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Samedi 14 octobre 2023
CINEMED 2023. Fellini par Jean-Max Méjean. En bonne compagnie de Sylvia Munt. La Comédie humaine de Fukada. Linda veut du poulet de Chiara Malta et Sébastien Laudenbach. Un Prince de Pierre Creton. Je n’ai rien à perdre que mes chaînes Mollie Steimer (éditions Nada)
Article mis en ligne le 14 octobre 2023

par CP

Fellini par Jean-Max Méjean

En bonne compagnie
Film de Sylvia Munt (18 octobre 2023)

La Comédie humaine
Film en trois histoires de Koji Fukada (18 octobre 2023)

Linda veut du poulet
Film de Chiara Malta et Sébastien Laudenbach (18 octobre 2023)

Un Prince
Film de Pierre Creton (18 octobre 2023)

Je n’ai rien à perdre que mes chaînes
Mollie Steimer (éditions Nada)

Federico Fellini
Entretien avec Jean-Max Méjean (2ème partie)

Plusieurs rétrospectives ont lieu actuellement autour du cinéma de Fellini, et dans ce second volet, nous avons choisi de poursuivre cette balade cinématographique fellinienne histoire de créer, en compagnie de Jean-Max Méjean, un fil conducteur au travers d’une filmographie des plus riches. Aujourd’hui nous partons de l’un de ses films, I Vitelloni, dans lequel est évoqué non seulement les différences de classes, l’enfermement, mais aussi la condition des femmes et bien sûr le machisme et ses conséquences. Dès le premier plan de I Vitelloni, plan large d’une rue de la ville de Rimini sans sortie visible vers l’extérieur, de jeunes hommes s’avancent, quelque peu éméchés, revenant sur leur pas, indécis, c’est la représentation sans équivoque de personnages immatures et paumés. Dans ce film, le rôle des femmes et des hommes est cadré, codifié selon les injonctions et les critères préconisés par l’État et la religion.
Musiques de Nino Rota : La Strada, Les Nuits de Cabiria, Juliette des esprits…

En bonne compagnie
Film de Sylvia Munt (18 octobre 2023)

Pays basque, été 1977. Bea a 16 ans et rejoint le mouvement féministe très actif dans le pays. En 1976, un an après la mort de Franco, onze femmes basques de la classe ouvrière sont emprisonnées, accusées de pratiquer des avortements clandestins et jugées au cours d’un procès interminable, qui va dureer jusqu’en 1982. La mobilisation des féministes concerne directement l’amnistie des femmes en taule, mais plus largement pour la légalisation de l’IVG et l’égalité des droits des femmes. Déterminées, les féministes multiplient les actions : distributions de tracts, slogans à la cantonade, déclarations, banderoles déployées devant les églises… Alors que Béa est très engagée dans lutte, elle rencontre Miren, jeune fille d’une famille bourgeoise où sa mère travaille, et cette rencontre marque une étape décisive de sa maturité et dans sa vie. Un autre événement va cristalliser la lutte de Béa et sa prise de conscience, sa tante vient se réfugier dans leur appartement après avoir tenté elle-même de provoquer une fausse couche. Miren est enceinte aussi, mais ne veut pas garder l’enfant, Béa décide alors de l’aider en l’accompagnant à l’étranger. Son père, prisonnier politique, dont elle est proche, annonce qu’il va refaire sa vie avec une autre femme. Pour sa mère, c’est un choc qui la rapproche de Béa.

En bonne compagnie de Silvia Munt dépeint avec finesse l’ambiance de cette époque influencée très fortement par quarante ans de franquisme et la pression de l’Église. En partant du « procès contre les 11 de Basauri », un groupe de femmes basé à Basauri, près de Bilbao, qui ont, de 1976 à 1985, aidé plus d’un millier de femmes à avorter en sécurité et dans la dignité, la réalisatrice remet sur la sellette le combat des femmes qui participa à la dépénalisation de l’avortement adoptée en Espagne seulement le 5 juillet 1985, soit 10 ans après la promulgation de la loi Veil en France...

Il est important de se rappeler cette lutte lorsque l’on constate le retour de lois réactionnaires à l’encontre des femmes et le revirement des mentalités quant à l’égalité des droits des femmes.
En bonne compagnie de Sylvia Munt au cinéma le 18 octobre. À ne pas manquer.

La Comédie humaine
Film en trois histoires de Koji Fukada (18 octobre 2023)

Inspirées par l’œuvre de Balzac, les trois histoires — Chat blanc, la Photographe, Bras droit —, s’imbriquent et se répondent en quelque sorte dans le premier long métrage de Koji Fukada. D’ailleurs, les thèmes abordés sont ceux qu’il reprendra dans son œuvre par la suite. La construction du scénario révèle une maîtrise étonnante de la complexité des caractères dans le contexte de la société japonaise.
Chat blanc, rencontre fortuite de deux jeunes femmes à la suite d’une déception amoureuse et la course à l’autographe d’un artiste, développe une réflexion profonde sur l’institution du mariage, les relations avec la famille et l’évolution des sentiments, « finalement, on est juste dépendants l’un de l’autre ». Et les histoires s’entrecroisent, la Photographe, une jeune femme prépare une exposition de ses photos à laquelle personne ne vient, sauf un passant attiré par le buffet et le propriétaire de la galerie, sa meilleure amie étant à une cérémonie de mariage. Elle fait cependant bonne figure et se rend à la fête.
La troisième histoire, qui pourtant semble partir sur une idylle, va se terminer sur l’illusion de la confiance dans un couple, lorsque le mari déclare à sa compagne enceinte qu’en fait il est stérile. Famille, conventions et mensonge pourrait-on dire et, comme le souligne Fukada, « les thèmes que j’aborde dans mes films n’ont pas tellement changé. Il y a des questions universelles que j’ai toujours envie de traiter, qui sont par exemple la solitude, qui est pour moi la condition humaine par définition. Parmi ces thèmes, il y a également la question de la difficulté à communiquer ou encore notre finitude, c’est-à-dire l’angoisse de la mort, le fait de vivre en sachant que l’on va mourir. Toutes ces questions-là m’intéressent parce qu’elles nous concernent tous. Je me les posais déjà au moment où j’ai réalisé ce premier film, La Comédie humaine, et elles continuent de traverser mon travail jusqu’à aujourd’hui. […]
Le film narre trois histoires, mais par les citations de Nietzsche et les ponts entre chacune, j’ai cherché à donner une forme d’unicité à ces trois segments. Le film pourrait être considéré comme un omnibus, c’est-à-dire constitué de trois courts métrages juxtaposés les uns à la suite des autres, mais je voulais qu’il puisse être vu comme un long métrage à part entière. » Avec un détail important qui, comme une fatalité, entraîne le personnage d’une histoire dans une autre à l’occasion d’un fait divers dans le journal, une manière d’état des lieux de la société et des mœurs… japonaises et universelles.
La Comédie humaine de Kôji Fukada, le 18 octobre au cinéma.

Linda veut du poulet
Film de Chiara Malta et Sébastien Laudenbach (18 octobre 2023)

Allez savoir pourquoi, Paulette est convaincue que sa fille Linda a pris une bague à laquelle elle tient dans son coffret à bijoux. Donc elle la punit et Linda se rebelle. Trop injuste ! Et Paulette se rendant compte de son erreur est prête à tout pour se faire pardonner. Linda lui pose alors une condition pas facile à tenir, lui cuisiner un poulet aux poivrons… Paulette ne sait pas cuisiner et pour couronner le tout, il y a une grève générale et tous les magasins sont fermés. Mais Paulette ne se dégonfle pas, du vol d’une poulette dans un poulailler à une poursuite par un flic qui veut prouver son efficacité, de l’abandon de la bagnole à la poursuite de la course dans un camion bourré de pastèques, et la tante, plutôt coincée, s’en mêle et finalement tout le quartier…
Une belle aventure commune, sauf pour le poulet cuit aux poivrons, qui était le plat préféré du père de Linda et cuisiné par lui. Des blagues, des facéties… Bref un très beau film d’animation, avec à la réalisation Chiara Malta et Sébastien Laudenbach dont on connaît l’inventivité, la grâce et le talent. Le fait d’attribuer à chaque personnage sa couleur est une superbe idée. Et la couleur choisie colle au caractère de chaque personnage !
Linda veut du poulet de Chiara Malta et Sébastien Laudenbach à voir en se régalant le 18 octobre.

Un Prince
Film de Pierre Creton (18 octobre 2023)

Après l’histoire du marcassin recueilli par Madeleine dans Va Toto !, Le Bel été durant lequel deux migrants en galère, Ahmed et Mohamed, sont accueillis par Simon et Robert, Pierre Creton raconte à nouveau une situation d’adoption : c’est, dit-il « la troisième fois que je posais la question de l’adoption » qui sort du schéma parental classique et laisse entrevoir le désir des autres. « Plutôt qu’une famille, [est proposée] une communauté désirée, inventée, voulue ».
Dans un Prince, il s’agit en fait de deux jeunes adoptées, l’un d’eux, Pierre-Joseph qui a 16 ans, intègre un Centre de Formation et d’Apprentissage pour devenir jardinier. Il y rencontre Françoise Brown la directrice, qui le prend sous son aile et lui parle de son fils adopté, Kutta, absent dans toute la première partie du film, puis Alberto son professeur de botanique et Adrien son employeur. Alberto et Adrien tiennent un rôle déterminant dans son apprentissage et dans sa vie. Ces derniers vont à la fois initier le jeune homme à la sensibilité de la terre et à la sexualité.
Le récit de Pierre Creton — récit d’une vie puisqu’il va de l’adolescence jusqu’à l’âge mur — s’inspire de son expérience personnelle et du rapport à la nature et aux hommes qui l’entourent. Quant au fils adoptif de Françoise Brown, Kutta, dont Pierre-Joseph a souvent entendu parler sans jamais le rencontrer, il va surgir dans sa vie bien des années plus tard. Le passage du jeune homme à l’âge adulte est une trouvaille-ellipse très jolie de son image se fondant dans un lit de feuilles. Pour l’apparition de Kutta, devenu propriétaire d’un château étrange, elle s’exprime à travers une représentation mystique et sexuelle, Kali.
Un Prince de Pierre Creton est un film surprenant et original, au cinéma le 18 octobre.
Le film a été présenté dans l’émission Contrebandes de Radio Libertaire en date du 7 octobre.

Je n’ai rien à perdre que mes chaînes
Mollie Steimer (éditions Nada)

Après la Petite histoire de l’anarchisme de Marianne Enckell, les textes inédits en français de Mollie Steimer viennent compléter la collection des éditions. Mollie Steimer (1897-1980) est une militante anarchiste internationaliste, condamnée par la démocratie états-unienne, emprisonnée par les Soviétiques, menacée par le nazisme et pourchassée par Vichy, elle a mené toute sa vie un combat contre tous les systèmes autoritaires.
Elle notamment déclaré : « Par anarchisme, j’entends un nouvel ordre social dans lequel aucun groupe ne pourra en gouverner un autre. La liberté individuelle prévaudra. Chacun [chacune] produira selon ses moyens et recevra selon ses soins. Je consacrerai toute mon énergie à voir cet idéal se réaliser et, si nécessaire, je donnerai ma vie. »
Je n’ai rien à perdre que mes chaînes de Mollie Steimer (éditions Nada)

Musiques : Compagnie Jolie Môme, Hymne des femmes. River dog, Une longue année. Étienne Daho, Un bel été. Limananas. Tony Hymas, Bleak Bleak.

Tony Hymas, nous l’écoutons souvent dans les chroniques et voici la sortie chez Nato de 2 CD : Le premier Flying Fortress et le second Back To the Fortress (hiver 1987-1988).