Chroniques rebelles
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Mémoire, Vérité, Justice. Les assassinats politiques en France
(2) Samedi 16 février 2002
Article mis en ligne le 26 novembre 2008

par CP

16 février : Nicole Dreyfus (avocate, disparition de Maurice Audin), Maurice Buttin (non levée du "secret défense", Palestine, affaire Ben Barka), Bachir Ben Barka, Philippe Grand et Brigitte Lainé (conservateurs aux Archives de Paris), Solange Barberousse.

L’association Mémoire, Vérité, Justice — fondée en 1999 — regroupe toutes les informations sur les assassinats politiques commis en France depuis 1965 "qui posent la question de la double implication des États. Implication ou interrogation sur l’implication directe et active d’un État étranger dans un assassinat politique commis sur le territoire français, et implication ou risque d’implication de l’État français, qu’elle soit directe ou indirecte, active ou passive, avant, pendant ou après le crime." Des assassinats assurés de l’impunité au nom de la raison des États.

À propos du 17 octobre 1961, Olivier Le Cour Grandmaison écrit : “La raison d’État, le cynisme de ses serviteurs, les lâchetés et les intérêts partisans sans oublier les "distractions" journalistiques ont formé une coalition hétéroclite mais d’une extraordinaire puissance qui a précipité, pour de longues années, cet événement dans le néant.

La semaine dernière, un auditeur nous rappelait cette citation de Proudhon :"L’État est étranger au droit, indifférent à toute morale, c’est un simple instrument de force."

L’impunité pour ceux qui ont commis des assassinats politiques en France semble donc dans la logique de la raison d’État, de la raison des États. Combien, en effet, de meurtriers ou de leurs commanditaires ont-ils été jugés ? Combien d’enquêtes ont-elles débouché sur la mise en accusation d’un État et la reconnaissance de la complicité de l’État français ? Combien de ces assassinats n’ont-ils pas abouti à un non-lieu ?

À commencer par celui de Mehdi Ben Barka, enlevé en 1965, dont on ignore même où se trouve la dépouille. La liste "partielle" de L’association Mémoire Vérité Justice montre que ces assassinats ont visé des hommes et des femmes engagé-es dans des mouvements de libération nationale, souvent des militants et des militantes internationalistes et anticapitalistes. Cherchez l’erreur…

Dans la plupart des cas, cela s’est passé en plein jour, devant témoins. Souvent, les preuves ont été ignorées, voire escamotées, et les dossiers ont été expurgés au fil des années jusqu’au non-lieu.

Ces assassinats font-ils partie des habituels camouflages de l’histoire officielle comme pour la rafle du 16 juillet 1942, les massacres d’Algériens du 8 mai 1945 à Sétif et du 17 octobre 1961 à Paris, et les tortures pendant la guerre de libération algérienne ? “Derrière les mensonges, les non-dits, les négations, il y a inévitablement des mentalités et des pratiques policières qui se perpétuent".

L’association Mémoire Vérité Justice intervient devant les juridictions, collecte les témoignages, les éléments nouveaux, organise des rencontres, prépare des publications, milite pour l’ouverture publique des archives, travaille avec d’autres associations au plan international, dénonce les assassinats politiques dans d’autres pays… Comme par exemple dans ce communiqué daté de novembre dernier :

Aujourd’hui, au prétexte de “représailles” ou de “prévention d’attentats”, le gouvernement israélien conduit une politique d’élimination systématique des responsables palestiniens visant ainsi à priver le peuple palestinien de son encadrement politique. Ces “exécutions extra-judiciaires” sont illégales et violent le droit international.

L’association Mémoire Vérité Justice qui a pour objet les assassinats politiques commis sur le sol français avec l’implication probable d’un État étranger, dénonce cette politique criminelle qui rappelle les meurtres de responsables palestiniens assassinés en France, notamment celui de Mahmoud Al Hamchari qui représentait l’OLP à Paris lorsqu’il a été victime d’un attentat à son domicile en décembre 1972 ; il succombera le 8 janvier 1973 et jamais l’auteur de ce crime n’a été retrouvé et puni. Cet assassinat fait partie d’une longue liste de meurtres commis par les services israéliens en Europe et ailleurs contre des responsables palestiniens dont les noms figuraient sur la liste “Golda”. Plus tard, l’assassinat à Paris le 8 juin 1992 de Atef Bseiso, membre du conseil révolutionnaire du Fatah, est lui aussi resté impuni.

Sur un mur du camp de Deheisheh en Cisjordanie, le portrait de l’écrivain Ghassan Kanafani assassiné à Beyrouth le 8 juillet 1972.

Mémoire Vérité Justice considère que l’inaction de la société internationale devant des crimes commis de façon aussi cynique au mépris de toutes les règles de droit fait gravement reculer la justice et le droit international. Elle demande au gouvernement français de combattre de telles pratiques,

— par une action résolue au niveau de l’Union européenne et au plan international,

— en relançant l’action judiciaire pour tous les assassinats commis en France dans les décennies antérieures quels que soient les États commanditaires de ces crimes.