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Samedi 24 septembre 2022
Le Chiffon, nouveau journal critique en région parisienne. Musidora. Qui êtes-vous ? livre collectif. Les Mystères de Barcelone de Lluis Danés. Poppy Field de Eugen Jebeleanu. Le sixième enfant de Léopold Legrand. 10ème panorama du cinéma colombien
Article mis en ligne le 25 septembre 2022

par CP

Le Chiffon
Nouveau journal critique en région parisienne

Musidora
Qui êtes-vous ?

Ouvrage collectif sur une artiste méconnue, comédienne, réalisatrice, productrice, muse…

Les Mystères de Barcelone
Film de Lluis Danés (28 septembre 2021)

Poppy Field
Film de Eugen Jebeleanu (28 septembre 2022)

Le Chiffon
Nouveau journal critique en région parisienne
Journal trimestriel indépendant d’information critique à Paris et en Île-de-France, le Chiffon a fait le choix d’une diffusion papier contre le tout numérique et la virtualisation de l’existence. Une autre idée de communiquer, d’analyser et de « s’exprimer contre des pouvoirs politiques et économiques inextricablement mêlés ».
Dans une période historique déterminante, une information indépendante et critique est plus que jamais essentielle. Paris est dans une phase de grande transformation, de déshumanisation urbaine et de gentrification, où dominent le développement techno-sécuritaire et les projets inutiles et démesurés... avec, et c’est presque demain, « une compétition sportive mondiale aliénante : les Jeux Olympiques de 2024. »

Le Chiffon, ce sont des reportages, des entretiens, des dessins de presse, des photoreportages, de la BD… Le Chiffon c’est 3 euros et vous pouvez le trouver, entre autres lieux, à Publico, 145 rue Amelot…
Rencontre avec Gary de l’équipe du Chiffon

Illustrations musicales : Martel, BO Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon d’Elio Petri (composée par Ennio Moricone), Abd Al Malik, Le jeune noir à l’épée.

Musidora
Qui êtes-vous ?

Ouvrage collectif sur une artiste méconnue, comédienne, réalisatrice, productrice, muse…
Sortie d’un livre collectif absolument passionnant sur une artiste totale comme le disent celles et ceux qui ont coordonné et participé à cet ouvrage
(éditions de Grenelle).

Musidora est une des premières vedettes féminines du cinéma français. Sa photographie sur la couverture du livre dans le costume moulant d’Irma Vep, tiré du film à épisode de Louis Feuillade, Les Vampires (1915) (sortie du cabinet de curiosités d’André Breton), a traversé le temps pour être le symbole de la femme fatale. Mais on ne peut rester sur cette image de Catwoman de 1910, Musidora existe bien au-delà de l’icône et du fantasme.
Le livre propose, au travers ses articles présentés en cinq chapitres, l’itinéraire passionnant d’une femme qui a été actrice, réalisatrice, productrice… Une créatrice d’avant-garde emblématique de l’émancipation des femmes.

L’ouverture de ses archives donne l’opportunité d’ajouter aux textes une iconographie inédite et exceptionnelle.
On a retrouvé Alice Guy, réalisatrice prolixe, scénariste et productrice, on connaît grâce au film de Marianne Khoury, les Passionnées du cinéma, le rôle essentiel des femmes dès les débuts de la production cinématographique égyptienne, l’ouvrage collectif Musidora. Qui êtes-vous ? permet de rencontrer une femme surprenante, subversive et certainement en avance sur son temps.
Des articles sur sa vie, ses amitiés (avec Colette), ses créations, sa représentation, des repères biographiques (notamment sur ses débuts au music hall) et bibliographiques… Tout sur Musidora et le rôle mythique d’Irma Vep, la vamp des années 1910, mais au-delà de la vamp, c’est aussi la création incroyable des femmes au début du XXème siècle.

Les Mystères de Barcelone
Film de Lluis Danés (28 septembre 2021)

Il y a toujours eu deux villes de Barcelone, celle des riches et celle des pauvres. En 1912, circule en ville la rumeur de disparitions d’enfants, des enfants de pauvres bien sûr, mais cela n’est guère pris au sérieux par les autorités. Cependant lorsque Teresa, une fillette de famille bourgeoise, disparaît, la ville est en émoi et la presse en fait ses gros titres. La police trouve une suspecte sans chercher plus loin, une femme qui fait des onguents, et très vite, la sorcière comme l’appellent des témoins, est surnommée la « vampiresse de Barcelone », et est quasiment lynchée par la foule lors de son arrestation.

Le journaliste Sebastia Comas, de retour au journal après une longue absence, suit l’affaire, mais cette traite de fillettes disparues fait écho à son sentiment de culpabilité et à son drame personnel, le suicide de sa jeune sœur abusée par son père. Mêlant dans un même cauchemar récurrent les images de sa sœur, des enfants enlevés demandant son aide, il ne trouve pas le sommeil et se shoote à la morphine. Persuadé de la culpabilité d’Enriqueta Martí en raison des preuves que lui présente la police, il commence néanmoins à douter des découvertes soi-disant « irréfutables ». En effet, il a des doutes quant aux accusations de meurtres perpétrés par Enrigueta, une femme fragile dont le seul tort a été de garder la petite Teresa chez elle. Il visite donc Enriqueta dans la prison, personnage malade et complexe qui semble avoir perdu la raison face à la haine et aux accusations dont elle est l’objet, il découvre la cruauté des nonnes de la prison à son égard et, pour finir, se sent manipulé par la demande de son oncle, patron de presse, qui tire évidemment profit de l’affaire, « les gens aiment le sordide et l’important et de vendre ! » dit-il. La vérité ? Elle n’a guère de poids face au pouvoir et à la corruption. Lorsque Sebastia recueille l’histoire d’un boulanger recherchant sa fille, qui lui révèle qu’un bordel de la ville serait à l’origine de toutes les disparitions, il s’y présente comme client ami d’un avocat connu, aperçoit des personnalités de la ville et demande une enfant qu’on lui sert comme une autre prostituée. Il perd le contrôle de lui-même et se fait tabasser et jeter dehors. C’est alors qu’un cadavre de fillette est retrouvé, noyée, et dont le cœur a été arraché…

Les Mystères de Barcelone oscillent entre le thriller historique et les visions cauchemardesques de Sebastia, qui prend peu à peu conscience du rôle qu’on veut lui faire jouer dans un complot du silence orchestré par le pouvoir : les notables, le fric, la police et la presse. La guérisseuse Enriqueta est donc la coupable parfaite, vouée aux gémonies de la population, une femme pauvre et marginale… les autorités de la ville peuvent acheter et dissimuler les horreurs et se doivent de le faire, car le souvenir de la semaine sanglante de 1909 n’est pas oublié, conclue par une répression féroce et l’exécution de Franscisco Ferrer, pédagogue anarchiste, en octobre 1909. Alors si la population apprenait que des personnalités bourgeoises sont impliquées dans une affaire de mœurs et de traite d’enfants, ce serait la révolte, les bombes, le chaos comme l’évoque l’oncle de Sebastia. « Le monstre n’est pas Enriqueta Marti, c’est nous ! » écrit Sebastia.

Le film, en noir et blanc reconstitue admirablement les bas fonds de Barcelone, et il utilise la couleur pour les scènes de prostitution du bordel, le sang, la chambre noire de photographie, la robe rouge d’Amelia, la prostituée qui rêve d’opéra, et la séquence de la fête foraine est une réminiscence de celle du Casanova de Fellini. Les hallucinations de Sebastia et leur représentation en théâtre d’ombres, le passage du noir et blanc à la couleur, les costumes et les décors font du film de LLuis Danès une fable politique et horrifique très proche du cinéma de Fritz Lang. Le rôle du journaliste Sebastia Comas, en investigation seul face à une société sous l’emprise du fric et des notables, renvoie à une époque plus contemporaine. La réflexion sur la presse sous l’emprise du fric est évidemment très claire, de même que les violences faites aux femmes, aux enfants, à la misère.
Les Mystères de Barcelone, tourné en catalan, est un thriller passionnant, baroque, jusqu’à la fin offrant un rebondissement étonnant dans sa forme et le sens qu’il sous-tend.
Les Mystères de Barcelone de LLuis Danès à voir au cinéma le 28 septembre 2022.

Poppy Field
Film de Eugen Jebeleanu (28 septembre 2022)

Cristi est un policier roumain, mais il n’est pas question pour lui de laisser deviner à ses collègues son homosexualité. La société roumaine et la police sont très machistes. Cristi vit une double vie et cache au quotidien son homosexualité. Lorsque son petit ami français vient lui rendre visite pour quelques jours, Cristi est en même temps heureux de le voir, mais on le sent mal à l’aise, sur le qui vive et dans l’incapacité de se comporter naturellement. De plus, au lieu de profiter de cette visite, il est appelé par son chef pour intervenir dans une salle de cinéma où un groupuscule ultranationaliste manifeste et hurle des slogans homophobes pour saboter la projection d’un film queer.
Inspirée de faits semblables, le film 120 battements par minute de Robin Campillo avait en effet déclenché des réactions similaires de la part d’extrémistes religieux, cette séquence est très intéressante, elle montre leur virulence et la brutalité des propos. Il y a notamment des femmes âgées dans le groupe qui, haineuses, invectivent le public et hurlent que l’homosexualité est une maladie. « Il ne faut pas oublier [précise le réalisateur] que la dépénalisation de l’homosexualité en Roumanie ne date que de 2001. C’est encore un sujet tabou, absent de l’éducation, que ce soit à l’école ou dans la famille. L’église orthodoxe a encore un poids considérable, elle mène différents combats en faveur de la famille traditionnelle. Par exemple, en 2018, un référendum a été proposé pour changer la constitution, a n de préciser que la famille ne pouvait être qu’une union entre un homme et une femme. Heureusement, le référendum n’est pas passé, depuis on commence à parler un peu plus des problématiques de la communauté LGBT. »

C’est sans doute pour cette raison que lorsque l’un des spectateurs gay reconnaît Cristi et tente de l’aborder, celui-ci perd le contrôle, le repousse et le frappe. La violence de sa réaction est due à la pression sociale et à la situation très tendue dans le cinéma. Il exprime une forme de panique d’être stigmatisé dans son milieu professionnel, mais, analyse le réalisateur, « c’est l’homophobie intériorisée que vit Cristi. Sa lutte et son combat avec lui-même, avec ses propres peurs, ses propres rejets et ses propres phobies, fondés par l’éducation que l’on reçoit en Roumanie. C’est un être empêché, culturellement. Il vit avec la culpabilité permanente d’être homosexuel. Mais c’est finalement lui qui se met le plus de bâtons dans les roues, qui s’autocensure. Finalement, ses collègues, se moquent peu de savoir ou pas. Je ne voulais pas faire un film sur le coming out, mais plutôt raconter le tourment intérieur de quelqu’un qui n’arrive pas à s’accepter. » C’est aussi la raison de la gêne éprouvée avec son petit ami, qui ne comprend pas l’attitude de Cristi ni sa réticence à se montrer avec lui.
L’interprétation de Conrad Mericoffer est particulièrement impressionnant pour son jeu intériorisé et ses silences.
Poppy Field de Eugen Jebeleanu sort en salles le 28 septembre 2022.

Le sixième enfant
Film de Léopold Legrand (28 septembre 2022)

Franck et Mériem ont cinq enfants, et un sixième à naître. Franck est ferrailleur et parfois les combines pour récupérer du matériel sont risquées et les catastrophes s’enchaînent… Impossible de vendre le matériel récupéré, l’accident, il est blessé, son camion part à la casse et il doit passer en procès. C’est à cette occasion qu’il rencontre Julien, jeune avocat qui plaide son cas et lui obtient le sursis. À la sortie du palais, il le raccompagne sur le terrain où vit la famille et toute une communauté. Léopold Legrand établit d’emblée les différences de classe : « D’un côté, il y a un couple d’avocats bobos et leur appartement parisien cosy. De l’autre, un ferrailleur et sa femme qui vivent dans une caravane sur un terrain à Aubervilliers. Partant de là, j’ai essayé de peindre ces deux univers avec justesse, en m’inspirant du réel, en recherchant la crédibilité à tout prix. Ce film raconte clairement la rencontre de deux mondes ». Mériem sympathise très vite avec Anna, qui est avocate comme son compagnon, et explique ses difficultés : elle ne se sent pas capable d’apporter tout ce qu’elle voudrait à l’enfant qu’elle porte, mais n’envisage pas d’IVG, ni de l’abandonner. La question est simple : comment y arriver avec six enfants dans une caravane et Franck qui a perdu son camion ? De leur côté, Anna et Julien ont tout essayé pour avoir un enfant, alors la jeune femme propose d’adopter le bébé de Mériem : une adoption simple, pas une adoption plénière qui serait illégale. Myriam est réticente, elle n’accepte pas l’idée que l’enfant puisse se sentir abandonné. Germe alors l’idée d’un arrangement impensable, Anna est prête à prendre les risques, à simuler une grossesse pour avoir enfin cet enfant tant désiré.

Le film est aussi l’histoire d’une d’amitié, d’une connivence entre deux femmes autour du futur bébé, de leur émotion et de leur confiance mutuelle. Adapté très librement d’un roman, le film montre le lien fort et complexe qui se tisse entre ces deux femmes, car, explique le réalisateur, celui-ci « est tout à la fois désiré et subi, sincère et intéressé, marchand et amical. » Julien, s’il désire aussi un enfant, n’est pas prêt à violer la loi. Il est impensable à ses yeux d’acheter un enfant : « on va finir en taule ! », prévient-il. Anna va pourtant lui forcer la main, mettant même en balance leur couple et criant qu’elle n’en peut plus des examens, des opérations, des rencontres avec une psy pour le même résultat négatif. Évidemment la morale et la loi sont évoquées, mais ce qui ressort justement c’est l’absurdité de la loi et d’une morale à géométrie variable.
Le film est extrêmement bien interprété par Judith Chemla et Sara Giraudeau, des rôles tout en finesse, naturel et retenue. « C’est la question de l’intime que je voulais traiter [souligne Léopold Legrand]. Franck et Meriem décident de confier leur sixième enfant, qu’ils n’ont pas les moyens d’accueillir, à Julien et Anna, qui ont tout tenté, mais n’arrivent pas à avoir d’enfant. J’ai essayé de raconter leurs secrets, leurs doutes, leurs espoirs, sans être dans le discours ni le jugement. J’ai cherché à les comprendre, à les aimer. […] Ce n’est pas facile de raconter une femme qui décide d’abandonner son enfant, ni de raconter une femme prête à en acheter un. D’autant plus lorsque le récit revêt une dimension sociale. Je me disais souvent qu’il fallait “oser avec pudeur”. » Et Léopold Legrand y réussit parfaitement. Bouleversant !
Le film porte une réflexion profonde sur les lois et sur la souffrance des femmes.
Le sixième enfant de Léopold Legrand est sur les écrans le 28 septembre.

À NOTER : jusqu’au 28 octobre, rétrospective des films de Douglas Sirk à la cinémathèque.

10ème panorama du cinéma colombien
Du 7 au 11 octobre

Soirée d’ouverture le 6 octobre
Cinéma l’ARLEQUIN
76 rue de Rennes, 75006 Paris
LA JAURÍA de Andrés Ramírez Pulido
Après avoir commis un crime avec son ami El Mono, Eliú est incarcéré dans un centre de réhabilitation expérimental pour mineurs au cœur de la forêt tropicale colombienne.
Du 7 au 11 octobre
Cinéma REFLET MÉDICIS
3 rue Champollion, 75005 Paris
www panoramaducinemacolombien com

Le Panorama du cinéma colombien, porté par l’association Le Chien qui aboie, propose des espaces de rencontre avec la cinématographie colombienne.
Projections, débats, tables rondes, expositions invitent non seulement à la découverte d’un cinéma en plein essor, mais également à la découverte d’un pays et de cultures en constante transformation.
Un rendez-vous annuel des chroniques rebelles de Radio Libertaire avec le cinéma colombien
Présentation et discussion avec Sébastien Coral de l’association Le Chien qui aboie.
Pour tout savoir sur le Panorama :
www panoramaducinemacolombien com


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