Chroniques rebelles
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Samedi 27 août 2005
Et il paraît que les anges existent ? Le délire sécuritaire aux Etats-Unis.
Avec Curtis Price.
Article mis en ligne le 6 février 2008

par CP

Aux États-Unis, le cauchemar continue avec les délires sécuritaires d’une administration ultralibérale et répressive. C’est la fuite en avant. Et il paraît que les anges existent !

Entretien avec Curtis Price, Anne et Henri Simon. [1]

Ch : Quel est l’impact de la réélection de Bush au gouvernement des Etats-Unis ?

Curtis : Je pense que la réélection de Bush a eu un effet très dépressif sur beaucoup de personnes, surtout sur les personnes situées à gauche. Beaucoup parlent de s’installer en Europe, en France, ou bien de partir au Canada. Je crois que les élections remportées par Bush ont produit un très grand choc. Après la première élection de Bush, une opposition importante à sa politique s’est formée.
La seconde guerre en Irak, le film de Michael Moore, enfin pour toutes ces choses, il paraissait évident que Bush allait perdre les élections. Mais cela ne fut pas le cas, Bush a en fait gagné à peu de voix près, mais avec tout de même un nombre significatif.
Il est vrai que les Etats-Unis possède un système électoral très compliqué, très confus pour le calcul des voix. Mais Bush a clairement gagné, il n’y a guère de doute là-dessus. Et cela en a choqué beaucoup. Malgré l’économie en crise, la guerre en Irak, il a réussi à gagner les élections. En y repensant, et avec les informations après coup, ce n’est pas si étonnant. Il y avait, pendant ces élections, un climat de grande confusion parmi les votants. Un sondage a, par exemple, montré que 25 % des votants pour Bush étaient aussi, dans le même temps, opposés à la guerre en Irak.
Tout était très confus.

Je ne crois pas que les sondages étaient en faveur de Bush, et si l’on regarde le pourcentage de la population pouvant voter, ceux qui ont voté et la différence entre Bush et Kerry… Bush a peut-être gagné les élections avec entre 25 et 30% des votants, de tous ceux qui ont la possibilité de voter. Mais la victoire clamée par Bush par rapport à sa politique, et le soutien de la population pour continuer son programme politique, est un leurre. Cela n’est pas le cas du tout. Pourtant c’est ainsi que le parti républicain veut interpréter le résultat des dernières élections et les Républicains seront très agressifs pour faire avancer leur perspective politique : c’est-à-dire réformer le système national des pensions, la sécurité sociale — qui n’a rien à voir avec ce qui existe en France —, baisser les impôts… Toute une série de mesures socialement régressives. Il n’y a aucun doute là-dessus.

Henri : La campagne de Kerry : ils se sont fait cassé la figure.

Curtis : Cela a été une vaste manipulation, non seulement avec l’insécurité, mais aussi avec un sentiment de classe. Kerry a personnifié le candidat politique le plus fortuné depuis George Washington — premier président des États-Unis — qui était fabuleusement riche — plusieurs fois millionnaire — et qui était marié, comme Kerry, à une femme du même milieu. L’attitude de Kerry a prouvé son appartenance à cette classe dirigeante privilégiée. Les Républicains ont habilement communiqué là-dessus en montrant Kerry comme n’étant pas profondément états-unien : il a étudié dans une université française, il boit du vin français…
Autant de rumeurs selon lesquelles il n’était pas vraiment l’un des nôtres et qui ont très bien marché dans la classe ouvrière. Une partie de la classe ouvrière a effectivement remarqué ses manières d’homme riche et privilégié.
Bush, qui vient plus ou moins du même milieu riche et privilégié, a, au contraire, projeté l’image d’une personne ordinaire, avec les mêmes sentiments, les mêmes valeurs et les mêmes préoccupations que tout le monde. Il n’a pas fait d’études en France, il ne boit pas de vin français et ne mange pas de fromages français, et toutes ces choses terribles anti-américaines.

Ch : C’est un cowboy.

Curtis : Oui, même si c’est une image fabriquée. Il a d’ailleurs acheté son ranch un an avant de se présenter aux élections présidentielles pour la première fois. Et l’endroit fait penser à un studio d’Hollywood. Il s’y fait photographier et filmer, avec toute la panoplie du cowboy. C’est un studio de cinéma. Bush a su très habilement utiliser ses atouts.

Mais je veux revenir sur la question d’Internet et des médias. Beaucoup des membres de l’équipe de Kerry — les progressistes en général — ont pensé qu’avec les sites Internet, les listes email, la possibilité d’envoyer des milliers de messages aux sympathisants pour récolter de l’argent, avec le succès auprès du public du film de Michael Moore, après les bouquins critiques de la politique de Bush, il était possible pour Kerry de remporter les élections. Mais le problème est aussi lié à la manière dont les Etats-Unis réagissent. Aucun des substituts au face à face entre les personnes n’a marché, parce que si la zone appelée bleue est composée de grandes villes très fragmentées, avec un très grand nombre d’habitants — plus que jamais auparavant dans l’histoire du pays —, les gens y sont de plus en plus isolés. Les petits groupes, les communautés, les syndicats, les associations de parents d’élèves ont peu à peu diminué dans les villes. Il y a beaucoup plus de personnes qui vivent dans les villes, mais avec moins de liens entre elles. C’est le résultat de l’individualisme et de l’isolement.

C’est plutôt dans les espaces traditionnels que Bush a pu manipuler les opinions pour gagner des votants et obtenir une majorité, dans les églises, les équipes sportives, dans ce type de groupes qui sont toujours très actifs aux États-Unis. Les Républicains ont consciemment manipulé ces organisations avec, par exemple, l’idée d’un referendum pour ou contre le mariage gay. Ils ont tout fait pour représenter la garantie des valeurs morales aux Etats-Unis et convaincre l’élément religieux d’aller voter pour Bush. La dernière campagne électorale a été, en quelque sorte, un referendum sur la capacité d’Internet à mobiliser l’électorat et a, en fait, prouvé qu’il n’y avait pas de substitut au dialogue direct entre les personnes.

La campagne de Kerry, des Démocrates, et de la gauche en général, a complètement sous-estimé ce problème. Et c’est encore le cas.
Le monde que représente Kerry est un monde effrayant. Les Démocrates sont convaincus de représenter la classe créative, talentueuse, techniquement très sophistiquée, équipée d’ordinateurs de pointe : enfin des professionnels avec un haut niveau d’éducation qui vivent dans les villes, qui communiquent par Internet, qui vont dans de bons restaurants, etc. .…
Mais la majorité de la population qui ne fait pas partie de cette classe créative, où se place-t-elle ? Où est-elle ? Nulle part. Et bien que les Démocrates parlent de la nécessité de réformes sociales, de la possibilité d’accorder plus d’aides.

La vision de Kerry est quelque part plus effrayante que celle de Bush, bien que les Républicains ne se préoccupent guère de la classe ouvrière. Ils n’ont toutefois pas été assez fous pour parler de servir la classe créative, la mode et l’industrie de la musique, d’Internet… Enfin cet aspect de l’économie qui paraît très élitiste aux travailleurs et qui a été un élément de rejet immédiat dans cette vision du perpétuel changement.
Les Etats-Unis sont une société très précaire où les gens craignent pour leur sécurité personnelle. C’est sans doute ce qui a joué en faveur des Républicains, ce qui ne veut pas dire que ceux qui ont voté pour Bush étaient d’accord avec tout le programme républicain. Certainement pas comme Bush, aujourd’hui, le prétend.

Ch : Concernant de la guerre en Irak, Kerry ne s’est jamais déclaré contre.

Curtis : Absolument. D’une certaine manière, Kerry est pire que Bush. Il voulait réhabiliter l’alliance avec l’Europe, une alliance destinée à envahir l’Irak et garder le pouvoir sur le pays. Bush a cassé cette alliance avec les Nations Unies pour les utiliser comme un front qui légitimerait l’impérialisme. D’un certain côté, Bush est, sur ce point, un moindre mal, il a rompu l’alliance. Kerry aurait complètement renversé la situation et donné une légitimité à l’occupation. Oui, à bien des égards, Kerry pouvait être plus dangereux que Bush.

Henri : Quelle est la situation à Baltimore, compte tenu des conséquences de la désindustrialisation, c’est-à-dire le déclin du niveau de vie, la criminalité, le marché de la drogue ?

Curtis : Baltimore est une ville atypique d’un côté et, d’un autre, typique. C’est une ville à majorité noire, une ville ouvrière.
Ce qui est arrivé à Baltimore a eu lieu dans la plupart des grandes villes industrielles. Durant les trente dernières années, l’industrie a complètement disparu. Baltimore avait la plus grande usine métallurgique des Etats-Unis qui employait 30 000 personnes, le nombre de salariés est tombé à 3000 ces dernières années.

Les dernières usines automobiles ont fermé il y a quelques mois. Avec la désindustrialisation, le changement a été drastique, les anciens emplois, plutôt bien payés, ont disparu et ont été remplacé par les bas salaires, les emplois précaires dans le secteur des services : travail dans les hôtels, les restaurants, les hôpitaux, l’entretien des sols. Des travaux sans qualification, pour la plupart. Il en résulte que les quartiers ouvriers de la ville sont dominés par le trafic de drogue.

À Baltimore, le marché de la drogue a pris la place d’autres commerces, surtout pour la nouvelle génération. La situation de Baltimore est certainement plus grave, de ce point de vue, que dans d’autres villes, mais ce n’est pas complètement inhabituel. Sur 600 000 résidences dans la ville, une estimation donne de 30 à 40 000 utilisateurs de drogue — de manière quotidienne —, qu’il s’agisse d’héroïne ou de cocaïne. L’économie parallèle de la drogue est considérable dans la ville et les ghettos. Elle représente des ressources sans lesquelles les gens ne pourraient pas vivre. Si les seuls gains sont les salaires minimum, dans le secteur des services, la population survivrait à peine, alors beaucoup s’en tirent grâce au trafic de drogue, directement ou indirectement. L’argent coule dans ces quartiers pauvres et les déstabilisent, affaiblissant les liens sociaux et augmentant la peur engendrée par la drogue, le crime, la violence, enfin tout ce qui est associé au trafic de drogue. Mais, en même temps, cela représente une ressource officieuse de revenus pour beaucoup de personnes. Notamment pour les jeunes qui vendent la drogue au coin des rues. Je pense que ce qui arrive à Baltimore est extrêmement grave, peut-être plus que dans d’autres villes, mais c’est certainement la même situation à Détroit, Chicago, Philadelphie, New York et autres grandes villes.

Ch : Qu’en est-il des lois d’exception dans ces quartiers ?

Curtis : Les dix dernières années, dans beaucoup de villes, certains quartiers ont été déclarés zones anti-drogues. Ce sont des espaces de plusieurs miles où les libertés civiles n’ont plus cours. Par exemple, si deux ou trois personnes stationnent dans la rue, la police peut les arrêter.
Ce type d’action est supposée prévenir le trafic de drogue et empêcher les trafiquants de vendre la drogue dans la rue. En fait, cela a divers effets. Beaucoup de personnes âgées se sont d’abord réjouies de ces lois pour avoir eu peur de sortir dehors. Mais, ensuite, elles sont devenues les victimes de ces lois parce que les personnes qui achètent la drogue sont plus âgées que celles qui la vendent, alors elles pouvaient passer pour des clients…

Je connais des cas où des personnes en visite dans ces zones anti-drogues, et qui attendaient des amis dans leur voiture, ont été arrêtées par la police qui les accusait d’être venus acheter de la drogue. Quelqu’un avec qui je travaille s’est, par exemple, fait arrêter avec un ami qui avait une canette de bière ouverte à la main, dans une zone anti-drogue.
Un fait minime, la moindre entorse au règlement peut se solder par une arrestation. L’idée est, en fait, d’empêcher les gens d’être dans la rue, mais cela n’a pas de relation avec le Patriot Act ou la lutte antiterroriste.
Excepté dans certaines villes. Et c’est un développement dangereux et pernicieux qui permet d’utiliser la législation de la lutte anti-terroriste
pour la délinquance ordinaire liée à la drogue.
Des groupes d’individus, vendeurs de drogue, sont à présent considérés comme des terroristes parce que la loi a été étendue pour couvrir ce type de délit. Ils utilisent la violence dans le trafic de drogue, donc ils sont techniquement considérés comme des terroristes. Il y a eu une inflation de ce type de cas, mais il n’y a pas, autrement, de lien direct entre le Patriot Act et l’oppression policière dans les villes. Ces zones demeureront sous les mêmes lois, même si le Patriot Act est révisé ou disparaît.

Henri : Les effets de la violence de la police et du trafic de drogue ont-ils affecté la vie quotidienne des gens, et à quel point ?

Curtis : À Baltimore, la violence — celle des trafiquants — représente une moyenne d’un meurtre par jour, pour une ville d’un demi-million d’habitants. Un meurtre par jour et plus de cinq ou six fusillades. Cette violence a déstabilisé beaucoup de quartiers de la ville. Les habitants ont évidemment peur de sortir le soir, donc ils rentrent directement du travail et restent chez eux, derrière des verrous, des barrières, des systèmes d’alarme. Les pubs, les bars, où les gens avaient l’habitude de se retrouver, ont tous fermé. Le bar où j’avais coutume d’aller a été transformé en débit de boissons. C’est-à-dire qu’il n’est pas possible de s’asseoir, il faut acheter la boisson et repartir chez soi. Et c’est aussi lié au fait que l’on peut maintenant avoir 200 chaînes de télé par le cable, chez soi et avec un grand écran. Alors, pourquoi sortir ?

C’est le mélange de plusieurs de ces facteurs, auxquels s’ajoutent la peur, qui aboutit à l’atomisation de la population.
Je connais un homme qui vit dans un quartier pauvre, il est très costaud et impressionnant physiquement. Il m’a raconté que quand il devait sortir pour acheter quelque chose — un paquet de cigarettes par exemple —, il devait prendre des précautions. S’il voyait deux personnes sur un trottoir, il traversait de l’autre côté de la rue. Il ne passait pas à côté de quelqu’un qui relaçait sa chaussure, car cela pouvait être une feinte pour lui attraper la jambe, l’agresser et le frapper. Cette méfiance de chaque instant devient une routine. Cela fait partie des habitudes de la vie, ce qui signifie que les gens habitant ces quartiers vivent continuellement dans la peur et ne font pas confiance ni à leurs voisins, ni à leurs amis. C’est un climat de peur continuelle.

Henri (en français) : Avec Curtis sur de simples éléments, les niveaux de vie entre les Etats-Unis et la France.

Curtis : Aux États-Unis, toute la famille travaille. Ils ont deux jobs.

Ch : Pas de limites, pas de code ?

Curtis : Il y a très peu de limites ou de réglementation.
On ne peut pas travailler plus de 16 heures par jour, mais on peut travailler 16 heures par jour 7 jours par semaine.
Les employeurs doivent payer des heures supplémentaires à partir de 40 heures par semaine, mais il n’y a pas de règles sinon de ne pas dépasser 16 heures par jour. Cependant le nombre d’heures travaillées reposent essentiellement sur des arrangements volontaires. Si le patron veut que je travaille 16 heures par jour, je suis libre de refuser, ou de démissionner et de trouver un meilleur boulot ailleurs. C’est la règle et, vice-versa, l’employeur peut licencier un employé. Si celui-ci n’est pas syndiqué, il peut tout à fait légalement le virer le jour même.

Les seules lois concernant les entreprises sans syndicat, ce sont les lois sur la discrimination d’âge, de race, de sexe… Pour un employeur qui traite différemment ses employés — les jeunes et les vieux, les Noirs et les Blancs, ou les femmes et les hommes —, il existe des lois qui pénalisent ce type de traitement. Mais en dehors de ces cas particuliers de discrimination, le travail dépend d’un contrat libre des deux côtés. L’employé est libre de quitter son travail et le patron est libre de le virer.

Henri (en français) : En quoi consiste la sécurité sociale ?

Curtis : Le système est très compliqué aux Etats-Unis car cela dépend des différents états. Mais il existe un système national de d’assurance retraite, appelée sécurité sociale. Cela n’a rien à voir avec la sécurité sociale française, même si c’est le même terme. C’est une pension minimale — pas très généreuse — basée sur un nombre de trimestres travaillés, le plus haut nombre. C’est une formule compliquée. Pour être simple, il faut travailler beaucoup de trimestres dans une période de dix ans avant d’entrer dans le système. Cela donne une pension de base, mais pas grand-chose.

Il y a peut-être quinze ou vingt ans, la plupart des employeurs offraient des compléments privés, des suppléments, à la sécurité sociale, insuffisante pour vivre. Mais le système privé de pension a presque complètement disparu à présent. Cela a été remplacé par les stocks options qui sont des bénéfices non garantis.

Le complément de pension vieillesse était auparavant une obligation pour les patrons. Après la retraite, ceux-ci devaient verser un pourcentage du salaire au retraité ou lui payer une certaine somme chaque mois. Avec le système des pensions cotées en bourse, les patrons sont libérés de ces obligations vis-à-vis de leurs employés retraités. C’est l’employé qui prend les risques avec des fonds investis sur des comptes boursiers. Si la bourse est mauvaise, le retraité est perdant et c’est tant pis. Il n’a alors que la pension nationale de vieillesse qui est totalement insuffisante. Si les mouvements boursiers lui sont défavorables, c’est son problème. Mais si un an après la retraite, la bourse est au plus haut, il est gagnant. Cela revient à parier ou à jouer avec les pensions des retraites. Ce qui se traduit pour beaucoup de monde par l’obligation de travailler plus longtemps, parce que tout le système des pensions est foutu.

Anne : Et tout ce qui concerne les remboursements en cas de maladie qui étaient autrefois garantis par l’entreprise ?

Curtis : C’est compliqué aux Etats-Unis, mais on peut dire des choses d’ordre général. Par exemple, quelqu’un qui reçoit des allocations de l’État a généralement l’assurance minimum, appelée Medicaid.
Pour les gens qui travaillent, l’employeur n’est pas dans l’obligation de leur garantir cette assurance, ou une assurance maladie privée. Et beaucoup d’employeurs, en raison du coût de l’assurance maladie, ont arrêté de la prendre en charge pour leurs employés. De fait, la plupart des salariés ne sont plus couverts par l’assurance maladie de leur entreprise, mais ils ne peuvent pas non plus bénéficier de l’assurance minimum car ils travaillent. Ils se retrouvent donc sans assurance, avec les frais des soins médicaux entièrement à leur charge. Dans le cas de maladies graves et d’hospitalisation, les personnes non couvertes par une assurance maladie peuvent s’endetter à vie. Leur dette peut se chiffrer à des centaines de milliers de dollars et alors ils perdent tout, leur maison, tout.
C’est une des causes principales du surendettement et de la faillite aux Etats-Unis.

En ce qui concerne les retraités qui bénéficient de la pension nationale, il est possible, après 65 ans, d’obtenir le Medicare. C’est l’assurance maladie minimale. Mais pour ceux qui travaillent et ne sont ni très pauvres ni très vieux, il faut payer soi-même une assurance car la décision d’un patron de donner quelque chose est strictement volontaire, sans aucune obligation. Et l’assurance est extrêmement coûteuse. Cela peut aller jusqu’à plus de 1000 dollars par mois pour un couple avec un enfant. Et très peu de travailleurs peuvent se payer cette assurance. Donc la plupart des salariés sont sans assurance maladie, en espérant ne pas tomber malade. De moins en moins d’entreprises offrent cette assurance maladie à leurs employés car cela revient très cher, surtout pour les petites entreprises.

Henri : Lles problèmes concrets, le déficit, la dette extérieure et la dette intérieure ?

Curtis : C’est repousser à un futur lointain. Quant à cette dette accumulée, c’est compliqué et je ne suis pas sûr de pouvoir donner la meilleure explication. C’est quelque chose que les gouvernements démocrates et républicains ont amplifié depuis des décennies. Ils ont joué avec les chiffres et ont beaucoup emprunté. Ce qui est le plus choquant — et c’est l’une des raisons pour lesquelles le système des retraites est, selon eux, en crise —, c’est que tous les gouvernements ont tout fait pour le détruire. Tous les gouvernements ont manipulé les chiffres et ils ont emprunté de l’argent en utilisant les fonds de pension comme caution. Ils ont manipulé les chiffres pour que cela paraisse le mieux possible.
C’est comme un château de cartes qu’ils préservent en faisant des plans sur la comète, prévoyant une économie stable et l’incroyable disparition des déficits. Il ne s’agit là que d’espoirs et du renvoi des problèmes à plus tard. Même dans le parti républicain, certains s’alarment de ces déficits qui n’ont été jamais aussi importants dans toute l’histoire des Etats-Unis. Il y a même des opposants à Bush sur cette question. Le sujet est discuté aux Etats-Unis, mais les sommes sont si énormes et abstraites que cela est sans conséquence immédiate sur la manière dont les gens perçoivent la réalité. Les experts font des analyses, les politiques s’en inquiètent, mais cela reste ignoré de la population. Et c’est renvoyé à plus tard, dans un futur improbable.

Ch : Penses-tu que cet état de guerre permanente, contre l’Irak aujourd’hui, l’Afghanistan auparavant — et après sans doute ce sera un autre pays comme l’Iran ou la Syrie —, penses-tu que c’est une manière d’éviter de confronter la crise et les problèmes sociaux aux Etats-Unis ?

Curtis : Oui et non. Les gens sont préoccupés par la guerre, mais la réalité est que dans la société états-unienne, il n’y a guère d’attention accordée aux enjeux sociaux. Ce n’est pas le cas en Europe où il existe ce genre de débat ou de préoccupation autour de la question sociale. Mais aux Etats-Unis, la plupart des gens évitent d’y penser.

Je ne peux pas dire que la guerre en Irak ait été consciemment utilisée pour ne pas parler de l’économie, mais la guerre a définitivement eu un effet sur l’économie. Le coût de la guerre est un fait. Pourtant, la tendance générale est de dire que tout est merveilleux aujourd’hui et que, même si les nuages s’amoncellent en coulisse, cela s’arrangera plus tard. C’est généralement la manière dont la situation est présentée, sauf chez les experts politiques, les intellectuels et l’élite.

Ch : Penses-tu que c’est lié à la question de l’hégémonie des Etats-Unis dans le monde, avec l’enjeu des armes par exemple ? Le gouvernement, qu’il soit démocrate ou républicain, sera-t-il obligé de continuer la guerre pour écouler les armes, dans la logique d’un nouvel impérialisme ?

Curtis : Je crois que la crise à laquelle est confrontée les militaires — et c’est assez ironique car c’est semblable à la manière dont les Démocrates voient Internet — vient des solutions techniques qui sont proposées pour régler des problèmes militaires. Cela se traduit par un besoin moins grand de soldats et la nécessité, selon les militaires, de s’appuyer sur la technologie de pointe en matière d’armement. Les armes sont hyper sophistiquées et un seul soldat peut à présent faire ce qui, auparavant, nécessitait une centaine de personnes. Donc une grande armée n’est plus nécessaire. Tout se passe sur ordinateur comme pour un jeu vidéo. On pousse un bouton de loin et l’on tue des dizaines de milliers d’ennemis, tout en demeurant à l’abri.
Mais c’est en fait une illusion.

La réalité est tout autre en Irak, on ne peut pas faire la guerre comme on joue avec un jeu vidéo. Il faut des soldats au sol. Or la situation devient grave, car il est impossible de rétablir la conscription qui soulèverait une opposition gigantesque. Les militaires n’ont plus de troupes pour envoyer en Irak ou dans d’autres endroits du monde. Pour les deux années à venir, c’est un enjeu de plus en plus important aux Etats-Unis. Déjà, il n’y a plus de candidats pour s’engager. Le sentiment patriotique de l’après 11 septembre a complètement disparu, surtout chez les Noirs et les femmes. Il y a chez les Noirs une hostilité incroyable à l’idée de partir à l’armée et, de plus en plus, la population partage ce sentiment. Auparavant, s’engager dans l’armée signifiait davantage des opportunités que des risques, obtenir des bourses pour l’université par exemple. Mais maintenant, les guerres en Afghanistan et en Irak ont montré qu’elles n’ont rien de virtuel et qu’elles sont meurtrières. Pour les militaires, c’est une crise et il sera difficile pour le gouvernement de résoudre ce problème de l’engagement dans l’armée.

Henri : Il y a un problème plus important par rapport de la domination étatsunienne, l’état des services publics.

Curtis : Je pense que la plupart des gens ordinaires sont déconnectés du reste du monde. Ils ressentent un sentiment nationaliste dont Bush a profité lors des dernières élections. Ils sont persuadés que les Etats-Unis sont forts, puissants et justes et que, finalement, il n’est pas nécessaire de se préoccuper du reste du monde ou de ce qui s’y passe. Je ne parle pas de la classe politique, mais plutôt de cette partie de la population qui a voté pour Bush, par exemple. Il existe ce sentiment que les Etats-Unis n’ont pas à penser au reste du monde. C’est aussi une sorte d’identification avec le rôle de première puissance mondiale du pays.

D’un autre côté, le système éducatif est en pleine contradiction et cela s’accroît. Il est de plus en plus difficile de poursuivre des études supérieures à l’université en raison de la diminution des aides aux étudiants. Contrairement à beaucoup de pays en Europe, les études universitaires ne sont pas gratuites et les bourses accordées sont minimes. Beaucoup d’étudiants doivent ainsi emprunter pour payer leurs études, avec des intérêts élevés. Les étudiants des classes moyennes, sans moyens financiers, terminent parfois leurs quatre années d’études à l’université avec une dette de 30 à 40 000 dollars. Ce qui veut dire qu’ils passeront les dix ou quinze années suivantes à rembourser cette dette. C’est cette sorte de crise qui est latente dans l’éducation.

Mais il y a un autre problème en terme de qualité de l’éducation. De plus en plus, il y a une forme de pression vers une tendance anti-scientifique. Des idées anti-évolution prévalent dans certains domaines du système éducatif. Ce n’est pas encore aussi grossier qu’il y a cinquante ou soixante ans, lorsque ce type de débat enflammait les passions jusqu’à évoquer des arguments sortis de la bible ou de la genèse à opposer à Darwin. Mais il existe à présent des moyens très sophistiqués pour développer ce type de théories, non pas à la manière des fondamentalistes religieux, mais avec des arguments scientifiques. Cela paraît étrange, mais permet d’introduire un raisonnement religieux dans le genre de « Dieu a fait ou dit cela dans la genèse ». Les questions scientifiques étant si complexes que la théorie de l’évolution ne pourrait pas tout expliquer, donc il serait impossible d’exclure les explications religieuses. L’évolution ne serait, en fait, qu’une des très nombreuses théories, et il serait impossible de dire si elle est plus juste qu’une autre, donc on peut toutes les enseigner. C’est une tendance qui a cours actuellement aux Etats-Unis, complètement contradictoire avec l’idée d’un pays avancé et développé du point de vue technologique. C’est une attitude de quasi haine envers la science. Comment les Etats-Unis vont-ils résoudre cette contradiction : d’un côté continuer une avance technologique et, de l’autre, assumer cette baisse de niveau dans l’éducation en raison de l’arriérisation promue dans les écoles ?

Malgré cette méfiance vis-à-vis des sciences, la puissance des Etats-Unis attire des étudiants du monde entier. Il faut dire aussi que 80 % de la population est convaincue de l’existence des anges et de la possibilité d’entrer en contact avec ces derniers. C’est une régression en termes d’idées religieuses. Les gens voient en l’astrologie une discipline scientifique. Toutes choses montrant la régression vis-à-vis de la science.

Ch : Le concept de « destinée manifeste » est-il présent dans les mentalités ou bien cela n’existe que dans les discours de Bush ? Par exemple, est-ce que l’idée de mission justifie l’occupation en Irak ?

Curtis : C’est très vague, mais l’idée que les Etats-Unis est le pays le plus libre du monde est très répandue, de même que c’est un devoir de propager cette liberté. C’est un sentiment flou, mais très courant.

Ch : Et l’opposition ? Est-ce juste une opposition anti-Bush ou bien existe-t-il un début de critique du système ?

Curtis : Sur ce point, je crois que c’est surtout une opposition anti-Bush. Sa personnalité fait de lui un des présidents les moins aimés depuis des décennies, peut-être même pour une majorité de la population. Cela paraît surtout dirigé contre l’individu Bush sans que cela entraîne forcément une réflexion sur le système de gouvernement et de société ni ne remette ce système en question pour songer à des alternatives. Ce n’est pas au programme pour le moment aux Etats-Unis.

Henri : s’il y a une telle dégradation du système éducatif… jusqu’à maintenant.

Curtis : La plupart du temps, c’est grâce aux étudiants étrangers, notamment dans les domaines de l’ingénierie, de la physique, des mathématiques. La majorité des étudiants dans ces domaines universitaires états-uniens viennent d’Asie, d’Inde, de Chine. Ils ne sont pas états-uniens. Les étudiants viennent surtout pour accéder à une éducation spécialisée. En outre, les salaires sont ici attractifs par rapport à leurs pays d’origine et les étudiants s’installent souvent aux Etats-Unis. Mais, sur le long terme, si les salaires se rééquilibrent, ils n’auront plus de raisons de rester. Et cela provoquera immédiatement une crise sans précédent. Si le niveau de vie augmente dans certaines régions de l’Inde où demeurent des classes moyennes éduquées, ce sera certainement un problème. Vous savez, aux Etats-Unis c’est le business qui compte, la science ou la technologie viennent derrière. Après le boum économique d’Internet, son effondrement a mené à une désaffection générale pour l’informatique. Les gens ne sont plus attirés par cette spécialisation, ils font le plus souvent des études dans le business, dans la mode et dans les domaines périphériques de l’économie tandis que les sciences et les technologies de pointe sont étudiées par les étudiants étrangers.

Ch : Tu penses qu’il y a un déclin dans le monde ?

Curtis : Cela dépend des critères que l’on utilise pour en juger. Je pense qu’au niveau politique, le pays est plus isolé qu’il ne l’a jamais été ces derniers temps, même si son avance technologique et militaire lui donne un avantage considérable face à n’importe quelle autre puissance militaire. Le fait est que politiquement, les Etats-Unis sont de plus en plus critiqués dans le monde. Sur le plan politique et même moral, l’image des Etats-Unis est au plus bas. Je crois que les États-Unis n’ont jamais été autant rejetés. Cette contradiction entre la puissance militaire et l’image négative du pays va s’accroître les prochaines années.

Je ne sais pas si j’ai la possibilité de faire cette analyse. Je ne crois pas au long terme bien que beaucoup d’hypothèses sur l’avenir des Etats-Unis nous alertent sur le risque de la fuite des emplois bien payés de la classe créative vers la Chine et l’Inde. Cette panique est certainement en partie exagérée à des fins sensationnalistes. Ce type de débat apparaît cependant dans des journaux sérieux et à gros tirage, notamment à propos de la délocalisation de l’industrie qui serait suivie par la délocalisation des emplois très techniques vers l’Inde ou la Chine. C’est une question qui commence à être discutée, qu’elle reflète ou non une réalité et même si cela est destiné à faire du sensationnel. C’est en tout cas la première fois que les journaux parlent sérieusement de ce changement, sur une échelle des masses, pour les jobs qualifiés des classes moyennes. C’est une question clé.

Je ne sais pas si cela reflète ou non la réalité. Dans l’affirmatif, cela créera un sérieux problème dans notre société. Les conservateurs, qui se sentent jusqu’à présent à l’abri, vont se retrouver dans une précarité de l’emploi comme les salariés du textile, il y a trente ans. C’est la grande inconnue.

Ch : Et Street Voice ?

Curtis : Street Voice existe toujours comme journal. D’une certaine manière, plus de gens y participent à présent, et écrivent dans le journal bien que l’association n’ait plus l’importance d’il y a dix ans. Selon les standards états-uniens, Street Voice a eu un certain succès, même si je n’aime pas utiliser ce mot. Depuis douze ans, les gens s’identifient avec le message, se sentent concernés comme faisant partie du groupe en distribuant le journal. D’une certaine manière, la base est maintenant plus importante alors qu’il y a moins de personnes physiquement engagées. Je crois qu’à ce niveau, Street Voice continue avec le soutien des gens. Quant à la possibilité d’un second volume de Street Voice en français, je ne crois pas. Mais qui sait ? Moi, je n’en sais rien.

Anne : À combien d’exemplaires le journal est-il tiré ?

Curtis : 5 000 exemplaires qui sont déposés dans des centres de traitement de la drogue et les cliniques de la Méthadone, qui sont très nombreuses à Baltimore. Souvent des gens veulent s’abonner parce qu’ils ont trouvé un numéro dans des lieux où nous ne déposons pas le journal. Ce qui prouve que des lecteurs s’en chargent et les déposent ailleurs. Par exemple, quand nous en laissons un paquet dans une clinique de la Méthadone, certains en récupèrent pour les distribuer dans différents endroits. Il est ainsi probable que le nombre de lecteurs soit bien supérieur au nombre de journaux distribués. Et c’est pourquoi il est impossible de donner un chiffre officiel.

Anne : Est-ce qu’il a un noyau régulier de personnes actives dans le journal ?

Curtis : Je fais la mise en page et je coordonne le journal. Il y a peut-être deux ou trois autres personnes qui écrivent régulièrement, cinq ou six autres nous rejoignent occasionnellement, puis il y a tous ceux et celles qui envoient des articles, mais dont je ne sais rien, ni qui ils ont ni d’où ils viennent. Je ne les ai jamais rencontrés, peut-être est-ce des connaissances… En tout cas, ils envoient des articles et de très bons articles. Ensuite certains disparaissent. Par exemple, l’un d’eux, American Dreamer, qui écrivait régulièrement des articles très forts — c’est dans le livre en français —, attaquant Bush et la guerre. Il s’est malheureusement tourné vers la religion — c’est typique aux Étas-Unis — et a cessé de participer au journal. Je lui ai demandé des articles par email, et j’ai reçu une prière en retour. CUT comments Il a cessé ses critiques politiques en se tournant vers l’Église. Cela arrive souvent ici.

Anne : La censure existe-t-elle sur les articles ?

Curtis : Non, si les gens n’envoient pas d’articles religieux, qui ne seront d’ailleurs pas publiés. Mais la plupart des articles envoyés ne sont ni religieux, ni pro-Bush. Les articles racontent ce que les gens vivent ou sentent dans leur quotidien, donc je n’ai rien à censurer.

Henri : Deux questions. Quelle est la situation de la gauche et de l’opposition aux Etats-Unis ?

Curtis : Les révolutionnaires de gauche sont cantonnés dans de petits groupes. Cela ne représente certainement pas plus de quelques milliers de personnes dans tout le pays, réparties dans des groupes. Pour donner un exemple, le plus grand groupe de l’extrême gauche orthodoxe, un groupe semi trotskiste, ne comporte que mille membres et c’est certainement le plus important. Les anarchistes sont plus répandus, mais ils ne sont pas organisés. Ça change très vite et il n’y a pas de fédération au niveau national. Ils sont surtout très actifs au niveau local, mais ces groupes se forment et disparaissent aussi rapidement ; il n’y a pas de continuité. Dans les grandes villes, il y a souvent une librairie anarchiste qui donne des informations, sert du café, et qui a une certaine présence mais, il faut le dire, cela touche plutôt des gens déjà convaincus. Il est possible de passer le temps dans ces cercles et de ne jamais en sortir. C’est donc assez limité.

Concernant le mouvement contre la globalisation, le phénomène est intéressant. Après le 11 septembre, le mouvement anti-globalisation a disparu, sans doute en raison de l’ambiance nationale et de la dérive à droite qui a, en quelque sorte, mis le mouvement en attente de ce qui allait se passer. C’était angoissant. Le mouvement a refait surface avec les préparatifs et la menace imminente de guerre contre l’Irak. Le mouvement anti-globalisation a alors basculé dans le mouvement anti-guerre. Et comme l’on sait, d’immenses manifestations ont eu lieu dans tout le pays, il y a à peu près deux ans, ce qui a amené les gens à penser que c’était une résurgence du mouvement contre la guerre au Vietnam. Mais il n’en est rien. Dès le début, le mouvement était très passif, composé de personnes plutôt effrayées par la situation. Si le mouvement avait continué, peut-être les choses auraient-elles changé.

J’ai constaté que ces manifestations rassemblaient un nombre impressionnant de participant(e)s, mais avec l’absence de colère et de questions politiques. On pouvait y voir des banderoles avec « Chirac président des Etats-Unis » — aussi incroyable que cela puisse paraître —, ou encore « Faîtes du thé, pas la guerre », ou « Cultiver de l’herbe, pas des missiles ». Des slogans sans colère et sans revendications sur les problèmes sociaux dans le pays. Ensuite, quand la guerre a commencé, le mouvement s’est brusquement arrêté. Les gens ont pensé qu’il n’y avait plus rien à faire.

La triste réalité est que la dernière manifestation nationale contre la guerre, l’été dernier, n’a rassemblé que deux mille personnes, des militants, des gens de gauche, des habitués, mais pas de jeunes, pas les étudiants qui s’étaient fait remarquer dans les manifestations de l’année précédente, les meilleurs éléments peut-être. Aucun n’était là. Cette dernière manifestation était pitoyable et reflétait l’absence de mobilisation. Depuis, il n’y pas eu d’actions significatives contre la guerre, à part dans quelques universités peut-être, et que je ne connais pas. Actuellement, il n’y a pas de mouvement national contre la guerre ni d’action visible.
L’ironie est que, dans le même temps, les sondages montrent qu’il y a parmi la population un sentiment d’hostilité croissante contre la guerre. Mais actuellement, il n’y a pas de mouvement.