Chroniques rebelles
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Christiane Passevant
Le renouveau du cinéma espagnol par les femmes ?
27e festival international du cinéma méditerranéen de Montpellier 2005
Article mis en ligne le 13 décembre 2007
dernière modification le 4 octobre 2009

par CP

Le 27ème festival du cinéma méditerranéen à Montpellier (21-30 octobre 2005) nous offre cette année un choix de 130 films inédits, longs métrages, courts métrages, documentaires et films expérimentaux. Une sélection toujours aussi éclectique qui donne l’occasion, parfois unique, de voir des films qui ne sont hélas que trop rarement distribués en France.

Le festival ouvre sur le dernier long métrage de Chus Gutiérrez, El Calentito, qui met en scène une jeune femme en quête d’émancipation sur fond de rock féminin et de tentative de coup d’État…

Le film se déroule en février 1981. Le cinéma espagnol démarre donc cette année encore le festival avec un film dont le choix n’est pas moins engagé que celui de l’année dernière, Morts communs de Norberto Ramos des Val, fiction politique policière se déroulant à Pampelune en 1973.

Le film de Chus Gutiérrez annonce aussi l’un des thèmes à l’honneur de ce festival, « Espagne : femmes à la caméra », avec une rétrospective qui réunit des réalisatrices comme Pilar Miro (L’Oiseau du bonheur - 1992), Gracia Querejeta (Le dernier voyage de Robert Rylands - 1996), Iciar Bollain (Fleurs d’un autre monde [Flores de otro mundo] - 1999, Amores que matan - 2000, Ne dis rien [Te doy mis ojos] - 2004)(1), Isabel Coixet (Ma vie sans moi - 2003), Patricia Ferreira (Je sais qui tu es - 2000, Pour que tu ne m’oublies pas - 2004), Daniela Fejerman (Ma mère préfère les femmes - 2002) et Chus Gutiérrez, Alma Gitana (1996 - film de commande) et Vent d’Ouest (2002). En présence de Chus Guitiérrez et Iciar Bollain, une quinzaine de films seront présentés pour illustrer le rôle prégnant des femmes cinéastes dans la production cinématographique espagnole.

Le renouveau du cinéma espagnol par les femmes ? Problématique intéressante si l’on songe à la richesse et à l’inventivité du cinéma espagnol depuis la fin du franquisme. Une production cinématographique qui baisse cependant dans les années 1980 (60 films par an). Situation que la réalisatrice Pilar Miro, nommée à la direction générale de la cinématographie, tente d’inverser grâce à différentes subventions.(2)

Mais si la production des films espagnols des années 1990 jusqu’à aujourd’hui paraît encore peiner à dépasser les frontières de la distribution nationale, il n’en demeure pas moins qu’une jeune génération de cinéastes réaffirment la qualité d’une production diversifiée et profonde tant sur le mode grave — Tesis, Ouvre les yeux, Los Otros d’Alejandro Amenabar, Les amants du cercle polaire, Tierra, Lucia y el sexo de Julio Medem —, que sensible et ancré dans l’actualité sociale — Les lundis au soleil de Fernando de Araona, Hola ¿ estas sola ? d’Iciar Bollain — ou bien comique et délirant — Mes chers voisins, Le crime farpait d’Alex de la Iglesia, pour ne citer que quelques films. Dans ce contexte, la vision des femmes dans la réalisation cinématographique entraîne-elle des changements dans le regard porté sur le cinéma s’agissant de la conception et de la réception du public ? Ou bien encore les femmes cinéastes génèrent-elles un changement de la représentation des femmes au cinéma ?

La question du renouveau du cinéma espagnol par les femmes peut également passer par l’expression de l’érotisme à l’écran si tenté qu’une différence de genre soit perceptible dans le filmage des corps, de l’intimité, du désir. Pour une réalisatrice, la direction des comédiennes, des comédiens implique-t-elle des codes autres, une connivence différente ? Des questions concernant les réalisatrices espagnoles et, plus largement, méditerranéennes qui sans doute seront évoquées à l’occasion d’une table ronde clôturant la rétrospective « Espagne : Femmes à la caméra ».

Le cinéma méditerranéen sera tout aussi largement représenté dans ce 27ème festival par le Maroc, l’Italie, l’Algérie, l’Égypte, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie, la Macédoine, la Grèce, la Jordanie, Israël, la Palestine, la Turquie, la Tunisie, la Géorgie, la Slovénie… grâce à une sélection de 30 longs métrages dont 11 en compétition, 45 courts métrages dont 23 en compétition, 20 documentaires dont 10 en compétition et un panorama de films expérimentaux.

Côté rétrospectives, il y aura également un hommage au documentariste italien Vittorio de Seta, une section Cinecitta-Hollywood ou de l’influence mutuelle des productions italiennes et étatsuniennes avec une kyrielle de films à voir et revoir, et la traditionnelle nuit en enfer avec, cette année, les films de Lucio Fulci.

Le festival international du cinéma méditerranéen de Montpellier sera, à son habitude, un moment de plaisir, mais aussi une réflexion sur le cinéma, sur son devenir, sur les mutations techniques, le numérique, sur l’engagement des films aussi et les sociétés dont il est en partie le reflet, et enfin sur la distribution des films de la Méditerranée. Un festival à la rencontre d’autres cultures, d’autres images méditerranéennes.