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Samedi 20 août 2022
Birds of America de Jacques Lœuille. Flee de Jonas Poher Rasmussen. Entretiens avec Annie Le Brun.
Article mis en ligne le 25 août 2022
dernière modification le 27 juillet 2022

par CP

Birds of America
Film de Jacques Lœuille

 Flee
Un film d’animation de Jonas Poher Rasmussen (24 aout 2022)

Entretiens avec Annie Le Brun.

Birds of America
Film de Jacques Lœuille

Au début du XIXe siècle, Jean-Jacques Audubon, parcourt la Louisiane pour peindre les oiseaux du Nouveau Monde, un monde sauvage et merveilleux où la faune et la flore font penser à un nouveau paradis. Deux siècles séparent la découverte d’un territoire vierge et foisonnant, le saccage de la colonisation jusqu’à son apothéose durant l’ère industrielle, à aujourd’hui. Les conséquences de la colonisation sont irrémédiables, au delà des oiseaux disparus, les peuples natifs du pays — les tribus amérindiennes — sont sacrifiées au nom du seul profit.

Birds of America n’est pas un film animalier, même s’il montre l’incroyable profusion des oiseaux dans une représentation dessinée par Audubon au XXe siècle, le film de Jacques Lœuille se réfère surtout à la construction politique et culturelle des Etats-Unis. La « destinée manifeste » offre en effet à la colonisation et à la conquête du territoire la justification d’une politique destructrice et génocidaire visant les Indiens, les oiseaux, l’environnement, mettant en place dans la foulée la pratique de l’esclavage. « Au milieu du XIXe siècle, le journaliste O’Sullivan déclare : “c’est notre destinée manifeste de nous déployer sur le continent confié par la providence pour le libre développement de notre grandissante multitude.” » Autrement dit, cette idée soit disant « divine » donne un blanc seing et tous les droits aux colons pour s’accaparer par tous les moyens de la terre et de la faune. Le mythe de la frontière, l’Ouest sauvage, est pour les prédateurs du nouveau monde, synonyme de violences et de destructions, un Indien dit d’ailleurs : « si les oiseaux disparaissent, c’est notre identité qui disparaît, notre culture. Il y a une signification derrière chaque oiseau. » Et voilà, la messe est dite.

Birds of America est une réflexion profonde sur l’histoire des Etats-Unis, les bases de sa constitution, les méfaits de la colonisation et du capitalisme : « l’extinction massive d’espèces animales est concomitante de l’exode des peuples les plus pauvres de l’Union, que ce soient les Amérindiens ou les Africains Américains qui vivent le long du fleuve aujourd’hui. » L’accès au golfe du Mexique a permis le développement effrénée des industries les plus polluantes de la planète ; après la guerre de sécession, les champs de coton qui avaient détruit des forêts entières, l’habitat des oiseaux, les terres indiennes, ont été remplacés par les champs pétroliers qui ont empoisonné l’eau, la terre et l’air… Les empoisonneurs de la planète, pour redorer leur blason et aussi peut-être pour s’exonérer de taxes, ont installé un zoo à la Nouvelle Orléans, minuscule repère pour quelques espèces survivantes, dont un perroquet blanc auquel on a coupé les ailes.

À la signature du traité qui dépossédait les Indiens de leurs terres, le chef Seattle prévient le président Andrew Jackson (comme par hasard idole de Donald Trump !) : « si toutes les bêtes disparaissaient, l’homme mourrait d’une grande solitude d’esprit. Les Blancs aussi disparaîtront, peut-être même plus tôt que toutes les autres tribus. Lorsque le dernier homme rouge aura disparu de cette terre et que son souvenir ne sera plus que l’ombre d’un nuage glissant sur la prairie, ces rives et ces forêts abriteront encore les esprits de mon peuple. Ce n’est pas l’homme qui a tissé la trame de la vie, il en est seulement un fil. Tout ce qu’il fait à la trame, il le fait à lui-même. » Déclaration prémonitoire ? Et sans doute faudrait-il en tenir compte, car le profit à court terme est toujours la norme aujourd’hui et les destructions se poursuivent dans le monde, pour ne pas dire qu’elles s’emballent…
Birds of America de Jacques Lœuille ou contre histoire des Etats-Unis est un récit magnifique, un film puissant et politique.
Birds of America de Jacques Lœuille, un river movie onirique et fascinante.
Entretien avec le réalisateur.
Musiques : Bande originale (extraits) de Birds of America. Voices of First Nations Women, Let ‘em Talk. Black Lodge Singers, Many Flags. Carlos Nakai, Cleft in the Sky. Robert Tree Cody & Rob Wallace, White Buffalo.

 Flee
Un film d’animation de Jonas Poher Rasmussen (24 aout 2022)

L’histoire vraie d’Amin, un Afghan qui a dû fuir son pays à la fin des années 80 alors qu’il n’était qu’un enfant. Trente ans plus tard, désormais universitaire au Danemark, il va confier à son meilleur ami la véritable histoire de son voyage et de son combat pour la liberté.

Enfin Jorinde Reznikoff, productrice du neopostdadasurrealpunkshow sur Radio FSK — radio libre située à Hambourg — nous envoie une entretien avec Annie Lebrun sur Toyen, surréaliste chèque qu’elle rencontrée à l’occasion d’une exposition rétrospective de ses œuvres jusqu’en juillet dernier. Évoquer les femmes dans le mouvement surréaliste n’est pas si courant, mais la publication d’un entretien dans le premier numéro de la revue Brasero, coécrit par Rémy Ricordeau et Sylvain Tanquerel, Annie Le Brun en toute dissonance, avait permis de parler avec Rémy Ricordeau d’Annie Le Brun et de sa contribution « au cours des dernières décennies, à éclairer et à dénoncer les enjeux intellectuels et politiques d’une époque prompte à toutes les mystifications.  »

À noter que les éditions l’Échappée publieront à la rentrée le n° 2 de la revue annuelle Brasero .


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