Chroniques rebelles
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Samedi 5 octobre 2019
Divertir pour dominer 2. La culture de masse toujours contre les peuples. cinéma : Nos défaites de Jean-Gabriel Périot. Viaje de Celia Rico Clavellino. Chambre 212 de Christophe Honoré. Festivals et 7ème Panorama du cinéma colombien
Article mis en ligne le 6 octobre 2019
dernière modification le 5 décembre 2019

par CP

Divertir pour dominer 2
La culture de masse toujours contre les peuples

Dirigé par Cédric Biagini et Patrick Marcolini

Lectures par Nicolas Mourer : Les musées et les séries (1)

Dans la seconde partie des chroniques, trois films : Nos défaites de Jean-Gabriel Périot (9 octobre) ; Viaje de Celia Rico Clavellino, sur les écrans depuis le 2 octobre, et Chambre 212 de Christophe Honoré, sortie le 9 octobre.
Enfin place aux festivals, le Festival Cinespaña, qui vient de commencer et se poursuit jusqu’au 13 octobre à Toulouse. Le Festival international du cinéma méditerranéen, 41e CINEMED, du 18 au 26 octobre à Montpellier, deux festivals qui proposent des films en compétition, des avant-premières, des découvertes, des rétrospectives, des rencontres… et enfin, pour présenter le 7e Panorama du cinéma colombien, qui se déroule du 9 au 15 octobre au cinéma reflet Médicis à Paris nous serons en compagnie de Sebastien Coral et de François Fleury, réalisateur d’un moyen-métrage sur les légendes amazoniennes.

Inversion dans les programmes du 5 et 12 octobre 2019

Divertir pour dominer 2
La culture de masse toujours contre les peuples

sous le direction de Cédric Biagini et Patrick Marcolini

Visionnage boulimique de séries, addiction aux jeux vidéo, gamification des activités sociales, consommation devenue divertissement, pornographie banalisée, invasion des musées par les marques, etc. etc.
Aucun espace n’échappe aux productions culturelles du capitalisme hypermoderne et « branché », cela va de soi. Le culte du fun, de la transgression « tendance » et programmée, la quête de sensations fortes, l’exaltation du narcissisme fabriquent en quelque sorte un nouveau type d’individu, ou du moins s’efforcent d’en développer le processus.

Face à cette déferlante, certain.es voient dans cette culture de masse l’art de notre temps, un reflet de la société "démocratique", s’imaginant subversive. D’autres s’évertuent à dépister les stéréotypes, les rapports de domination, histoire de fantasmer une possible réappropriation des contenus.

Divertir pour dominer — seconde publication sur la question aux éditions l’échappée — se veut à contre-courant de cette mode et s’inscrit dans la critique du spectacle, de l’aliénation et des modes de vie capitaliste. Autrement dit : comment les derniers avatars de la culture de masse, efficaces et omniprésents, domestiquent les esprits.

Voici donc un premier volet de lectures, avec deux des thèmes abordés dans l’ouvrage, Divertir pour dominer. La culture de masse toujours contre les peuples, d’abord sur l’art et les musées avec des extraits de « Du virtuel dans l’art et dans les musées en particulier » de Thierry Vandennieu, suivis de « Aliénation en série » de Cédric Biagini.

Nos défaites
Un film de Jean-Gabriel Périot (9 octobre 2019)

Entretien avec le réalisateur

Après cette analyse concernant la marchandisation de l’art et les conséquences des séries télévisées, c’est à présent une rencontre avec un cinéaste, Jean-Gabriel Périot, à l’occasion de la sortie de son nouveau film documentaire, Nos défaites, le 9 octobre. Dans un livre, intitulé Ce que peut le cinéma, dans lequel il converse avec Alain Brossat, il confie rêver « d’un cinéma politique qui interroge de manière critique le monde tout en restant dans une inventivité formelle, un cinéma qui permettrait d’adresser des films à un public [divers] et non pas à un public par avance convaincu soit du fond politique, soit de la forme expérimentaliste de ces films »… Or, en voyant Nos défaites, force est de constater qu’il a réussi cette gageure. Sans pour autant d’ailleurs avoir choisi la facilité.

En partant de la réinterprétation d’extraits issus du cinéma politique des années 1960-1970 par des lycéen.nes, le réalisateur associe ces remake aux interviews des jeunes interprètes. Comment en effet appréhendent-ils/elles le monde d’aujourd’hui ? Le désir de le changer est-il une préoccupation et sous quelle forme s’exerce-t-elle ? Quelle est également la résonance, s’il y en a une, des textes politiques des générations précédentes sur leur langage et leur vision d’une réalité contemporaine ? Sans doute, une partie du public s’arrêtera à une première impression de « vide intellectuel » de ces jeunes, mais il faut plutôt interroger la responsabilité d’un « système » et d’institutions qui ne songent qu’à faire taire toute prise de conscience.

N’empêche que l’éveil des consciences à l’occasion d’événements peut rapidement faire basculer ce que l’on pourrait qualifier d’apathie. Le mouvement des Gilets jaunes en étant une illustration.

« Faire des films est avant tout une façon de me forcer à travailler, à réfléchir, à comprendre un tant soit peu le monde dans lequel je vis [explique Jean-Gabriel Périot]. Ma pratique du film est très intuitive et rien n’est plus difficile pour moi qu’expliciter ce que je cherche et comment les outils que j’utilise peuvent m’aider dans cette recherche. Ce qui peut paraître "évident" [pour le public] une fois un film réalisé ne l’a jamais été pour moi pendant le processus de travail ».

Cette rencontre avec Jean-Gabriel Périot sera diffusé en deux temps, le film faisant tout un périple en France, donc il est important de le suivre.

Ma première question à Jean-Gabriel porte sur le titre : pourquoi ne pas avoir préféré « L’important, c’est le combat, pas les victoires » à celui finalement retenu de Nos Défaites ?

Autres sorties cinéma :

Viaje de Celia Rico Clavellino (2 octobre)
Pas facile d’accepter la séparation pour une mère et sa fille, ni pour l’une, ni pour l’autre. Viaje parle du moment essentiel de prise d’indépendance pour l’enfant devenu adulte, de même que de la complexité, de la fragilité des liens familiaux. « Vos enfants ne sont pas vos enfants » écrivait le poète Khalil Gibran, c’est évident, mais pas facile à intégrer pour Estrella et sa fille Leonor, d’autant qu’elles vivent seules et sont très complices.

Celia Rico Clavellino réussit là un « film intimiste sur la séparation nécessaire, mais pas toujours évidente, qui accompagne les relations parents-enfants. Les enfants finissent toujours par quitter le nid. C’est un passage obligé, du moins c’est ce que l’on dit. Et pourtant, se lancer dans cette aventure n’est pas sans risque. Car il s’agit bien d’une aventure, pas seulement pour ceux [et celles] qui partent de la maison. En effet, lorsque les enfants prennent effectivement leur envol, ils laissent un vide dans la maison que personne n’est sûr de pouvoir vraiment combler. Je voulais investir cet espace [explique la réalisatrice] pour explorer une relation longue distance entre une mère et sa fille. De nombreux films ont traité du thème de l’émancipation et de la quête d’indépendance chez les jeunes. Mais très peu se sont intéressés aux parents laissés de côté. » D’où le rôle central de la mère, interprétée avec sensibilité et retenue par Lola Dueñas.

Magnifique et émouvant rôle de mère dont la vie tourne autour de sa fille.
Viaje est en fait un voyage dans l’intimité de la mère, dans sa chambre, car elle travaille chez elle, elle est couturière, et Leonor, sa fille, va soudain prendre le large, littéralement car elle part à Londres pour travailler au pair. La relation mère-fille est vue ici du point de vue de la mère, de ses inquiétudes, ses envies de discuter avec Leonor, sans doute occupée, son sentiment de solitude et sa fragilité… C’est le très beau portrait d’une femme simple et tendre.
Viaje de de Celia Rico Clavellino est en salles depuis le 2 octobre.

Chambre 212 de Christophe Honoré (9 octobre)

À la suite d’une infidélité que découvre son compagnon, Maria se dit qu’après 20 ans de mariage, il serait bon de faire une pause et de réfléchir au sens d’une vie de couple. Elle part donc s’installer dans une chambre d’hôtel, la 212, juste en face son immeuble. La première impression est que le personnage de Maria se comporte plus comme un homme vis-à-vis de la consommation du sexe, du moins dans le rôle masculin classique qui est généralement attribué à ces derniers. Mais dans ce cas, Richard, n’est pas dans cette démarche et est plutôt choqué du détachement de Maria vis-à-vis de la situation et du fait qu’elle n’accorde aucune importance aux différentes relations sexuelles qu’elle vit avec de jeunes hommes. Ben quoi, c’est normal ! Après 20 ans de mariage !

Il voit cela d’un autre œil. Blessé par la légèreté de sa compagne, Richard rétorque ne jamais l’avoir trompée ! Maria, qui vient de quitter son amant étudiant, a croisé un jeune homme très sexy dans la rue, ne comprend absolument pas la dichotomie des attitudes à l’intérieur de son couple et tente de dédramatiser la situation. Richard s’enferme alors dans leur chambre tandis qu’elle décide de s’installer dans la chambre d’hôtel 212, qui plonge littéralement dans son appartement pour tenter de faire le point. Elle se demande quand même si quitter le domicile conjugal aussi rapidement était la bonne décision.

C’est alors que, à son insu, la chambre 212 se transforme en une « chambre d’hôtes », envahie par des personnages de sa vie qui s’arrogent le droit de parler à sa place, d’analyser sa vie et d’imposer des jugements. « Faisons comme si [explique Christophe « Honoré] une femme, Maria, avait une nuit la révélation qu’elle possède le don de voir combien les individus qui l’entourent sont toujours plus nombreux que ce qu’ils ne paraissent. Son mari Richard est aussi Richard son jeune fiancé, et Richard l’adolescent qu’elle n’a pas connu. Sa rivale Irène est aussi Irène le modèle de sa vie future. Son amant Asdrubal est à lui seul tous ses amants... Maria serait comme un astre fixe attirant autour d’elle des satellites qui ne cessent de se multiplier. Le récit suit les étapes empoisonnées de cette invasion, et construit en même temps avec Maria, l’antidote pour leur échapper. Faisons comme si une femme, Maria, faisait l’expérience de retrouver sa voix parmi toutes les voix qui l’encombrent. » Et plus Maria s’efforce de prendre de la distance et de réfléchir à sa vie, plus les protagonistes des différentes périodes de sa vie s’installent, s’incrustent même dans la chambre, celle-ci devenant le théâtre d’une comédie peu commune dans une ambiance alternant entre psychanalyse et humour. On pense évidemment à Woody Allen.

« Maria a traversé une rue, espérant prendre du recul, s’envisager de l’extérieur, avoir une vue plongeante sur son appartement, son mari, son mariage. Or la voilà confrontée non pas à la solitude, mais au groupe bruyant de ceux qui prétendent avoir souffert d’elle, de sa liberté, de ses désirs. Parmi eux, Maria se retrouve comme prisonnière de signes plus ou moins agressifs et qu’elle se doit d’interpréter. » S’ensuit une nuit des plus loufoques et des plus mouvementées… Assumer ses désirs, accepter ceux des « autres », un vrai casse-tête pour un « conte conjugal »… en labyrinthe.
Chambre 212 de Christophe Honoré sort le 9 octobre.

Le 24e Cinespaña, à Toulouse jusqu’au 13 octobre, est un rendez-vous majeur du cinéma espagnol, le Festival international du cinéma méditerranéen, 41ème CINEMED le suit de près, du 18 au 26 octobre, avec comme chaque année, une myriade de films. En attendant voici un avant-goût avec quelques-unes des avant-premières : Noura rêve de Hinde Boujemaa ; Tiempo después de José Luis Cuerda — un film complètement déjanté ! — ; Le Traitre de Marco Bellocchio — sur la mafia — et en ouverture du CINEMED : Adults in the Room de Costas-Gavras.

Et pour clore l’émission, rencontre avec Sebastien Coral et François Fleury, réalisateur d’un moyen-métrage sur les légendes amazoniennes, pour prtésenter le 7e Panorama du cinéma colombien, à Paris.
Panorama du cinéma colombien du 9 au 15 octobre au cinéma reflet Médicis,
mais aussi à l’arlequin.
Un festival incandescent !
https://www.panoramaducinemacolombien.com/