Chroniques rebelles
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Christiane Passevant
Mobilisation pour Mumia Abu-Jamal
Entretien avec Robert Bryan
Article mis en ligne le 30 janvier 2008

par CP

Mumia Abu-Jamal est le plus ancien condamné à mort aux Etats-Unis. Il est enfermé depuis 23 ans dans le couloir de la mort. À la suite d’un procès inique et raciste, il a été condamné pour un crime dont aucune preuve n’a été présentée. En 1995, la mobilisation internationale a permis de surseoir à l’exécution de la sentence. On peut craindre à tout moment l’exécution car Mumia est à plus d’un titre gênant pour le système judiciaire étatsunien. Ex-Black Panthers, journaliste critique, «  voix des sans voix », il est aussi emblématique de ces milliers de condamnés dans les couloirs de la mort victimes d’une répression raciste et politique.

Robert Bryan : Pendant de nombreuses années, j’ai été président d’une coalition contre la peine de mort aux Etats-Unis et, depuis 30 ans, mon cabinet défend les cas de condamnés à mort.
Les Etats-Unis sont malheureusement la vitrine des exécutions capitales dans le monde. Il y a actuellement des milliers de condamnés à mort, presque 3500. Dans la prison de Saint Quentin, de l’autre côté de la baie
de San Francisco où j’habite, 639 condamnés attendent dans le couloir
de la mort. Tous savent qu’ils vont mourir, comment ils vont mourir, mais ils ignorent quand.
Si la situation actuelle est particulièrement déprimante aux Etats-Unis, et même oppressante avec le gouvernement d’extrême droite de Bush, il existe cependant des lueurs d’espoir. Les tribunaux sont aujourd’hui très vigilants sur la manière d’appliquer la peine de mort. Une décision récente de la Cour suprême a déclaré non constitutionnelle la sélection de jurés sur des critères racistes. C’est identique au cas de Mumia Abu-Jamal où, lors de son procès, les personnes issues de minorités et contre la peine de mort ont été écartées du jury.
Il ne faut néanmoins pas occulter le fait que la peine de mort se porte bien aux Etats-Unis. Le sentiment qui prévaut, c’est que les personnes en bas de l’échelle sociale, les plus pauvres, ne méritent pas de vivre. Et avec le cas de Mumia Abu-Jamal, nous avons l’exemple type du dysfonctionnement et de la perversité du système judiciaire. Le couloir de la mort est le quartier privilégié des pauvres. L’avocat de Mumia a été commis d’office et le juge était raciste. Le racisme a perverti la procédure depuis le début et mon intention est de prouver son innocence. Son cas est un bon résumé du problème de la peine de mort aux Etats-Unis.

Chroniques rebelles : Quel est l’état de la mobilisation contre la peine de mort au plan national et international ?

Robert Bryan : La mobilisation des abolitionnistes est à présent mieux organisée — soutien des groupes, manifestations —, le mouvement est plus fort qu’il y a dix ans. En Europe, la France est à la tête des abolitionnistes au plan mondial. L’abolition de la peine de mort est une cause fondamentale de l’Union européenne puisque c’est une des conditions pour en faire partie. Je suis impressionné de voir comment la peine de mort a été abolie — même si elle reste populaire — en Europe occidentale, et que la France soit à la tête du mouvement pour abolir la peine de mort dans le monde. C’est comme une bouffée d’air frais car je me rends compte combien les associations et les individus sont motivé-e-s par la campagne. Ce qui est fait par les associations est un honneur pour l’humanité.

Chroniques rebelles — La mobilisation en Europe a-t-elle un impact aux Etats-Unis et comment réagit Mumia ?

Robert Bryan : Je suis certain que la campagne a un impact sur l’opinion publique étatsunienne, même si dans le couloir de la mort il y a des meurtriers difficiles à défendre. La manifestation du 2 juillet a rassemblé de nombreuses personnes Place de la Concorde, sous un soleil brûlant, pour la défense de Mumia Abu-Jamal et contre la peine de mort alors qu’elle a été abolie en France.
C’est important pour nous, pour Mumia qui continue de diffuser ses textes par téléphone à la radio, cela a aussi une influence. Il répète sans cesse : « ce n’est pas pour moi qu’il faut se battre, mais pour tous ceux et celles qui, dans la même situation, ne peuvent pas parler ou se faire entendre. Je ne suis qu’un parmi tous ces oublié-e-s. » Mumia est un symbole de la lutte contre la peine de mort, la cruauté, l’intolérance et contre toute cette inhumanité.