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Samedi 8 janvier 2022
Little Palestine de Abdallah Al Khatib. Extrait de l’entretien avec Ariel Salvatori-Sinz sur les Chebabs de Yarmouk. La Leçon d’allemand de Christian Schwochow. Vitalina Varela de Pedro Costa. Ouistream de Emmanuel Carrère. « {Faîtes labour, pas la guerre ! » Les années Larzac : un combat collectif
Article mis en ligne le 14 janvier 2022
dernière modification le 5 janvier 2022

par CP

Little Palestine
Film de Abdallah Al Khatib (12 janvier 2022)

Extrait de l’entretien avec Ariel Salvatori-Sinz sur les Chebabs de Yarmouk

La Leçon d’allemand
Film de Christian Schwochow (12 janvier 2022)

Vitalina Varela
Film de Pedro Costa (12 janvier 2022)

Ouistreham
Film de Emmanuel Carrère (12 janvier 2022)

Entretien de Joseph Pineau pour Dissonances
« Faîtes labour, pas la guerre ! »
Les années Larzac : un combat collectif

Radio Libertaire, les chroniques rebelles… Des chroniques qui commencent avec un film exceptionnel de par les conditions de tournage et le document qu’il représente, de même que ses qualités de réalisation.
Little Palestine
Journal d’un siège

Film de Abdallah Al Khatib (12 janvier 2022)

Lors d’une rencontre en 2014 avec Axel Salvatori-Sinz, réalisateur des Chebabs de Yarmouk, filmé dans le plus grand camp de réfugiés palestiniens du Moyen-Orient, créé en Syrie en 1957, nous avons parlé à propos des droits des Palestinien.nes et de ce qu’était la réalité de vivre dans un camp de réfugié.es.
C’est à partir de 2006 et pendant trois ans, que Axel Salvatori-Sinz filme de jeunes Palestiniens et Palestiniennes et leur donne la parole — pas dans la rue, ce n’est pas autorisé —, mais dans leur maisons ou sur les toits pour dire leur quotidien, leurs espoirs d’avenir et leurs révoltes. Ala’a, Hassan, Samer, Tasneem et Waed sont la troisième génération d’exilé.es, qui désire surtout vivre hors des murs du camp, hors d’un pays dictatorial et échapper au service militaire. Cinq jeunes ouverts sur le monde, le cinéma, le théâtre… Les Chebabs de Yarmouk, c’est un monde disparu, celui d’avant la Révolution de 2011, avant la répression brutale déployée par le régime de Bachar El Assad contre la population syrienne, et particulièrement contre les réfugié.es du camp de Yarmouk, considéré comme un foyer de rébellion dans la banlieue de Damas.
Dans cet extrait d’entretien, en 2014, Axel confie ses craintes pour ceux et celles qui sont resté.es à Yarmouk, enfermé.es par le blocus, où les gens meurent de faim dans un camp détruit, sans possibilité de sortir. Axel évoque l’un des Chebabs, Hassan, emprisonné depuis qu’il a voulu s’échapper de l’enfer…
Hassan est l’ami évoqué dans le film d’Abdellah El Khatib, Little Palestine. Journal d’un siège, celui qui lui laisse sa caméra avant de partir…
Extrait des Chebabs de Yarmouk avec Ariel Salvatori-Sinz

Little Palestine
Film de Abdallah Al Khatib (12 janvier 2022)

Première image du film : le camp de Yarmouk avec des gens, du mouvement dans la rue… Fondu enchaîné : le même plan, mais cette fois, la rue est déserte, une image arrêtée, avec au bout de la rue un mur de gravats qui bloque le passage vers le reste de la ville, vers l’extérieur. Yarmouk est sous le siège imposé par le régime de Bachar El Assad. Le camp est encerclé, quiconque essaie de fuir devient une cible pour les snippers, la population est privée de nourriture, de médicaments, d’électricité… « Ils veulent éliminer toute présence palestinienne, anéantir le droit au retour  », dit un homme.
Après la tentative de son ami Hassan d’échapper au siège, Abdallah Al-Khatib prend la caméra qu’il lui a confiée : « je ne savais pas comment l’utiliser, mais je me sentais le devoir de filmer et de documenter notre quotidien et les crimes commis par le régime syrien contre les Palestiniens. J’ai commencé à filmer et à accumuler des séquences, mais je me suis abstenu de les mettre en ligne et de les faire circuler, ne sachant pas comment, ni quand ni qui pourrait les utiliser. Je n’avais pas le sentiment que ces séquences m’appartenaient, parce qu’elles contenaient des réalités et des histoires de personnes vivant en état de siège. Ma seule préoccupation était qu’elles soient utilisées dans un contexte qui rende justice à la souffrance de ces gens. »

Le camp palestinien de Yarmouk était auparavant un agglomérat d’immeubles inachevés, de bâtiments «  provisoires », une ville verticale se hissant toujours plus haut, avec ses étages ajoutés au rythme des générations se succédant dans cette enclave palestinienne de la banlieue de Damas. En 2013, le régime syrien met en place un siège, bombarde le camp et affame la population. Voix off : « Je suis d’un pays où les fenêtres donnent sur le manque de nourriture. »

Little Palestine. Journal d’un siège de Abdallah Al Khatib est un témoignage de l’intérieur, qui rapporte le quotidien dramatique des asségié.es, les faits sans rajouter à l’horreur présente sur les images : le regard d’un homme épuisé, celui des malades, des femmes cherchant à se nourrir dans des détritus, ou encore dans l’attitude des enfants qui, dans ce chaos immobile, résistent. Le film est également un hommage à la solidarité, au courage de nombreuses personnes, et spécialement aux enfants, qui impressionnent par leur maturité face à la situation. Cette petite fille par exemple, qui, comme beaucoup d’autres enfants, ramasse des herbes dans un terrain vague pour nourrir sa famille. Lorsque la conversation s’engage avec Abdallah, elle dégage un calme étonnant, inverse les rôles en dirigeant l’entretien, et ne montre aucune frayeur de la proximité des missiles tombant près de l’endroit de sa cueillette. « Sous le siège la douleur individuelle est un luxe », rappelle la voix off. Malgré le désespoir, la quête de nourriture et les bombes, un jeune garçon dit « Je rêve que mon frère revienne à la vie », tandis que l’enterrement d’une petite fille, précédé par une banderole : « Je suis le 80e mort de la faim à Yarmouk », avance dans les rues.
Oui, les enfants du camp sont remarquables face à la situation dramatique, mais on ne peut s’empêcher de songer aux traumatismes ultérieurs, à la reconstruction de ces gosses après le siège, après cette dépendance dans l’enfermement. Abdallah Al-Khatib n’a jamais quitté sa caméra pour saisir une réalité à l’intérieur et restent les échanges spontanés, magiques avec les enfants.

« Le siège est un long emprisonnement, fait d’attente et d’ennui, qui ne pose pas de limites aussi claires que les barreaux d’une prison : il s’étale comme un désert écrasé de chaleur en plein été. Le siège est un chemin qui conduit à la folie et au suicide, et le seul moyen d’en réchapper, c’est de trouver une idée qui vaille la peine de vivre. » Le film prend alors la dimension d’un témoignage essentiel, philosophique sur l’humanité et la dignité.

Comment de telles images sont-elles parvenues à sortir du camp et comment en garder la force et la cohérence au montage ? « On dit souvent que le langage et le rythme du montage sont déjà dictés au tournage, mais comment faire si la logique du tournage est inédite et exceptionnelle [relate Qutaiba Barhamji, monteur du film]  ? Nous avons passé la majorité de notre temps à essayer de comprendre ce que signifiait “filmer” dans une situation de survie. Il fallait trouver l’équilibre entre les moments de joie et les moments plus sombres sans choquer le spectateur gratuitement, ni trahir l’histoire. C’est le témoignage d’un survivant : la fragilité des images et la fragilité de celui qui filme sont devenues la force du récit. »

En 2018, lorsque l’État islamique prend le contrôle du camp, les Russes saisissent l’opportunité pour des bombardements intensifs, 80 % du camp est détruit avec l’interdiction aux réfugié.es de revenir sur les lieux.
Little Palestine. Journal d’un siège de Abdallah Al Khatib au cinéma le 12 janvier.

Musique : Bachar Mar Khalifé, Ya nas. Nujoum.

La Leçon d’allemand
Film de Christian Schwochow (12 janvier 2022)

Dans une prison pour jeunes délinquants, Siggi est placé en cellule pour avoir rendu sa copie blanche lors d’une épreuve de rédaction. « Les joies du devoir », le sujet ne l’a pas rebuté, mais avoue-t-il, il a trop de choses à dire. À l’isolement, il se remémore la période qui a fait basculer sa vie.

En 1943, son père, officier de police, est contraint de faire appliquer la loi du Reich et ses mesures liberticides à l’encontre de l’un de ses amis d’enfance, le peintre Max Nansen, qui est interdit d’exercer son métier et voit ses toiles confisquées. Siggi, s’il n’ose affronter son père, décide alors sauver l’œuvre de Max, qui est très proche de lui.

En portant à l’écran La Leçon d’allemand de Siegfried Lenz, Christian Schwochow a choisi d’adapter un roman important de la littérature allemande. Les thèmes de la répression et de l’annihilation des relations humaines sous un régime autoritaire sont au centre de l’histoire, qui illustre jusqu’où peut aller l’obéissance aveugle aux ordres et le conformisme. C’est aussi l’histoire de deux amis devenus ennemis jurés et d’un jeune adolescent qu’ils aiment et veulent convaincre tous les deux.
La Leçon d’allemand entend répondre à la question suivante : « Comment ce qui est arrivé dans ce pays a-t-il pu se produire ? » L’évocation singulière de la Seconde Guerre mondiale, du nazisme et de l’immédiat après-guerre devient alors une question universelle et intemporelle. Le choix du réalisateur de situer le film dans un paysage du littoral de la mer du Nord renforce cette impression, car « ll s’agissait d’évoquer un monde aux confins de l’Allemagne, où la guerre n’a laissé que peu de traces visibles ».
« Nous lui avons donné [déclare le réalisateur] l’apparence d’un dédale de dunes, de vasières, de mer et de champs. C’est un univers de grand air et de liberté – et dans le même temps, un lieu dont Siggi ne peut s’échapper. Si l’on ne voit pas les stigmates de la guerre, le paysage est néanmoins meurtri et reflète ainsi les âmes. Nous avons cherché des villages propices pour planter cette atmosphère quasi apocalyptique. J’avais le sentiment qu’il nous fallait un décor de fin du monde. »

C’est aussi un avertissement dans un moment où la banalité des régimes autoritaires se développe. Le roman est paru en 1968, il a été étudié en cours, mais le sujet ressurgit dans un moment de décisions autoritaires. C’est la loi dit-on sans discuter les fondements de celle-ci, sans se poser la question du caractère inhumain qu’elle peut avoir, sans remettre en question les effets qu’elle a obligatoirement sur la libre expression et sur le libre arbitre.
Dans le film, c’est l’expression artistique et picturale qui est jugée dangereuse. Comment disait-on au moment du nazisme : les dangers de l’art dégénéré. Il y avait même des expositions sur ce thème. Celui qui représente la « loi », l’ordre est le père de Siggi. Imperturbable, il applique les règles d’un régime barbare, dénoncer son ami d’enfance, et même livrer son fils aîné, blessé, qui a déserté. Il n’est d’ailleurs pas avare de punitions corporelles, va jusqu’à torturer Siggi pour le mettre au pas et casser en lui son imagination et ses rêves. En même temps, le père comme le peintre veulent convaincre l’adolescent. Ce qui est très bien montré dans le film, de manière saisissante est « comment le poison du fascisme et de l’exclusion se répand tel un mal de plus en plus funeste, capable de détruire les individus et les relations. […] Cette situation n’est volontairement pas dépeinte de façon naturaliste [note Christian Schwochow]. La Leçon d’allemand acquiert ainsi une dimension de parabole universelle, sans entretenir l’illusion d’une intrigue menée jusqu’à un dénouement certain. Dans le scénario, nous avons essayé d’accentuer encore ce que cette histoire avait d’exemplaire, pour la rendre plus contemporaine. […] Le roman est déjà riche en images et en symboles. Nous l’avions toujours sous la main pour pouvoir puiser dans son univers visuel ».
Un film essentiel pour comprendre les mécanismes du totalitarisme.
La leçon d’allemand de Christian Schwochow au cinéma le 12 janvier.
Musique : Mahjoun, Nous ouvrirons les casernes

Vitalina Varela
Film de Pedro Costa (12 janvier 2022)

« Chef de file du cinéma d’auteur portugais, Pedro Costa a développé un univers âpre, sombre voire austère, sans compromis, loin des canons hollywoodiens. Dans la plupart de ses films, il s’intéresse de manière quasi documentaire au quotidien des marginaux et des immigrés des quartiers populaires de Lisbonne. On peut par exemple citer Casa de Lava, présenté à Cannes en 1994 dans la section Un certain regard, Dialogue entre morts et vivants tourné sur les îles du Cap-Vert. Ossos, primé à la Mostra en 1997, où il filme l’errance d’un jeune couple et d’un bébé dans les rues de Lisbonne. Ou encore La chambre de Vanda, où il suit le quotidien d’une droguée et de son entourage dans un quartier en démolition et où les personnages d’Ossos reprennent vie. Du cinéma d’auteur pur et dur. »

Vitalina Varela a 55 ans, elle arrive du Cap Vert à Lisbonne, trois jours après les obsèques de son mari qu’elle n’a plus revu depuis vingt cinq ans. Pendant des années, elle a attendu un billet d’avion promis depuis des lustres, mais n’avait plus de nouvelles.
Vitalina est une paysanne de l’île de Santiago, son arrivée dans ce cloaque de rues sombres, puis dans la maison misérable qu’habitait le défunt est un choc pour elle et une source d’étonnement. Le quartier ne semble pas connaître le soleil, la maison s’écroule plus ou moins, le toit, protégé par une bâche qui s’envole au moindre coup de vent, prend l’eau, les murs sont pourris… Et il y a cette promiscuité avec le voisinage qui la met mal à l’aise. Elle trie les affaires de son époux, entourée par un univers sonore de cris et de disputes, brûle de l’encens, se rend à l’église, à l’image du reste du bidonville…

Tout le climat du film est installé avant le générique, c’est un clair obscur, et même la pénombre qui domine, accompagnant la mort et le chemin vers le cimetière. Au delà de la misère, les images montrent les conséquences d’une immigration sans espoir, d’un déclassement et d’une perte de soi dans une société qui garde les traces de l’ancienne colonisation. La tragédie passe par les images à la limite du fantastique et c’est même une épopée picturale lors de la tempête et de la lutte de Vitalina sur le toit contre les éléments. Dans cette nuit dantesque, elle retrouve la nature, complètement absente dans ce quartier de l’enfermement et en ruines.
Vitalina est partagée entre la douleur d’une vie faite d’attente et sa colère. Lorsqu’elle s’adresse à l’esprit de Joaquim, celui qu’elle avait choisi par amour bien des années auparavant, celui dont elle a deux enfants et qu’elle n’a jamais connu finalement, elle s’emporte : « Tu es étonné de me voir. Même mort tu veux pas de moi, et de cet amour il ne reste rien. Es-tu vraiment mort, sous terre ? Je ne te fais pas confiance. Ta maison, c’est du travail mal fait. Les fenêtres ressemblent à des bouches d’égout. »

Dans l’église déserte, abandonnée, le prêtre lui avoue son désarroi, non pour la réconforter, mais plutôt constater : « Ici il n’y a rien pour toi. Tu as perdu ton mari et moi la foi ». Dans chaque plan du film, l’obscurité a vaincu la lumière, ce qui donne un climat d’oppression qui habite le film. Cette veuve sans vie commune est en fait considérée comme une étrangère et dans les rues, les égouts sont à ciel ouvert… L’histoire de Vitalina Varela ? La seule lumière émane de ses souvenirs au Cap-Vert. Alors pourquoi reste-t-elle au Portugal où son rêve est englouti ? Pas de réponse.

À propos de Vitalina et des personnages du film, Pedro Costa y voit le désespoir, une « lutte intérieure au plus profond d’eux-mêmes et une lutte extérieure contre les murs qui ont été construits autour d’eux, comme la chape de silence sur eux. Je travaille avec une communauté très troublée et désorientée : ils étaient des paysans au Cap-Vert et ont émigré pour travailler à Lisbonne où ils ont été exploités, sans merci, parce qu’ils avaient besoin d’argent. […] Je ne peux travailler qu’avec cette confusion. »
Un film étonnant, d’une grande beauté et où la lumière est un personnage essentiel du récit.
Vitalina Varela de Pedro Costa en salles le 12 janvier.

Musique : Jean Ferrat, La Jungle ou le zoo.

Ouistreham
Film de Emmanuel Carrère (12 janvier 2022)

Écrivaine connue, Marianne Winckler décide d’entreprendre un livre sur le travail précaire. Pour cela, elle veut connaître de l’intérieur les conditions de travail et la vie de celles qui n’ont pas d’autre choix que d’accepter des petits boulots. Elle s’installe près de Caen et, sans révéler son identité, rejoint une équipe de femmes de ménage. Confrontée à la fragilité économique et à l’invisibilité sociale, elle découvre aussi l’entraide et la solidarité qui unissent ces travailleuses de l’ombre.
Toutes les femmes sont interprétées par des comédiennes non professionnelles absolument formidables. Dès la première scène à Pôle Emploi, « travaillée en improvisation », Hélène Lambert, Christelle dans le film, y est d’un naturel impressionnant. C’est une femme qui se révolte et se bat pour préserver ses gosses et sa vie. Emmanuel Carrière révèle qu’elle avait « le tempérament le plus rétif de la bande. Elle développait autour d’elle un blindage très puissant pour se protéger avant de décider si oui ou non elle allait aimer jouer ce rôle qui n’en était pas un, et surtout m’accepter. Cela a pris le temps nécessaire et puis d’un seul coup, entre deux prises, elle s’est livrée : sa vie de mère célibataire en charge de trois jeunes enfants, ses galères diverses, ses marches à pied de plusieurs kilomètres au petit matin pour rejoindre son lieu de travail, ses relations familiales. » Tout un vécu qui explose dans son interprétation.

Inspiré du livre de Florence Aubenas, Le Quai de Ouistreham, le scénario d’Emmanuel Carrière et Hélène Devynck est une « variation plus qu’une adaptation [selon Juliette Binoche]. Marianne, mon personnage, n’est plus une journaliste comme dans le livre, mais une écrivaine connue qui décide de séjourner dans un recoin de la dèche en tachant de passer inaperçue. Évidemment elle a quelque chose d’une espionne ou plutôt d’une détective, mais à l’égal d’une actrice qui enquête sur un personnage pour atteindre ce point décisif où les sentiments deviennent vrais. Marianne est au milieu des autres, sincèrement avec eux, et conjointement à distance puisqu’elle prend des notes dans un carnet, qu’elle retranscrit le soir sur ordinateur portable. Où est le curseur entre la vérité et le mensonge ? Jusqu’où a-t-on le droit de mentir pour qu’advienne la vérité ? » C’est effectivement le questionnement qui hante à la fin du film. Et là encore, c’est le personnage de Christelle qui donne la réponse après la publication du livre et des retrouvailles sur le quai.

Juliette Binoche est à l’origine de ce film et, précise Emmanuel Carrière, réalisateur et scénariste, « son désir a préexisté au mien. C’était son projet. » La rencontre avec les non professionnelles s’est passée le plus naturellement du monde, pourtant elles l’attendaient « avec des escopettes, la star de Paris ! », l’ambiance est cependant rapidement devenue amicale. Quand il évoque son rôle de réalisateur, Emmanuel Carrière souligne qu’il consistait également à rassurer et convaincre ces femmes qu’elles étaient tout à fait capables « de montrer les arrières-mondes de leurs métiers ». Quant aux migrants, on les voit au petit matin sur le bord de la route, la première fois que Marianne se rend au ferry avec Christèle. « Je pense que ces plans, et la phrase de Christèle sur le Soudan, montrent assez bien la place que les migrants ont dans la vie de ces femmes : ils sont là, elles les voient, elles passent, ils s’effacent dans la nuit ». Lorsque Marianne fait tomber son portable dans l’eau, Christelle lui rappelle : « Au Soudan, pas d’eau, pas de téléphone, pas de problème ! » Décidément Hélène Lambert — Christelle — est la figure du film !
Ouistreham d’Emmanuel Carrière au cinéma le12 janvier.

Musique : BA Ouistreham.

L’émission Dissonances de Radio Saint-Affrique
dans les Chroniques rebelles de Radio Libertaire

C’est un entretien avec Joseph Pineau réalisé par Josef Ulla sur le combat collectif mené au Larzac dans les années 1970, et qu’il intéressant d’analyser pour les luttes d’aujourd’hui et de demain.

Auteur, avec Claude Baillon, de l’ouvrage Larzac le combat d’un territoire , Joseph Pineau, ancien coordinateur au niveau national des Comités Larzac et habitant du Larzac, revient sur les prémices de cette longue lutte. Il évoque le rôle important joué par des personnes oubliées par le récit médiatique à propos du Larzac : une lutte de dix ans contre le projet d’extension du camp militaire sur un territoire, soi-disant désert, et l’expulsion de la population, une lutte qui va mobiliser des paysans, des syndicalistes, des militant.es du PSU, des libertaires, des antimilitaristes…
Comme le souligne Joseph Pineau : « cette utopie foncière va favoriser un profond renouveau agricole, amorcé par quelques pionniers dans les années 60. De 107 exploitations recensées en 1970, on passe à 130 au milieu des années 80. »

Mais, cinquante ans après les débuts de la lutte et finalement l’arrêt du projet, Joseph Pineau constate que, si en 1974, des dizaines de milliers de personnes manifestaient contre l’implantation d’un camp militaire au Larzac en criant « Faites labour, pas la guerre », aujourd’hui 1300 légionnaires sont installés dans le camp militaire de la cavalerie, sans que cela ne soulève de contestation… Du coup se pose une grave question : le combat collectif du Larzac s’est-il limité à la sauvegarde d’hectares agricoles ?

Merci à Dissonances et Josef Ulla pour cet entretien.
Pour vous procurer l’ouvrage Larzac, le combat d’un territoire, écrire à carteLarzac@laposte.net


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