la population pour défendre son quartier, son parc, son squat. Seth Tobocman joue avec le rythme des images et des textes qui s’y imbriquent, en mouvement, comme avec une caméra de l’intérieur. Quartier en guerre, c’est de la résistance à l’état brut, exprimée par un dessin, un graphisme puissant, une évocation brutale à l’image des violences que vivaient les protagonistes des récits. Seth en faisait partie et ce roman est aussi un journal des luttes qu’il conclue ainsi : « les circonstances changent et exigent de nouvelles réponses. J’espère que vous pourrez vous servir de tout ça pour construire quelque chose de nouveau et de meilleur. »

En écho, Mumia Abu-Jamal lui répond depuis sa taule : « Il est grand temps d’avancer une nouvelle vision, plus radieuse et plus positive, et de parier sur la libération des pauvres, qui sont quand même la vaste majorité des habitants de cette planète, plutôt que sur la répression. Il n’y a rien à attendre des pratiques politiques tortueuses et des théories économiques stériles qui traitent les gens comme de simples unités de compte. Car ce sont les mêmes politiciens pour lesquels ils ont voté qui leur crachent à la figure, tandis que les économistes les effacent d’un trait de plume.

C’est une véritable rébellion de l’esprit qui doit venir des pauvres eux-mêmes et réaffirmer la valeur intrinsèque de leur humanité, laquelle repose sur ce qu’ils sont plus que sur ce qu’ils possèdent. »

La postface de Quartier en guerre — à la manière d’un bilan des luttes dans lesquelles Seth Tobocman était impliqué — est remarquable pour sa lucidité critique et autocritique, le sens même de cette BD engagée. Cela donne envie de poursuivre les luttes, « de foncer », autrement peut-être… C’est bien « de tenter des trucs insensés juste pour voir. De rencontrer toutes sortes de gens. Il n’y a rien de mal à associer art et politique. L’art s’en trouve amélioré et la politique plus pertinente. »

Avec Paulin, Suzanne et Celio du collectif des éditions du CMDE.

Et

Demain les flammes

On reste dans la subversion avec Paulin des éditions CMDE et deux numéros de fanzines à découvrir absolument. Ça se veut sans codes, sans frontières et ça réussit. On y parle de musiques, de pop iranienne, de rock zambien, de littératures prolétariennes, du mouvement punk, non pas celui qui est récupéré comme beaucoup de musiques, mais le punk qui fout tout en l’air et balance les dogmes comme on balance des pavés.

Faut dire que l’industrie musicale flaire rapidement l’engouement, l’envie d’entendre autre chose et l’émergence d’une création populaire de la révolte… Il n’y a pas de petits profits et la guerre commerciale domine chez les petits malins, bien incapables de créer eux-mêmes, sinon de récupérer, de fabriquer des artistes aux normes et de produire des musiques savonnettes.

Mais Demain les flammes, c’est bien autre chose… Des rencontres curieuses, des ambiances, des visions, des photos superbes, des histoires différentes, de la culture à contre-courant, des axes d’approche qui parfois déglinguent ou surprennent… C’est l’esprit des fanzines.

Déjà deux numéros, un espace d’expression inattendue. On espère que ça continue…
Au printemps, j’ai découvert Demain les flammes, grâce à la bibliothèque-infokiosque de St Jean du Gard, dans les Cévennes. Et j’ai voulu le partager… [1] [2]