Chroniques rebelles
Slogan du site
Descriptif du site
Christiane Passevant
Lila dit ça, film de Ziad Doueiri
Voyage entre deux personnages
Article mis en ligne le 8 décembre 2007
dernière modification le 3 octobre 2010

par CP

Film franco libanais de Ziad Doueiri (2004)
avec Vahina Giocante, Mohamed Khouas, Karim Ben Haddou… Le film est sorti sur les écrans le 26 janvier 2005.

Considéré comme l’un des représentants du renouveau du cinéma libanais, Ziad Doueiri a certainement fait connaître la création cinématographique après la guerre civile libanaise (1975-1990), tant au plan international que moyen-oriental. Avec West Beyrouth, son premier long métrage, Ziad Doueiri a réalisé à la foix un film d’auteur et populaire. Succès depuis sa sortie en 1999, le film illustre un courant très intéressant du jeune cinéma libanais qui s’adresse tant à un public international que national.

Pour son second film, Lila dit ça , Ziad Doueiri – qui a longtemps travaillé pour des films indépendants aux États-Unis, notamment avec Quentin Tarantino – s’est lancé dans une tout autre expérience. Alors qu’il a construit son premier scénario sur des souvenirs personnels du début de la guerre civile à Beyrouth, Lila dit ça est l’adaptation d’une fiction : « Quand j’ai reçu le livre pour une adaptation, j’ai d’abord eu beaucoup de réticences. Le livre était écrit à la première personne, sans dialogues, sans structure, une histoire racontée. Ce qui faisait son charme, mais ne fonctionnait pas pour un film. Construire l’histoire nous a pris du temps, à trois. Aujourd’hui, après des doutes, notamment durant l’écriture, ou même pendant le tournage, je suis très content du résultat. Le film est assez stylisé. Il n’en reste pas moins qu’il est difficile de caser ce film dans une catégorie : film français, film d’auteur ou film commercial. L’actrice est formidable, elle a déjà tourné pas mal de films et elle est connue grâce à Marie, baie des anges de Manuel Pradal (1998) ». Lila dit ça, un jeune homme raconte sa manière d’être différent… Différent des autres, de ses copains qu’il suit pourtant pour ne pas être seul : refus, résignation, apathie… Il croise Lila, différente elle aussi. Cela pourrait être le départ d’une classique histoire amoureuse, mais l’adaptation de Ziad Doueiri met en scène des personnages bien plus complexes. Le réalisateur de West Beyrouth fait de Lila un personnage troublant que Chimo découvre en même temps que son entourage : « C’est un voyage entre ces deux personnages, à travers leur relation et celle-ci aux autres. Une histoire qui reste mystérieuse, allusive. »

Il y a d’abord l’érotisme spontané de Lila, ses fantasmes qu’elle livre au jeune homme troublé par une sensualité féminine revendiquée. Les rôles sont ici inversés dans le jeu de la séduction, Chimo est passif, retenu, Lila prend les initiatives et évoque ses désirs. Dans cette relation, la sexualité bouscule tous les critères attendus, la connivence magique entre les deux doit cependant rester secrète pour perdurer. Et Lila change la vie de Chimo. Une vie tracée d’avance dans le non avenir d’une société convenue. Sa rencontre avec Lila remet en question sa perception des sentiments, ses envies, les codes imposés d’une société formatée.

L’action se déroule à Marseille bien que ce soit une ville générique comme le déclare le réalisateur : « Je ne voulais pas localiser cette histoire, mais revenir à la Méditerranée que je connais très bien avec West Beyrouth. Je voulais recréer cette intimité entre les bâtiments, les petites ruelles qui zigzaguent, les gens dans les rues, sans rien faire, des scènes familières à Beyrouth. J’ai voulu recréer cette atmosphère méditerranéenne que j’aime beaucoup, celle qui m’a le plus marqué. » Lila dit ça n’est pas un nouveau film sur les banlieues, mais traite de la sexualité transcendée, de la fragilité des rapports hommes/femmes, de l’interdit du désir et de ses expressions, de la pression des codes obligés, du choix aussi et du rêve.
Le caractère intimiste du récit, la relation entre les deux personnages sont encore accentués par les cadres qui s’intègrent parfaitement dans la narration — la promenade en mobylette à travers un port désert —, de même que la voix off de Chimo qui scande le récit. Autre belle image — onirique vision du désir —, celle de Lila allongée sur le capot de la voiture conduite par les amis de Chimo. Lila qui rêve tout haut des fantasmes qu’elle s’invente, qu’elle construit au hasard des lectures, des images croisées, et qu’elle s’attribue. Poésie et réflexion sur l’éveil de la sexualité dans un cadre à la fois répressif et commercialement débridé.

Un joli second film, émouvant et troublant comme Lila. Déroutant comme un récit qui ne s’achève pas vraiment…


Dans la même rubrique

This is my land
le 5 octobre 2015
par CP
Rendez-vous à Atlit
le 5 octobre 2015
par CP
On récolte ce que l’on sème
le 5 octobre 2015
par CP
Our terrible Country
le 5 octobre 2015
par CP
Yamo
le 4 octobre 2015
par CP