Chroniques rebelles
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Samedi 4 mars 2006
Femmes, livres, cinéma…
Article mis en ligne le 23 janvier 2008

par CP

Retour sur les Chroniques qui ont traité de sujets liés aux droits des femmes, Rêve d’une fille numide de Sandrine Charlemagne nous entraîne en Algérie avec deux personnages féminins, la narratrice et Nina.
La narratrice se cherche à travers une quête filiale et son voyage prend la forme d’une initiation à la terre, aux femmes… Une prise de conscience et une réflexion sur les droits des femmes, des êtres dans un pays traversé par la violence. Violence quotidienne, violence étatique, violence fanatique, violence ordinaire…

Rêve d’une fille numide est un portrait à plusieurs facettes et l’observation, de l’intérieur, d’une fascination critique.

Prostitution : l’Esclavage des filles de l’Est de Jelena Bjelica (Paris Méditerranée et Le courrier des Balkans).
La traite des femmes, les esclaves du XXIe siècle : des femmes enlevées, battues, violées, torturées, maltraitées, humiliées, cassées… Pourquoi ?
Cette question récurrente traverse le livre de Jelena Bjelica qui enquête sur les réseaux mafieux organisant la traite de femmes et sur le système corrompu qui permet aujourd’hui cette barbarie. Une barbarie dont tous les pays sont responsables depuis les pays d’origine, en Europe de l’Est, jusqu’aux pays occidentaux.
« Ce livre a pour objectif de montrer la violence que subissent des femmes, ainsi que toute la brutalité des réseaux criminels dont le but est d’apprivoiser, de capturer et d’humilier ces femmes, de les réduire uniquement à leur fonction biologique pour en tirer le meilleur profit. Il est le fruit de plusieurs années de recherches dans les pays des Balkans occidentaux, d’Europe centrale et d’Europe occidentale : en Suisse, aux Pays-Bas, en Allemagne et en France. » Jelena Bjelica, Prostitution : l’esclavage des filles de l’Est.
Il faut du courage pour entreprendre une enquête sur les réseaux criminels responsables de la traite d’êtres humains, des jeunes femmes poussées par la misère et des conditions de vie déplorables hors de leurs pays pour trouver un travail ailleurs et en particulier à l’Ouest.
Et c’est là que commence le cauchemar…
Les femmes prises dans ces réseaux n’ont pas le choix. Elles sont parfois littéralement séquestrées, mais elles sont toujours brisées, rejetées.
Et si elles s’enfuient : quelles sont leurs chances de se reconstruire ? En France, aucune. Les solutions : répression et les repousser hors des espaces visibles où elles sont encore plus vulnérables à la violence. Quels sont les refuges pour les accueillir si elles échappent à leurs souteneurs ? Aucun.
Les clients sont-ils pénalisés ? Non.

Le film d’Amos Gitaï, Terre Promise, montre ces filières qui ont pour destination Israël. Mais ici, c’est la même chose. L’enjeu est partout le même, le profit immédiat pour une mafia parfaitement rôdée au système prostitutionnel.

« Vous payez pour une nuit ; elle paye de sa vie. » C’est exactement ce qui se passe : elles payent de leur vie et les responsables s’en tirent le plus souvent grâce à des appuis politiques et à la corruption.

Pour les réseaux mafieux, la traite devient la principale activité criminelle, et « on comprend mieux, après avoir lu ce livre, la rapidité de leurs énormes profits […] grâce à cela, on pourra peut-être mettre en place des moyens plus efficaces pour lutter contre eux, [et] également évaluer les conséquences de ce crime collectif sur notre avenir. »

Prostitution : l’esclavage des filles de l’Est de Jelena Bjelica est un livre indispensable pour comprendre le système prostitutionnel et l’engrenage dans lequel ces femmes sont prises. Espérons aussi qu’il soit lu par ceux et celles qui évoquent la liberté et le choix de faire commerce de son corps, ou bien une exploitation semblable aux autres. Sur ce plan, le livre n’est pas équivoque quant au « choix » de l’acte sexuel tarifé.
Les amalgames concernant la prostitution et la liberté sexuelle sont cruels vis-à-vis des femmes qui vivent ce cauchemar.
Que l’on se rapporte aussi au livre de Christelle Taraud, La Prostitution coloniale , pour juger des clichés sur la sexualité des femmes arabes encore bien ancrées dans les mentalités.

Le système prostitutionnel est un phénomène en plein développement avec la régression des droits et un libéralisme triomphant.
Là où il y a du fric, tout est permis… Les profits du système prostitutionnel s’inscrivent dans les PIB des États et c’est aussi un moyen cynique pour certains États de pallier aux problèmes sociaux tout en brandissant évidemment le flambeau de la moralité pour réprimer les femmes… pas les souteneurs ni les clients.

Avant, on envoyait les pauvres et les délinquant-e-s dans les colonies, maintenant on envoie les femmes sur le trottoir !
Prostitution : l’esclavage des filles de l’Est de Jelena Bjelica (éditions Paris Méditerranée avec Le Courrier des Balkans), Un livre à lire absolument.
 [1]

À propos du système prostitutionnel et des États : du 9 juin au 9 juillet 2006, 12 villes allemandes accueilleront la coupe du monde de Football. 3 millions de spectateurs environ — majoritairement des hommes — sont attendus ; et l’on estime à 40 000 le nombre de femmes « importées » d’Europe Centrale et d’Europe de l’Est vers l’Allemagne pour les « servir sexuellement ». L’Allemagne a légalisé le proxénétisme et l’industrie du sexe en 2002.
Pourtant les quartiers réservés ne pourront contenir les milliers de touristes sportifs/sexuels prévus. En prévision de cet afflux, l’industrie du sexe allemande a érigé un gigantesque complexe prostitutionnel en prévision du « boom commercial » durant la Coupe du Monde. « Le football et le sexe vont de pair » déclare l’avocat du nouveau méga bordel de 3000 m2, pouvant accueillir 650 clients masculins, construit à côté du principal stade de la Coupe du monde à Berlin.

Sur des zones clôturées de la taille d’un terrain de football, on a construit des « cabanes du sexe » ressemblant à des toilettes appelées, « cabines de prestation ». Capotes, douches et parking sont à la disposition des acheteurs avec un souci particulier de protéger leur « anonymat ».
 [2]

Le festival de films documentaires, organisé par l’association Résistances de Femmes, a lieu fin septembre depuis trois ans au Centre culturel Jean Vilar, 1 rue Paul Signac à Arcueil.
Le premier — sur les femmes et la guerre — avait pour titre « Femmes en résistances. Hier et aujourd’hui. Ici et là-bas », le second « Femmes en résistances au capitalisme », et le thème du troisième — en 2005 — fut « Femmes en résistances contre le silence », avec comme axes de réflexion les solidarités et les transmissions.

Les résistances au silence sont un thème d’autant plus important qu’il s’inscrit dans un contexte de régression sociale généralisée et, en particulier, de régression des droits des femmes. La guerre et le capitalisme sont autant d’outils aux mains du patriarcat pour maintenir l’oppression des femmes. Le silence en est un autre et non des moindres.
En France, par exemple, peu de bruit sur les coupes budgétaires qui pénalisent les associations de défense des droits des femmes : c’est le cas pour l’AVFT (Association contre les violences faites aux femmes dans le travail), cela touche également les centres du Planning familial dont certains sont tout simplement fermés…

Le retour à l’ordre moral — prôné par des dirigeants qui n’hésitent à jeter dehors des familles, des personnes démunies, des sans-papiers, histoire de « nettoyer » les squats —, le retour à l’ordre moral ajouté au recul des droits, fait des transmissions et des solidarités un enjeu essentiel pour résister à l’oppression et à la récupération des luttes et des idées alternatives.

Depuis des décennies, le mouvement féministe est attaqué, déconsidéré — surtout en France —, ses désaccords ou ses dissensions sont soulignés, amplifiés, détournés pour mieux dénigrer le mouvement et en minimiser les luttes. Comme si le mouvement n’existait pas sur le terrain. Une manière de décourager les résistances et d’en nier la portée.

Les droits des femmes sont et seront constamment remis en question, pas forcément de manière frontale, mais subrepticement.
D’où l’importance des questions que posent l’association de Résistances de femmes : « Qu’est-ce que le féminisme aujourd’hui ? Quels sont ses multiples héritages ? Quel est son potentiel de transformation des sociétés patriarcales qui se sont imposées partout sur la planète ? ». Rendez-vous en septembre.

Qu’est-ce que le féminisme aujourd’hui et quel est son potentiel pour transformer les sociétés patriarcales ? Ces problématiques sous-tendent des expressions cinématographiques, mais qu’en est-il de l’écrit ?
Christelle Taraud, avec Les féminismes en questions. Éléments pour une cartographie , présente une série d’entretiens qui évoquent les débats au sein de la mouvance féministe.

On y trouve des constats sans complaisance, comme celui de Nacira Guénif-Souilamas : « Aspirer à la liberté quand, non seulement on n’en a pas les moyens mais, qu’en plus, on s’en voit dénier les moyens, ça devient une forme d’enfermement insupportable. » ; ou celui, critique, de Christine Delphy sur la loi du foulard islamique : « Ce que nous n’accepterions jamais pour nous, parce que la base du féminisme, c’est l’auto-organisation et l’auto-émancipation des femmes — [c’est-à-dire] partir de sa propre existence, ne pas accepter d’être libérées par “en haut” — les féministes pro-loi l’imposent à « l’autre femme ». Elles pensent pouvoir la « libérer » de l’extérieur, à son insu et contre son gré. ».

Plusieurs textes qui portent des réflexions pour lutter contre toutes les formes de discrimination, dans une conjoncture de régression des droits des femmes, dans toutes les sociétés, et avec la difficulté de combattre les stéréotypes pour changer les mentalités…

Il faut, comme le souligne Christine Bard, « reconnaître à la fois la domination masculine, l’aliénation des femmes qui en découle et, en même temps, la marge de liberté et la force de résistance qui font des femmes de véritables sujets de l’histoire. » Les féminismes en questions. Éléments pour une cartographie de Christelle Taraud (Amsterdam)

La Blessure  : Un livre, un film : Élisabeth Perceval (les Petits matins) et film réalisé par Nicolas Klotz, écrit par Élisabeth Perceval

La Blessure , un livre, un film qui portent une réflexion sur l’immigration africaine en France, sur l’immigration en général, sur le droit d’asile et les pratiques d’accueil des étrangers en France. Le traitement des dossiers des étrangers demandeurs d’asile et les méthodes employées pour les décourager, — notamment avec la surenchère des réformes législatives contre les étrangers en France — relèvent de l’absurdité inquiétante et de l’injustice la plus grossière. « Le droit d’asile n’est plus qu’une convention internationale un peu poussiéreuse, contenant des garanties et des protections que ne méritent pas les réfugiés des années 2000. » écrit Antoine Decourcelle dans La Blessure .
Place à la barbarie ! Le film de Nicolas Klotz, écrit par Élisabeth Perceval, et le livre en sont une illustration terrible.

La Blessure ou « le retour à la vie d’une femme blessée », une femme — Blandine — qui reste enfermée dans le silence et, finalement, s’écrie : « Des racistes. Les policiers mentent et même si je porte plainte, j’aurai toujours tort parce que je suis noire. Les policiers sont fiers de faire ce travail, de me blesser. Comment porter plainte, et contre qui ? »
Là aussi, c’est la guerre aux pauvres et « Traiter les étrangers avec mépris, humiliation, brutalité est une vieille habitude de nos anciennes puissances coloniales. Aujourd’hui plus que jamais. »

Les féministes et le garçon arabe de Nacira Guénif-Souilamas et Éric Massé.

Dansons sur les cadavres d’Amar Yaïche (L’Insomniaque) nº 17 de L’huile sur le feu.

L’Argent, l’urgence de Louise Desbrusses (POL)

Homosexualité, mariage et filiation. Pour en finir avec les discriminations Martine Gross, Stéphane Guillemarre, Ernest Guy, Lilian Mathieu, Caroline Mécary, Stéphane Nadaud. (Syllepse)

L’homoparentalité : subversion de l’ordre sexué ? « Ce qui se cache derrière cette centration sur l’origine biologique, c’est au fond un refus des conditions sociales, culturelles qui continuent de déterminer fortement l’enfantement ».

ZUP ! Petites histoires des grands ensembles de Fred Morisse (L’Insomniaque)

Le goût de Dublin , textes choisis et présentés par Jean-Pierre Krémer et Alain Pozzuoli (Mercure de France)