Chroniques rebelles
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Samedi 10 juin 2023
Yallah Gaza de Roland Nurier (tournée avant premières). Love Life de Kôji Fukada. Marcel. Le coquillage (avec ses chaussures) de Dean Fleischer-Camp avec Jenny Slate. Trois milliards d’un coup (Robbery) de Peter Yates. Règle 34 de Julia Murat
Article mis en ligne le 10 juin 2023

par CP

Yallah Gaza
Film de Roland Nurier

Entretien avec Roland Nurier
À partir du 15 juin, àvant-premières du film Yallah Gaza avec le groupe de Dabké de Gaza présent dans le film

Love Life
Film de Kôji Fukada (14 juin 2023)

Marcel. Le coquillage (avec ses chaussures)
Film de Dean Fleischer-Camp avec Jenny Slate (14 juin 2023).

Trois milliards d’un coup (Robbery)
Film de Peter Yates (14 juin 2023)

Règle 34
Film de Julia Murat (7 juin 2023)

Yallah Gaza
Film de Roland Nurier

Entretien avec Roland Nurier
À partir du 15 juin, àvant-premières du film Yallah Gaza avec le groupe de Dabké de Gaza présent dans le film

La bande de Gaza est un territoire palestinien de 360 km2 où s’entasse une population de plus de 2 millions de personnes, pour la plupart des réfugié.es. Un territoire palestinien sous blocus israélien, terrestre, maritime et aérien. Malgré cette situation de dépendance totale des autorités israéliennes concernant l’eau, l’électricité, les déplacements, les attaques militaires incessantes de la population civile, la pauvreté endémique, 60 % de chômage, la société gazaouie s’efforce de vivre et résiste par l’éducation et la culture. Pourtant, comme on l’apprend dans le film, Gaza a été un grand port méditerranéen, un carrefour d’échanges et de cultures, et c’est en cela que Yallah Gaza est à la fois une source d’informations et de découvertes grâce à la variété des intervenant.es qui remettent en question les clichés et poncifs véhiculés habituellement. En effet, Yallah Gaza « aborde les aspects historiques, géopolitiques, parle de sionisme, de politique interne palestinienne, de Droit International, et des motifs d’espoir gazaouis pour paraphraser le grand poète palestinien Mahmoud Darwich :“Nous souffrons d’un mal incurable qu’on appelle l’espoir” ».

Pour cette réalisation, Roland Nurier n’a pas pu se rendre à Gaza, il a donc travaillé avec Iyad Alasttal (réalisateur, documentariste, créateur de la série Gaza stories) qui a filmé les séquences à Gaza et avec une équipe française pour les entretiens réalisés en Europe et la post-production. Il en résulte un document pédagogique remarquable par la façon d’aborder une situation sans doute très médiatisée, mais dont la réalité quotidienne n’est que partiellement évoquée et qui rapporte essentiellement le nombre de victimes consécutives aux agressions militaires de l’État israélien. Ce que plusieurs des femmes qui témoignent dans le film remettent en question, notamment avec cette association « We are not Numbers ».

La sortie nationale de Yallah Gaza est prévue en novembre prochain, mais sont organisées des avant-premières, accompagnées dès le 15 juin d’une tournée des filles et garçons qui dansent le dabké dans le film. Une manière de dire que la culture et la danse sont une autre façon de faire connaître la situation dans la Bande Gaza.
Rencontre avec Roland Nurier

Les illustrations musicales de cette première partie de l’entretien sont issues de la BOF Yallah Gaza. Trio Joubran, Big Fish. Sabreen, Letter From an Exiled. Rim Banna, The Dream. Karloma, Once Upon a Time. Michel Bühler et Frasiak, Gaza.

Dans sa note d’intention, Roland Nurier fait ce constat :
Gaza a toujours été un carrefour de peuples et de culture.
Trois guerres menées par Israël, ces dernières années faisant des milliers de morts et de blessés majoritairement dans la population civile, n’ont visiblement pas altéré la résilience des gazaouis qui reste un modèle de résistance. Mais comment est-ce-possible ?
J’observe que, bien que sous perfusion d’aides internationales, malgré une pauvreté importante, un taux de chômage de plus de 50 %, les Palestiniens [et Palestiniennes] de Gaza continuent de vivre ou de survivre grâce à un courage et une abnégation qui force le respect. La société y est encore structurée et organisée, mais pour combien de temps ?
Les Palestiniens [et Palestiniennes] de Gaza vivent sous administration du Hamas. Ils subissent les tensions intra-palestiniennes, et continuent cependant de faire société. Mais ont-ils le choix ?
Yallah Gaza tente de comprendre comment « fait-on pour vivre presque normalement » lorsque l’occupant vous refuse les droits humains les plus élémentaires. Le film appréhende cette lutte quotidienne pour que le désespoir ne s’installe pas et comment se transmet de génération en génération cette flamme de la culture et de la terre ?
Yallah Gaza témoigne de cette « rage de vivre ». Et si les palestiniens de Gaza n’étaient « qu’un peuple normal qui vit dans un environnement totalement anormal ! » [1]

Love Life
Film de Kôji Fukada (14 juin 2023)

Taeko vit avec son époux Jiro et son fils Keita dans un appartement face à l’immeuble de ses beaux-parents, une famille aimante, même si elle ne se sent pas vraiment acceptée par ces derniers, malgré ses efforts. C’est alors que survient un drame a cours d’un anniversaire et tout bascule. Le père biologique de Keita, Park, Coréen et sourd-muet, refait surface tandis que Taeko découvre l’existence d’une ancienne fiancée de son mari, appréciée par les beaux parents. Du chamboulement familial découle une remise en question des rapports amoureux et des sentiments de responsabilité de Taeko et Jiro, en même temps qu’une émancipation évolutive de la jeune femme.

Le nouveau film de Kôdi Fukada se penche sur la complexité des rapports humains et amoureux, de même que sur les injonctions faites aux femmes dans la société japonaise et sur leurs aspirations d’émancipation. Comme Fukada le précise, « le personnage de Taeko représente tout un système. Selon moi, elle se définit dans sa relation à l’autre, dans le rôle qu’elle va jouer auprès d’une tierce personne : elle est la femme de Jiro, elle est la mère de Keita, elle est la protectrice de son ex-mari... En fait, c’est un personnage qui a du mal à affirmer son individualité, ce qui est assez propre à la société japonaise. On a tendance à nous affubler d’un rôle, d’une place très définie. Dans une société, sur un lieu de travail, on ne va pas forcément appeler les gens par leur nom, mais par leur poste. De la même manière, on désigne souvent les femmes comme “la femme de” ou “la mère de” […] Si j’ai voulu qu’il y ait un malaise dans la relation entre Taeko et ses beaux-parents, c’est précisément parce que je pense qu’elle incarne une erreur dans le système patriarcal japonais. Aux yeux de ses beaux-parents, qui avaient en tête un stéréotype de la belle-fille idéale, Taeko déroge à la règle puisqu’elle a déjà été mariée, et qu’elle a en plus eu un enfant de ce premier mariage. À partir de là, leur relation ne peut pas être fluide puisqu’elle-même est un peu comme un grain de sable dans le système japonais. »

Love Life est un mélodrame social, une analyse complexe des rapports amoureux, du rôle des femmes dans le couple, dans la famille et dans la société, de même que leur responsabilité en tant que mère et compagne. En cela, la profession de Taeko apporte une indication supplémentaire sur la personnalité de la jeune femme.
Love Life de Kôdi Fukada est en salles le 14 juin 2023.

Marcel. Le coquillage (avec ses chaussures)
Film de Dean Fleischer-Camp avec Jenny Slate (14 juin 2023).

Un film mixant tournage réel et animation pour adultes et enfants ou pour enfants et adultes, comme vous voulez… Marcel le coquillage (avec ses chaussures) se différencie des films d’animation par son style, son traitement et son personnage principal, un coquillage avec un œil rond et une paire de baskets. Ce n’est pas commun ! Marcel est craquant et vit avec sa grand-mère Connie, autre coquillage, depuis la séparation avec le reste de leur communauté… Alors, lorsqu’un réalisateur de documentaires les découvre dans son Airbnb, lui vient l’idée de filmer Marcel et bientôt la vidéo mise en ligne fait un véritable carton. Marcel y confie sa solitude, la séparation d’avec sa famille et sa tristesse, mais aussi sa vision du monde des humains. Après le succès de la vidéo en ligne, Marcel est invité à participer à une émission dont l’animatrice est très populaire. Tout d’abord réticent, il est encouragé par sa grand-mère à se lancer dans l’aventure médiatique et voilà Marcel rêvant de retrouver sa famille.

Au fait le début de l’aventure, c’était quoi ? Une coquille d’escargot, de la pâte à modeler, un œil en plastique et des chaussures trouvées à l’épicerie du coin, voilà Marcel… dixit le réal. « On a écrit des répliques et Jenny s’est mise à improviser les contours du personnage, tout simplement guidée par ce qui nous faisait rire. J’ai ensuite animé, monté et projeté le film... le tout en l’espace de 48 heures ! » Après c’est le tournage en live action avec l’ajout de l’animation. Marcel le coquillage (avec ses chaussures) est un film très original, plein d’humour et inattendu. Marcel. Le coquillage (avec ses chaussures) (c’est important les chaussures), un film de Dean Fleischer-Camp avec Jenny Slate au cinéma le 14 juin 2023).

Trois milliards d’un coup (Robbery)
Film de Peter Yates (14 juin 2023)

Ce grand classique du film de gangster sort en copie restaurée et ce qui frappe tout d’abord, c’est le rythme du récit et le montage impeccable du film qui, bien sûr, ajoute à sa qualité de thriller. Dès le début, les séquences s’enchaînent à une cadence continue, depuis le vol de bijoux à l’aide d’une capsule de gaz déclenchée à distance à l’intérieur de la voiture visée jusqu’au plan génial de vol du fourgon postal. Londres apparaît au gré de la course poursuite de voitures policiers et bandits. Et finalement la police perd la trace des auteurs du braquage qui est le prélude au casse du siècle.
Robbery (Trois milliards d’un coup) est l’adaptation d’un roman, lui-même inspiré de faits réels, qui retrace avec une précision quasi documentaire la préparation et le déroulement de l’attaque du train postal Glasgow-Londres.
Le choix de filmer en extérieur, sans grandiloquence dans le jeu des comédiens, ni trace de jugement des faits, conserve au film une dimension de reportage tout à fait originale ; un modèle du genre. Une merveille du cinéma britannique !
Robbery (Trois milliards d’un coup) de Peter Yates à voir ou revoir à partir du 14 juin.

Règle 34
Film de Julia Murat (7 juin 2023)

Simone est une étudiante en droit, très engagée dans la lutte contre les violences faites aux femmes, mais la nuit elle devient une camgirl, qui explore ses fantasmes masochistes sur internet. Un film sur la sexualité ? Il ne se limite pas à une simple problématique et le film est en réalité bien plus complexe, car il inclue les règles sociales et le système de répression qui régit la société, donc la violence. Règle 34 met en scène une femme prête à repousser les limites du désir de violence, éminemment latente dans la société brésilienne profondément ancrée dans une tradition patriarcale.

Règle 34 s’attache au personnage de Simone, dont la vie n’a pas été facile en tant que femme racisée, bien qu’elle semble parfaitement la gérer tout en vivant une forme de contradiction entre son engagement pour la défense des femmes concernant les cas d’abus physiques et son attirance pour les échanges érotiques par internet. De même, Simone est entourée d’ami.es, mais au fond elle est plutôt solitaire et a des difficultés à se confier ou à demander de l’aide. Ces caractéristiques, explique la réalisatrice, « sont liées au fait qu’elle est une femme dans un pays machiste : le Brésil. Des caractéristiques que je reconnais aussi en moi. Le machisme, bien qu’il m’ait affligée, ne m’a pas beaucoup marquée, grâce aux privilèges que j’ai la chance d’avoir. Mais les traces invisibles qui perdurent, m’ont transformée en une personne résolue et inflexible. En apprenant à gérer le machisme [comme le personnage de Simone], j’ai eu beaucoup de mal à demander de l’aide, à comprendre mes limites et à assumer mes fragilités. »
Quant au titre, c’est la fameuse règle 34 d’internet stipulant que si quelque chose existe, alors il y en a une version porno...
L’intérêt du film réside essentiellement dans la personnalité de Simone, femme consciente et engagée face à son attirance d’introspection des désirs jusqu’à l’abandon de soi, et du même coup sa mise en danger. La dernière scène du film, en confrontant le désir à la réalité, exacerbe le vertige de la mise en abime sans pour autant conclure. Simone ira-t-elle jusqu’au bout ?
Règle 34 de Julia Murat est en salles depuis le 7 juin .