Chroniques rebelles
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Samedi 9 décembre 2023
Alain Delon de Denitza Bantcheva (2). Batiment 5 de Ladj Ly. Levante de Lillah Halla. Sergent-Major Eismayer de David Wagner. CQFD n° 225 : L’INFO SOUS LES BOMBES
Article mis en ligne le 10 décembre 2023

par CP

Alain Delon
Amours et mémoires

De Denitza Bantcheva
Coordonné par Liliana Rosca (éditions de La Martinière)

(Entretien)

Batiment 5
Film de Ladj Ly (6 décembre 2023)

Alain Delon
Amours et mémoires

De Denitza Bantcheva
Coordonné par Liliana Rosca (éditions de La Martinière)

(Entretien)

Après la diffusion de la première partie de l’entretien avec Denitza Bantcheva, nous revenons sur son ouvrage qui offre un large panorama de l’itinéraire cinématographique d’Alain Delon, avec une quarantaine de films remarquables, leurs synopsis, les critiques, les commentaires et la réception du public. Alain Delon fut non seulement l’interprète de grands réalisateurs, mais fut également producteur et même le réalisateur de deux films.

Parmi les chefs-d’œuvre et les films cultes auxquels il a participé en tant que comédien, on peut citer Le Guépard de Luchino Visconti, Plein soleil de René Clément, Le Samouraï de Jean-Pierre Melville ou encore Monsieur Klein de Joseph Losey, mais aussi des films d’auteur marquants, L’Insoumis d’Alain Cavalier, Les Centurions de Mark Robson, Rocco et ses frères de Luchino Visconti, Le Professeur de Valerio Zurlini, Quelle joie de vivre de René Clément, L’Éclipse de Michelangelo Antonioni, ainsi que des films populaires comme Mélodie en sous-sol et Le Clan des Siciliens d’Henri Verneuil avec Jean Gabin et Lino Ventura, Paris brûle-t-il ? de René Clément, La Piscine et Borsalino de Jacques Deray. On trouve également dans le livre les témoignages de proches, de comédiennes et de comédiens ainsi que de personnes qui l’ont côtoyé lors de tournages.
Doté d’une iconographie exceptionnelle, parfois inédite, l’ouvrage décrit aussi une facette méconnue de sa carrière au théâtre et à la télévision, qui bat en brèche l’image parfois caricaturale souvent associée au personnage. Cet ouvrage est le fruit d’une dizaine d’années de recherches tant dans la collecte des articles de presse que dans les livres et, surtout, dans la connaissance des interprétations de Delon au cinéma, au théâtre et à la télévision. Denitza Bantcheva donne à voir le parcours d’un artiste qui, à travers son travail, a fait connaître le cinéma tant français qu’international bien au-delà de frontières, de même que le processus de création cinématographique et les métiers qui la constituent. Autrement dit le travail d’équipe incontournable au cinéma !

À noter que l’entretien d’Alain Delon rapporté dans un autre livre de Denitza Bantcheva, René Clément, et évoqué dans les chroniques rebelles de Radio Libertaire avait déjà éveillé notre intérêt par sa réflexion passionnante sur le cinéma et les metteurs en scène de légende qui l’ont dirigé.
Cette rencontre avec Denitza Bantcheva à propos de son livre sur Alain Delon est la continuation de celle diffusée en juillet dernier.
Denitza Bantcheva a publié des romans, des récits, des poèmes et des ouvrages sur le cinéma dont Jean-Pierre Melville : de l’œuvre à l’homme, René́ Clément et Un florilège de Joseph Losey (éd. du Revif). Elle fait partie du comité de rédaction de la revue Positif.

Les illustrations musicales de cette seconde partie d’entretien sont extraits de bandes originales : Quelle joie de vivre (René Clément/Nino Rota. Le Guépard et Rocco et ses frères (Luchino Visconti), Monsieur Klein (Joseph Losey), Le Chemin des écoliers (Michel Boisrond), Les Félins (René Clément), Pauvre Rutebeuf (Duo Nana Mouskouri / Alain Delon), Le Clan des siciliens (Henri Verneuil).
Denitza Bantcheva vient de faire paraître un recueil de poésies, Liens de sel à l’atelier du grand Tetras.

Batiment 5
Film de Ladj Ly (6 décembre 2023)

Vue aérienne d’immeubles HLM et zoom sur un appartement, en fond sonore les bruits de la ville de plus en plus présents. Sur le balcon, une jeune femme… la caméra pénètre dans l’appartement où la famille et les proches pleurent la mort du fils aîné. La jeune femme sur le balcon est sa sœur, qui se place près de sa mère pour la soutenir, les femmes défilent devant elles et le cercueil entame la descente de l’escalier exigu, l’ascenseur est en panne et l’électricité manque à certains étages, tout se passe à la lueur des portables. Le cercueil est chahuté, « même dans la mort, on ne le laisse pas tranquille » commente la mère avant d’ajouter « comment peut-on vivre dans un endroit pareil ? »
Générique. Bâtiment 5

Une des barres d’immeubles est détruite en présence du maire et de son équipe, l’implosion dégage une poussière qui envahit tout l’espace. Sur le coup, le maire a un malaise cardiaque et meurt durant son transport à l’hôpital. Réunion de crise à la mairie en présence de l’adjoint, noir pour la caution de mixité sociale, un médecin et la député du parti du maire : «  Maintenant que le maire est mort, les poursuites pour corruption ne vont pas cesser concernant certains contrats BTP. » L’adjoint refuse de porter le chapeau, « T’as envie d’être maire d’une ville comme celle-là ? » ; à cette question, la député — impeccable Jeanne Balibar dans son rôle de cynique pragmatique —, rétorque, « qu’est-ce que je réponds au parti ? »
Finalement, le médecin accepte le poste par intérim et est nommé avec deux voix d’avance : c’est le maire le plus stupide et le plus décalé de la réalité. Il se déclare défenseur de l’immigration « choisie » : c’est le règne de la discrimination et de l’injustice… Lorsqu’un incendie est déclenché sans que l’on en sache exactement l’origine, le bâtiment 5 est évacué et lors de la visite des lieux, le maire dit à son adjoint de saisir cette opportunité pour expulser les habitants, évidemment sans indemnités et en présence des CRS. Harcèlements policiers, violences, corruption politique, tous les ingrédients habituels sont présents dans le film… Une fiction ? Je dirai que c’est plutôt un documentaire tant la réalité des faits est troublante.
Suite à ces événements et en découvrant le plan de réaménagement prévoyant la destruction de l’immeuble, Haby, la jeune femme qui a perdu son frère et est très impliquée au niveau associatif, mobilise ses proches et les gens du quartier. À la tête du mouvement, elle n’a pas l’intention de se laisser intimider, ni manipuler par un maire opportuniste, arrivé à ce poste par hasard et surtout par ambition. Il n’a d’ailleurs que faire de l’opposition des anti destruction du bâtiment 5 et des gens du quartier.
Le réalisateur a basé sa mise en scène sur un plan littéralement architectural : « le plan aérien d’ouverture est une véritable carte d’entrée, [et] fait office de plan de ville pour indiquer dans quel contexte, urbain comme social, va se dérouler cette histoire. » Il faut dire que le BATIMENT 5 est en fait son immeuble et Haby est son double en quelque sorte.
Le plan de rénovation urbaine auquel est attaché le maire est l’un des plus importants en France, sans évidemment tenir compte de la population : « l’expropriation des gens avec rachat de leurs appartements à des montants ridicules, montrée dans le film, est une réalité ». Et bien entendu, le maire est soutenu par son parti.
Batiment 5 de Ladj Ly décrit parfaitement l’opposition entre le maire et la militante d’associations, les enjeux politiques et les magouilles du pouvoir. La situation est exemplaire et se base sur de nombreuses affaires identiques. « Il est temps de repenser les choses [souligne Ladj Ly]. Haby, cette militante, le symbolise, en cherchant des pistes, de nouveaux moyens de faire. À travers elle, j’ai autant voulu évoquer cette nouvelle génération de gens issus des quartiers qui commencent à s’intéresser à la politique, qu’à celle qui détient encore le pouvoir mais ne comprend plus rien à notre monde. »
BATIMENT 5 est la description de la lutte de la population qui n’a habituellement pas la parole, mais insiste aussi sur l’importance de la solidarité et du combat. Un excellent film politique et revigorant, qui renforce l’idée qu’il faut se battre et résister : ne rien lâcher !
À voir depuis le 6 décembre.

Autre film important sur la résistance, Levante de Lillah Halla (au cinéma depuis le 6 décembre 2023).

Une jeune brésilienne issue des quartiers populaires est un espoir sportif de son club de volley ball, mais elle découvre qu’elle est enceinte et cela met fin à tous ses espoirs pour se qualifier en finale. Elle cherche une solution, mais la loi interdit l’IVG au Brésil et c’est la course pour trouver d’autres moyens, au Honduras d’abord où l’avortement est autorisé sous certaines règles, mais le cas de la jeune fille n’est pas accepté, même si sa mère était hondurienne.
Plusieurs problèmes sont abordés dans le film, l’absence du droit des femmes à disposer de leur corps, la prison si elles outrepassent l’interdiction stipulée dans la loi, l’injonction des jeunes femmes à enfanter quelque soient leurs projets, la main mise des évangélistes sur la santé et leur pouvoir dans la société, l’interdiction pour une femme d’aimer une autre femme. La persécution des personnes LGBTQI+ en est la preuve.
Levante est un film important, social et politique, à ne pas manquer si l’on veut comprendre la situation des femmes et l’attaque violente qui se développe partout envers leurs droits. La violence de la société brésilienne, largement orchestrée par l’emprise des évangélistes, notamment à l’égard des femmes, du genre et au nom d’une soi-disant moralité, n’est en fait que la démonstration d’un pouvoir qui n’a de cesse d’écraser les plus défavorisé.es, les plus faibles… On connaît le rôle des évangélistes, leur influence dans la répression et les massacres dans les pays d’Amérique du Sud, leurs moyens et leur emprise.
On peut lire à ce sujet les livres de Silvia Federici, par exemple Une Guerre mondiale contre les femmes (éditions la fabrique).
Levante de Lillah Halla est en salles depuis le 6 décembre

Autre film sorti mercredi dernier, Sergent-Major Eismayer de David Wagner, qui se passe dans le milieu militaire autrichien où un instructeur, Charles Eismayer, est connu pour sa rigueur, son conservatisme et ses préjugés homophobes. Arrive à la caserne, Mario, un nouvel engagé qui refuse de jouer le jeu, tient tête à l’instructeur et affiche son homosexualité.

Ce qui met à l’épreuve la vision coincée du sergent-major et révèle sa vie secrète. En effet, Confronté à l’attitude provocante de Mario, Eismayer voit peu à peu ses convictions vaciller, et des sentiments inattendus émergent entre les deux hommes.

Levante de Lillah Halla et Sergent-Major Eismayer de David Wagner ont été présentés au Festival Chéries-Chéris

CQFD N° 225 : L’INFO SOUS LES BOMBES

PALESTINE, ENTRE TERREUR ET PROPAGANDE
UKRAINE, DEUXIÈME HIVER.
« NOTRE PRINCIPAL PROBLÈME, CE N’EST PAS L’INFLATION, C’EST LA MORT. »
DVD BR :
DÉSORDRES DE CYRIL SCHÖBLIN