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Samedi 10 juillet 2021
2024 — Les jeux olympiques n’ont pas eu lieu de Marc Perelman. Helmut Newton. L’effronté de Gero von Boehm. Louxor de Zeina Durra. Digger de Georgis Grigorakis. Maudit ! d’Emmanuel Parraud
Article mis en ligne le 6 juillet 2021

par CP

2024 — Les jeux olympiques n’ont pas eu lieu
Marc Perelman (éditions du Détour)

En compagnie de Marc Perelman

Helmut Newton. L’effronté de Gero von Boehm (14 juillet 2021)

Louxor de Zeina Durra (21 juillet 2021)

Digger de Georgis Grigorakis (21 juillet 2021)

2024 — Les jeux olympiques n’ont pas eu lieu
Marc Perelman (éditions du Détour)

En compagnie de Marc Perelman

Si l’on examine le terme de “Jeux olympiques”, correspond-il à l’idée, à la nature du jeu ? Au lieu de répéter naïvement les injonctions induites dans les médias, à savoir voir dans les Jeux olympiques une grande fête populaire transcendant les différences de classes, un vecteur anti discriminatoire ou encore une élévation des esprits… Soyons sérieuses et sérieux, la grand messe olympique ne représente certainement pas une libération, mais plutôt la célébration du profit et de la compétition.

Dans son ouvrage, Marc Perelman explique s’être « astreint à l’étude, la plus précise possible, de l’organisation matérielle, idéologique et politique de cet événement ». Autrement dit, « analyser le cœur du projet olympique et de ses valeurs, ainsi que les conséquences sociopolitiques sur nos territoires et dans nos vies. » Pour cela, il revient sur l’historique des Jeux olympiques, rappelle certains des événements qui en ont dévoilé les enjeux, et propose avec vingt et une thèses un point sur la propagande largement distillée.

Sur la Bande annonce du film de Michel Gomes et Maureen Fazendeiro, parlons de cinéma et des films qui sortent prochainement :
Journal de Tûoa de Michel Gomes et de Maureen Fazendeiro, présenté à la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes, le film est sur les écrans à partir du 14 juillet.

Des coings, des lucioles, des papillons et des variations de lumière… Comme il est impossible de résumer le film sans dévoiler sa construction, il suffit de dire que c’est un film de fiction, qu’il y est beaucoup question de scénario et de cinéma, qu’il suit un déroulé inversé de 22 jours, tournés l’année dernière pendant le confinement, et qu’une allusion à Peter Greenaway, et à son film Zoo, y est faite avec la répétition de plans de coings pourrissant.

Enfin qu’un conte de Cesare Pavese, Le Diable sur les collines, en est peut-être la clé, je cite : « L’orchestre reprit mais cette fois sans voix. Les autres instruments se turent et il ne resta que le piano qui exécuta quelques minutes de variations acrobatiques sensationnelles. Même si on ne le voulait pas, on écoutait. Puis l’orchestre couvrit le piano et l’engloutit. Pendant ce numéro, les lampes et les réflecteurs, qui éclairaient les arbres, changèrent magiquement de couleur, et nous fûmes tour à tour verts, rouges, jaunes. »

Helmut Newton. L’effronté de Gero von Boehm (14 juillet 2021)

« J’adore la vulgarité. Je suis très attiré par le mauvais goût, c’est bien plus excitant que le prétendu bon goût, qui n’est que la normalisation du regard. »
Cette citation en exergue donne le ton de l’œuvre de l’un des photographes les plus controversés actuellement, puisque certains musées se demandent s’il est opportun ou moral (!?) d’exposer ses photographies.

En regardant Helmut Newton. L’effronté de Gero von Boehm, j’ai songé au film de Robert Altman, Prêt-à-porter, qui, considéré comme mineur, porte une charge extraordinaire d’humour grinçant sur le monde de la mode et ses protagonistes. D’ailleurs le personnage du photographe provocant a peut-être certaines familiarités avec les attitudes d’Helmut Newton. Et l’on peut même se demander si la fin en apothéose du film d’Altman n’a pas un lien avec les corps nus photographiés par Newton.

Plusieurs points sont à souligner dans le film documentaire de von Boehm, d’abord la richesse des archives du Berlin des années 1930, très bien montré également dans Les Hommes le dimanche, filmé par des cinéastes allemands qui allaient faire la gloire du cinéma états-unien, Robert Siodmak, Edgar Ulmer, Billy Wilder ou encore Fred Zinneman. Newton a connu très jeune ce Berlin, il a appris la photographie dans le studio d’une photographe de talent qui est morte dans un camp, parce que juive. Newton en a réchappé en entreprenant tout un périple jusqu’en Australie, mais il a gardé cette influence du cadre, des contrastes et de la représentation des corps de cette époque. Avec un humour parfois des plus percutants, par exemple sur une photo de commande, celle de Le Pen avec ses chiens, quasi calquée sur une photo d’Hitler également avec ses chiens.

Sur l’influence de l’imagerie nazie, Newton ne la nie pas : « Quand j’ai eu treize ans, Hitler est arrivé au pouvoir et très vite, j’ai été submergé par l’esthétique nazie. Il n’existait rien d’autre. J’étais fou de photographie et j’aimais le cinéma […] J’ai été accusé d’être influencé par leur esthétique, même si tout le monde savait très bien que j’étais juif […] Il faut bien comprendre que j’étais un enfant fou d’images qui voulait toujours en voir plus et que je n’étais entouré que de cette imagerie nazie, avec toute la glorification autour d’eux. » Ce que commente Hannah Schygulla, l’une des onze femmes qui témoignent dans le film sur leur expérience photographique avec Newton. Hannah Schygulla souligne, en effet, le lien indéniable entre l’esthétique de la cinéaste des Dieux du stade, Leni Riefenstahl, et certaines des mises en scène photographiques de Helmut Newton.

Qu’il s’agisse de Charlotte Rampling, Isabella Rossellini, Marianne Faithful, Grace Jones, ou de modèles qui ont posé pour le photographe, toutes confirment la mise en scène qu’il installait au moment des séances de shooting. Finalement la provocation du « voyeur professionnel », dont il semblait s’amuser, était-elle au fond une forme de critique de la société patriarcale ? La question est posée, notamment par Nadia Auermann après une séance photo : la « photographie fonctionne comme un miroir de la société et pointe du doigt le fait que les hommes veulent que leur femme se balade en mini-jupe et se comporte comme une poupée Barbie. »
Alors «  vulgarité » contre « normalisation du regard », avec la censure en prime ?
Helmut Newton. L’effronté de Gero von Boehm suscite certainement le débat. Sortie sur les écrans le 14 juillet 2021.

Louxor de Zeina Durra (21 juillet 2021)

Un long et hypnotique traveling sur le Nil, accompagné par la voix merveilleuse de la chanteuse égyptienne, Asmahan. Ainsi commence Louxor, le film de Zeina Durra qui narre l’histoire d’une jeune Britannique, Hana, qui travaille dans l’humanitaire, et revient dans la cité antique de Louxor, comme pour exorciser les horreurs dont elle a été témoin à la frontière jordano-syrienne. Profondément troublée, elle est à la recherche d’elle-même, ou en fuite… Ce retour à Louxor est en quelque sorte un retour sur sa vie passée, un voyage intérieur pour retrouver un moment de sa jeunesse, mais, au-delà de la mélancolie, c’est avant tout une expérience spirituelle.

Au Winter Palace, où elle est descendue, elle se laisse séduire par un client et lui explique qu’elle ne peut pas rester dans l’obscurité, « je ne peux pas dormir. Je reviens d’une zone de guerre. » Elle s’accorde une pause, des vacances dans une ville qu’elle semble connaître parfaitement, avant de repartir en mission au Yémen, autre zone de conflit.

Louxor — la ville, le site — est sans doute le personnage principal du film où se promène Hana, seule, submergée par l’émotion d’un lieu chargé d’histoire, comme cette femme qui s’évanouit dans l’un des temples. « Je ressens des impressions, un lien » confie-t-elle à Sultan, son amour de jeunesse qu’elle retrouve par hasard lors de ses déambulations. Louxor est un film étrange qui mêle réalité et mythes — celui d’Isis et Horus qui se répète — sans qu’il y ait réellement de passage. « Qui étaient ces femmes vivant dans le temple ? » se demande Sultan, qui est archéologue et fait visiter à Hanna un temple féministe, et d’ailleurs faut-il ouvrir certains de ces lieux au public ou bien les laisser enfouis et secrets ?

La recherche dans le monde antique côtoie l’errance intime d’Hana, qui tente d’éloigner le temps des monstres, « je suis cassée de l’intérieur. J’ai vu l’insoutenable. […] j’ai l’impression que plus le monde est instable, plus le surnaturel surgit ». Le récit se déroule comme en suivant un fil d’Ariane, avec des mystères et des rencontres, par exemple cette femme, Khadija, qui possède un don, apaise Hana et constate qu’elle est épuisée, à bout de ne pouvoir concilier les réminiscences du passé et les incertitudes du présent. Après cette séquence, Hana a une vision du désert, et d’un enfant dans le temple. Elle quitte le Winter Palace et retrouve Sultan pour se rendre à Abydos, l’un des sites archéologiques les plus importants, sanctuaire des premiers égyptiens et cité d’Osiris.

Le film se divise en chapitres ponctués par des musiques, The Greatful Dead, Bob Marley… sur fond de visite du sanctuaire de Sekhmet. Les lieux hantent Hana l’amène à penser, instinctivement, qu’elle peut y trouver des réponses. En quelque sorte, elle vit, éveillée, un songe. C’est sans doute cela que l’on retient du film et surtout la beauté et la force des lieux. Un véritable bonheur de cinéma et un voyage très particulier.
Louxor de Zeina Durra au cinéma le 21 juillet 2021.

Digger de Georgis Grigorakis (21 juillet 2021)

Quelque part au nord de la Grèce, à la frontière de la Macédoine, Nikitas lutte depuis des années contre la destruction de la forêt où il a toujours vécu et où il a construit sa maison… La compagnie minière fait des forages, transforme définitivement le paysage en un vaste champ d’exploitation et convoite sa propriété pour une expansion des dégâts. La population est partagée entre les irréductibles, à l’exemple de Nikitas, et ceux qui travaillent à la mine. Ce type de situation existe un peu partout dans le monde : « des multinationales arrivent pour exploiter une région et si cela semble bénéfique pour l’économie à court terme, c’est une catastrophe écologique sur le long terme. » La figure du « monstre » fait allusion à une gigantesque excavatrice, mais c’est aussi, au niveau social, la « surconsommation qui est une menace pour la planète ».

L’exploitation minière use d’intimidation et même de menaces pour racheter la propriété de Nikitas, allant jusqu’à couper ses arbres fruitiers, empiéter sur son terrain et s’en servir de décharge. Mais le coup de grâce tombe avec l’arrivée de son fils, qui lui réclame sa part d’héritage alors qu’il ne l’a pas vu depuis vingt ans. Nikitas a désormais deux adversaires, dont un qui lui est cher.

Pour son premier long métrage, Georgis Grigorakis s’attache à un homme dont le choix est crucial : rester ou partir. Partir, c’est abandonner ses principes et le combat solitaire de toute sa vie, c’est une souffrance et une tragédie à laquelle s’ajoute le contexte social et le désir du réalisateur de filmer la merveille qu’est la nature.
Digger de Georgis Grigorakis au cinéma le 21 juillet.


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