Chroniques rebelles
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Samedi 22 mai 2004
La libération inconnue. À chacun sa résistance de Maurice Rajsfus (le cherche midi)
Maurice Rajsfus (le cherche midi)
Article mis en ligne le 29 janvier 2008

par CP

À chacun sa résistance ! À chacun sa guerre ! Pourquoi ces deux affirmations qui font apparaître une profonde contradiction entre ceux qui combattaient pour la libération de la France ? Il convient de dire, très nettement, que certains résistants — pas nécessairement les premiers — ont affronté politiquement, même si c’était les armes à la main, le nazisme et les affidés de Vichy. Pour d’autres, les plus nombreux avec le temps, surtout à partir du printemps 1943, c’est la guerre aux “ boches ” qui était à l’ordre du jour.

Ainsi commence le dernier livre de Maurice Rajsfus, La libération inconnue. À chacun sa résistance , où il revient sur une période troublée, et sublimée sur bien des aspects pour être en adéquation avec l’histoire officielle.

Dans ce dernier ouvrage, Maurice Rajsfus, encore une fois, fait un travail d’investigation et de chercheur, sans concessions ni déférence à l’imagerie officielle. Concernant le Parti communiste, par exemple, il cite cet extrait de l’Humanité clandestine du 4 juillet 1940 :
Il est particulièrement réconfortant, en ces temps de malheur, de voir de nombreux travailleurs parisiens s’entretenir amicalement avec des soldats allemands, soit dans la rue, soit au bistrot du coin. Bravo, camarades, continuez, même si cela ne plaît pas à certains bourgeois aussi stupides que malfaisants. La Fraternité ne sera pas toujours une espérance, elle deviendra une réalité !

L’allusion de l’Humanité aux bourgeois français stupides et malfaisants ne concerne pas les bourgeois de la finance. Car pendant l’été 1940, les banquiers et les industriels français s’installent sans problème dans la collaboration, comme poussés par une “ loi naturelle ”.
Et ils participent avec conviction à la liquidation des institutions républicaines, de même qu’à l’aryanisation des entreprises et des banques, comme le dénonce Annie Lacroix-Riz dans Industriels et banquiers français sous l’Occupation .

L’Humanité du mois d’août 1944 adopte un tout autre ton, à en juger par les titres de trois numéros du journal : “ Mort aux boches et aux traîtres ! ”, “ Pas un boche ne doit sortir vivant de Paris insurgé ! ” et enfin “ À chaque Parisien son boche !
Oublié le pacte germano-soviétique, l’internationalisme aussi.

La Résistance et la guerre de libération sont passées par là.
Pour Maurice Rajsfus, il s’agit non pas d’une, mais de trois guerres de libération : celle des maquisards révolutionnaires, celle des généraux et de la bourgeoisie, enfin celle du parti communiste.
Trois visions opposées, des jeux de pouvoir et des conflits internes, malgré le mythe d’une Résistance unitaire.
Pour beaucoup, le Résistance ne pouvait être que le prélude à une révolution sociale […] Les combattants de la Résistance ne luttaient pas seulement contre l’Occupant [mais aussi contre] les élites de l’État […] de l’autre côté de la barricade symbolique dans ce qu’on appelait la guerre de classes.La libération inconnue. À chacun sa résistance.

Et deux grandes tendances regroupaient à l’intérieur de la résistance des combats différents : combattre le nazisme et combattre les Allemands. Le projet de société étant là aussi différent pour l’avenir.