Chroniques rebelles
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Samedi 3 décembre 2022
Nos frangins de Rachid Bouchareb. Sous les figues de Erige Sehiri. Nos soleils de Carla Simon. Il nous reste la colère de Jamila Jendari et Nicolas Beirnaert. La (très) grande évasion de Yannick Kergoat. Kanun. La loi du sang de Jérémie Guez. Mourir à Ibiza de Anton Balekdjian, Léo Couture & Mattéo Eustachon. Le Procès, Prague 1952 de Ruth Zylberman. Dario Argento en coffret DVD-BRD. Retour du festival Chéries Chéris avec Caroline Barbarit-Héraud. « Homo ça coince… » par la compagnie Manifeste rien. Rétrospective Mani Kaul
Article mis en ligne le 4 décembre 2022
dernière modification le 12 décembre 2022

par CP

Nos frangins
Film de Rachid Bouchareb (7 décembre 2022)
Entretien avec le réalisateur

Sous les figues
Film de Erige Sehiri (7 décembre 2022)

Nos soleils
Film de Carla Simon (7 décembre 2022)

Il nous reste la colère
Film de Jamila Jendari et Nicolas Beirnaert (7 décembre 2022)

La (très) grande évasion
Film de Yannick Kergoat (7 décembre 2022)

Entretien avec Yannick Kergoat

Kanun. La loi du sang
Film de Jérémie Guez (7 décembre 2022)

Mourir à Ibiza
Film de Anton Balekdjian, Léo Couture & Mattéo Eustachon (7 décembre 2022)

Le Procès, Prague 1952
Film de Ruth Zylberman (ARTE, 6 décembre 2022)

6 films de Dario Argento en coffret DVD-BRD

Retour du festival Chéries Chéris
avec Caroline Barbarit-Héraud

« Homo ça coince… »
par la compagnie Manifeste rien
3 représentations les 9 et 10 décembre à Paris

Rétrospective Mani Kaul

Nos frangins
Film de Rachid Bouchareb (7 décembre 2022)
Entretien avec le réalisateur

1986. Dans la nuit du 5 au 6 décembre, Malik Oussekine est tabassé à mort par des voltigeurs de la BAC qui le poursuivent dans le hall d’un immeuble. Il est pris pour cible alors qu’il rentre chez lui et se trouve au milieu de la répression policière des manifestations étudiantes contre la loi Devaquet. Au cours de la même nuit, le jeune Abdel Benyahia est tué à Pantin par un policier bourré et armé qui n’était pas en service. Le ministère de l’Intérieur tente d’étouffer les deux affaires, l’une comme l’autre, et font de Malik Oussekine un terroriste libanais et d’Abdel Benyahia un délinquant. La mort de Malik a suscité d’énormes manifestations qui ont secoué la France, dirigée alors par un gouvernement mixte, Chirac/Mitterrand.

L’assassinat de Malik Oussekine demeure non seulement un symbole du racisme d’État et des violences policières, mais marque aussi une époque où les victimes ne sont plus invisibles, malgré les efforts de l’État à escamoter les crimes. Le film de Rachid Bouchareb génère une réflexion sur la répression de l’État et a un écho évident avec les violences policières perpétrées depuis, jusqu’aux violences à l’encontre des manifestations des Gilets jaunes.

La rencontre avec Rachid Bouchareb a été organisée dans le cadre du festival international du cinéma méditerranéen de Montpellier, le CINEMED, où Nos Frangins a été présenté en avant première.
La première question posée à Rachid Bouchareb a porté sur son choix de mener en parallèle deux histoires, celle de Malik Oussekine et celle d’Abdel Benyahia, tous deux assassinés par des policiers.

En conclusion du film, l’enquête sur la mort de Malik Oussekine, provoquée par les voltigeurs, n’a eu pour effet que le changement du nom de la BAC en BRAV en 2018. Les deux policiers qui avaient tabassé Malik ont écopé de 4 et 2 mois avec sursis, l’un des deux déclarant que c’était la première fois qu’il partait « en chasse » et qu’il ignorait l’interdiction de descendre de son véhicule, et d’invoquer qu’il avait des ordres, comme si cela justifiait qu’il tue un étudiant ! Quant au policier ivre qui avait tué Abdel, il a été condamné à 5 ans de prison.
Nos frangins de Rachid Bouchareb au cinéma le 7 décembre.

Sous les figues
Film de Erige Sehiri (7 décembre 2022)

« Je collais des affiches sur les murs d’un lycée, pour un casting dans la région rurale du Nord-Ouest de la Tunisie — je voulais tourner un film sur des jeunes qui animent une radio — quand j’ai rencontré Fidé. J’ai eu un coup de cœur. Elle n’était pas spécialement intéressée par le casting, mais elle a fini par auditionner. Je lui ai demandé ce qu’elle faisait pendant l’été. Elle m’a répondu qu’elle travaillait dans les champs, et m’a proposé de l’accompagner lors d’une journée de travail. Je suis donc allée voir ces femmes au labeur. » Erige Sehiri raconte ainsi le choix de faire un film sur les femmes au travail, plusieurs générations se côtoient, c’est l’été, et durant la période de la cueillette des figues, des femmes et des hommes se retrouvent dans les champs, comme saisonnières et saisonniers…

C’est un moment où la parole se délie, où la proximité ouvre même à une certaine liberté des sentiments, du moins à leur expression, aux tentatives de séduction, au désir. Se greffe aussi durant cette journée les rapports au travail et au patron, favorisés par un espace clos et la contrainte du rendement. Les jeunes filles, celles qui sont au lycée, posent des questions sur ailleurs, la côte par exemple qu’elles ne connaissent pas, le tourisme, enfin les possibilités de travail. À certains moments du film, l’intimité est palpable bien qu’elle ne soit pas montrée, peut-être, comme l’explique la réalisatrice, « le fait de travailler avec des acteurs non professionnels m’obligeait à rester pudique — je ne pouvais pas tout leur faire faire — je crois que ces plans serrés en disent parfois plus qu’un baiser. » Donner la parole aux filles, mais aussi aux garçons, au moment des pauses, des paroles qui s’entrecroisent naturellement et révèlent les attentes, les frustrations, les rêves de chacune et chacun, et le poids des contraintes sociales.

Et la réalisatrice ajoute d’ailleurs : « on n’entend presque jamais les garçons arabes parler de ce manque d’amour et de contact physique, de sexualité, c’était important pour moi de donner une place à cette détresse. Sana voudrait que Firas soit plus conservateur, cela montre que ce sont aussi des envies de femmes, pas toujours imposées par le sexe opposé. Pour certaines, c’est leur vision de l’homme viril. Sana fantasme le couple religieux traditionnel, offrant sécurité et stabilité. Cela la rend touchante aussi. Sans que l’on connaisse leurs histoires familiales, les dialogues et gestes devaient nous éclairer sur la mentalité et les profils des personnages.

De même, leurs manières de s’habiller et de porter le voile ou le foulard participent à cette caractérisation. Fidé, dont le voile tombe tout le temps, ne le porte pas comme Sana ou comme Melek par exemple. Il y a une diversité même dans la manière de porter le voile, ou le foulard. » Cette cueillette, ce travail de l’été, est aussi l’opportunité pour les jeunes filles de faire des rencontres, que ce soit avec de jeunes garçons, mais aussi avec des femmes plus matures, qui elles travaillent à l’année dans les champs. « Chaque moment de pause est essentiel[confie la réalisatrice] car il coïncide avec des moments de camaraderie que j’aime voir dans la vie et au cinéma. » Un très beau film, des personnages forts et attachants.
Sous les figues de Erige Sehiri sort en salles le 7 décembre.
Avant première au cinéma des cinéastes lundi 5 décembre à 20h en présence de la réalisatrice.

Nos soleils
Film de Carla Simon (7 décembre 2022)

Après été 93, le second film de Carla Simon, Nos Soleils, remporte l’Ours d’or à Berlin en 2022. Inspirée par sa propre famille, la réalisatrice met en scène la famille Solé qui cultive les pêches près d’un petit village de Catalogne. La première séquence montre plusieurs enfants s’amusant dans une voiture abandonnée qui leur sert de fief pour leurs histoires imaginaires, le jeu est brutalement interrompu par des travaux en cours sur leur terrain de jeu. Travaux qui, comme un signal d’alarme, vont perturber cette grande famille, briser son équilibre et mettre en danger l’exploitation familiale. Le propriétaire du terrain, accordé depuis des générations à la famille, a en effet le projet de couper les pêchers et d’y installer des panneaux solaires.
C’est donc peut être le dernier été de récolte et la fin de l’exploitation, d’un style de vie qui assurait une harmonie familiale, à partir de là surgissent des désaccords et surtout la crainte d’un avenir plus qu’incertain. Comme le raconte la réalisatrice, « Alcarràs est un tout petit village au fin fond de la Catalogne où ma famille cultive des pêchers. À la mort de mon grand-père, mes oncles ont hérité de ses terres et de son exploitation. Le deuil de mon grand-père m’a ouvert les yeux sur mon héritage familial et sur le dévouement des miens envers le travail de la terre. J’ai réalisé que les arbres qu’ils cultivent avec tant de soin pouvaient être détruits du jour au lendemain. C’est ainsi qu’est née l’intrigue de Nos Soleils. […] L’histoire de la famille Solé s’inscrit dans une époque où ce genre de culture n’est plus viable. Cela pose la question du sens que nous donnons à l’agriculture aujourd’hui. À travers ce film, je voulais rendre hommage, avec nostalgie mais sans mièvrerie, aux dernières familles d’agriculteurs qui résistent et s’accrochent envers et contre tout à leurs traditions. » La culture industrielle remplace l’agriculture traditionnelle, ce qui affecte non seulement le mode de vie de celles et ceux qui vivent de la terre, mais également tout le monde, car nous consommons la nourriture issue des nouvelles méthodes d’exploitation. C’est un changement radical au plan mondial dans la fabrication de la nourriture.

Nos Soleils raconte aussi la vie de ces grandes familles, les tensions exacerbées par les craintes d’arrêt de leur mode de vie et la recherche de solutions d’avenir, d’où l’importance du regard des enfants qui représentent la nouvelle génération. Pour donner plus de force et de réalité au récit, Carla Simona a fait le choix d’un casting non professionnel. « J’ai travaillé, [explique-t-elle] avec des acteurs non professionnels de la région d’Alcarràs très attachés à leur terre. […] Je recherche toujours le naturalisme chez les acteurs. Je pense que plus un acteur est proche de son personnage, plus il sera convaincant. Je voulais que mon film soit interprété par des agriculteurs qui travaillent la terre, qui comprennent ce que cela signifie de la perdre. En plus, il y a des enfants et des adolescents dans le film, et pour moi, les enfants sont des acteurs-nés. » C’est ce qui donne le naturel et la fluidité du récit, « les répliques qui fusent, les énergies qui se confrontent, le chaos ambiant, les petits gestes qui en disent long, les émotions qui entraînent des réactions en chaîne... Les gens peuvent avoir des intérêts divergents, mais ils doivent trouver une façon de vivre ensemble. »

Avec Nos Soleils, Carla Simon réussit une alchimie alliant le particulier, le local, l’intime et l’universel, d’un côté le phénomène mondial du remplacement de l’agriculture traditionnelle par l’industrie agroalimentaire, sans oublier la particularité du langage de cette région de l’Espagne qu’elle connaît bien. À travers le récit du film, c’est aussi un questionnement général sur l’environnement et la vie future de la planète.
Nos soleils de Carla Simon en salles le 7 décembre.

Il nous reste la colère
Film de Jamila Jendari et Nicolas Beirnaert (7 décembre 2022)

La semaine dernière, Basile Carré Agostini parlait de ce film en évoquant le tournage de A demain mon amour, avec Monique et Michèle Pinçon Charlot, lors d’une rencontre avec les ouvriers et ouvrières de Ford, une séquence d’anthologie…
Il nous reste la colère, c’est encore un chapitre de la désindustrialisation, un film qui remet en mémoire celui de Jean-Claude Poirson, La Bataille de Florange.
En 2011, les ouvriers et ouvrières de Ford à Blanquefort en Gironde réussissent à sauver les mille emplois et leur usine. Mais la menace de fermeture demeure et, en 2020, les craintes se concrétisent avec l’arrêt définitif des chaînes de montage. Il nous reste la colère retrace la dernière année de combat, les blocages, les manifestations, les négociations et les prises de parole…
Il nous reste la colère de Jamila Jendari et Nicolas Beirnaert (7 décembre 2022)

La (très) grande évasion
Film de Yannick Kergoat (7 décembre 2022)

Entretien avec Yannick Kergoat

« il n’y a pas d’argent magique » assène Macron pour justifier les coupures de budget du service public… Pas d’argent magique ? Cependant il génère de multiples tours de passe-passe, sans cesse revisités, dont le film de Yannick Kergoat fait une description minutieuse, compréhensible, humoristique et dynamique. L’évasion fiscale est une économie parallèle opaque destinée aux plus riches, dont les 99 % de la population ne sait pas grand chose, pourtant ce sont ces 99 % qui paient les frais de toutes ces transactions frauduleuses et celles rendues directement légales par les États, sinon par leur inertie. Les mesures contre la fraude fiscale provoquant la fuite des capitaux et des énormes profits de multinationales seraient-elles finalement dommageables au système capitaliste ? On peut se poser naïvement la question lorsque l’on constate, par exemple, que dans l’affaire des Lux Leaks, ce ne sont pas les fraudeurs qui ont été condamnés par les juges… mais les lanceurs d’alerte !

La (très) grande évasion de Yannick Kergoat est un film coup de poing très pédagogique. Ces derniers temps, le sujet s’immisce d’ailleurs dans les médias pour cause d’inflation galopante et de paupérisation des populations, mais rares sont ceux qui abordent les causes profondes du problème, et les « spécialistes », brouillent souvent les pistes en compliquant les données de base, ou encore s’avouent découragé.es face au manque de moyens et à la complexité des multiples formes d’évasion fiscale, qui en fait ne font que se recycler indéfiniment. Il est certain que les mesures déployées ne vont jamais assez loin. Les Panama Papers éclairent les magouilles du cabinet Fonseca, mais leurs experts fiscaux se retrouvent rapidement engagés dans d’autres cabinets, il faudrait donc supprimer tous les cabinets pour éradiquer « la criminalité en col blanc »… Cependant, force est de constater que la lutte contre la fraude fiscale et le blanchiment d’argent s’exerce la plupart du temps en paroles, mais pas réellement en actes. L’administration fiscale des différents pays ferme souvent les yeux par crainte de voir des milliards partir ailleurs, dans un autre pays plus arrangeant…
Dans son film, Yannick Kergoat donne la parole à Alain Deneault, que nous avons souvent reçu dans les chroniques rebelles de Radio Libertaire, ses travaux portent entre autre sur le coût social des paradis fiscaux pour les populations, de même que sur l’univers juridique parallèle dont jouit l’oligarchie mondiale.
BO La (très) grande évasion de Yannick Kergoat
La (très) grande évasion de Yannick Kergoat en salles le 7 décembre, mais également le 4 décembre, en avant première au Saint André des Arts, à 18h et en compagnie de Yannick Kergoat.

Kanun. La loi du sang
Film de Jérémie Guez (7 décembre 2022)

Kanun est un film de genre dans la grande tradition des films noirs états-uniens, ou ceux de Hong Kong, ou encore de Jean-Pierre Melville, comme le revendique Jérémie Guez, avec un rythme, l’ambiance et le langage du suspens. À cela, le film y adjoint un contexte social spécifique, celui d’une tradition albanaise : la loi du sang.
L’Albanie est, explique le réalisateur, « une zone à la fois très proche de chez nous et très exotique, qui représente plus ou moins la frontière de l’Europe avec l’Asie mineure. C’est une culture des montagnes, c’est un peu notre Caucase ouest-européen... Je trouve ces cultures et ces langues très intéressantes. Et l’histoire de toute l’ex-Yougoslavie m’a toujours fasciné depuis l’adolescence. L’Albanie a été le seul territoire juste de la zone pendant la Seconde Guerre mondiale. Par exemple, c’est un peuple qui a caché et protégé beaucoup de Juifs. Le pays est par ailleurs majoritairement musulman... : c’est une culture que j’aime et dont je suis curieux. Le “kanun” est comme un code civil dans le pays. La vengeance ne représente que trois ou quatre pages de ce code. Et ce qui est le point de départ de l’histoire de mon film ne représente pas le “kanun” de tradition. C’est l’extrapolation mafieuse d’un code civil minutieux, qui peut notamment régler des conflits entre voisins, où sont consignées des règles d’hospitalité. C’était un bon point de départ pour tisser une histoire. »

La première séquence met en scène un jeune adolescent, Lorik, vivant enfermé chez lui, car sa famille est sous le coup de la dette du sang et il est le seul « homme » de la famille. Pour cela, sa mère tente le tout pour le tout pour lui permettre d’échapper à la sentence. Des années plus tard, on retrouve Lorik à Bruxelles, ville où se croisent les langues et les nationalités, il est homme de main pour un clan mafieux, qui opère dans les jeux, la prostitution et le racket... Il est à l’aise dans ce monde et sa communauté et ne se pose pas de questions sur sa vie ou ses sentiments. Ses liens affectifs sont ceux qu’il entretient avec sa mère restée en Albanie et la famille de l’homme, qui en quelque sorte l’a formé depuis l’adolescence. Tout semble simple bien qu’il soit un peu sans filtre, jusqu’au jour où, par inadvertance, il braque Sema, qui travaille dans un bar pour payer ses études aux Beaux-Arts. C’est le coup de foudre pour Lorik qui se met à rêver d’une histoire d’amour. Mais il va falloir qu’il accepte le caractère indépendant de la jeune fille qui vit avec son père malade et prépare une exposition.

Cependant les règles du Kanun le rattrape, un homme dont le père a été tué par un membre de la famille de Lorik réclame que sa dette soit payée par le sang du jeune homme. Peut-on aller contre une règle qui semble sans échappatoire et aussi absurde ?
Les images sont superbes, tournées le plus souvent dans un clair obscur fascinant, les personnages sont campés avec justesse et subtilité, Kanun est un vrai plaisir de cinéma, un film de genre esthétiquement très beau et profond.
Kanun. La loi du sang de Jérémie Guez sort en salles le 7 décembre.

Mourir à Ibiza
Film de Anton Balekdjian, Léo Couture & Mattéo Eustachon (7 décembre 2022)

Une histoire simple, un conte d’amitiés et de vacances, dont Léna est en quelque sorte le fil conducteur des trois épisodes. Elle descend du train à Arles pour rejoindre Marius, ancien amour de vacances retrouvé sur internet, qui habite dans la vieille ville. Marius est absent, elle s’installe chez lui, s’ennuie un peu, rencontre Maurice, qui fait un stage de boulanger, et Ali qui joue dans des combats de gladiateurs pour touristes. Léna est comédienne mais, lorsqu’elle retrouve Marius, elle n’a pas grand chose à lui dire. Plus facile de fantasmer sur internet.
Mourir à Ibiza est un film en trois temps, trois étés, réalisé par trois auteurs, réalisateurs et techniciens. Au cours de ces trois étés, se créent des amitiés en mode vacances, en même temps que se construit un film en trois chapitres dans trois endroits différents et « emblématiques » selon le trio de réalisation : « À Arles, on sentait qu’on pouvait tourner un film chaud et vivant. Le côté carte postale nous plaisait aussi, l’architecture antique, la Camargue... » Chapitre 2. Autre ambiance à Étretat, les falaises dominent ainsi que le gris, tandis que les relations entre les personnages s’élaborent peu à peu, s’étiolent ou s’animent… Enfin le dernier chapitre, Mourir à Ibiza, qui donne son titre au film, comme une apothéose, entre superficialité, tourisme de masse et paysage qui retrouve presque un côté antique et sublime lorsque le bateau va vers Védra, à la pointe de l’île. Mourir à Ibiza, allusion à More de Barbet Schroeder ? Cependant la bande son a évidemment bien changé.

À la base, les trois réalisateurs étaient ensemble dans les départements Scénario, Son et Image et ressentaient fortement l’envie de se jeter très vite dans une réalisation commune et de travailler en improvisation, sur le terrain des sentiments qui s’échafaudent, se manquent sans pouvoir se déclarer et expriment « la peur de ne jamais pouvoir se rencontrer vraiment, [la peur] d’une solitude indépassable. » Les références cinématographiques, on peut en trouver, mais l’important est cette expérience à vif, car pour élaborer une méthode de travail collective, les trois réalisateurs ont « essayé de faire en sorte que chacun.e puisse se sentir engagé.e dans le film comme membre d’un groupe et pas seulement à son propre poste. Le tournage était une aventure quotidienne : on ne se séparait jamais, on tournait là où on dormait. » Une autre manière de filmer afin de sortir « des rapports de pouvoir traditionnels des plateaux de cinéma pour vivre une aventure commune plus libre. »

Certes, le film se déroule dans un style naturel et spontané, sans construction préalable à première vue, au rythme des vagues, cependant le premier plan de Mourir à Ibiza montre Léna sur le pont d’un bateau contemplant la mer et c’est la même séquence finale… Est-ce une boucle autour du personnage de Léna, la seule d’ailleurs qui semble déterminée ?
Mourir à Ibiza de Anton Balekdjian, Léo Couture & Mattéo Eustachon au cinéma le 7 décembre.

Le Procès, Prague 1952
Film de Ruth Zylberman (ARTE, 6 décembre 2022)

Sera diffusé sur ARTE le 6 décembre à 22h55

En 2018, à Prague, des ouvriers retrouvent dans un entrepôt abandonné des bobines de film, dissimulées depuis 1989. Ce sont les images du Procès Slansky en 1952, un sommet de la terreur stalinienne et une macabre mise en scène où quatorze dirigeants du régime communiste, juifs pour la plupart, furent accusés de crimes imaginaires et contraints, par la torture et les menaces, de s’avouer publiquement coupables. Onze furent condamnés à mort et pendus.
Ce procès est connu grâce au film de Costa-Gavras, L’Aveu, interprété par Yves Montand et adapté du livre éponyme d’Artur London, l’un des seuls survivants parmi les accusés. À l’aide de ces archives restaurées et de recherches dans les archives de la police secrète, Ruth Zylberman a rencontré les familles de Rudolf Slansky, Artur London et Rudolf Margolius afin de retracer la trajectoire complexe de ces hommes. Trois hommes détruits par un monde qu’ils avaient contribué à édifier et où le mensonge faisait loi. Entre vérité et mensonge, un écho à réflexion, comme le déclare la réalisatrice et écrivaine Ruth Zylberman : « Derrière chaque auto-accusation, chaque hésitation se dissimule tout le chemin qu’il faut pour casser un homme. »

Le Procès, Prague 1952 de Ruth Zylberman à voir sur ARTE
6 décembre à 22h55

6 films de Dario Argento en coffret DVD-BRD

Sortie le 6 décembre chez Camélia d’un coffret avec 6 films de Dario Argento en versions restaurées de L’oiseau au plumage de cristal, le Chat à neuf queues, Ténèbres, Phénomena, Opera et Profondo Rosso. Les films sont présentés par le réalisateur et d’autres cinéphiles, avec en supplément un film de Jean-Baptiste Thoret, Soupirs dans un corridor lointain, et un livre d’Olivier Père, Dario Argento, les six visages de la peur.
Coffret en édition limitée le 6 décembre.

Retour du festival Chéries Chéris
avec Caroline Barbarit-Héraud

Rencontre en deux temps avec Caroline Barbarit-Héraud, membre du jury pour les films documentaires. Au début du festival, elle parle d’abord du cinéma Nestor Burma à Montpellier, puis du festival Chéries Chéris. Dans la seconde rencontre, Caroline donne le palmarès et commente ses coups de cœur.

« Homo ça coince… »
par la compagnie Manifeste rien
3 représentations les 9 et 10 décembre à Paris

« Homo ça coince… »
par la compagnie Manifeste rien
Au Centre Ken Saro-Wiwa, 63 rue Buzenval – Paris 20ème
3 représentations : vendredi 9 décembre à 20h, mais aussi à 14h30
et samedi 10 décembre à 16h
Un solo étonnant, tour à tour un homme et une femme trans sont sur scène, c’est un passage au crible des discriminations homophobes et sexistes avec un humour mordant. D’ailleurs la stigmatisation n’est pas seulement dirigée à l’encontre des LGBTQIA+, elle touche également les femmes, les pauvres, l’étranger, le malade, enfin l’autre…
Comme d’habitude, les représentations sont suivies d’un débat, le vendredi 9 et le samedi 10, ce sera avec l’auteur metteur en scène Jérémy Beschon et le socio-anthropologue Laurent Gaissad.
« Homo ça coince… »
par la compagnie Manifeste rien
Au Centre Ken Saro-Wiwa, 63 rue Buzenval – Paris 20ème

Rétrospective Mani Kaul
Mani Kaul fait partie de la Nouvelle Vague indienne et est sans doute l’un des cinéastes indiens qui a réussi à bouleverser le rapport de l’image à la forme, de la parole au récit. Réalisateur, peintre et musicien, né en 1942, il réalise son premier film en 1965. Le style original de Mani Kaul se distingue par un côté contemplatif et sensuel plutôt rare dans le cinéma indien.
Rarement présentés en France et inédits en salles, le 14 décembre, quatre films de MANI KAUL sortent au cinéma.

Duvidha (Le dilemme)
Inspiré d’un conte populaire du Rajasthan, Duvidha est l’histoire du fils d’un marchand qui revient chez lui avec sa nouvelle épouse, avant d’être renvoyé à la ville s’occuper du commerce familial. Un fantôme tombe amoureux de la jeune femme, prenant l’apparence de son mari absent, et vit avec elle.

`
Uski Roti
Chauffeur de car, Sucha Singh sillonne les routes poussiéreuses de la campagne du Pendjab, tandis que Balo, sa femme, passe de longues heures à l’attendre à l’arrêt de car avec son déjeuner. Un jour, la sœur de Balo est violentée et Balo arrive en retard au rendez-vous avec son mari. Ce dernier se fâche, dédaigne la nourriture et s’en va.

Nazar
D’après une nouvelle de Dostoïevski, La Douce (que Bresson a adapté avec Une femme douce).Un homme réfléchit à la complexité de son mariage, s’arrêtant sur différents moments du passé. La femme est la création idéalisée de son imagination. L’homme croit posséder la femme. Il ne se rend pas compte qu’elle finira par le posséder, en particulier quand elle commence à manifester des signes d’indépendance. Des retranchements silencieux entre l’homme et la femme sont les premiers signes de cassure dans le couple. Les confrontations et réconciliations pleines de haine, de remords, d’espoir et de désespoir aboutissent à une fin tragique.

Un jour avant la saison des pluies
Un jour avant la saison des pluies est l’adaptation d’une célèbre pièce de théâtre hindi moderne écrite par Mohan Rakesh, en trois actes, basée sur la vie de Kalidasa. Ce dernier est reconnu comme l’un des plus grands écrivains, poètes et dramaturges de l’histoire de la langue sanskrite.

Mardi 13 décembre : journée nationale « Liberté, Solidarité Iran ».
Nombreux événements en soutien au mouvement de contestation populaire en Iran depuis le 16 septembre. Rassemblement à 18h devant le théâtre de l’Odéon pour une marche en direction de la Place Laurent Terzieff et Pascale de Boysson où, à 18h30, il y aura des prises de parole et des lectures. Organisé par différentes universités, l’association Nouvelles images persanes, Iran ciné panorama, et le collectif d’artistes Culture & universalisme, au terme de cette rencontre, à 19h15, sera projeté le film L’Echiquier du vent (1976) de Mohammad Reza Aslani au Lucernaire dans le cadre du ciné-club "Iran ciné panorama" animé par Bamchade Pourvali.


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