Chroniques rebelles
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Christiane Passevant
Zapata est vivant ! L’insurrection des Indigènes du Chiapas racontée par eux-mêmes de Guiomar Rovira
Guiomar ROVIRA (Reflex, 1995)
Article mis en ligne le 6 mars 2008
dernière modification le 25 mai 2008

par CP

“Ses mots de « Terre et liberté » restaient gravés dans le brillant du ciel. Et l’esprit millénariste l’a ressuscité. Les mots de « Zapata est vivant, la lutte continue » ont été peints sur les murs du Mexique tout entier. Les vieux comptes à régler dans ce siècle ont resurgi renouvelés, des causes qui n’avaient jamais été menées jusqu’au bout ont été reprises et l’histoire s’est remise en mouvement, comme si le passage du temps n’avait pas existé. Zapata est revenu chevaucher aux côtés du peuple en armes, aux côtés des pauvres et de ceux qui n’ont pas de terres. Au Chiapas, les Indiens ont de nouveau empoigné leurs machettes et leurs fusils, et ils ont de nouveau croisé les cartouchières sur leur poitrine. Mais qui donc a dit que Zapata était mort ?”

Au moment de l’entrée en vigueur de l’accord de libre échange entre le Mexique, les États-Unis et le Canada (ALENA), les Indiens du Chiapas se révoltaient contre une démocratie officielle subie comme une « dictature en formation puisqu’elle considère encore les indigènes comme des "citoyens en formation" ».

Sur les lieux de l’insurrection depuis le début, dans la nuit du 31 décembre 1993 au 1er janvier 1994, Guiomar Rovira mènera une enquête précise sur la chronologie des événements.
Chronique des événements et témoin de la naissance d’une lutte, le livre de cette jeune journaliste catalane va au-delà de la “production littéraire” sur la révolte chiapanèque, elle offre de la “matière brute” et des témoignages sur une histoire en mouvement. Elle rappelle l’historique des traditions de luttes dans la région, mais surtout donne la parole aux insurgés, aux “sans-voix” qui racontent leur combat et leurs revendications de l’intérieur.

Devant le constat négatif des années de luttes civiles et pacifiques, l’insurrection armée redonnera l’espoir et soulèvera des questions profondes sur l’émancipation et le droit à la terre :
Les plus petits de ces terres,
Les sans-visage, les sans-histoire,
Ceux qui viennent de la nuit et de la montagne,
Nous, les femmes et les hommes vrais,
Les morts d’hier, d’aujourd’hui et de toujours.
Rien pour nous, tout pour tous.

L’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) revendique la terre pour ceux qui la travaillent, l’accès à l’éducation, à la santé, la dignité pour tous et toutes, le respect des populations et cultures indiennes. C’est le début de cette lutte et de cette organisation que rapporte à chaud ce livre, l’amorce d’un mouvement dont l’ampleur et les méthodes font référence. Avec les informations sur le Chiapas en lutte sur Internet, la récupération ou la désinformation par les autorités mexicaines sont devenues plus compliquées.

Après la parution de Depuis les montagnes du Sud-Est mexicain (L’insomniaque, 1994), Zapata est vivant ! L’insurrection des Indigènes du Chiapas racontée par eux-mêmes apporte des informations complètes et des témoignages importants pour comprendre la situation sociale et politique au Mexique. D’abord paru en Espagne, l’ouvrage de Guiomar Rovira demeurera dans les annales du journalisme d’investigation tout en étant une étude rare sur l’émergence d’une révolte exemplaire.

Pour saisir la situation au Chiapas et l’importance de ce mouvement populaire, le livre de Rovira est essentiel ; il retrace l’itinéraire d’une prise de conscience et d’une lutte dont les conséquences restent encore à venir, qu’il s’agisse de nouvelles formes de révolte extensive contre le capitalisme sauvage, de l’action démocratique de masse contre le monopole du pouvoir, des revendications égalitaires des paysans indiens ou de celles des femmes. La révolution en réseau offre des perspectives dont on n’a pas fini de parler.
mars 1997