« À la question qui lui fut posée à Barcelone en juin dernier, lors de la sortie de la traduction espagnole de Au pays de la cloche fêlée : “Pourquoi, après tout ce temps, il lui importait encore tant de continuer à témoigner sur cette histoire du passé ? “ », Ngô Van avait répondu [Hélène Fleury le cite dans son préambule] : « Parce que le monde n’a pas changé. »
Van a raison, le monde n’a pas changé, les violences de l’armée des Etats-Unis qui occupe aujourd’hui l’Irak ne rappellent que trop celles perpétrées il y a quarante ans au Vietnam.
Les horreurs de part et d’autre et, « Pour la population tant éprouvée, la mort, la mort toujours recommencée. » écrit Van dans Le Joueur de flûte et l’Oncle Hô. Les civils sont toujours victimes des guerres de pouvoir, d’occupation, des magouilles pour la domination…
Après Viêt-nam 1920-1945, Révolution et contre-révolution sous la domination coloniale , Le Joueur de flûte et l’Oncle Hô, Viêt-nam 1945-2005 (Paris-méditerranée), est un livre essentiel pour comprendre la réalité d’un pays, d’une région dont Van avait fui la répression.
« Le monde n’a pas changé ». Un point commun entre tous les malades du pouvoir : la peur d’une révolution sociale.
C’est aussi de cela dont nous parlerons aujourd’hui avec cet autre livre de Ngô Van, Utopie antique et guerre des paysans en Chine : « par utopie, nous entendons le rêve non réalisé mais non pas irréalisable. » Alors, même si — ou parce que — le monde n’a pas changé, « l’utopie, qui fut si fort enracinée chez les dépossédés, participe d’un avoir populaire de l’émancipation qu’il importe de remettre en lumière, avant qu’il ne se noie dans les adaptations sinueuses et brutales de la modernité économique aux coercitions du passé. » Ngô Van, juillet 2004.