Chroniques rebelles
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Samedi 1er avril 2023
About Kim Sohee de July Jung. Relaxe d’Audrey Ginestet. Désordres de Cyril Schaüblin. Première partie d’une table ronde autour du film dont Radio Libertaire est partenaire. À vol d’oiseaux : Drôles d’oiseaux de Charlie Belin & Mariannick Bellot, Charlie Belin. L’Air de rien de Gabriel Hénot Lefèvre. Le Tout petit voyage d’Émily Worms. Le Petit hérisson dans la brume et autres merveilles
Article mis en ligne le 1er avril 2023
dernière modification le 10 avril 2023

par CP

About Kim Sohee
Film de July Jung (5 avril 2023)

Relaxe
Film d’Audrey Ginestet (5 avril 2023)

Désordres
Film de Cyril Schaüblin (12 avril 2023)

Première partie d’une table ronde autour du film dont
Radio Libertaire est partenaire.

Trois films d’animation réunis sous le titre À vol d’oiseaux
Drôles d’oiseaux
conçu par Charlie Belin & Mariannick Bellot et réalisé par Charlie Belin
L’Air de rien
de Gabriel Hénot Lefèvre
Le Tout petit voyage

Le Petit hérisson dans la brume et autres merveilles en copies restaurées par Malavida, en sortie cinéma le 5 avril,

About Kim Sohee
Film de July Jung (5 avril 2023)

Entretien avec la réalisatrice
En fin d’études secondaires, Kim Sohee intègre un centre d’appel Korea Telecom dans l’espoir d’avoir de futures bonnes références professionnelles. Le centre d’appel est en lien avec les lycées afin d’employer un personnel souple, sans expérience du monde du travail donc qui accepte sans mot dire les pressions et l’exploitation. Les responsables de l’entreprise considèrent les jeunes stagiaires comme des variables d’ajustement au service des objectifs de la boîte. Dès leur arrivée, on leur explique comment dissuader la clientèle souhaitant résilier les abonnements, les méthodes de persuasion sont notées sur les bureaux. Les objectifs de performance sont affichés sur les murs de la salle de travail avec, conjointement, le classement des employées par taux de réussite de chacune, et implicitement la menace de suppressions de postes en cas de baisse de rendement. Les conditions de travail sont dégradantes, les stagiaires sont constamment harcelées, et très rapidement Kim Sohee, malgré sa détermination et son caractère bien trempé, change d’attitude et son moral décline.

Le film est construit en deux parties et autour des personnages principaux, Kim Sohee, la jeune lycéenne passionnée de danse, et l’inspectrice qui enquête sur plusieurs suicides et incidents survenus dans cette entreprise. Durant son enquête, cette dernière va remettre en cause tout le système, depuis la responsabilité des écoles et du ministère de l’Éducation jusqu’au libéralisme qui banalise les abus et les considère acceptables. De son côté, l’entreprise cherche à tout prix à se décharger de sa responsabilité dans les suicides, refuse également la référence à l’accident du travail, qui de facto impliquerait les pratiques managériales : la compétition affichée sur les murs du lieu de travail, les humiliations publiques, le harcèlement, la culpabilisation pour des résultats jugés médiocres, la manipulation des client.es…
Le film est une véritable plongée dans le système qui régit la société coréenne, mais en fait toutes les sociétés, qui ont, à divers degrés, le culte de la performance. Bien entendu, cela concerne tous les niveaux de la société où règnent la compétition, la culpabilité de ne pas être à la hauteur des objectifs fixés par les décisionnaires et la course aux aides de l’État… Les revendications, ou les remises en question sont ainsi toutes écartées… Place au culte de la performance comme si c’était le Saint Graal !
L’écriture du film s’inspire d’un fait réel et analyse la dimension des conséquences de l’emprise de l’ultra libéralisme sur toute la société. Après la première tentative de suicide de Kim Sohee, personne ne se pose la question sur les causes du geste de la jeune fille, qui est seule face à la société, sa famille et même ses ami.es. L’individu est ainsi totalement isolé dans le système libéral.

Après la découverte du corps de Kim Sohee, l’inspectrice en charge de l’enquête, d’abord tentée de classer l’affaire en jugeant Kim Sohee psychologiquement fragile, se ravise en découvrant des indices impliquant directement le cadre professionnel de la jeune fille. Elle-même souffre d’un trauma dont elle refuse de parler avec son responsable, une blessure intime qui sans doute la rend plus attentive au drame vécu par Kim Sohee. Les indices émergent peu à peu durant le film et participent à la tension qui s’installe de plus en plus prégnante, en soulignant les aspects de l’ultra libéralisme régnant dans le pays comme d’ailleurs dans tous les pays. Oh Yoo-jin, l’enquêtrice, suit les traces de Kim Sohee, visite les mêmes endroits, rencontre les ami.es et les connaissances de la jeune fille depuis le début de son stage pour comprendre ses motivations. About Kim Sohee prend alors la dimension d’un portrait croisé des deux femmes et de leurs liens communs : la danse, l’envie de bien faire, le refus de la résignation, les heurts avec la hiérarchie. La rencontre avec l’ami et partenaire de danse de Kim Sohee est déterminante dans la compréhension du phénomène. Les personnes qui ne se conforment pas aux règles imposées de la performance et au respect de la hiérarchie, sont dans la souffrance, elles quittent leur job ou sont broyées par le système. Les accidents du travail, dus à cette ambiance hyper stressante, sont évidemment niés par la direction et l’équipe de jeunes cadres dynamiques s’y emploie avec une batterie de règles, d’arguments, mais aussi de manipulation des faits. Par exemple, la lettre d’alerte du manager qui se suicide est dissimulée et l’on présente à son épouse une contre-vérité odieuse : il menait une double vie. Mensonges et menaces implicites destinées aux employées tentées de parler en faveur de l’homme suicidé.
About Kim Sohee, second long-métrage de July Jung, après A Girl at my Door, mêle l’enquête aux portraits des personnages principaux, mettant ainsi en lumière les méthodes et les conséquences mortifères de l’ultra-libéralisme. L’enquête est en quelque sorte un fil d’Ariane, qui remonte la chronologie des événements aboutissant au suicide de Kim Sohee, et dévoilant aussi des similitudes de caractère entre les deux femmes. July Jung réalise le portrait d’une société qui met en danger sa jeunesse ; les écoles et le ministère de l’Éducation jouent un rôle déterminant dans ce système en participant à la pression sur les jeunes dès leur première expérience du monde du travail.
Dirigé.es avec rigueur et sensibilité, les deux comédiennes incarnent merveilleusement leurs personnages. Ce film, qui explore une société qui dérape, pose bien des questions : est-il un message d’alerte contre le déni des responsables ? La déshumanisation ordinaire que tout le monde semble accepter comme une fatalité est-elle un pas vers la barbarie ordinaire ? Il y a néanmoins un signe sinon d’espoir, du moins de résistance, au début du film, la danse de Kim Sohee… Et le dernier plan, sa danse à nouveau, comme l’unique trace de sa courte vie.
Inspirée par un fait divers dramatique, July Jung réalise un portrait sans concession de la société coréenne sous tutelle du libéralisme et en explique la genèse…
About Kim Sohee de July Jung sera au cinéma le 5 avril.
Merci à Hyun-Jung Choi pour la traduction.
Le succès du film About Kim Sohee, s’inspirant de l’histoire d’une lycéenne, a permis l’adoption d’une loi — Loi sur la protection Next Sohee — qui améliore la condition de travail des stagiaires lycéen.nes.
« Ce que peut le cinéma » !

Relaxe
Film d’Audrey Ginestet (5 avril 2023)

Entretien avec Audrey Ginestet
« Anarcho-autonomes d’ultra gauche », « terroristes », « anarchistes », l’affaire du « groupe de Tarnac », tout d’abord très médiatisé, est ensuite tombée dans les oubliettes des grands médias… Mais durant dix ans, la procédure a continué pour les « accusé.es ». Relaxe d’Audrey Ginestet témoigne de l’emballement qui a permis une construction politique et médiatique à la fois exemplaire et banale… sans preuves réelles…
Un spectacle médiatique.

Relaxe d’Audrey Ginestet est au cinéma le 5 avril
Ce fut 10 ans de procédure, basée sur une suspicion fantasmée et sur un dossier vide. Le film, Relaxe, est particulièrement intéressant à voir dans un moment où les violences policières se banalisent encore, avec les gardes à vue qui actuellement se multiplient pour avoir manifesté, pour refuser les injustices et les abus, et même pour adopter une autre manière de vivre…

Merci à Audrey pour son film et merci à Annie Maurette pour avoir rendu cette rencontre possible.

Désordres
Film de Cyril Schaüblin (12 avril 2023)

Première partie d’une table ronde autour du film dont Radio Libertaire est partenaire.

Six critiques — Hugo, Shiva, Jean-Max, Daniel, Monique et moi-même pour analyser un film original. « L’anarchisme, c’est le communisme sans le gouvernement », dit une aristocrate russe à une amie, en se faisant photographier dans un parc. C’est le début du film, et comme l’écrit Gilles Tourman : « À l’instar de ce propos d’ouverture, Cyril Schäublin réalise, pour son deuxième long métrage, un film à l’humour décalé et constant, atypique et envoûtant. Par ses éclairages et ses couleurs, alternant extérieurs aux tons clairs et intérieurs ombrés, sa nature lumineusement impressionniste, son grain et ses cadrages d’une originalité époustouflante avec ses diagonales et ses verticales, son parti pris de filmer les humains de loin et dans un coin de l’écran à l’extérieur, en plans moyens dans l’usine mais en très gros plan les mains et les mécanismes d’horlogerie, [Cyril Schäublin réalise] un travail d’orfèvre à l’image de celui de ces “régleuses” chargées de mettre au point le balancier  » des montres. Le temps est ici central : temps de travail, temps de parole, temps pour se rendre à l’atelier, celui des trains et du télégraphe…

Cela se passe à Sant Imier, en 1877, dans une horlogerie suisse où pointent les bouleversements du productivisme, tandis que le mouvement anarchiste se développe… Joséphine, une jeune ouvrière, y fabrique le balancier, et rencontre Pierre Kropotkine.
À la sortie de la projection presse du film de Cyril Schäublin, Désordres, nous étions plusieurs à être enthousiastes et, spontanément, nous avons voulu en discuter sans fixer de limites de durée… Voici la première partie de notre discussion…
La suite de la table ronde à propos de Désordres… la semaine prochaine… Le film sort le 12 avril et une avant-première a lieu le 11 avril au Saint-André des Arts en présence du réalisateur.

À présent, une histoire de chat et pas n’importe lequel, il s’appelle Rroû…

Mon chat et moi.
La grande aventure de Rroû

Film de Guillaume Maidatchevsky (5 avril 2023)

Vous avez aimé le Dialogue des bêtes de Colette avec les célèbres personnages de Kiki-la–doucette et Toby-chien, accompagnés par des seigneurs de moindre importance, vous avez été fan de Buck dans Call of the Wild (l’Appel de la forêt), et de Croc Blanc de Jack London, alors vous allez aimer Mon chat et moi. La grande aventure de Rroû, le récit d’un chat pas comme les autres, depuis sa naissance sous les toits de Paris jusqu’à la forêt enchantée des Vosges.
Filmer ainsi des chatons de deux mois et leurs espiègleries, montrer les différences de caractère des petits félins, déjà très visibles même encore dépendants de leur mère, c’est impressionnant. Viennent ensuite les escapades, la rencontre avec son humaine, Clémence, les rapports de Rroû avec cette dernière, parce que évidemment très vite, c’est lui qui domine la situation. Mais là rien d’étonnant, ne dit-on pas « j’habite chez mon chat » puisque dès leur jeune âge ils/elles savent s’imposer aux humain.es qui pensent les héberger.

Après la séquence du grenier, il y a l’appartement de Clémence et tous les objets à tâter, tester et faire tomber. Peu de temps après, le voyage en voiture avec force miaulements — franchement enfermé dans une boîte ! Ils sont fous ces humains, Rroû en a la nausée ! — mais lorsque la voiture s’arrête : la nature l’éblouit ! Voici à portée de pattes la découverte de la forêt, une aventure transcendée dans toute sa magie par une caméra étonnante de virtuosité, l’apparition majestueuse du lynx, le grand duc à la poursuite de Rroû — aussi malin l’un que l’autre —, la solidarité des poules gardiennes de leur poulailler, face à l’intrus qu’est le jeune chat encore très urbain et qui bat en retraite, ou encore le chien Rambo qui parle avec sa « colocataire », Madeleine, dans une cabane de trappeurs en pleine forêt. Je vous l’ai dit, il y a dans cette histoire le souvenir en transparence de Jack London.
Mais pour tout vous dire, cette histoire s’inspire très librement du livre de Maurice Genevoix, Rroû, paru en 1931. Ce n’est pas une adaptation, c’est un pas vers la création cinématographique d’un univers animal comme il est rare de voir au cinéma, grâce à une caméra attentive aux caractères du chat, des chats, et des animaux dans cette forêt mystérieuse, qui prend des allures de forêt des lilas, interdite aux enfants et ouverte au parcours initiatique de Rroû. Quant aux prouesses des animaux, filmées au naturel la caméra au ras du sol, rien à voir avec les numéros de cirque d’animaux dressés, qui mettent mal à l’aise si l’on pense aux conditions de dressage, non place est faite à la vie de la forêt. Aucune mièvrerie dans cette histoire imaginée à hauteur de chaton et de chat dans un contexte actuel, urbain puis forestier ; il peut même y avoir de la cruauté dans certaines scènes… La vie avec de l’émotion, du suspens, du partage et des surprises.
« Je n’aime pas l’idée de sédentarité, d’être “esclave de...”, “enchaîné à...” [confie le réalisateur]. Et c’est donc pour ça que j’aime le chat ! Pour autant, sans dépendre de l’autre, on peut partager des choses avec lui, communiquer, l’écouter. L’important, c’est le partage, l’observation. » Du coup, Rroû devient le pirate qui s’affranchit de la vie confortable et des coussins, prêt à tous les risques pour satisfaire sa curiosité, même jusqu’à se passer du lit douillet et des caresses de Clémence.
En fait, Mon chat et moi. La grande aventure de Rroû est un conte d’aujourd’hui avec une fillette, qui découvre un master cat déterminé, qui finalement… non, je ne vous dirai rien du final, sinon qu’il y a aussi dans l’histoire une princesse féline qui a du caractère et de la suite dans les idées…

Belle rencontre pour les amoureux/ses des animaux et des félins, dont je suis… Mon chat et moi. La grande aventure de Rroû est dans les salles le 5 avril.

À noter que le livre de Maurice Genevoix, Rroû, est paru dans une nouvelle édition, illustrée, en septembre 2022 (éditions la table ronde).

Trois films d’animation réunis sous le titre À vol d’oiseaux
Drôles d’oiseaux
conçu par Charlie Belin & Mariannick Bellot et réalisé par Charlie Belin

L’Air de rien de Gabriel Hénot Lefèvre
Le Tout petit voyage

d’Émily Worms

Drôles d’oiseaux, un moyen métrage imprégné d’une tendresse et d’une douceur craquantes pour toutes générations. Charlie Belin raconte : « Le personnage d’Ellie a vraiment pris vie quand j’ai commencé le travail d’écriture avec Mariannick Bellot, co-autrice du scénario. Elle a réussi à lui donner chair, elle la dessinait à l’écrit, sous toutes les coutures, et je la griffonnais dans des carnets de croquis au fil de nos séances de travail. Le mélange de nos deux sensibilités a infusé pour qu’Ellie devienne un personnage de fiction bien concret qui nous semblait aussi réel et tangible qu’un personnage de documentaire.  »
Drôles d’oiseaux est accompagné par L’Air de rien de Gabriel Hénot Lefèvre et Le Tout petit voyage d’Émily Worms.
Ces trois films d’animation sont en salles le 5 avril et nous en parlerons longuement le 15 avril en compagnie d’Iris Robin…

On continue avec Le Petit hérisson dans la brume et trois autres films :

Le Petit hérisson dans la brume et autres merveilles en copies restaurées par Malavida et en sortie cinéma le 5 avril,
On commence avec :
La Moufle de Roman Kachanov
Une petite fille rêve d’avoir un petit chien, mais sa mère refuse. Pourtant le désir est si puissant que soudain, sa moufle se métamorphose en petit chien et se présente à un concours canin. Réalité ou fantasme ? Qu’importe, c’est un chef d’œuvre de poésie et une merveille de réalisation.

Il était une fois un chien de Edouard Nazarov
Il était une fois un chien… c’est l’histoire d’une amitié entre un loup et un chien qui, vieillissant, est considéré comme inutile et chassé de la ferme… Contre toute attente, ces deux-là deviennent des potes et s’entraident mutuellement face à la stupidité et à la cruauté des humains. Une belle fable populaire.

Le Lionceau et la tortue de Inessa Kovalevskaya
Une autre histoire d’amitié, cette fois entre un lionceau et une tortue… Pourquoi pas ? Un coup de foudre amical et immédiat et voilà nos ami.es passant la journée à chanter et à gambader dans tous les coins. Une comédie musicale en animation, ma foi cela y ressemble bien.

Le Petit hérisson dans la brume de Youri Norstein
Un petit hérisson perdu dans le brouillard, est-ce un autre monde ? Et voilà qu’il entend une voix, celle de son ami l’ourson qui semble venir d’ailleurs. Pourtant c’est bien cette voix qui le guide ici, et l’aide à trouver son chemin pour ne pas se perdre. C’est un « must » m’a dit Francis Gavelle, de l’émission Longtemps je me suis couché de bonne heure sur Radio libertaire, et il en connaît un rayon du cinéma d’animation !
Ces quatre films sont aussi au programme du 15 avril prochain, ainsi que le film de Makoto Shinkai, Suzume..