Chroniques rebelles
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Samedi 29 janvier 2021
Municipale de Thomas Paulot. Les Voisins de mes voisins sont mes voisins d’Anne-Laure Daffis et Léo Marchand. 32ème Festival Ciné Junior. Introduction de Hong Sangsoo. H6 Hôpital du peuple de Ye Ye
4h — Chroniques syndicales et chroniques rebelles
Article mis en ligne le 31 janvier 2022

par CP

Municipale
Film de Thomas Paulot (26 janvier 2022

Visions d’elle Denitza Bantcheva (éditions DO)

Les Voisins de mes voisins sont mes voisins
Film d’Anne-Laure Daffis et Léo Marchand (2 février 2022

Entretien avec Léo Marchand

32ème Festival Ciné Junior
du 2 au 15 février 2022

Introduction
Film de Hong Sangsoo (2 février 2022)

H6 Hôpital du peuple
Film de Ye Ye (2 février 2022)

Projection et débat à PUBLICO (145 rue Amelot) de
Aimer la vie de Nadia Genet
le 5 février 2022
En compagnie de Nadia Genet et d’Helyette Bess, militante anarchiste et révolutionnaire.

Municipale de Thomas Paulot
Revin, petite ville construite sur la Meuse, dans les Ardennes, se prépare à élire son maire… Or, par un matin brumeux, débarque dans cette ville, dont les usines ont été délocalisées en Pologne, Laurent Papot, comédien et candidat au poste de maire. Entre documentaire et mise en scène, Municipale est certainement un film des plus originaux sur un entre-deux genres brillant : une fiction politique réjouissante, pédagogique et une manière de se « projeter, d’expérimenter des idées dans le cadre d’une élection ».
Ce n’est pas un hasard si les 22èmes Journées de Saint Denis, du 1er au 12 février, dont la thématique est Partie de campagne, ont choisi Municipale pour leur sélection de films.

Le réalisateur, Thomas Paulot, et ses co-auteurs, Ferdinand Flame et Milan Alfonsi, se disent inspirés par Murray Bookchin, citent également Hakim Bey et son ouvrage TAZ. Zone autonome Temporaire, dans lequel est développé « un concept qui circulait beaucoup dans les milieux militants des années 90, et qui disait en substance : il n’y a plus de révolution globale possible, mais des petites zones fragmentaires dans lesquelles on pourrait suspendre l’État et ses prérogatives durant un temps donné, et ce serait la seule manière de s’opposer au mode d’organisation du pouvoir. » Le concept est à la base de Municipale, dont les auteurs déclarent : « on voulait, à notre petite échelle, trouver les moyens de mettre en place ce genre d’expérience politique en introduisant un élément de fiction dans une vraie campagne. » Mais leurs intentions de départ sont quelque peu dépassées par la réalité de la ville, son histoire politique, son passé industriel, l’amertume de certains ouvriers — «  les politiques ne peuvent rien, tout est régi par le fric  » — et la précarité d’une partie de la population. Autrement dit la théorie s’est heurtée à la pratique pour laisser le champ à des débats passionnants, notamment sur l’autogestion et la remise en question du leadership, omniprésente en politique… Cela donne un film formidable.

Où se situe d’ailleurs la frontière entre la fausse candidature et le cirque électoral ? Engager un comédien pour se présenter aux élections municipales, voilà qui n’est pas ordinaire et qui, à coup sûr, donne à réfléchir et, sans doute, confirme « que le système électoral français est définitivement un simulacre de démocratie. L’expérience Revin [expliquent les auteurs], qui se déroulait à peu près au même moment que les Gilets Jaunes, nous a aussi montré que l’idée de participation citoyenne progresse dans le pays. Même dans les listes classiques en cours à Revin, les candidats issus des vieilles formations politiques utilisaient ce concept de participation citoyenne, certes, parfois de manière opportuniste. Il y a une envie de démocratie plus radicale qui circule chez les gens, et qui a ses effets aux élections. »

Pourquoi le choix de Revin ? La ville, emblème des délocalisations industrielles, « offrait un cadre idéal pour [cette] expérience : elle avait ses quartiers bien dessinés, ses points de centralités, ses lieux de rencontres, tout ce qui permet et organise la vie en communauté.  » Le film suit donc le déroulement de la campagne, d’abord constituer une liste, tracter, aller à la rencontre de la population, la mettre en confiance, organiser des meetings… Karim, qui s’était présenté aux élections municipales de 2014, prévient l’équipe : « les gars vous êtes fous, il y a cinq listes qui se présentent, ça va créer un bordel monstre votre truc », juste avant de se laisser convaincre et de donner un coup de mains pour favoriser les contacts, comme d’autres d’ailleurs, qui pensent que quelque chose a commencé là et qu’il ne faut pas l’arrêter. Dans son QG de campagne le candidat Laurent Papot déclare d’ailleurs : « si je suis élu, je disparais. »
Municipale de Thomas Paulot au cinéma depuis le 26 janvier.

Visions d’elle Denitza Bantcheva (éditions DO)

Un récit plutôt qu’une biographie, Visions d’elle a pour trame un récit personnel, intime, traversé néanmoins par l’histoire d’un pays, d’un régime… Une étude de l’intérieur du totalitarisme ordinaire.
« Ma mère s’est suicidée le 5 mai 2002, vers quatre heures et demie de l’après-midi. Sur le balcon du septième étage, on a trouvé une chaise dont le dossier était appuyé contre le parapet, et les pantoufles qu’elle avait ôtées, bien alignées du côté gauche du siège. » Le récit commence ainsi, clinique, comme une dépêche tombant sur le desk, une manière de mettre une distance vis-à-vis de l’inacceptable. « J’ai commencé ce récit quelque deux semaines après sa mort [écrit Denitza Bantcheva], dès mon retour à Paris, et ces premières phrases, relues par nécessité, me stupéfièrent des mois durant : le fait de sa mort, et que j’aie pu l’exposer par écrit, l’admettant ainsi pour vrai […], alors que tout ce qui sentait en moi le refusait. Dix ans plus tard, habituée à ce savoir factuel, j’avais encore le sentiment de son invraisemblance, et pour tenter de m’y faire, je me disais que la plupart des événements importants de sa vie et de la mienne n’étaient pas plus vraisemblables que cela. »
Décidément, il fallait à Denitza raconter sa mère, dont elle était la proche confidente, et puisque, écrit-elle, « sa descendance se limitait à moi, et la mienne, à mes écrits. Je devais donc remiser sur papier ce que je pouvais d’elle telle que personne d’autre ne l’avait connue, et telle que je ne saurais la raconter à personne de vive voix ».

Annie, sa mère, est déjà fichée à 16 ans, accusée d’être subversive et, comme elle le constate, lucide, : « Ma génération, c’était celle des compromis. On est tous foutus. Le nombre de gens de mon âge qui sont morts ces dernières années, d’un infarctus ou d’un cancer foudroyant, tu ne l’imagines pas.  » Cette génération avait connu l’espoir des années 1960, puis le retour du bâton, le conformisme latent, « la bassesse, les trahisons de rigueur et le mensonge généralisé ». Pire encore, après la chute du mur, le régime bulgare survit dans les esprits et les infrastructures du pays, par exemple avec cette remarque d’une femme de la police des frontières lors d’un contrôle : « Vous savez, on a encore nos habitudes des temps glorieux de jadis ! » Il est certain que « ce foutu pays et ses gouvernants les ont tous eus, d’une manière ou d’une autre, les garçons et les filles qui étaient nés dans les années trente à cinquante ». Pourtant Annie reste vivante, ineffaçable, prête à inspirer des portraits en resurgissant « sous des angles si variés », en révélant des visions d’elle.

Les Voisins de mes voisins sont mes voisins
Film d’Anne-Laure Daffis et Léo Marchand en salles le 2 février

Entretien avec Léo Marchand

Après un superbe générique peuplé d’oiseaux, de chiens, d’un lapin facétieux, l’environnement humain s’installe avec un cirque et des caravanes, où le magicien Popolo bonimente avant d’entrer dans la loge d’Amabilé, son assistante. En place pour un numéro de magie extraordinaire — la femme coupée en deux —, mais voilà Popolo rate le tour, les jambes s’autonomisent et partent à l’aventure. « Tu as paumé mes jambes ! » s’écrie Amabilé, mais ce n’est pas tout, car Popolo perd aussi son boulot et doit se mettre à la recherche d’un autre job. Mais quelles sont vos compétences ? demande la femme de Pôle emploi.

Tandis que les jambes se réfugient dans un immeuble, les événements s’enchaînent vitesse V, fatalité irrémédiable ! L’ogre du deuxième étage casse ses dents la veille de la Saint-Festin, provoque la panne de l’ascenseur dans lequel François, à la veille d’une grande randonnée, vient de monter avec son chien Picasso. Ces deux-là seront le lien pour rencontrer les voisins et les voisines de l’immeuble, Isabelle, la danseuse de flamenco, et ses deux enfants, Monsieur Demy, au quatrième, tombant amoureux de la paire de jambes en fuite avant de lui acheter des collants, la gardienne, qui connaît tout le monde, et perçoit immédiatement l’intelligence de Picasso… Car il faut bien le dire, le sage de l’histoire c’est Picasso, le chien, qui fait des mots croisés, commente les pubs à la télé — ben quoi ? Le berger allemand est un bellâtre coincé et servile ! Picasso, lui, ne se contente pas, comme ses congénères, de faire le beau — assis, couché… — ou de lever la patte sur les horodateurs. C’est un philosophe et lorsque son humain s’excite pour sortir de l’ascenseur, il lui dit : « c’est le destin de l’homme François ! » avant de se replonger dans son programme à la télé…

Pendant ce temps, le magicien Popolo, Candide haut en couleurs, devient brièvement boucher dans un super marché, avant de se faire virer pour se retrouver chauffeur d’une princesse… Quant à l’ogre sans dents, le dentiste… Bon je n’en dirai pas plus…

C’est à voir dans un déluge de décors, de mélange de dessins et de prises de vue réelles, de festins rêvés, d’un spectacle de flamenco, de départs en vacances et d’autoroute bloquée… Vous suivez ? Le titre c’est Les Voisins de mes voisins sont mes voisins, un film d’Anne-Laure Daffis et Léo Marchand, et c’est en salles le 2 février. En attendant, Léo Marchand nous raconte les raisons de ce premier long métrage…

32ème Festival Ciné Junior
du 2 au 15 février 2022

Le programme de cette 32ème édition Ciné Junior se déroulera sous le signe de l’amitié et du vivre ensemble. Il faut souligner que le Festival Ciné Junior est le plus important festival international de cinéma Jeunes Publics, qu’il a
lieu du 2 au 15 février et dans 52 lieux : 37 dans le Val-de-Marne (salles de cinémas, médiathèques, musée, centres culturels, maisons pour tous) et 15 salles en Ile-de-France avec des avant-premières, des créations originales, des ateliers, et des rencontres pour toutes et tous et bien sûr — pas de hiérarchie — pour tous les âges… Histoire de vous mettre l’eau à la bouche, quelques exemples de la programmation foisonnante :
Les grands classiques : The Kid, L’Enfance nue...
Les films plus récents : Les Éblouis, Petite Maman… Le merveilleux film d’animation de Florence Mihaile, La Traversée, ou encore La Fameuse invasion des Ours en Sicile
En compagnie de Liviana Lunetto, responsable du Festival. Ciné Junior est devenu depuis 1991, un rendez-vous incontournable pour accompagner les spectateur·rice·s dès le plus jeune âge, dans la découverte des films et l’analyse des images afin de susciter la curiosité et l’échange.
Comme tous les ans, le festival proposera également une compétition de quatre programmes de courts métrages inédits et une compétition de 6 longs métrages internationaux inédits ou en avant-premières :
A CHIARA de Jonas Carpignano (Italie / Prochainement / Haut et Court)
Chiara, 16 ans, vit dans une petite ville de Calabre, entourée de toute sa famille. Pour les 18 ans de sa sœur, une grande fête est organisée qui réunit tout le clan. Le lendemain, Claudio, son père, part sans laisser de traces. Elle décide alors de me- ner l’enquête pour le retrouver. À mesure qu’elle s’approche de la vérité qui entoure le mystère de cette disparition, son propre destin se dessine.

ASTEROID de Mehdi Hoseinivand Aalipour (Iran / Prochainement)
Dans le désert iranien, loin de toute commodité, vit Ebrahim et sa famille. À 12 ans, il veille sur ses frères et sœurs, s’occupe des tâches administratives et travaille pour aider sa mère à subvenir à leurs besoins. Pour pallier la distance du désert, il aide sa mère à construire une maison en ville.
AYA de Simon Coulibaly Gillard (Belgique, France / Prochainement)
Aya grandit avec sa mère sur l’île de La- hou. Joyeuse et insouciante, elle aime cueillir des noix de coco et dormir sur le sable. Pourtant, son paradis est voué à disparaître sous les eaux. Alors que les vagues menacent sa maison, Aya fait un choix : la mer peut bien monter, elle ne quittera pas son île.
BULADO d’Eche Janga (Pays-Bas, Curaçao / 9 février / Films du Préau)
Kenza, 11 ans, vit avec son père et son grand-père sur l’île de Curaçao. Entre ces hommes que tout oppose, la quête de modernité et le respect des traditions spirituelles ancestrales, la jeune fille tente de suivre son propre chemin.img11358

LA CHANCE SOURIT À MADAME NIKUKO de Ayumu Watanabe (Animation / Japon / 8 juin / Eurozoom)
Madame Nikuko est dodue et s’assume pleinement, elle a la joie de vivre et aime des hommes, pas toujours dignes de son amour. Elle cuisine dans un petit restau- rant traditionnel et vit sur un bateau avec sa fille Kikurin. La vie à deux n’étant pas toujours simple, tout va être bouleversé lorsqu’un secret va ressurgir du passé...

PETITE NATURE de Samuel Theis (France / 9 mars / Ad Vitam)
Johnny a 10 ans. À son âge, il ne s’inté- resse qu’aux histoires des adultes. Dans sa cité HLM en Lorraine, il observe avec curiosité la vie sentimentale agitée de sa jeune mère. Cette année, il intègre la classe de Monsieur Adamski, un jeune ti- tulaire qui croit en lui et avec lequel il pousse la porte d’un nouveau monde.

Le jury officiel : Luc Cabassot (délégué général de l’ACREAMP, association de cinémas d’Art et d’Essai comptant plus de 90 salles adhérentes dans le grand Sud-Ouest), Agathe Hassenforder (casting), Ombline Ley (plasticienne, musicienne, réalisatrice), Clémence Madeleine-Perdrillat (scénariste et réalisatrice) et Pablo Pico (compositeur et musicien).
Ciné-concert "Ami pour la vie", séance accompagnée en direct par Isabelle Moricheau (musicienne, autrice-compositrice, DJ, performeuse et chanteuse).

Clôture : samedi 12 février avec la projection en avant-première du film Coeurs Vaillants de Mona Achache (sortie le 11 mai- Bac Films ), en présence de l’équipe.
Focus sur l’univers d’Alice Douard : la création artistique contemporaine, exposition autour du travail de Marion Lacourt,

illustratrice et réalisatrice de films d’animation dont le dernier, Moutons, Loup et Tasse de Thé
Prix Emile Reynaud. Marion Lacourt est l’illustratrice de l’affiche Ciné Junior 2022 !

Introduction
Film de Hong Sangsoo (2 février 2022)

Yeong-ho se cherche, il se trouve en quelque sorte coincé entre un père psychanalyste et religieux, avec qui il communique difficilement, Juwon, la fille qu’il aime, et sa mère, assez fantasque, qui elle s’identifie à son rêve de devenir acteur. D’ailleurs elle a organisé une rencontre avec un comédien pour convaincre son fils de reprendre le théâtre. Juwon doit partir étudier le stylisme à Berlin et le jeune homme voit dans ce départ l’opportunité de mettre au clair ses désirs personnels, indépendamment des liens qui le retiennent à son amie.

Le film se divise en trois parties, longues conversations sur le sens de la vie, l’analyse que l’on peut en faire, la réalité si tenté qu’on la perçoive et l’imaginaire. Le garçon est à un tournant de sa vie, du moins le voit-il ainsi. On peut en fait se demander si le titre n’est pas lié à la situation du jeune homme ? Il est certain qu’il est difficile de s’émanciper des traditions et de la famille dans une société où les codes tiennent une place prépondérante, c’est peut-être le sens de la phrase lancée par un des personnages : « sans impulsion, ça ne sert à rien de vivre »… Constat ou suggestion ? C’est au public de le déduire.
Les trois parties du film se répondent et s’imbriquent comme pour marquer l’itinéraire du jeune homme qui n’est guère décidé quant aux décisions à prendre. La dernière partie, qui se déroule d’abord dans le restaurant où il retrouve sa mère et le comédien, semble embarquer Yeong-ho et l’ami qui l’accompagne dans une narration qui se termine en déambulation sur la plage, face à l’océan.
Comme le souligne Gilles Tourman de l’émission Longtemps je me suis couché de bonne heure de Radio Libertaire, l’écriture scénaristique de Hong Sang-Soo, est brillante, avec « ses dialogues faussement banaux rythmant une construction précise et en miroirs, avec des plans fixes, des travellings, des zooms, et ses lumières multipliant à la fois les gris et la froideur ». Quant à la distance ironique, elle est présente durant tout le film, mais avec un pic dans la troisième partie.
Ours d’argent du meilleur scénario à la Berlinale 2021, Introduction de Hong Sangsoo est au cinéma le 2 février.

H6 Hôpital du peuple
Film de Ye Ye (2 février 2022)

L’hôpital du Peuple n°6 est l’un des plus grands de Shangaï. Ce qui frappe tout d’abord, c’est le surpeuplement de l’hôpital où se côtoient le personnel médical, les malades et les familles venant souvent de villes et de villages extérieurs. C’est le théâtre de drames de la précarité, enfants accidentés, fin de vie de personnes âgées, opérations risquées et trop onéreuses… c’est un portrait de la Chine d’aujourd’hui qui ressort du film. Un mélange de culture traditionnelle et d‘hyper-modernisme qui laisse beaucoup de monde sur le bord de la société, malgré les moments de tendresse, la solidarité aussi et, parfois, le sens de l’humour.

« Immergée au cœur de cet hôpital [raconte la réalisatrice], j’ai eu l’impression de plonger littéralement dans les entrailles de mon pays, de ressentir son pouls, d’entendre son cœur battre, son corps vibrer. Cela faisait longtemps que je voulais filmer la Chine sous un angle différent de celui auquel nous sommes habitués. Mais comment raconter ce grand pays en pleine mutation, sans verser dans la banalité, et sans s’égarer géographiquement et idéologiquement ? Malgré ce dispositif qui pouvait m’en éloigner, j’ai senti que je pouvais tracer les contours d‘un portrait complexe de la Chine d’aujourd’hui : filmer la vie, les liens, dans un contexte où les trajectoires humaines sont interrompues. »

H6, l’hôpital du peuple suit le parcours de cinq personnes hospitalisées, cinq familles qui les accompagnent, depuis leur arrivée, le diagnostic, le traitement proposé, l’opération si la famille peut payer, jusqu’à leur sortie de l’hôpital, parfois guéris, mais aussi pour mourir chez eux. Durant leur séjour, les questionnements existentiels et les préoccupations matérielles traverseront ces personnes confrontées à la question de la mort. Les questions matérielles sont omniprésentes, l’homme tombé d’un arbre qui risque de mourir sur la table d’opération et dont la famille n’a pas les moyens de payer, la petite fille renversée par un bus, la vieille femme que son mari veille chaque jour, le père qui chante pour sa fille qui ignore encore que sa mère est décédée dans l’accident de voiture, l’homme handicapé qui dort dans la rue… Cinq familles, cinq cas poignants dans un hôpital surchargé.

En regardant H6, l’hôpital du peuple, on anticipe les moyens de plus en plus réduits qui guette les hôpitaux et les populations. Le film, tourné avant la pandémie, souligne le système inégalitaire en place face aux soins — Avec de l’argent, tu as une chance, sans argent, tu crèves —… Ne jamais aller à l’hôpital, bien sûr, mais personne n’est à l’abri de dépendre des accidents de la vie et de ce type de situations. « Ce lieu [explique la réalisatrice] offre une scène de théâtre où le drame est omniprésent, mais où la comédie n’est jamais loin et se place comme un antidote puissant face à la gravité. Les personnes qui vont à l’hôpital sont dans un hors-temps, leur vie a été bouleversée, un grain de sable est venu gripper la bonne marche de leur quotidien, et ils réagissent comme ils le peuvent. » On a beau se dire que l’humour et la solidarité des Chinois font des merveilles face à l’adversité, il n’empêche que d’être acculé à la mort faute d’argent est une tragédie.

Lorsque la réalisatrice décrit les situations comme une « dramaturgie du réel », elle évoque également le respect avec lequel elle a engagé ce tournage, pour « parvenir à faire dialoguer les personnages entre eux dans des mises en situation. Cette technique nécessitait un premier travail d’observation, d’écoute et d’échanges avant de filmer. Pendant le tournage, j’intervenais le moins possible pour laisser se déployer les personnages et être au plus près de leur réalité. Ce rendu proche de la fiction s’est affirmé au montage où nous avons trouvé la manière d’entrelacer ces destins croisés dans une dramaturgie qui permet aux personnages d’incarner avec force un instantané de la Chine d’aujourd’hui. »
H6 de Ye Ye est un film ancré dans une réalité bouleversante. Il est en salles le 2 février.

Projection et débat à PUBLICO (145 rue Amelot) de
Aimer la vie de Nadia Genet
le 5 février 2022 à 16h30
En compagnie de Nadia Genet et d’Helyette Bess, militante anarchiste et révolutionnaire.

Aimer La vie. Le film documentaire de Nadia Genet est un très beau portrait d’Helyette Bess, militante anarchiste et révolutionnaire. Adolescente, elle a vécu, les persécutions du régime de Vichy durant la Seconde Guerre mondiale, son père a été arrêté et déporté lorsqu’elle avait 12 ans. Devant le musée de la Résistance à Grenoble, elle désigne cette phrase : « Nous avons toujours un choix, ne serait-ce que de ne pas nous incliner devant ceux qui nous en privent. »
Helyette s’est engagée dans la lutte antifranquiste, a côtoyé des anarchistes : Tomas Ibanez qui raconte qu’Helyette et lui scandalisaient les anarchistes espagnols et français : « L’anarchisme est [dit-il] quelque chose de changeant, mais reste la cohérence entre le dire et le faire, entre la théorie et la pratique. […] Je suis un fragment de la société. Toi, Helyette, tu es un fragment de l’anarchie. »
Le film se déroule au rythme des retrouvailles d’Helyette : avec Raymond, qui a toujours fonctionné par affinités amicales et « regarde les saisons passer » ; avec Jean-Marc Rouillan, qui rappelle le soutien d’Helyette lorsque le groupe Action directe était « lâché ». Tous parlent de son engagement, sans pour autant qu’elle gomme les divergences ou adopte les idées, elle est ouverte mais reste critique… demeure son amitié, indéfectible.
À Ménilmontant, devant la bibliothèque libertaire qu’elle a cofondé, le Jargon libre, on y croise Dominique Grange, Tardi et d’autres…
Elle visite aussi Georges Ibrahim Abdallah et lui écrit en prison. Helyette ne fait pas partie de son comité de soutien, néanmoins elle le considère comme « un camarade révolutionnaire, [et ajoute] même si nous n’avons pas les mêmes conceptions ». Elle s’indigne d’ailleurs en évoquant la taule : « Assez. Il n’a rien fait. 35 ans ! C’est honteux. Même les nazis ne sont pas restés aussi longtemps en prison ! »
Ce portrait d’Helyette Bess, exprime la perception par une autre génération — celle de Nadia —, le portrait d’une militante convaincue que la révolution est la seule solution, puisque ceux et celles qui sont au pouvoir ne l’abandonneront pas de leur plein gré. Un film, une jolie trace d’Helyette qui déclare : « Nous, on veut pas prendre le pouvoir, on veut qu’il disparaisse. Ceux qui prennent le pouvoir en abusent toujours, même dans les plus petits groupes. » Louise Michel le disait déjà, il y a longtemps, « le pouvoir est maudit, c’est pour ça que je suis anarchiste.

Le Jargon libre est une bibliothèque libertaire de consultation sous forme associative, où l’on trouve des livres et des archives sur l’histoire des luttes et des mouvements révolutionnaires. Le Jargon libre est ouvert du lundi au samedi de 14h à 20h au 32, rue Henri Chevreau et l’accès aux livres est libre.
(Musiques du film : Nina Hynes, Bloom, Raging Fire

« Immergée au cœur de cet hôpital [raconte la réalisatrice], j’ai eu l’impression de plonger littéralement dans les entrailles de mon pays, de ressentir son pouls, d’entendre son cœur battre, son corps vibrer. Cela faisait longtemps que je voulais filmer la Chine sous un angle différent de celui auquel nous sommes habitués. Mais comment raconter ce grand pays en pleine mutation, sans verser dans la banalité, et sans s’égarer géographiquement et idéologiquement ? Malgré ce dispositif qui pouvait m’en éloigner, j’ai senti que je pouvais tracer les contours d‘un portrait complexe de la Chine d’aujourd’hui : filmer la vie, les liens, dans un contexte où les trajectoires humaines sont interrompues. »
H6, l’hôpital du peuple suit le parcours de cinq personnes hospitalisées, cinq familles qui les accompagnent, depuis leur arrivée, le diagnostic, le traitement proposé, l’opération si la famille peut payer, jusqu’à leur sortie de l’hôpital, parfois guéris, mais aussi pour mourir chez eux. Durant leur séjour, les questionnements existentiels et les préoccupations matérielles traverseront ces personnes confrontées à la question de la mort. Les questions matérielles sont omniprésentes, l’homme tombé d’un arbre qui risque de mourir sur la table d’opération et dont la famille n’a pas les moyens de payer, la petite fille renversée par un bus, la vieille femme que son mari veille chaque jour, le père qui chante pour sa fille qui ignore encore que sa mère est décédée dans l’accident de voiture, l’homme handicapé qui dort dans la rue… Cinq familles, cinq cas poignants dans un hôpital surchargé.
En regardant H6, l’hôpital du peuple, on anticipe les moyens de plus en plus réduits qui guette les hôpitaux et les populations. Le film, tourné avant la pandémie, souligne le système inégalitaire en place face aux soins — Avec de l’argent, tu as une chance, sans argent, tu crèves —… Ne jamais aller à l’hôpital, bien sûr, mais personne n’est à l’abri de dépendre des accidents de la vie et de ce type de situations. « Ce lieu [explique la réalisatrice] offre une scène de théâtre où le drame est omniprésent, mais où la comédie n’est jamais loin et se place comme un antidote puissant face à la gravité. Les personnes qui vont à l’hôpital sont dans un hors-temps, leur vie a été bouleversée, un grain de sable est venu gripper la bonne marche de leur quotidien, et ils réagissent comme ils le peuvent. » On a beau se dire que l’humour et la solidarité des Chinois font des merveilles face à l’adversité, il n’empêche que d’être acculé à la mort faute d’argent est une tragédie.
Lorsque la réalisatrice décrit les situations comme une « dramaturgie du réel », elle évoque également le respect avec lequel elle a engagé ce tournage, pour « parvenir à faire dialoguer les personnages entre eux dans des mises en situation. Cette technique nécessitait un premier travail d’observation, d’écoute et d’échanges avant de filmer. Pendant le tournage, j’intervenais le moins possible pour laisser se déployer les personnages et être au plus près de leur réalité. Ce rendu proche de la fiction s’est affirmé au montage où nous avons trouvé la manière d’entrelacer ces destins croisés dans une dramaturgie qui permet aux personnages d’incarner avec force un instantané de la Chine d’aujourd’hui. »
H6 de Ye Ye est un film ancré dans une réalité bouleversante. Il est en salles le 2 février.


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