Chroniques rebelles
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Samedi 26 mars 2005
État de guerre
Film documentaire de Béatrice Pignède et Francesco Condemi, production Clap 36/Zaléa TV
Article mis en ligne le 29 janvier 2008

par CP

« Y a-t-il aujourd’hui une raison pour qu’il n’y ait pas de guerre générale en Europe ? » demande Annie Lacroix-Riz dans le film documentaire de Béatrice Pignède et Francesco Condemi, État de guerre.

Il n’y a pas moins d’une cinquantaine de conflits actuellement dans le monde, mais ils paraissent lointains à la plupart des Européen-ne-s, même si une minorité s’en inquiète. « C’est ailleurs » entend-on, ou bien « c’est un conflit sans solution », « une spirale de la violence », ou encore « c’est une guerre nécessaire », « une fatalité », avec des « dommages collatéraux »…
Comme si les populations civiles, victimes de bombardements, étaient responsables des bombes qui leur tombent dessus… Mais de là à imaginer l’imminence d’une guerre générale…

Et pourtant… La propagande sécuritaire, la « guerre » antiterroriste, la peur diffusée par rapport à la menace islamiste — comme au temps des croisés ! —, la crainte des banlieues "potentiellement dangereuses", véritable "vivier de terroristes", tout paraît converger pour nous faire avaler qu’il va falloir se défendre et que nous sommes entouré-e-s d’ennemi-e-s. La menace islamiste ayant remplacé la menace soviétique.

Toute cette propagande n’est-elle pas destinée à préparer l’idée d’une guerre générale, et pourquoi pas une guerre sociale déguisée ?
Les crises économiques, le refus de la régression sociale proposée par cette Europe mythifiée passeraient ainsi, sinon à la trappe, en tout cas au second plan. La guerre permettant d’un coup de balayer les revendications et les rébellions.

« Il faudrait une bonne guerre ! » entendait-on parfois dans les années 1970. La guerre présentée comme une solution paraît avoir fait du chemin dans l’esprit des idéologues. La « mission démocratique » s’ajoute à la « mission civilisatrice » coloniale du XIXe siècle. D’ailleurs les enjeux sont-ils différents ? Les méthodes de propagande ont-elles changé pour pousser des populations à s’entretuer pour des « raisons supérieures » ? En un mot, est-il possible d’amener les populations à guerroyer ?

État de guerre , le documentaire de Béatrice Pignède et Francesco Condemi pose ces questions en partant, dans la première partie, du constat que la guerre dans les Balkans a été le résultat d’une manipulation. Les témoignages analysent les haines attisées par la propagande qui a mis la région à feu et à sang : « Pourquoi aurais-je de la haine contre un Croate ou un Bosniaque de Serbie ? Toutes ces guerres ont été montées. Je vois ça comme une sorte de business. Les grandes puissances sont soit-disant venues nous aider, mais cela a été le contraire. » Et Zoran, témoin serbe du film, souligne que « Milosevic a été installé au pouvoir par les États-Unis. »

Alors, une Troisième Guerre mondiale est-elle possible ? Une guerre d’un nouveau genre ? Un « combat monumental entre le bien et le mal » ? Le complexe militaro-industriel s’arrangerait bien du concept de guerre perpétuelle pour écouler la marchandise et le capitalisme est toujours bénéficiaire dans une situation de conflit, pour la bonne cause, bien entendu !
Dans cette situation de leurre, l’instrumentalisation des opinions est nécessaire : aujourd’hui tout va bien, demain il faut s’armer pour défendre la démocratie. La mise en scène est constante dans les medias. Il y a la bourse, la météo et les idéologues patentés et moralisants qui nous disent ce qu’il est correct de penser pour la paix sociale et un consensus qui arrange bien le pouvoir.

État de guerre va totalement à l’encontre de la pensée unique et prédigérée, mais cela dérange de refuser le mensonge et de poser une question essentielle : quelle est notre capacité de résistance ?