Chroniques rebelles
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Le Chant des mariées. Film de Karin Albou et Serge Utgé-Royo pour Traces publiques
Samedi 13 décembre 2008
Article mis en ligne le 14 décembre 2008

par CP

Karine Albou, réalisatrice du Chant des mariées

Novembre 1942. Les Allemands occupent la Tunisie. Deux amies d’enfance, Nour et Myriam, sont prises dans la tourmente de la guerre, sur fond de racisme, de collaboration et de lutte de classes. Le film part de l’histoire personnelle de ces deux jeunes filles pour évoquer de graves problèmes sociaux et politiques.

Le Chant des mariées est un film à la fois simple et très complexe. On peut le voir comme la narration d’une amitié en mutation entre deux adolescentes. Amitié mise à l’épreuve par l’Occupation et la propagande déversée sur les pays colonisés. On peut également le voir comme une plongée dans l’univers ignoré de ces pays du Sud de la Méditerranée durant la Seconde Guerre mondiale.

Le Chant des mariées traite de sujets en effet rarement évoqués. Habituellement, on pense que les populations des trois pays du Maghreb n’ont guère été touchées par la conflit mondial. Or le film nous montre une population tunisienne prise au piège des enjeux des pays occidentaux colonisateurs, et les incidences directes de la Seconde Guerre mondiale sur les différentes communautés d’Afrique du Nord. Les personnages du film de Karin Albou vivent de plein fouet les conséquences de l’Occupation de la France et des mesures antisémites appliquées par le régime collaborationniste de Vichy dans les protectorats de Tunisie et du Maroc et en Algérie. En outre, la propagande nazie instrumentalise l’espoir d’indépendance des nationalistes tunisiens.

Le Chant des mariées est un film intimiste et tendre, mais fait aussi le constat des tensions de la guerre et de ses enjeux dans une société colonisée.

Dans le hammam, les scènes, filmées avec réalisme et sensualité, dépeignent un univers clos et particulier. Le hammam est un espace d’intimité pour les femmes, un espace des regards, de la conscience des corps et de l’éveil de l’érotisme. Mais si les corps sont dénudés, le rituel du bain est codifié, comme la préparation de la future mariée avec l’épilation du corps et du pubis.
Karin Albou met en scène cette intimité, les univers séparés des hommes et des femmes…

Deux univers distincts où l’ambiguïté de certains des personnages est une manière de montrer que, dans une situation extrême, les principes « s’aménagent ». Khaled, fiancé à Nour, qui semble tout d’abord ne pas se conformer aux traditions, se révèle ensuite un défenseur de ce qu’il y a de plus réactionnaire dans la culture arabe.

Myriam et Nour se retrouvent finalement, sous les bombardements, mais leur amitié, fusionnelle et innocente, ne sera plus jamais la même. Tant de bouleversements ont eu lieu, tant de paroles ont été dites, dictées par un climat politique et des rancœurs orchestrées.

En reprenant les paroles de Khaled, Nour lance à Myriam :
« Les Français nous exploitent et vous les juifs, vous les aidez. Pourquoi je n’ai pas le droit d’aller à l’école et toi oui ? Pourquoi tu peux sortir et moi pas ? Pourquoi je porte un voile et toi non ? »
Paroles injustes sans doute, Myriam n’est responsable ni de la discrimination ni des traditions imposées à son amie. Mais Nour, l’adolescente, est devenue une femme et tente de comprendre pourquoi elle subit une double oppression, celle des coutumes pour sa condition de fille et celle de la colonisation en tant qu’Arabe.

Le Chant des mariées de Karin Albou est un film des déchirements et des violences, mais c’est aussi une porte qui s’ouvre sur l’univers secret de deux adolescentes, des femmes en général et surtout sur leur résistance aux oppressions.

Le Chant des mariées a été présenté à Montpellier au 30e festival du Cinéma méditerranéen et a reçu une mention spéciale.

Dans les salles à partir du 17 décembre 2008.

À lire un entretien avec Karin Albou dans Divergences de décembre : divergences.be

Serge Utgé-Royo en deuxième heure pour son nouvel album : TRACES PUBLIQUES

Un spectacle, un album de Serge Utgé-Royo, c’est une rencontre, C’est une émotion et c’est à chaque fois différent…
Cette fois, Serge nous propose un voyage dans le temps puisqu’il s’agit de plusieurs enregistrements, en reflet les uns et les autres, et avec un fil, comme la boule rouge de la chanson, qui nous guide dans une ballade musicale, bien sûr, avec, en plus, la conscience et l’engagement.
Merci Serge… pour ces traces publiques, partagées avec nous et d’autres.
Et dans ces traces, il y a cette chanson, Les Gueux de l’an deux mille  :

Pour exister, il faut montrer
De bons papiers d’identité…
Nous nous cachons dans les creux de la Terre
Car tous les étrangers se méfient des fourrières.
Dans chaque cité,
Nous vivons masqués…

Pour travailler, il faut pleurer.
Et pour chômer, il faut mendier…
Nous servons, le cul dans la poussière,
Et vous nous humiliez, messieurs les actionnaires.
C’est nous les humains :
Nous ne sommes rien.

Un jour, le joli mois de mai
Viendra bousculer vos palais…
Nous vous rendrons vos pitiés méprisantes
Et nous nous offrirons des lendemains qui chantent…
Notre temps viendra :
Écoutez nos voix…

C’est l’instant… de se faire des signes.
Le moment est venu de finir.
Nos échanges n’étaient pas trop indignes ;
Essayez de vous en souvenir…

Il faut bien achever l’émission
Laisser la place à Deux sous de scène
Et retrouver Serge à l’occasion
D’un disque, d’un film ou d’une scène…

(Inspiré de la chanson qui clôt généralement les concerts de Serge…)