Chroniques rebelles
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Samedi 24 juin 2023
La Nuit du verre d’eau. Liban 1958 de Carlos Chahine. Tamasa, sorties salles, DVD-BR : My Love Affair with Marriage de Signe Baumane. Cria Cuervos de Carlos Saura. La Langue des papillons de José Luis Cuerda. La Belle verte de Coline Serreau. La Jeune fille et la mort de Roman Polanski. Libera me d’Alain Cavalier. Coffret Tomas Gutiérrez Alea avec 3 film : La mort d’un bureaucrate, Fraise et chocolat, La Ultima Cena. Vers un avenir radieux de Nanni Moretti. Le Samouraï de Jean-Pierre Melville. Farang de Xavier Gens. How to save a friend de Marusya Syroechkovskaya. Trois films du réalisateur Med Hondo. Liberté d’expression : Communiqué des éditions la fabrique. CONCERT DE SOUTIEN JULIAN ASSANGE
12h30 - 15h30
Article mis en ligne le 26 juin 2023
dernière modification le 4 juillet 2023

par CP

La Nuit du verre d’eau
Liban 1958
Film de Carlos Chahine (14 juin 2023)

My Love Affair with Marriage
Film de Signe Baumane (en salles depuis le 7 juin 2023)

Cria cuervos, l’un des chefs d’œuvres de Carlos Saura

La Langue des papillons de José Luis Cuerda (BR)

La Belle verte de Coline Serreau

La Jeune fille et la mort de Roman Polanski

Libera me d’Alain Cavalier

Coffret de 3 films cubains de Tomas Gutierrez Alea , cinéaste cubain extraordinaire :
La mort d’un bureaucrate (1966)
Fraise et chocolat (1993
La Ultima Cena (1976)

51e Festival de la Rochelle
30 juin - 9 juillet 2023

Vers un avenir radieux
Film de Nanni Moretti (28 juin 2023)

Le Samouraï
Film de Jean-Pierre Melville (28 juin 2023)

Farang
Film de Xavier Gens (28 juin 2023)

How to save a friend
Film de Marusya Syroechkovskaya (28 juin 2023)

Marusya Syroechkovskaya

Un coffret de trois films du réalisateur Med Hondo

Communiqué des éditions la fabrique

CONCERT DE SOUTIEN JULIAN ASSANGE
3 JUILLET À LA MAROQUINERIE

Des chroniques en deux temps : tout d’abord c’est une rencontre avec Carlos Chahine, réalisateur de La Nuit du verre d’eau, film dans les salles depuis le 14 juin, puis, dans la deuxième partie des chroniques, nous recevons Philippe Chevassu de Tamasa, distribution de films en salles, festivals et ciné-clubs, parfois il s’agit même de films inédits en France, de même que les films sur les supports DVD et BR… la liste est très longue. Au passage, signalons la rétrospective de 5 films essentiels de Volker Schlöndorff, notamment le Tambour, le Faussaire et le Coup de grâce … Récemment, Volker Schlöndorff a réalisé avec Alassane Diago et Idriss Diabate, The Forest Maker, au cinéma depuis le mois d’avril. C’est un film documentaire sur Tony Rinaudo, un agronome qui lutte contre les ravages d’une agriculture intensive en Afrique, héritée de l’époque coloniale. Nous évoquerons également avec Philippe le Festival de cinéma de La Rochelle, du 30 juin au 8 juillet.
Au cinéma dès la semaine prochaine, la sortie de Vers un avenir radieux de Nanni Moretti, film dans le film et les différences de réalisation d’une génération à l’autre. Un tournage se prépare… 1956, l’intervention militaire soviétique en Hongrie et les positions du Parti communiste italien devant cette répression. Un film sur le cinéma, mais aussi sur la mémoire politique… Le 28 juin, sortie d’une reprise, le Samouraï de Jean-Pierre Melville, film stylisé qui illustre un tournant dans le film noir. À la même date, un autre film noir, Farang de Xavier Gens et un film documentaire particulièrement original, chroniqué la semaine dernière, How to Save a Dead Friend de Marusya Syroechkovskaya.
Nous parlerons également de liberté avec Yallah Gaza de Roland Nurier et de la tournée des danseurs de Dabké de Gaza qui l’accompagne et s’achèvera à Paris le 3 juillet, de liberté d’expression et des Soulèvements de la Terre, enfin du concert de soutien à Julian Assange donné le 3 juillet à la Maroquinerie avec Serge Utgé-Royo, Artur H et Amazigh Kateb.

La Nuit du verre d’eau
Liban 1958
Film de Carlos Chahine (14 juin 2023)

L’été, un village dans la montagne… C’est l’aube et dès les premiers plans le paysage s’impose dans toute sa beauté, mais cela paraît être aussi la mise en place d’un décor de tragédie.

Un enfant, Charles, observe le monde des adultes. Trois sœurs de la bonne société chrétienne mènent une vie dorée et tranquille, cependant menacée par les échos de troubles inquiétants venant de Beyrouth et des villes avoisinantes. Layla, l’aînée, est une épouse modèle et une mère parfaite, mais l’arrivée de touristes français, la mère et le fils, va en quelque sorte créer une interrogation sur son statut, ses droits et surtout sur ses désirs.

La complicité entre les trois sœurs va également générer des questionnements sur l’autonomie réelle des femmes dans une jeune société libanaise qui certes se veut moderne, mais demeure sous l’emprise de règles ancestrales et patriarcales.

Entretien avec Carlos Chahine

TAMASA. Sorties en salles et DVD-BR en compagnie de Philippe Chevassu et Marion. Dans la foulée du Festival d’Annecy, commençons par le cinéma d’animation…
My Love Affair with Marriage
Film de Signe Baumane (Tamasa)

Surprenante, drôle et acide, que cette vision de l’éducation traditionnelle des filles — et je ne précise pas la nationalité de l’œuvre parce que c’est hélas universel —, donc l’éducation et les injonctions attachées évidemment au rôle des femmes qui leur est attribué dans la société. Belle illustration de « On ne naît pas femme, on le devient » et d’ailleurs Zelma a bien des difficultés à déconstruire toutes les fadaises obligées, auxquelles s’ajoutent les sentiments amoureux, sa lucidité et ses penchants pour la liberté…

Zelma a une prise de conscience pour le moins secouée et Beauvoir n’est pas loin… Absolument réjouissant !

Cria cuervos, l’un des chefs d’œuvres de Carlos Saura à découvrir ou à revoir dans une copie restaurée en Blue Ray (Tamasa) :

Ana, 9 ans, est élevée par sa tante avec ses deux sœurs. Elles sont orphelines le film se situe les dernières années du franquisme. Cría cuervos est une fable sur les rapports difficiles entre l’enfance et l’âge adulte. L’incompréhension qui existe entre les deux mondes est d’autant plus pesante et irréconciliable dans le contexte d’une Espagne franquiste et bourgeoise, régie par des codes rigides et des interdits. Ana étouffe dans ce milieu étriqué, d’autant qu’elle déborde d’imagination, voit sa mère morte et est persuadée qu’elle possède un pouvoir maléfique au point de se croire responsable de la mort de son père. Le film se déroule presque exclusivement dans un univers féminin, entre des temps différents de la narration.
Cria Cuervos est un film politique. «  Sous le régime dictatorial, Carlos Saura a toujours dû ruser avec les autorités. Dans son premier long métrage, Los Golfos (1960), le réalisateur décrit une jeunesse en perdition dans les quartiers miséreux de Madrid. Le film est classé “2ème catégorie B”, soit une “œuvre dénuée de tout intérêt artistique”. Saura situe l’action de son film suivant, La Charge des brigands (Lanto por un bandido, 1964), au XIXème siècle. C’est un récit picaresque dont l’aspect historique laisse cependant trop facilement entrevoir une critique de la Guerre d’Espagne et du franquisme. Saura doit couper la première scène (où son ami Luis Bunuel joue un bourreau se délectant à l’idée d’exécuter sept intellectuels) et se retrouve dans le collimateur de la censure. Stress-es tres-tres (1968) est une critique acerbe de la bourgeoisie qui nous montre un couple aveugle à ce qui se passe autour de lui, enfermé dans son égoïsme, vidé de tous sentiments, frustrés. Dans Ana et les loups (Ana y los lobos, 1973), trois fils représentent l’armée, le clergé et les tabous bourgeois. L’irruption d’une gouvernante tentatrice vient exposer l’hypocrisie de ces castes dominantes. Cria Cuervos poursuit dans cette veine métaphorique et symbolique. Le père d’Ana, c’est Franco et sa mère disparue c’est bien sûr la république, morte d’avoir été trahie, trompée. “Tout n’est que mensonge” nous dit-elle lors de l’une de ses apparitions. La mère d’Ana a dépéri à force de ne plus être écoutée, aimée, à force d’avoir été trompée par son mari volage. Quant à Ana et ses sœurs, elles sont l’espoir d’un renouveau, la force de la jeunesse qui va abattre le régime. Ana a le pouvoir de voir, de ressentir la présence de sa mère, le fantôme de la république. C’est elle qui s’occupe de la grand-mère oubliée dans son fauteuil. »

La Langue des papillons
Film de José Luis Cuerda (BR)

Un jeune garçon de 8 ans, Moncho, 8 ans, a peur d’aller à l’école, bien que l’enseignant aient des méthodes peu orthodoxes. L’apprentissage du savoir va donc vite devenir une méthode de comment apprendre la vie et le bonheur. Mais le 18 juillet 1936, tout change, les principes et la relation privilégiée entre l’élève et son maître sont bousculés par les évènements politiques.
José Luis Cuerda est aussi le réalisateur de Tiempo despues qui se déroule en 9177, une année où le monde entier est réduit à un seul bâtiment officiel dans lequel vivent les élites royales, religieuses et policières, parabole d’un pouvoir en totale déliquescence. Un bâtiment entouré de banlieues crasseuses, habitées par tous les chômeurs et affamés du cosmos. Parmi tout ce ramassis de miséreux, José Maria décide de résister en vendant une limonade de sa fabrication dans le bâtiment officiel de l’autorité…

La Belle verte de Coline Serreau (Blue Ray)
est une comédie de science fiction sortie en 1996.

Quelque part dans l’univers, il existe une planète où la population vit en parfaite harmonie. De temps en temps, quelques membres de cette planète partent en excursion sur d’autres planètes. Mais, curieusement, depuis deux cents ans plus personne ne veut aller sur la planète Terre.
Or un jour, pour des raisons personnelles, une jeune femme décide de se porter volontaire pour partir en mission. Et c’est ainsi qu’elle atterrit en plein Paris. Et ça la change de la Belle Verte, sa planète où tout n’est qu’harmonie, calme et volupté !
« L’histoire débute sur une planète lointaine (la planète verte) habitée par une civilisation évoluée et égalitaire, vivant en parfaite harmonie avec la nature dans des paysages immaculés, et qui pratiquent certaines disciplines comme la télépathie. Lors d’une réunion du conseil planétaire, les habitants font le constat que cela fait deux cents ans au moins qu’aucun volontaire ne s’est désigné pour visiter la Terre, au contraire d’autres planètes, qui déchaînent un enthousiasme très largement supérieur. Cherchant à en connaître les raisons, et profitant de l’expérience d’Osam, le dernier à s’y être aventuré, à l’époque napoléonienne, ils font le constat que la Terre abrite encore probablement une civilisation arriérée caractérisée par les inégalités sociales, le racisme, la monnaie, etc., une situation que l’avènement de la révolution industrielle n’a pu que faire empirer. On y apprend ainsi que sur la planète verte il y a eu également une époque industrielle avec des biens de consommation, mais cette époque est désormais tellement lointaine qu’elle ne s’étudie qu’en cours d’archéologie. Les habitants sont d’avis qu’en “déconnectant” certains Terriens ils pourront aider cette civilisation à progresser plus rapidement. »

La Jeune fille et la mort de Roman Polanski

Une nuit d’orage sur la côte sauvage d’un pays d’Amérique latine. Dans une villa isolée, momentanément privée d’électricité et de téléphone, Paulina Escobar guette le retour de son mari Gerardo. Elle vient d’apprendre par la radio que le Président l’a nommé à la tête d’une commission d’enquête sur les crimes du précédent régime. À ses yeux, cette commission n’est qu’une mascarade, puisqu’elle ne prendra en compte que les personnes disparues et non celles qui, comme elle, ont survécu aux tortures et pourraient témoigner.
Une voiture dépose son mari devant leur porte, puis repart. Gerardo explique qu’il a crevé un pneu à quelques kilomètres de là et qu’il a été pris en stop par un aimable voisin. Peu après, l’homme en question revient à la villa, sous prétexte de rapporter le pneu endommagé. Il se présente comme le docteur Miranda. Cachée dans l’ombre, Paulina reconnaît l’homme qui, des jours durant, l’a violée et torturée et qu’elle n’a jamais vu, puisqu’elle avait les yeux bandés. Même voix et mêmes tics de langage. Elle reconnaît son bourreau et découvre dans sa voiture un enregistrement de La jeune fille et la Mort de Schubert, qu’il aimait écouter pendant les séances de viol et de torture. Elle précipite la du haut d’une falaise et ligote Miranda, puis réveille son mari afin d’obtenir des aveux de son tortionnaire. Gerardo est solidaire de son épouse qui, en résistant à la torture, lui a jadis sauvé la vie. Miranda refuse d’avouer et prétend qu’il était à Barcelone au moment de m’arrestation de Paulina.
Paulina le conduit au bord de la falaise pour le jeter dans le vide, mais Gerardo obtient de Barcelone la confirmation de ses dires. Paulina n’y croit pas : les fascistes possèdent à l’étranger des complices prêts à tous les mensonges. Alors, dans la lumière de l’aube, sous le regard implacable de sa victime, Miranda confesse ses méfaits. Libérée des fantômes du passé, la jeune femme renoncera à se venger.

Libera me d’Alain Cavalier (DVD-Blue Ray)

Un pays est soumis au pouvoir de la force armée. Les deux fils d’un cafetier, aux côtés d’un photographe et de son assistant, entrent en résistance.
Refusant de jouer sur le succès inattendu de Thérèse, Alain Cavalier ne se relance pas immédiatement dans l’aventure d’un long métrage et poursuit son chemin de cinéaste avec une série de 24 portraits pour Arte, petits films tournés en solitaire entre 1988 et 1990 et consacrés à des femmes au travail. Il revient sur les écrans avec Libera Me, sept ans après son précédent long métrage. Cavalier continue son travail sans se soucier des modes, allant vers une forme de radicalité cinématographique.
« Ce travail admirable sur l’image se poursuit dans le son. Cette dernière est étouffée, elle étouffe. On y sent, palpable, la peur de quelque chose qui empêche de dire des noms, de parler, qui n’autorise que le silence. Elle porte cette impossibilité des mots à dire la souffrance (ce film sans paroles est aussi une manière de lutter contre l’épuisement des mots par les médias). On perçoit des bruits lointains d’arrestations, de rafles. Un grondement qui monte, une révolte se joue, une lutte contre le totalitarisme et le silence. Cavalier reprend de la plus admirable manière ses réflexions amorcées dans ses deux premiers longs métrages qui traitaient déjà de la soumission, de l’oppression et de la torture. Il les poursuit mais à travers une mise en scène qui s’approche de l’idéal de cinéma qu’il recherche ».
« Libera Me est l’aboutissement de vingt années de travail et d’exploration. Un aboutissement ponctuel, le cinéaste ne s’arrêtant pas là et partant explorer de nouveaux territoires de cinéma, toujours à la recherche de cette forme idéale de cinéma qu’il souhaite habiter. Le second mouvement de sa carrière, amorcé après La Chamade, consistait pour Alain Cavalier à se libérer d’un système de production lourd. Du Plein de Super à Un étrange voyage, il réalise des films à tout petits budgets, en famille, proches de son histoire ou de celle de ses acteurs. Avec Thérèse et Libera Me, il est dans la fiction, mais il est à la recherche d’une forme d’épure lui permettant de filmer des visages, des mains, des objets. Il peut, grâce à l’apparition des petites caméras, poursuivre dans son art en utilisant ces deux grands courants (l’intime, l’épure) et entamer ainsi une nouvelle carrière de cinéaste. »

Coffret de 3 films cubains de Tomas Gutierrez Alea , cinéaste cubain extraordinaire :
La mort d’un bureaucrate (1966)

Un ouvrier cubain émérite meurt broyé par sa machine à fabriquer des bustes mortuaires. Selon ses voeux, on l’enterre avec son livret de travail. Malheureusement, sa veuve, pour recevoir sa pension, est obligée de fournir ce fameux livret. Le neveu du défunt entreprend alors les démarches nécessaires pour le récupérer. Une satyre hilarante de la bureaucratie.

Fraise et chocolat (1993

David, un jeune étudiant cubain, ne doute pas de la validité des idéaux castristes. L’amour lui semble plus contestable. Vivian, la femme qu’il courtisait, ne vient-elle pas d’épouser un autre homme ? Désappointé, David erre dans La Havane et finit par rencontrer Diego. Il préfère la glace au chocolat, Diego choisit la fraise. Mais qu’importent les différences, pourvu qu’on ait le souci de se comprendre ! Diego emmène David chez lui et l’introduit dans son univers d’artiste homosexuel. D’abord choqué, David retourne pourtant chez Diego, avec l’intention d’espionner ce dangereux délinquant contre-révolutionnaire…

La Ultima Cena (1976)

Un riche propriétaire sucrier décide pour « sanctifier » son Jeudi saint d’inviter douze de ses esclaves à sa table. Il leur lave les pieds. Le lendemain Vendredi saint, les 12 esclaves refusent de travailler, plus ou moins confiants après leur surprenant Jeudi saint. Le maître les fera capturer et décapiter. Un seul échappera à la mort.
« Gutiérrez Alea signale qu’à son avis l’importance du cinéma historique ne saurait se réduire au seul désir de "reconstruire" des moments particuliers du passé. […] La última cena s’insère logiquement dans un ensemble où l’on peut discerner deux lignes de travail : la ligne dite historique, qui satisfait le besoin de nous nourrir de notre passé pour affirmer notre identité, et la ligne que nous pouvons appeler, si le terme n’était pas trop restreint, documentaire, qui se projette directement sur le présent et qui incarne la nécessité - mieux l’urgence - de saisir notre réalité quotidienne [...] Ces deux lignes (la passé et le présent) ne sont parallèles qu’en apparence : elles se rejoignent avec vigueur dans une saine impatience de rendre le futur plus proche. »

51e Festival de la Rochelle
30 juin - 9 juillet 2023

Vers un avenir radieux
Film de Nanni Moretti (28 juin 2023)

Giovanni, cinéaste italien renommé, commence le tournage de son nouveau film qui se déroule en 1956. Il attend un cirque hongrois pour représenter la fête à cette époque et les échanges entre une commune, gérée par le PCI, et les pays soviétiques.
Mais rien n’est simple et le film bute contre l’incompréhension des acteurs et des actrices, qui ne saisissent ni l’objectif du tournage, ni la mise en scène, bref tout va de travers comme dans son couple. Sa compagne ne sait pas comment le quitter et ne s’imagine plus vivre dans l’ombre, non plutôt les caprices d’un homme autocentré, et pour qui se remettre en question est inimaginable. Ajouté à cet épisode de tension que sa fille quitte la cellule familiale et que son producteur se déclare en faillite et le lâche tout bonnement. Tout est contre lui et l’assurance superficielle qu’il affiche se fissure quelque peu, d’autant que sa compagne (merveilleuse Margherita Buy) a décidé de ne plus se limiter à la production des films de son époux, et se tourne vers de nouveaux réalisateurs. Là, c’est le comble et Giovanni intervient sur le plateau de cet autre tournage, histoire de montrer que finalement c’est lui qui connaît le cinéma.

Hongrie 1956, de sinistre mémoire, est représenté par la grève du cirque et une scission entre la base des militant.es communistes et la direction du PCI. En fait, la situation fictive du film en tournage reflète en quelque sorte la situation réelle de fiasco de Giovanni… Quant à l’avenir radieux, il apparaît plutôt comme un leurre.
Nanni Moretti incarne parfaitement ce réalisateur absolument insupportable, à la fois mégalo, autoritaire et profondément fragile parce que dépassé par la réalité qu’il refuse de voir. Un film dans le film… Vers un avenir radieux est un film sur le cinéma, et « l’histoire d’un cinéaste dont la vie a toujours été rythmée par le cinéma et dont les films ont toujours accompagné sa propre vie. [Comme l’écrit Nanni Moretti], bien que le monde qui l’entoure soit de plus en plus difficile à déchiffrer et à accepter, Giovanni ne veut pas s’abandonner à une réalité décevante. Et surtout, il ne veut pas renoncer au rêve de pouvoir la changer. Et si la vie et l’histoire ne le lui permettent pas ; le cinéma, qui par sa force et son énergie contagieuses transforme la réalité et rend le rêve possible »… Le cinéma « a le pouvoir magique de nous faire redécouvrir la légèreté et l’envie d’être heureux [et heureuses]. Malgré tout. » Et puis les séquences du tournage ont des clins d’œil vers le cinéma de Fellini, cela fait certainement partie de la magie du cinéma.
Vers un avenir radieux de Nanni Moretti dans les salles le 28 juin.

Le Samouraï
Film de Jean-Pierre Melville (28 juin 2023)

Jeff Costello (interprété par Alain Delon), dit le Samouraï est un tueur à gages. Alors qu’il vient d’exécuter son dernier contrat en tuant le patron d’un club, il croise la pianiste. Celle-ci ne le dénoncera pas lors de l’enquête sur le crime. Un polar dans les normes, avec une intrigue à tiroirs. Mais ce qui est particulièrement intéressant dans ce film de Jean-Pierre Melville, outre le décor stylisé et le traitement de l’image à la manière de Magritte ou de Chirico, soulignés par une restauration du film réussie, c’est la mise en scène qui s’apparente plutôt à une tragédie antique. Nous en reparlerons la semaine prochaine à l’occasion de l’entretien avec Denitza Bantcheva, autrice du livre, Alain Delon. Amours et mémoires.
Le Samouraï de Jean-Pierre Melville en copie restaurée le 28 juin en salles.

Farang
Film de Xavier Gens (28 juin 2023)

Détenu exemplaire, Sam prépare sa sortie de prison et sa réinsertion, mais lors d’une permission, son passé le rattrape et il doit fuir et s’exiler. Cinq ans plus tard, il a refait sa vie en Thaïlande et a fondé la famille dont il a toujours rêvé. Mais le rêve s’embrouille et le projet de gagner en autonomie l’entraîne dans une filière maffieuse dont il ne se sortira pas indemne.
Un film d’action, montrant une Thaïlande derrière l’écran touristique avec le travail des enfants et ce que génère le tourisme.
Farang de Xavier Gens au cinéma le 28 juin.

How To Save a Dead Friend de Marusya Syroechkovskaya (28 juin 2023)
Le jour de ses seize ans, Marusya prend la décision d’en finir avec la vie, mais, dans la « Russie de la déprime », elle va rencontrer Kimi dont elle tombe amoureuse, c’est son âme sœur, et pendant douze ans, sans projet préalable, elle filme leur vie, les infos, les manifs, oscillant entre euphorie et dépression, rage de vivre et désespoir d’une jeunesse muselée par un régime violent et autocratique.
« Cette expérience [commente la réalisatrice] m’a fait réfléchir à la nature du film en tant que média qui capture le temps et maintient tout et tout le monde dans un espace collectif. J’ai eu l’impression de regarder des vieilles séquences d’actualité en temps de guerre. J’ai réalisé que, bien que ces personnes soient mortes il y a longtemps, elles sont toujours là, vivantes dans ces séquences. C’était peut-être le moyen de sauver Kimi ? Ou peut-être que je pourrais le sauver s’il se transformait en musique ? » Le film est un document étonnant sur toute une époque, un témoignage à la fois personnel, percutant sur une génération où, semble-t-il, il existait encore quelques fissures dans le régime, peut-être grâce à la musique punk et post punk, peut-être grâce à un espace internet pas encore complètement contrôlé et censuré par l’État.
Le film se déroule pendant douze ans et montre peu à peu l’évolution politique, les discours, la propagande et le changement s’opérant parmi cette jeunesse, qui pour beaucoup se tourne vers la drogue, comme Kimi : « les jours sombres de l’hiver s’installent, isolant les gens les uns des autres dans leurs appartements. Nous ne nous sommes pas défendus [constate Marusya], ou lorsque nous avons essayé, nos voix n’étaient pas assez fortes. Cependant, il ne sert à rien de s’apitoyer sur soi-même. Notre responsabilité est maintenant de ne pas rester silencieux, de continuer à faire tout ce que nous pouvons pour arrêter cette violence par tous les moyens possibles. Il n’y a aucun doute que le peuple ukrainien gagnera cette guerre et que l’Ukraine se reconstruira, mais je ne vois pas comment la Russie pourra aller de l’avant. Poutine s’en est occupé. Donc, pour l’instant, je suis citoyenne de nulle part, de quelque part, de n’importe où sauf de la Russie... et bien que cette histoire d’amour soit née sur le sol semé par un gouvernement autocratique, c’est une histoire d’amour qui pourrait se produire partout où les voix sont réduites au silence. » How To Save a Dead Friend est un document passionnant.
How To Save a Dead Friend de Marusya Syroechkovskaya à voir en salles le 28 juin.

Un coffret de trois films du réalisateur Med Hondo.
Acteur, producteur, réalisateur influencé par Frantz Fanon, Aimé Césaire et Bertolt Brecht, les films de Med Hondo mêlent documentaire et fiction, tout en questionnant les identités africaines en Afrique, dans les Antilles et en France. Son film Sarraounia évoque les résistances à la colonisation de l’Afrique au XIXème siècle, West Indies l’exploitation des Africains, réduits en esclavage à l’époque de la traite, puis prolétaires abusés dans le monde moderne. Ce thème est également abordé dans Soleil Ô, récit du parcours de combattant d’un jeune immigré à Paris dans les années 1960.

Le coffret rassemble pour la première fois des longs-métrages longtemps invisibles et aujourd’hui restaurés en 2k et 4k.
COFFRET Med Hondo avec 3 DVD / 3 Blu-ray :
Disque 1 - Soleil Ô (1970)
Complément : Mes voisins (moyen métrage inédit de Med Hondo, 1973)
Disque 2 - West Indies, les nègres marrons de la liberté (1979)
Complément : making of (1979), bande-annonce originale (1979)
Disque 3 - Sarraounia (1986)
Complément : bande-annonce originale (1986), entretien avec Med Hondo (2018)
Et un LIVRET avec des textes de Maryse Condé, Aboubakar Sanogo, François Catonné, Françoise Pfaff et Abdoul War.

À propos du film de Daniel Goldhaber, Sabotage, au cinéma le 26 juillet, le réalisateur déclare : « Je suis convaincu que quand il va sortir en France, certains médias vont tenter de le rapprocher du climat social actuel et explosif. J’espère juste que votre public pourra se rendre compte en allant voir ce lm que l’ébullition est la même chez vous que chez nous, que les masses populaires sont en colère contre la même chose : le système néo-libéral qui est en train de détruire la possibilité de vivre sur Terre comme de s’organiser en société. Cela dit, si SABOTAGE devait devenir un lm polémique en France, ce ne serait pas forcément une mauvaise chose. Pour tout vous dire, j’espère même que cela arrivera car cela fait partie du processus de construction des contre-cultures. S’il y a des débats virulents autour de ce film, cela incitera des gens à aller le voir, et leur ouvrira peut-être les yeux sur les véritables enjeux. J’ai le sentiment que la mouvance actuelle de cancel culture par exemple, même si elle part d’une bonne volonté, nous amène sur le chemin inverse, voire ouvre la voie à un dangereux néo-fascisme. Alors oui, ça ne me dérangerait pas que SABOTAGE trouve son chemin vers le public à travers des gens que ce film mettra en rogne. »
Avant même la sortie du film, Comment saboter un pipeline fait déjà polémique :
Communiqué des éditions la fabrique
Cela fait 25 ans que nous publions des essais, et nous avons été pour le moins surpris•es d’apprendre que l’un d’eux, publié il y a plus de 3 ans en 2020, était cité comme élément à charge dans le décret de dissolution des Soulèvements de la Terre.
Comment saboter un pipeline , écrit par le géographe et universitaire suédois Andreas Malm, traduit en 8 langues, puise dans l’héritage de Martin Luther King et des suffragettes est un succès de librairie : si ce livre présentait le moindre problème au regard des lois (et non des obsessions de Gérald Darmanin), il aurait été poursuivi. Ça n’a pas été le cas.
C’est donc là une attaque détournée contre les libertés d’expression, de la presse et de l’édition et contre les lois qui les régissent.
Ce n’est pas la première fois qu’un livre du catalogue qui n’a fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire est mobilisé à des fins de répression. Ce fut le cas lors de l’affaire Tarnac, lorsque l’intégralité du texte de L’insurrection qui vient a été versée au dossier d’une procédure antiterroriste comme élément à charge : cela s’est soldé par un camouflet pour le pouvoir et une relaxe collective pour les personnes mises en cause.
Voilà donc les nouvelles formes de censure, d’atteintes aux libertés et de mesures d’intimidation qui pèsent sur les maisons d’éditions.
Les Soulèvements de la Terre suscitent un débat d’intérêt général qu’il appartient aux éditeurs et à la presse de faire vivre. C’est à cette tâche qu’on s’attelle en menant avec eux un projet de livre. Ce qu’on va faire dans les années et décennies qui viennent de l’eau, de la terre et de l’énergie n’est pas une question qu’on peut abandonner aux technocrates ou à une minorité irresponsable. C’est un enjeu démocratique de choix de société et bientôt de survie. Un jour, nous serons tous et toutes des soulèvements de la terre.
La fabrique éditions (22 juin 2023) lafabrique.fr
À noter : Relaxe réalisé par Audrey Ginestet sur l’affaire Tarnac dont l’entretien sera diffusé le samedi 29 juillet dans les chroniques rebelles de Radio Libertaire.

CONCERT DE SOUTIEN JULIAN ASSANGE
3 JUILLET À LA MAROQUINERIE