Chroniques rebelles
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Samedi 2 octobre 2021
Gaza mon amour de Tarzan et Arab Nasser. Petite sœur de Stéphanie Chuat et Véronique Reymond. Le Kiosque d’Alexandra Pianelli. 7 jours de Yûta. Murano. Fatima de Marco Pontecorvo. 9ème Panorama du cinéma colombien
Article mis en ligne le 4 octobre 2021

par CP

Gaza mon amour
Film de Tarzan et Arab Nasser (6 octobre 2021)

Entretien avec les frères Nasser et Hiam Abbass.

Petite sœur
Film de Stéphanie Chuat et Véronique Reymond (6 octobre 2021)

Le Kiosque
Film documentaire d’Alexandra Pianelli (6 octobre 2021

7 jours
Film d’animation de Yûta Murano (6 octobre 2021)

Fatima
Film de Marco Pontecorvo

9ème Panorama du cinéma colombien

Gaza mon amour
Film de Tarzan et Arab Nasser (6 octobre 2021)

Issa un pécheur de soixante ans, est secrètement amoureux de Siham, une veuve qui travaille comme couturière au marché de la ville de Gaza et habite le camp de la plage, Shati Camp. Une comédie sentimentale ? Évidemment de la part de Tarzan et Arab Nasser, on s’attend à autre chose après leur film critique et subversif, Dégradé. Mais voilà que de l’histoire d’amour non déclaré, les frères Nasser offrent un regard à la fois tendre et sans concession de la société gazaouie. D’abord, comment nouer des relations amoureuses dans un espace qui vit sous blocus et bombardements ? Comment se présenter à Siham et la demander en mariage ? Et puis, à Gaza, tout est contrôlé par la police et la politique du Hamas…

C’est alors qu’Issa remonte dans son filet de pèche une statue antique du dieu Apollon et décide de la garder en la dissimulant chez lui. Une statue d’un dieu païen ayant un pénis en érection, il n’en fallait pas plus pour s’attirer les ires des autorités.

Bientôt dénoncé, il s’ensuit pour Issa un florilège de saynètes où l’absurdité administrative le dispute aux intimidations policières en tracasseries, perquisitions, et autres enfermements, mais il n’oublie pas pour autant son projet amoureux.

Après Dégradé, Condom Lead, leur court métrage réaliste et d’une drôlerie grinçante, voici le nouveau film de Tarzan et Arab Nasser où l’on voit Gaza dans sa quotidienneté, avec trois femmes fortes, l’amoureuse jouée par Hiam Abbass, sa fille en révolte (Maisa Abd Elhadi), sa sœur la cancanière interprétée par Manal Awad — toutes les trois trônaient dans le salon de beauté de Dégradé. À l’histoire d’amour craquante de Gaza mon amour, les frères Nasser y ajoutent évidemment leur marque de réalisation : l’humour décapant.

Cet entretien avec les frères Nasser et Hiam Abbass a eu lieu en 2020 à Montpellier, au festival international du cinéma méditerranéen, et c’est Hiam Abbass qui traduit leurs paroles, non sans une certaine facétie.
Le montage du film est signé Véronique Lange, qui a également monté les films de Elia Suleiman.

Après Gaza mon amour de Tarzan et Arab Nasser qui sort le 6 octobre… Disons un mot sur deux films, sortis le 22 et le 29 septembre, une copie restaurée du film de Mario Camerini, Via Margutta, avec notamment Gérard Blain et Antonella Luadi. Le film, qui est un peu le négatif des Vacances romaines, raconte les difficultés d’émancipation des femmes dans une société patriarcale, même si certains milieux affichent une libéralisation des mœurs… enfin pas pour tout le monde.

Depuis le 29 septembre, on peut voir le nouveau film de Régis Sauder, J’ai aimé vivre là. Après le formidable Retour à Forbach, Sauder présente la ville de Cergy d’après les textes d’Annie Ferneaux. Régis Sauder a la manière de pénétrer l’intime d’une ville et de faire qu’on s’y attache. Très idyllique et c’est tourné en septembre.

Petite sœur
Film de Stéphanie Chuat et Véronique Reymond (6 octobre 2021)

Lisa est une dramaturge allemande, qui a abandonné ses ambitions artistiques, pour suivre son mari en Suisse et se consacrer à sa famille. Lorsque Sven, son frère jumeau, célèbre acteur du théâtre berlinois, tombe malade, Lisa remue ciel et terre pour lui permettre de remonter sur scène.
Le premier plan se tient dans un hôpital où s’opère une transfusion de l’une à l’autre. Lorsque Sven apprend que la pièce d’Hamlet, qu’il considère comme l’apothéose de sa carrière ne se jouera pas, il pète un câble et sa sœur se démène pour que le metteur en scène revienne sur sa décision. Quant à la mère des jumeaux (jouée par Marthe Keller), elle fuit et déclare : « je ne veux pas voir mon fils mourir. »

Lisa est la seule qui le soutienne et la seule qu’il supporte aussi : « tu es née dix minutes après moi », lui dit Sven, comme si ce lien lui donnait une force. Lisa ressent également cette intense relation, mais cela la renvoie aussi à sa mise en retrait, à ses aspirations profondes et ravive son désir de créer. En une nuit elle écrit un monologue sublime inspiré d’Hansel et Gretel alors que Sven s’éteint.

Petite sœur est un très beau film sur la création et la gémellité, servi par une interprétation remarquable.
Petite sœur est au cinéma le 6 octobre.

Et puisque nous sommes dans le domaine de la création, à noter la sortie en copie restaurée de The Bigger Splash de Jack Hazan. Un film entre documentaire et fiction, qui emmène le public dans l’univers de David Hockney et « révèle les liens qu’entretiennent la vie et la création, offrant un regard inédit sur le travail du peintre et sur la genèse et l’exécution d’une œuvre à la croisée du pop art et de l’hyperréalisme. »

Le Kiosque
Un film, un récit documentaire d’Alexandra Pianelli (6 octobre 2021)

Ouverture du rideau de fer d’un kiosque à journaux. Il est cinq heures du matin sur la Place Victor Hugo à Paris. Alexandra Pianelli a passé la nuit dans le kiosque pour filmer l’ouverture de l’intérieur : « après dix ans d’écoles d’art, je suis donc devenue marchande de journaux ! Pour ne plus me perdre entre recherches de moyens pour vivre et temps de création, j’ai décidé de faire un film sur mon job alimentaire, sur mon lieu de travail. Un film où l’on me voit doublement à l’œuvre : plasticienne et vendeuse de journaux. Le kiosque est donc devenu mon nouvel atelier, un nouveau laboratoire avec comme seuls outils : du papier et mon téléphone. »

Alexandra est réalisatrice, fille, petite-fille et arrière-petite-fille de kiosquiers. Elle est venue prêter main-forte à sa mère. Et depuis cette lucarne sur la rue, elle filme les coulisses du kiosque et le défilé quotidien des clients et des clientes. Les noms des habitué.es sont même inscrits près de la caisse, il y a Damien qui n’arrête pas de perdre son chat, Marco qui fait goûter ses gâteaux, Marcel, et puis le vendeur de fruits qui attend son permis de séjour, la petite danseuse… Et voilà Alexandra Pianelli prête à «  jouer à la sociologue depuis [s]on “poste d’observation” et à filmer la vie du kiosque et les clients. Mon téléphone, [dit-elle] même tout petit, m’a permis de trouver la bonne distance. C’est lui qui m’a aidé à prendre mes marques ! Ça ne se voit pas dans le film, mais les premières années, j’étais très intimidée par cette nouvelle intimité partagée avec ces inconnus que je voyais chaque jour, à heure fixe. Une fois familiarisée avec cette nouvelle vie et certainement plus expérimentée, j’ai affiné le dispositif du film : un huis clos tourné au téléphone portable depuis la caisse. Un film d’immersion, où l’on verrait à travers mes yeux ».

En même temps, elle dessine l’intérieur et l’extérieur du kiosque, ceux et celles qui viennent acheter des journaux, ou bien bavarder, ou encore demander un renseignement. Mais la presse papier est en crise, comme les commerces de proximité, et la fin est plutôt triste, Damien est enterré au cimetière des SDF, le kiosque perd de l’argent et est voué à la disparition… C’est aussi un métier qui disparaît. Alors c’est « un déchirement au moment où le kiosque s’est “envolé” [raconte Alexandra Pianelli]. Avec lui, partaient nos moments de rire, de larmes et d’inquiétude avec les clients, notre équipe. Ça a été la fin d’un monde, de notre communauté en quelque sorte. Aujourd’hui, c’est par ailleurs un vrai soulagement pour ma mère qui en a fini avec les inquiétudes du métier qui ne cesse de s’effondrer. Pour ma part, je suis ravie d’avoir réussi à en garder une trace. Ce film est une déclaration d’amour à toutes ces personnes rencontrées ».
Le Kiosque d’Alexandra Pianelli en salles le 6 octobre 2021.

7 jours
Film d’animation de Yûta Murano

La veille des vacances d’été, Mamoru découvre que sa voisine Aya, dont il est amoureux sans jamais avoir osé le lui dire, va déménager à Tokyo. Malgré sa timidité, il lui propose de fuguer une semaine pour fêter ses 17 ans. Mais Aya en parle à ses ami.es et voilà la bande partie dans la forêt avec nos deux héros. Ils et elles s’installent dans une usine désaffectée, mais découvrent très vite que quelqu’un d’autre se cache aussi dans cet endroit car le groupe constate la disparition d’une partie de leurs vivres. C’est un jeune réfugié thaïlandais qui tente d’échapper à la police et guette le retour de ses parents. Pendant ce temps, les autorités recherchent tout ce petit monde et le père de Aya, politicien opportuniste et patibulaire, s’acharne contre ces gosses qui n’obéissent pas aux ordres des parents et de l’État. Une insubordination insupportable à ses yeux.

C’est alors que l’escapade fomentée par le timide Mamoru se transforme en guerre de 7 jours pour sauver leur protégé, avec toutes les trouvailles imaginables pour échapper aux flics. La lutte les fait se découvrir et se dépasser… Le vernis de l’éducation craque et c’est tant mieux !
L’épilogue c’est : il faut écouter les enfants !

7 Jours de Yuta Murano a été présenté au festival d’Annecy , comme deux autres excellents films d’animation, dont nous avons parlé dans les chroniques, ON-GAKU : notre rock ! de Kenji Iwaisawa, qui a remporté le prix de la meilleure bande son, et Josée, le tigre et les poissons de Kotaro Tamura.

Fatima
Film de Marco Pontecorvo

Portugal, 1917. En pleine Première Guerre mondiale, trois jeunes bergers de Fatima, Lucia, Francisco et Jacintha racontent avoir vu une apparition divine leur ordonnant de prier chaque jour pour la paix et les incitant à revenir au même endroit les 13èmes jours de chaque mois. Outre ces apparitions, Lucia a également eu certaines visions annonçant des catastrophes.
D’abord accusé.es d’affabuler par les familles et les autorités cléricales, les trois enfants réitèrent cependant leurs dires et de nombreuses personnes vont croire à ces révélations. Malgré les injonctions à se taire du curé qui craint que ces rumeurs attirent des problèmes, les enfants persistent et la rumeur s’amplifie jusqu’à la capitale. Un ponte de l’Eglise est envoyé pour les interroger et les pousser à se rétracter. Tout le monde est partagé entre incrédulité et croyances, du moins attente d’un miracle dans cette période difficile. Les enfants sont finalement mis en cellules, mais sont libéré.es sous la pression populaire. Lucia, Francisco et Jacintha retournent l’endroit habituel des apparitions qu’elles et il sont seuls à voir.

Leurs révélations vont toucher de nombreux croyants mais également attirer la colère des représentants de l’Eglise et du gouvernement. Ils vont tout faire pour essayer d’étouffer l’affaire et obliger les trois enfants à se rétracter. Mais la rumeur s’est propagée dans tout le pays. Les pèlerins affluent à Fatima en espérant être les témoins d’un miracle.

Loin de moi l’idée d’entériner une histoire, dont l’Église et le Vatican, qui ont depuis révisé leurs doutes à propos des visions des enfants, pour évidemment faire leurs choux gras du phénomène… Nous sommes sur radio libertaire, la radio sans dieu, ni maître, ni pape ou autres avatars. En fait, le film est intéressant dans ce qu’il montre un épisode où la parole des enfants — des gosses sans éducation et issus de la classe paysanne ! — est d’emblée rejetée, puisque contraire au protocole et à la hiérarchie cléricale, et ne collant pas aux diktats politiques du moment. Parler des horreurs de la Première Guerre mondiale dont les populations payaient le prix fort, impliquées bien malgré elles dans le conflit, n’était pas de bon ton dans la vague de patriotisme attisée par les autorités.

Construire le fil de l’histoire avec la parole de Lucia, âgée et devenue nonne, permet tous les flashbacks possibles, depuis l’apparition de l’ange dans la grotte jusqu’à la « Dame » et ses révélations, et même au « miracle » intervenu le 13 octobre ou le phénomène appelé « danse du soleil ». Lucia est la seule survivante du groupe, et elle a accepté de se confier à Harvey Keitel, qui enquête sur les visions. Ce dernier ne s’empêche pas d’exprimer certains doutes sur l’histoire officielle. En fait, «  il n’y a pas de miracle ou tout est miracle ».

Au niveau technique, les visions de Lucia sont puissantes, notamment celle de la guerre sur les parois d’un grotte. Intéressant d’assister à l’émergence d’un mythe, à la manière dont la rumeur s’amplifie, la population s’en empare, suivie de près par les institutions religieuses lorsqu’elles y trouvent leur compte.
Marco Pontecorvo est le fils du réalisateur de la Bataille d’Alger, Gillo Pontecorvo. Les images de Fatima sont très belles, mais il est peut-être gênant, dans tous les cas anachronique, que la parole soit anglaise, surtout pour les gosses et la population, mais bon ne jouons pas les snobs…
Fatima de Marco Pontecorvo au cinéma le 6 octobre.

9ème Panorama du cinéma colombien

7-11 octobre 2021
Reflet-Médicis - Ouverture à L’Arlequin

Depuis 9 ans, le Panorama du cinéma colombien, animé par l’association Le Chien qui aboie invite à la découverte d’un pays, de ses cultures à travers une cinématographie riche, originale et le travail de jeunes cinéastes. Mais le cinéma colombien a aussi toute une histoire.
Le cinéma colombien, comme dans toute l’Amérique du Sud, est à l’écoute des diverses sociétés, s’en fait l’écho, mais également à l’écoute du monde et de sa diversité.

Fondée à Paris en 2009, l’association Le Chien qui aboie est dédiée à la promotion et à la diffusion du cinéma d’Amérique latine. En dix ans, El perro que ladra (Le chien qui aboie) a présenté plus de 600 films dans différentes salles de cinéma et espaces culturels à Paris, en banlieue et en province, ainsi qu’à Barcelone et à Bogotá.

Et nous sommes en compagnie d’Anna, Sebastian et Emmanuel pour faire un tour de la programmation : COMPÉTITIONS : Longs métrages ; Courts métrages
SECTION PARALLÈLE : cinématographies latino-américaines avec la thématique : Soulèvements intimes - Luttes collectives.


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