Chroniques rebelles
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Samedi 31 octobre 2020
Émission non diffusée pour cause de confinement
Article mis en ligne le 5 janvier 2021

par CP

La Colonie pénitentiaire
De Franz Kafka

C’est en lisant K. comme Kolonie. Kafka et la décolonisation de l’imaginaire de Marie José Mondzain, dont nous avons diffusé l’entretien la semaine dernière sur l’antenne de Radio Libertaire, qu’il est apparu comme évident de réaliser une lecture de la nouvelle de Kafka, la Colonie pénitentiaire, dans les chroniques rebelles. Non seulement pour analyser jusqu’où peut aller la cruauté des stratégies de domination, l’inhumanité au nom de la répression, mais également en raison de son incroyable actualité. Le modèle colonial n’a rien perdu de sa puissance, comme le souligne Marie-José Mondzain, parce qu’il est inhérent à l’impérialisme capitaliste.

Fiction visionnaire, La Colonie Pénitentiaire de Kafka ouvre le chemin d’une interrogation générale sur le système totalitaire, sa logique technocratique et sur la relation à une machine qui soumet, qui torture, qui tue… Car il s’agit d’inscrire dans la chair du/de la condamné.e le motif de la punition jusqu’à ce que mort s’ensuive… Et cela sans qu’il y ait de révolte de la part des juges, des exécutants, des coupables ou des témoins. Écrite en octobre 1914, cette nouvelle de Franz Kafka paraîtra en 1919.
Lecture de Nicolas Mourer

Basta capital
Film de Pierre Zellner sur les écrans le 4 novembre

Entretien avec le réalisateur (première partie)
L’idée du film, Basta capital, « est née de la conviction qu’il était nécessaire de déstructurer l’aspiration révolutionnaire anticapitaliste pour la rendre concevable dans le monde moderne. J’ai souhaité par cette histoire [explique Pierre Zellner] développer l’idée qu’un changement de logiciel était le seul choix lucide pour construire une société durable. [Et grâce à la fiction] donner à voir les modalités très concrètes d’une transformation sociétale en s’affranchissant du cadre que la propagande néolibérale nous présente comme indépassable. »
Basta capital est donc une fable sociale et politique qui a pour but de susciter des débats sur les pratiques révolutionnaires face à un pouvoir qui va dans le mur et dont la logique tient en un mot : profit.

17 Blocks
Film de Davy Rothbart ( 4 novembre sortie décalée au 25 novembre)
Sur les écrans également le 4 novembre,
Washington DC. La famille Sanford-Durant filme les événements familiaux durant deux décennies, il en résulte un film émouvant et ancré dans une réalité sans fioritures, une réalité brute. Leur maison, à 17 blocks ou pâtés de maison, du Capitole, se trouve dans un quartier chaud. La population de Washington DC est en majorité africaine américaine et la pauvreté, la drogue font partie du quotidien.

Cette chronique familiale est d’autant plus intéressante que les séquences, tout au long de ces deux décennies, sont filmées par les protagonistes eux-mêmes, tout le monde prend la caméra à un moment où à un autre. On suit d’abord la mère qui visite sa maison d’enfance, puis on remonte dans le temps et ce sont différentes tranches de vie d’une famille mono parentale avec ses difficultés, ses fêtes, ses crises, ses engueulades, ses drames, bref la vraie vie.

Emmanuel Sanford-Durant, tué à 19 ans, est l’initiateur et le fil conducteur de cette expérience. Réalisé dans une unique collaboration avec le réalisateur et journaliste Davy Rothbart, 17 Blocks témoigne de la discrimination, mais également du mal être de tout un pays, à travers une saga familiale attachante.
17 Blocks de Davy Rothbart est sur les écrans le 4 novembre.

The Wicker Man
Film de Robin Hardy

Troisième version du film, encore inédite en France (4 novembre 2020)
Avant de devenir un film culte et d’être considéré par le British Film Institute comme l’un des meilleurs films de l’histoire du cinéma britannique, The Wicker Man a connu un destin plutôt chaotique avec ses trois versions et a tout du film maudit.

L’histoire se déroule sur une île écossaise où une jeune fille aurait disparu mystérieusement sans laisser aucune trace. Un policier décide d’aller enquêter sur place, après avoir reçu une lettre anonyme, mais se heurte au mutisme de la population et au manque de preuves de l’existence même de la jeune fille. Sur l’île, l’organisation sociale est dominée par des croyances issues du paganisme, comme l’éducation d’ailleurs. Déterminé, mais de plus en plus alerté par l’attitude troublante des habitant.es, le policier poursuit son enquête en écartant des croyances qu’il se refuse à prendre en compte. Il rencontre le seigneur des lieux (Christopher Lee), qui ne lui apporte aucune réponse, et semble être uniquement préoccupé par le cérémonial de la fête du 1er mai à laquelle tout le monde se réfère et qui s’annonce comme l’aboutissement du mystère. Mais quel mystère ? S’agit-il de meurtre sacrificiel ?

« Le paganisme est un phénomène européen et celtique [explique Robin Hardy], mais c’est vrai que j’ai un peu triché en ajoutant des petits bouts d’autres religions dans ce puzzle. J’avais été très intéressé par le livre Le Rameau d’or de Frazer, un travail énorme de douze volumes qu’on lit comme une histoire de détective. L’auteur y traverse les siècles en remontant jusqu’aux toutes premières croyances du genre humain et vous pouvez voir que des éléments de chaque religion, subsistent dans les suivantes. [...] The Wicker Man regorge de ces choses. »

Il est vrai que l’enquête du policier, complètement décalé dans cet univers onirique qu’il rejette, butte sans cesse sur l’aspect symbolique et religieux inhérent au quotidien de la population insulaire. Mais c’est le jeu de piste déjà tout tracé qui amène la connotation avec l’inéluctable chasse à l’homme, l’idée de « c’était écrit » qui renforce dans The Wicker Man l’impression de thriller. Les paysages sauvages de la côte écossaise, les lieux de divination celte avec les menhirs, la musique aussi, tout accentue la dichotomie entre la vision pragmatique du policier, venant du continent, et les anciennes croyances.

The Wicker Man est souvent considéré comme un film fantastique, mais c’est plutôt une enquête initiatique, mais je m’arrête là… Il n’est pas question de dévoiler la fin ni la signification de The Game. The Wicker Man de Robin Hardy, troisième version inédite de son film en France, est au cinéma le 4 novembre.

La Fille à la valise
Film de Valerio Zurlini (4 novembre 2020/version restaurée en 4K)

Une jeune danseuse se laisse séduire par les belles paroles d’un fils à papa aristocrate et la promesse d’une carrière, mais très vite ce dernier se lasse d’elle et lui fausse compagnie sans aucune explication. Aïda le retrouve malgré une fausse identité, mais l’homme charge alors son jeune frère de 16 ans, Lorenzo, de la renvoyer. Ému par la mésaventure de la jeune fille et choqué par l’attitude de son frère, le jeune homme décide de l’aider et lui offre son amitié. Il se procure de l’argent, invente des stratagèmes pour être avec Aïda, mais tout se complique rapidement pour les deux jeunes gens.

L’âge, mais surtout la différence de classes sociales les séparent, tandis que Lorenzo est fasciné par la vie de la jeune fille qui lui apparaît comme une véritable aventure, si différente du milieu dans lequel il est élevé. Les codes sociaux de la société de province — le film se déroule à Parme — s’en mêlent, le prêtre-professeur de l’adolescent fait pression sur Aïda pour qu’elle quitte la ville, l’accuse de séduction vénale en minimisant
évidemment l’attitude minable du frère aîné, pourtant responsable de la situation. Dans cette société, le verdict est sans appel : quoique fasse une jeune fille pauvre, elle a tort sur toute la ligne et est responsable de tous les maux. Histoire d’amour et d’amitié, La Fille à la valise décrit une société machiste, coincée et inégalitaire.
La Fille à la valise de Valerio Zurlini est sur les écrans le 4 novembre en version restaurée en 4K.