Chroniques rebelles
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Samedi 11 novembre 2023
CINEMED, retour de festival. They Shoot the Piano Player de Fernando Trueba et Javier Mariscal. Orlando, ma biographie politique de Paul Preciado. Sokraina 59 de Abdallah Al-Khatib. Backstage de Afef Ben Mahmoud et Khalil Benkirane. Bye Bye Tiberiade de Lina Soualem. Danser sur un volcan de Cyril Aris. Le Déserteur de Dani Rosenberg. Nuit noire en Anatolie de Özcan Alper. Nous étudiants de Rafiki Fariala. Gueules noires de Mathieu Turi. Delphine Seyrig cinéaste et comédienne. La Sirène de Sepideh Farsi. L’Amérique face à l’holocauste, série documentaire de Ken Burns. Sens dessus dessous
L’école du monde à l’envers de Eduardo Galeano (LUX). La société mourante et l’anarchie de Jean Grave (LUX). Avis de tempête. Nature et culture dans un monde qui se réchauffe de Andreas Malm (La fabrique)
Article mis en ligne le 12 novembre 2023

par CP

45ème Festival international du cinéma méditerranéen, CINEMED
Retour de festival

They Shoot the Piano Player de Fernando Trueba et Javier Mariscal au cinéma le 24 janvier 2024
Orlando, ma biographie politique de Paul Preciado .
Sokraina 59 de Abdallah Al-Khatib
Bye Bye Tiberiade de Lina Soualem
Danser sur un volcan de Cyril Aris
Backstage de Afef Ben Mahmoud et Khalil Benkirane
Le Déserteur de Dani Rosenberg
Nuit noire en Anatolie de Özcan Alper

Nous étudiants
Film de Rafiki Fariala (15 novembre 2023)

Gueules noires
Film de Mathieu Turi (15 novembre 2023)

Delphine Seyrig
Cinéaste et comédienne

Coffret exceptionnel

La Sirène
Film de Sepideh Farsi (DVD 17 octobre 2023)

L’Amérique face à l’holocauste
Série documentaire de Ken Burns (15 novembre 2023)

Sens dessus dessous
L’école du monde à l’envers
de Eduardo Galeano (LUX éditions, en librairie depuis le 3 novembre)

La société mourante et l’anarchie de Jean Grave

Avis de tempête
Nature et culture dans un monde qui se réchauffe

Andreas Malm (La fabrique)

45ème Festival international du cinéma méditerranéen, CINEMED
Retour de festival

Retour d’un festival avec, comme d’habitude, de très belles découvertes dont le film d’ouverture, un film d’animation, They Shot the Piano Player, de Fernando Trueba et Javier Mariscal, avec les voix de Jeff Goldblum, Tony Ramos, Abel Ayala.

They Shot the Piano Player s’ouvre sur la présentation, de nos jours, d’un livre dans une librairie new-yorkaise. Un journaliste spécialisé dans la musique a mené une enquête sur un pianiste brésilien, Francisco Tenório, disparu mystérieusement en 1976, à la veille du coup d’état militaire en Argentine. Le récit se situe donc entre Jazz et bossa nova, dans le contexte de la prise de pouvoir d’un régime totalitaire, après une période éphémère de liberté créatrice.
They Shoot the Piano Player de Fernando Trueba et Javier Mariscal : rencontre avec Fernando Trueba et Javier Mariscal
They Shoot the Piano Player de Fernando Trueba et Javier Mariscal au cinéma le 24 janvier 2024

Retour du 45ème festival CINEMED avec un film lumineux :
Orlando, ma biographie politique de Paul Preciado .

En 1928, Virginia Woolf écrit Orlando, le premier roman dans lequel le personnage principal change de sexe au cours d’une histoire qui se déroule sur plusieurs siècles. «  Les habits ne sont qu’un symbole de la réalité enfouie au-dessous. Ce fut un changement intime qui poussa Orlando à choisir des vêtements et un sexe de femme [écrit Virginia Woolf]. Si différents que soient les sexes, pourtant ils se combinent. Tout être humain oscille ainsi d’un pôle à l’autre, et bien souvent, tandis que les habits conservent seuls une apparence mâle ou femelle, au-dessous le sexe caché est le contraire du sexe apparent. »
De ce roman, l’écrivain et activiste transgenre Paul Preciado réalise un film dans lequel 26 personnes trans et non-binaires contemporaines, âgées de 8 à 70 ans, incarnent chacune Orlando. C’est un film d’une extrême originalité et d’une poésie éblouissante qui bringuebale entre le texte de Virginia Woolf et la vision de Paul Preciado qui s’adresse ainsi à l’écrivaine : « Le roman a été écrit avant ma naissance, alors je t’écris après ta mort. » 26 personnes se déclarant Orlando dont l’une d’elles, Naelle Dariya Arabi est venue à Montpellier pour présenter le film… Rencontre…

Orlando, ma biographie politique de Paul Preciado : entretien avec Naelle Dariya Arabi. Orlando ma biographie politique de Paul Preciado sort le 29 novembre en salles , et c’est l’une des belles surprises du Festival CINEMED.

45ème Festival international du cinéma méditerranéen, le CINEMED :
Une retrouvaille avec le réalisateur de Little Palestine. Journal d’un siège, Abdallah Al-Khatib, qui a réalisé un court métrage, Sokraina 59 , présenté en panorama. Avec ce film, il confirme son talent et a d’ailleurs reçu le prix du public pour une très belle histoire qui met en scène une famille de réfugié.es syrien.nes en Allemagne, hébergé .es par des institutions publiques. Les règles y sont strictes — interdiction de fumer, pas d’animaux, etc. —, et voilà que débarquent Maria et Sofia, deux réfugiées ayant fui la guerre en Ukraine avec leur chien. La cohabitation n’est pas facile, différences de mode de vie, de culture, mais au-delà de la méfiance du premier temps, s’installe peu à peu une curiosité commune et bientôt une connivence entre les deux mères. Hiam Abbas interprète le rôle de la mère syrienne avec un humour certain. Il faut espérer que le film sera distribué très vite en salles, car il est à voir absolument. Abdallah Al-Khatib travaille actuellement sur un projet de film, à suivre donc…

Backstage de Afef Ben Mahmoud et Khalil Benkirane (extraits de la rencontre)

Parmi la très belle sélection des longs métrages, compétition et panorama pour le 45ème festival CINEMED de Montpellier, évoquons quelques coups de cœur, à commencer par Backstage de Afef Ben Mahmoud et Khalil Benkirane qui ouvre sur une scène de danse contemporaine fulgurante, filmée en totale osmose avec les mouvements des danseurs et des danseuses. Backstage ou immersion dans les coulisses d’une troupe de danse tunisienne en tournée au Maroc. Lors de la représentation, Aida, l’une des danseuses provoque Hedi, son partenaire de vie et de scène et celui-ci la blesse intentionnellement sur scène au vu de tout le monde. Un incident qui bouleverse la troupe et peut mettre fin à la tournée.

Du spectacle et de la première scène fascinante, on bascule subrepticement en une réalité onirique se poursuivant en une errance de la troupe dans la forêt du Haut Atlas suite à une panne de car. La marche nocturne est à la fois magique et dévoile les liens complexes entre chacun et chacune, les langues se délient, les secrets se révèlent, moments entrecoupés d’éléments de gestuelle dansée en improvisation. Chorégraphie, croyances, mythes, blessures, jalousie, réflexions sur l’existence se mêlent au cœur d’une nuit où les esprits de la forêt interviennent. Un conte philosophique moderne sur fond d’expression corporelle…
Extrait de la rencontre avec l’équipe de réalisation…
Backstage de Afef Ben Mahmoud et Khalil Benkirane est en attente de distribution.

À présent deux films documentaires passionnants sur la mémoire, sur les déchirures, sur les luttes : Bye Bye Tibériade de Lina Soualem et Danser sur un volcan de Cyril Aris.

Bye Bye Tiberiade de Lina Soualem est un film magnifique et engagé sur la mémoire, personnelle qui rejoint celle de tout un peuple.


Il y a 30 ans, Hiam Abbas a quitté son village palestinien Deir Hanna, en Galilée, où elle a grandi avec son arrière grand-mère, sa mère et ses sept sœurs, pour poursuivre son rêve de devenir actrice, en France. Sa fille Lina Soualem interroge l’exil choisi, ou non d’ailleurs, de sa mère et la façon dont les femmes de sa famille ont pu influencer son imaginaire, sa prise de conscience et son itinéraire.

Cette rencontre avec Lina Soualem et Hiam Abbas, en compagnie de Cédric Lépine de Médiapart, a eu lieu le 22 octobre (extraits)…

Le 45ème festival international du cinéma méditerranéen s’est déroulé dans le contexte dramatique des bombardements sur Gaza après l’attaque de la branche armée du Hamas du 7 octobre. Pour cette raison, la venue annoncée de Mohammad et Saleh Bakri a été annulée. Lina Soualem évoque cet épisode tragique de l’histoire palestinienne et les conséquences de l’occupation. Les archives qui illustrent les paroles familiales sont édifiantes et constituent un socle narratif qui s’ajoute à celles tournées par son père, plus intimes.
Il faut préciser que les journalistes indépendants ne sont pas autorisés à suivre ce qui se passe à Gaza actuellement. Les bombardements perpétrés sur Gaza par le gouvernement israélien se font donc sans témoins indépendants. Les destructions du nord de Gaza touchent en grande majorité la population civile, coincée dans un territoire minuscule et donc sacrifiée, bien que les attaques soient condamnées par une partie de la communauté internationale pour l’inhumanité de l’opération et notamment par les personnels soignants sur place. La punition collective — car c’en est une — et les innombrables victimes ne mettront pas fin à la spirale des violences dont l’occupation est la cause profonde et l’on peut se demander si ce nouvel épisode sanglant va relancer la colonisation délibérée de la Cisjordanie, un territoire où se trouvent des sources…

Après Bye bye Tibériade de Lina Soualem, un autre film documentaire se distingue pour la manière dont il mêle problèmes de réalisation, événements et politique. C’est Danser sur un volcan de Cyril Aris avec Mounia Akl, Saleh Bakri, Myriam Sassine, Joe Saade… 
D’autant que le festival présentait parallèlement une rétrospective des films de Maroun Bagdadi.
Après l’explosion au port de Beyrouth du 4 août 2020, une équipe de tournage fait face à un dilemme : affronter le chaos et poursuivre le tournage de leur film, ou l’abandonner face aux crises qui gagnent le pays.

Danser sur un volcan met en évidence la résilience de l’équipe et raconte leur lutte pour continuer à faire du cinéma au milieu d’une ville dévastée. Le montage participe à la réussite du film, arriver à faire de ce film documentaire à la fois un thriller, un témoignage politique, et retracer l’histoire d’une équipe de tournage et du processus de création cinématographique, il n’y a qu’un mot : bravo !
Deux films à voir dès leur sortie sur les écrans.

Le Déserteur de Dani Rosenberg qui, lui aussi a du annuler sa venue au 45ème CINEMED.

Au combat près de la Bande Gaza, un jeune soldat israélien hésite, finalement il ne suit pas ses camarades et se planque derrière un matelas, puis c’est la course dans les ruines des maisons de Gaza, les cadavres, les enfants qui s’enfuient et la vieille dame tétanisée… Shlomi jette son casque et monte dans une voiture abandonnée avec des bagages, un cadavre au sol, peut-être le propriétaire du véhicule qui n’a pas eu le temps de s’enfuir… La course avec en fond la bataille, Shlomi saute une barrière, court encore et se retrouve devant la maison familiale… le chien, la clé cachée… Mais à peine arrivé, la maison est cernée par la police militaire, il rampe, ne répond surtout pas et s’enfuit en vélo, rattrape un car, direction Tel Aviv. « Je me suis enfui pour voir Shiri » dit-il. Les bombardements sur Gaza, c’est horrible, mais « le pire c’est de s’y habituer ».
Ce qui est montré dans ce film coup de poing par son rythme et la bande son — une musique organique, expérimentale au point que l’on ne sait plus si elle est issue du chaos ou d’effets spéciaux —, ce qui frappe donc c’est l’indifférence de la population israélienne vis-à-vis de la population palestinienne : « je préfère que leurs mères pleurent plutôt que la mienne. » Un état de déshumanisation de « l’autre » qui fait froid dans le dos. D’autant que le film, sélectionné avant l’été, semble illustrer la réalité présente, un jeune homme se sauve pour voir sa petite amie et les informations le disent pris comme otage. Un jeune mec paumé qui ne sait plus où il en est, spontanément insoumis, et lorsqu’il réalise les conséquences terribles de son geste, qu’il est lâché par sa mère et sa petite amie, il choisit comme solution un geste suicidaire…
Le Déserteur est un film puissant, une critique virulente de la militarisation de toute la société israélienne, conséquence de l’occupation. Le film sortira en mars.

Le Déserteur de Dani Rosenberg a reçu un prix pour la bande son, sidérante et originale, et le prix de la critique.
Le cinéma israélien est sans doute le plus radical dans sa critique, on se souvient du film Une jeunesse comme aucune autre, réalisé par deux réalisatrices — Dalia Hager et Vidi Bil — et présenté en 2006 au CINEMED, qui analysait les conséquences du service militaire obligatoire sur deux jeunes femmes.

Des films sélectionnés en compétition, Nuit noire en Anatolie de Özcan Alper a reçu l’Antigone d’or, et je dois dire que ce n’était pas facile pour le jury de choisir parmi une palette brillante de films.

Nuit noire en Anatolie de Özcan Alper doit beaucoup au charisme de son interprète principal qui incarne un homme solitaire, musicien gagnant sa vie en jouant dans une boîte de nuit. Or un jour, il doit retourner dans son village natal qu’il a quitté subitement sept ans auparavant. Sa mère est malade et souhaite le voir avant de mourir. Mais son retour au village se passe mal, il pose trop de questions et est confronté à l’hostilité de tous ainsi qu’aux tourments de son propre passé. Le secret obsède en effet Ishak, secret que l’on déroule peu à peu en flash back et que l’on devine à travers les conversations.

Nuit noire en Anatolie de Özcan Alper installe une angoisse prenante et sera au cinéma le 24 janvier.

Le 45ème CINEMED a offert une magnifique rétrospective de l’œuvre cinématographique d’Ettore Scola, ami de Fellini, célébré également depuis septembre. Qui a dit que le cinéma italien n’était plus ? L’Enlèvement de Marco Bellocchio dont nous avons déjà dit que c’était un chef d’œuvre a été projeté en avant première. Et un autre film de Bellocchio, Marx peut attendre.
Camillo, décédé en 1968, est le frère de Marco Bellocchio qui rassemble toute sa famille pour un déjeuner. Avec sa famille il s’interroge sur Camillo, son jumeau disparu à l’âge de 29 ans. Les frères. Les petits-enfants. La sœur de la petite amie de l’époque. Un psychiatre. Un prêtre. En parlant avec chacun d’eux, Marco Bellocchio reconstitue les morceaux du passé, donnant enfin corps à un fantôme qu’il a côtoyé toute sa vie.
Deux autres excellents films en compétition, La bella estate de Laura Luchetti et Anna de Marco Amenta que nous évoquerons dans des émissions prochaines, deux belles rencontres…

Il y aurait encore beaucoup à dire du CINEMED, nous diffuserons les entretiens, sans oublier les séances spéciales, les cartes blanches, les courts métrages et les jolis clins d’œil comme Viva Varda ! de Pierre-Henri Gibert, Agnès Varda réalisatrice emblématique s’il en est. Un festival très dense en découvertes, comme d’habitude…

Nous étudiants
Film de Rafiki Fariala (15 novembre 2023)

En république centrafricaine, Nestor, Aaron et Benjamin étudient l’économie à l’Université de Bangui. Le réalisateur les a rencontrés en première année, puisqu’ils ont étudié ensemble, lutté ensemble et inventé au quotidien des moyens de survivre. Des jeunes qui rêvent aussi d’un avenir meilleur en voyant s’approcher les examens sont lucides et critiques sur le système de corruption érigé en pratique.
C’est un premier long métrage où Rafiki Fariala a mis beaucoup de son expérience d’étudiant à l’université de Bangui. Il en témoigne : « les bâtiments, dont la façade extérieure est repeinte chaque année pour le défilé de la fête nationale, sont tous pourris à l’intérieur. Les bancs sont empilés en tas, les plafonds s’effondrent. Quand il pleut, l’eau coule à l’intérieur. Quand j’étais en 1ère année, nous étions plus de 1000 étudiants dans une même salle de classe. Pour avoir une chance d’entrer dans la salle et d’avoir une table-banc où s’asseoir, il fallait se réveiller à 2h du matin. À 5h, la salle était déjà pleine. Et bien souvent les professeurs ne viennent même pas, car ils préfèrent aller enseigner dans les universités privées où ils sont mieux payés. Alors les étudiants dorment sur leurs bancs, comme des somnambules dans une maison de fous. » Évidemment, c’est l’université des pauvres, les familles riches et proches du pouvoir envoient leurs enfants étudier à l’étranger. Pour les autres, pour l’immense majorité des jeunes, c’est l’obligation de la débrouille, pour l’inscription déjà et ensuite pour avoir une place en cours, une chambre d’étudiant, si possible se trouver un petit business pour la nourriture… De quoi en décourager plus d’un. Malgré tout, cela crée des liens très forts, mais qu’en est-il par la suite ? La vie se charge de séparer ceux qui ont partagé cette amitié et ses espoirs aussi.
« Lorsque nous avons commencé le tournage [raconte Rafiki Fariala], une grande complicité nous unissait. La chambre d’Aaron est très vite devenue le décor principal du film. Comme je connaissais exactement la vie de mes amis, je savais ce qui était intéressant à raconter d’eux et comment le filmer. C’était une collaboration magnifique. Quand Aaron n’était pas filmé, il tenait la perche et prenait le son. À l’inverse, Bertille, avec qui j’avais été initié au cinéma et qui faisait le son le plus souvent, est parfois passée de l’autre côté de la caméra pour participer aux scènes. Nestor a parfois pris la caméra pour me filmer. » Toutefois, après trois ans de tournage, la complicité de départ n’était plus la même, confrontée aux difficultés vécues par les amis du réalisateur, par le temps trop long pour faire aboutir le projet, l’enthousiasme était retombé. Pourtant ce film centrafricain, véritable chant de révolte, est passionnant et intransigeant sur les sujets abordés, la corruption, le harcèlement des étudiantes et l’abandon d’une grande partie de la jeunesse.
Un film très édifiant et peut-être aussi la représentation d’un espoir puisque selon Rafiki Fariala sont mises en place des formations de jeunes aux métiers du cinéma, alors annonce-t-il : « on n’a pas fini d’entendre parler du cinéma centrafricain ».
Nous étudiants de Rafiki Fariala est un beau début et il est sur les écrans le 15 novembre 2023.

Gueules noires
Film de Mathieu Turi (15 novembre 2023)

1956, dans le nord de la France. Une bande de mineurs de fond se voit obligée de conduire un professeur faire des prélèvements à mille mètres sous terre. Après un éboulement qui les empêche de remonter, ils découvrent une crypte d’un autre temps, et réveillent sans le savoir une créature légendaire assoiffée de sang…
Un film ovni qui démarre avec le recrutement d’ouvriers dans le Maroc colonial, puis dans les mines du nord de la France. L’axe social est évident avec l’attitude des patrons, recruteurs, élites et contremaître, mais à mille mètres sous la mine, les attitudes, l’ambiance change, les peurs et les croyances aussi… Brusquement l’on se trouve dans une sorte de chasse au trésor maléfique et dangereuse.
Les mineurs, le professeur sont dépassés et dans ce huis clos oppressant, les idées, les principes se délitent, sous l’emprise de la peur de l’indicible et de l’innommable…
Mathieu Turi nous plonge dans l’univers d’un Lovecraft en partant du concret et des mystères du comportement des humains et il est difficile d’en sortir. Un film Impressionnant, les trucages dans le fond de la mine et des temps sont prenants et sans ce goût de catalogue de trucages qui font penser plus à un jeu vidéo qu’à un film. Bref un film à voir et : accrochez-vous !
Gueules noires de Mathieu Turi au cinéma le 15 novembre

Delphine Seyrig
Cinéaste et comédienne

Coffret (7 novembre 2023)

LA MUSICA de Marguerite DURAS et Paul SEBAN, LES LÈVRES ROUGES de Harry KÜMEL, LE JARDIN QUI BASCULE de Guy GILLES, ALOÏSE de Liliane DE KERMADEC, JEANNE DIELMAN 23, QUAI DU COMMERCE, 1080 BRUXELLES de Chantal AKERMAN. Enfin, SOIS BELLE ET TAIS-TOI ! / MASO ET MISO VONT EN BATEAU / S.C.U.M MANIFESTO trois films réalisés par Delphine Seyrig et le collectif féministe « Les Insoumuses » (Carole Roussopoulos, Ioana Wieder et Nadja Ringart). Tout cela dans un coffret Blu-ray.
Au cours des années 1970, Delphine Seyrig est l’une des premières grandes actrices à défendre la cause féministe en choisissant des rôles de femmes peu représentés. Un engagement qu’elle poursuit en réalisant en vidéo des films militants.
LA MUSICA (1967, 1h 26) Un couple divorcé se retrouve dans une chambre d’hôtel pour discuter de leur relation passée, explorant ainsi les complexités de l’amour.

LES LÈVRES ROUGES (1971, 1h 48) Une variation magnifique et troublante sur le thème des vampires femmes.

LE JARDIN QUI BASCULE (1975, 1h 33) Deux jeunes tueurs à gages parviennent à se faire inviter dans la villa de celle qu’ils sont chargés d’éliminer.

ALOÏSE (1975, 1h 57) L’histoire vraie d’Aloïse Corbaz. Cantatrice puis gouvernante, elle passe sa vie internée et se révèle par la peinture.

JEANNE DIELMAN 23, QUAI DU COMMERCE, 1080 BRUXELLES (1976, 3h 21). Trois jours de la vie d’une mère au foyer, entre tâches ménagères et prostitution.

SOIS BELLE ET TAIS-TOI ! / MASO ET MISO VONT EN BATEAU / S.C.U.M MANIFESTO (1976, 1h 53, 55 min, 28 min). Trois films réalisés par Delphine Seyrig et le collectif féministe « Les Insoumuses » (Carole Roussopoulos, Ioana Wieder et Nadja Ringart).
J’espère que nous pourrons faite une émission autour de Delphine Seyrig, cinéaste, et de son amitié avec Carole Roussopoulos, en compagnie d’Hélène Fleckinger, spécialiste du cinéma féministe et de Carole Roussopoulos.

Côté DVD :
La Sirène
Film de Sepideh Farsi (DVD 17 octobre 2023)

1980, dans le sud de l’Iran. Les habitants d’Abadan résistent au siège des Irakiens. Omid, 14 ans, a décidé de rester sur place avec son grand-père, en attendant le retour de son grand frère du front. Comme l’explique la réalisatrice, « Omid, malgré son jeune âge, songe à ce qu’aurait pu être sa vie sans cette révolution et sans cette guerre. Mais il ne se résigne pas et s’engage. C’est ce que nous ressentions au début des années 1980 : nous avions le sentiment qu’on nous avait volé quelque chose. C’était une révolution volée – c’était dramatique, comme si on avait raté une marche. Et ça n’a fait qu’empirer. »
Comment résister en temps de guerre sans prendre les armes ? En cherchant son frère parti au front, Omid découvre un bateau abandonné dans le port d’Abadan, la Sirène. A-t-il trouvé le moyen de sauver les personnes qu’il aime, son grand-père, des voisins, ses ami.es, la grande cantatrice que le régime des mollahs avait condamné au silence…
La Sirène de Sepideh Farsi (DVD 17 octobre 2023)

L’Amérique face à l’holocauste
Série documentaire de Ken Burns (15 novembre 2023)

Que savaient les États-Unis du génocide perpétré par le régime hitlérien contre les populations juives et certaines minorités d’Europe ? quelles ont été les attitudes des autorités face à ces populations fuyant la barbarie ? En six épisodes, L’Amérique face à l’holocauste est une fresque documentaire coréalisée par Ken Burns et Lynn Novick.
En 1933, l’Europe compte 9 millions de juifs. Douze ans plus tard, les deux tiers ont été assassinés. Si les États-Unis ont accueilli dans cette période quelque 225 000 d’entre eux – plus qu’aucune autre nation souveraine –, en ont-ils fait assez pour ouvrir leurs portes aux désespérés qui fuyaient les persécutions nazies ? Courant sur un peu plus d’un siècle, du mitan du XIXe à celui du XXe, cette fresque documentaire historique coréalisée par Ken Burns et Lynn Novick, avec Sarah Botstein, dissipe le mythe selon lequel les États-Uniens ignoraient le génocide en cours. Nourrie d’archives, d’éclairages d’historiens, de témoignages d’anonymes et de personnalités comme la jeune Anne Frank ou l’écrivain états-unien Daniel Mendelsohn, une relecture de l’histoire qui se fait aussi leçon à méditer pour nos sociétés contemporaines confrontées à la montée de la xénophobie et aux crises migratoires.
Nous reviendrons sur cette série extrêmement bien documentée…

Sens dessus dessous
L’école du monde à l’envers
de Eduardo Galeano (LUX éditions, en librairie depuis le 3 novembre)

« Le monde à l’envers nous apprend à subir la réalité au lieu de la changer, à oublier le passé au lieu de l’écouter et à accepter l’avenir au lieu de l’imaginer : ainsi se pratique le crime, et ainsi est-il encouragé. Dans son école, l’école du crime, les cours d’impuissance, d’amnésie et de résignation sont obligatoires. Mais il y a toujours une grâce cachée dans chaque disgrâce, et tôt ou tard, chaque voix trouve sa contre-voix et chaque école sa contre-école. »
Le monde est à l’envers, mais pourquoi pas le renverser. C’est le thème du livre d’Eduardo Galeano. Un témoignage venu de la fin du XXème siècle soulignant l’adolescence du néolibéralisme autoritaire contemporain et le choc provoqué par les premières apparitions de phénomènes devenus familiers avec la destruction de la planète, le capitalisme de surveillance, l’uniformisation de la culture, la malbouffe et l’exacerbation des inégalités. À ces symptômes de l’extrémisation du capitalisme, Galeano oppose la mémoire, la beauté, la solidarité et l’humour.
Sens dessus dessous. L’école du monde à l’envers, de Eduardo Galeano, paru depuis le 3 novembre. En 2017 était publié un livre du même auteur, Le Chasseur d’histoires de Eduardo Galeano (éditions LUX).

Autre parution des éditions LUX (3 novembre), un classique de la philosophie anarchiste
La société mourante et l’anarchie de Jean Grave
Rédigé en prison et publié pour la première fois en 1893, La société mourante et l’anarchie fit l’objet de poursuite judiciaires qui envoyèrent Jean Grave en prison durant deux ans. La condamnation d’un journaliste militant qui anima pendant trente ans des revues La Révolte et les Temps nouveaux et publia de nombreux livres. Son œuvre est peut-être trop méconnue, pourtant la Société mourante et l’anarchie propose une synthèse pratique et maniable de la pensée anarchiste. Jean Grave (1854-1939) était très proche de Pierre Kropotkine et Élisée Reclus.

Avis de tempête
Nature et culture dans un monde qui se réchauffe

Andreas Malm (La fabrique)

Dans un monde qui se dirige vers le chaos climatique, la nature est morte. Elle ne peut plus être séparée de la société. Tout n’est plus qu’un amalgame d’hybrides, où l’homme ne possède aucune puissance d’agir qui le différencie de la matière morte. Mais est-ce vraiment le cas ?
Dans cette polémique cinglante avec les philosophies néomatérialistes et celles du « tournant culturel », Andreas Malm développe un contre-argument : dans un monde qui se réchauffe, la nature revient en force, et il est plus important que jamais de distinguer le naturel du social. C’est en attribuant aux humains une capacité d’action spécifique que la résistance devient concevable.
Dans Avis de tempête. Nature et culture dans un monde qui se réchauffe, Andreas Malm pose des questions urgentes à l’heure où l’inaction climatique à l’échelle mondiale inquiète de plus en plus : quel rôle doivent jouer la pensée théorique et la science dans la lutte contre le réchauffement mondial ? Ce qui s’écrit aujourd’hui est-il à la hauteur du défi ? Et comment renforcer conceptuellement le militantisme écologique ?
Andreas Malm est également l’auteur de Comment saboter un pipeline (la fabrique), qui a inspiré le film de Daniel Goldhaber (sorti le 26 juillet), Sabotage. Un ciné tract qui met en scène un groupe d’activistes vivant dans différents endroits des États-Unis, sans liens communs sinon la nécessité de réagir au danger du réchauffement climatique et à ses conséquences pour l’humanité. Le groupe décide de saboter un pipeline qui achemine du pétrole dans tout le pays, sans toutefois prendre le risque de blesser quiconque. « il ne sert à rien d’attaquer les gens ou les machines qui ont mené à cette situation. Ce sont les infrastructures qui sont nos ennemies, donc c’est à elles qu’il faut s’attaquer pour régler le problème. Et il n’est pas trop tard pour ça. »