Chroniques rebelles
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Les Éditions Spartacus
Samedi 21 février 2OO9
Article mis en ligne le 21 février 2009

par CP

Les éditions Spartacus avec deux nouvelles publications

De la conscience en politique
de Wilhelm Reich et Maurice Brinton

Babeuf et la conjuration des Égaux
de Maurice Dommanget

Avec Jean-Michel Kay, Jean-Paul Dessertine, Julien Chuzeville [1] et Larry Portis.

Pour consulter le catalogue en ligne des ouvrages disponibles :

http://atheles.org/spartacus

correspondance@editions-spartacus.fr

Qu’est que la conscience de classe ?
« Comment la comprendre ? Quels en sont les aspects concrets ? »

Un questionnement toujours aussi essentiel. Car, si « la classe ouvrière [selon Wilhem Reich] crée à partir de sa situation une “conscience” », elle est insuffisante « pour ébranler la domination du capital ». Mais elle « comporte peut-être des formes embryonnaires ou des éléments de ce qu’on appelle conscience de classe ou conscience révolutionnaire. »

Comment s’opère l’éveil de la conscience de classe ?

Surtout quand « la réaction politique, le fascisme et l’Église en tête, exigent de la masse travailleuse le renoncement au bonheur terrestre, la décence, l’obéissance, la résignation, le sacrifice pour la nation, le peuple, la patrie. [D’ailleurs] Le problème n’est pas qu’ils exigent cela, mais qu’ils vivent politiquement et s’engraissent de l’accomplissement de ces préceptes par la masse elle-même. »

Wilhelm Reich développe l’idée de la prise de conscience dans Écoute petit homme ! :

« Des jours durant, des semaines durant, des années durant, tu salueras un maître après l’autre […] Pendant des siècles, tu seras sourd et aveugle quand LA VIE, quand TA VIE fera appel à toi. Car tu as peur de la vie, petit homme, très peur. Tu l’assassineras au nom du “socialisme”, de l’État, de “l’honneur national”, de la “gloire de Dieu”. Ainsi tu feras fausse route pendant des siècles, en attendant de mourir de misère sociale […]

Tu finiras par de rendre compte que pour ta vie, une bibliothèque a plus d’importance qu’un combat de boxe, qu’il vaut mieux se promener dans les bois pour réfléchir que parader, qu’il vaut mieux guérir que tuer ; qu’il est préférable d’afficher une saine confiance en soi que des “sentiments nationaux”, que la modestie l’emporte sur les hurlements patriotiques et autres. »

La prise de conscience, de la conscience en politique… Les éditions Spartacus ont toujours participé à cette réflexion en faisant un travail critique contre la manipulation et le mensonge. Spartacus, une maison d’édition « pas comme les autres » qui, comme l’écrivait Louis Janover en 1985, « nourrit tout un courant de pensée critique » Or, pour ce qui est d’une « mémoire ouvrière liée à la théorie et à l’histoire du mouvement révolutionnaire, aucune autre maison d’édition ne peut soutenir la comparaison. »

René Lefeuvre, depuis les années 1930, a en effet diffusé «  tous les auteurs “maudits” mis sous le boisseau à l’époque où le terrorisme stalinien imposait sa vision du communisme, écrivant et réécrivant l’histoire du mouvement ouvrier ».

Spartacus continue depuis la disparition de René, c’est un collectif d’édition, c’est un fonds exceptionnel et c’est aussi deux nouvelles publications :

De la conscience en politique avec des textes de Wilhelm Reich (Qu’est-ce que la conscience de classe ?) et de Maurice Brinton (L’Irrationnel en politique. L’expérience de la Russie),

et

Babeuf et la conjuration des Égaux de Maurice Dommanget avec cette chanson des Égaux :

«  Un code infâme a trop longtemps

Asservi les hommes aux hommes ;

Tombe le règne des brigands !

Sachons enfin où nous en sommes.

Réveillez-vous à notre voix

Et sortez de la nuit profonde,

Peuples, ressaisissez vos droits,

Le soleil luit pour tout le monde.  »

"Contribuer à la compréhension critique du monde dans lequel nous vivons en vue d’aider ceux qui en sont les principales victimes à le transformer. Cette fidélité à l’esprit du communisme libertaire et l’auto-émancipation ouvrière non seulement n’a jamais desservi la qualité du travail d’édition ; elle a plutôt été garante de sa fécondité. En témoigne la richesse d’un catalogue où Marx, Pannekoek, Rosa Luxemburg, Korsch, Mattick, Rühle, Victor Serge, Ciliga, Guérin, pour ne citer que quelques « célébrités », côtoient d’autres militants animés du même idéal révolutionnaire dans un débat contradictoire toujours centré sur des problèmes d’une brûlante actualité. Spartacus est cette structure d’accueil qui fait vivre toutes ces oeuvres au présent et les porte vers l’avenir ? Preuve que l’engagement politique ne mène pas fatalement sur les chemins de traverse sur lesquels se sont égarés, vers le succès, tant d’intellectuels, mais que tout dépend de la cause embrassée, qui est inséparable des moyens utilisés pour la défendre.

Le Catalogue analytique publié (une première fois) en 1982 par le collectif des Amis de Spartacus est, mieux qu’un plaidoyer pro domo, une véritable leçon de choses : il montre que c’est seulement en se plaçant du point de vue de la classe exploitée, tant par les régimes du socialisme réellement inexistant que par ceux du capitalisme réel, qu’il est possible de résister à la pression des idéologies dominantes. URSS 1917-1921, Allemagne 1918-1919, Hongrie 1956, etc., « les textes publiés par Spartacus prouvent qu’à toutes les époques de la mythologie bolchevique, il était possible d’analyser, de savoir, de voir clairement », de comprendre par exemple, que dans l’Espagne de 1936, « sous couvert de lutte “anti-fasciste”, qui décidément a bon dos, c’était la révolution sociale que les lénino-staliniens alliés à la bourgeoisie assassinaient ».

À ce titre, les éditions Spartacus « furent, elles aussi, un moment non négligeable de la lutte contre le refoulement de l’histoire et de l’analyse (...). Dire cela, c’est reconnaître notre dette à l’égard de celui qui, depuis 1933, a incarné les éditions Spartacus : René Lefeuvre, leur fondateur et animateur tenace »."

Louis Janover

Les soixante-dix ans des Cahiers Spartacus

« Les Cahiers Spartacus ne peuvent pas être séparés de l’engagement, de la vie de leur fondateur, René Lefeuvre.

Né en Bretagne, il commence à travailler à 16 ans. Son père, artisan maçon, lui apprend le métier, ce qui lui servira quand, prenant sa retraite, il voudra se construire une maison.

Il arrive à Paris au début des années 1920. Attiré par les réalisations de la révolution russe, il lit le Bulletin communiste de Boris Souvarine, et participe aux groupes de discussion qui se forment après l’exclusion de celui-ci du Parti communiste. Largement autodidacte, il s’intéresse non seulement à la politique révolutionnaire, mais aussi aux différents domaines de la création artistique. C’est ce qui l’amène à adhérer aux Amis de Monde, dont le rôle principal est de promouvoir cet hebdomadaire littéraire et artistique créé par Henri Barbusse avec le soutien de l’Union soviétique.

Devenu secrétaire de l’ association, il en développe l’action d’éducation populaire — une action qu’il poursuivra toute sa vie — par la création de groupes d’études. Ceux-ci souhaitant « publier quelque chose », selon ses termes, il crée Masses, un mensuel dont le premier numéro paraît en janvier 1933, et qui durera un an et demi, jusqu’à ce qu’ayant perdu l’emploi qui lui permettait à la fois de vivre et de le faire paraître, il soit contraint de l’arrêter. C’est en publiant Masses, avec les conseils des ouvriers et des correcteurs de Monde, qu’il apprend les métiers de l’édition. Adhérant au Syndicat, il deviendra correcteur, son principal métier jusqu’à sa retraite.

Masses et les groupes d’éducation populaire dont elle est l’émanation se réclament de Marx ; mais s’ils défendent la révolution russe, ils ne manifestent aucun soutien au régime soviétique ni au parti communiste, et Masses prend des positions plus nettement antistaliniennes que ne peut le faire Monde, qui publie cependant des articles de Lucien Laurat ou de Amilcare Rossi. [2]

Dès décembre 1934, René reprend la publication d’un périodique, pour lequel il adopte le titre de Spartacus. Comme le mensuel éphémère du même nom publié par André Prudhommeaux en 1931, il fait référence non pas tant à la révolte des esclaves romains qu’aux révolutionnaires allemands de 1918 dont Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht ont été les porte-parole. Cette nouvelle publication, qui se veut hebdomadaire, porte en bandeau « Pour la culture révolutionnaire et l’action de masse », et le titre de l’éditorial du premier numéro est sans équivoque : « Pour la révolution socialiste ».

Pour René Lefeuvre, déjà engagé dans l’action syndicale et culturelle, le temps est en effet venu d’un militantisme plus directement politique. Choqué par les manifestations d’extrême-droite du 6 février 1934 et par la prise de position initiale du Parti communiste à cette occasion, il adhère à la SFIO comme d’autres contributeurs de Masses et se retrouve dans le courant de la Bataille socialiste, animé à l’époque par Jean Zyromski et Marceau Pivert.

En octobre 1935, Marceau Pivert et nombre de militants socialistes révolutionnaires se séparent de la Bataille socialiste pour créer leur propre courant à l’intérieur de la SFIO, la Gauche révolutionnaire. René Lefeuvre va prendre en charge la publication du bulletin du même nom, interne au parti. Dans l’été de 1936, brièvement, de nouveau sous le titre de Masses, il en publiera une version destinée au public.

Depuis plusieurs années, René ressent la nécessité de faire connaître certains textes, de traiter de certains sujets, dans un format plus approprié que celui d’une revue, surtout d’une revue de combat et d’actualité. C’est ainsi qu’il publie en octobre 1936 le premier des Cahiers Spartacus, qu’il souhaite mensuels : 16 fusillés à Moscou de Victor Serge, qui relate le premier grand procès-spectacle de Staline, celui qui aboutit à la liquidation de figures historiques du bolchevisme comme Zinoviev, Kamenev et Smirnov. Victor Serge, emprisonné et déporté en Sibérie, vient à peine d’être libéré par l’Union soviétique, après une campagne internationale de plusieurs années.

Ces premiers Cahiers Spartacus sont des brochures d’une soixantaine de pages, vendues 2 francs, soit à peu près le prix d’un kilo de pain à Paris en 1937. Si le numéro 2, paru en novembre 1936, rassemble, comme une revue, des articles sur différents sujets, liés à l’actualité (l’union sacrée, la révolution espagnole, la nature du régime soviétique), les suivants seront consacrés à un sujet unique, parfois brûlant : intervention ou non-intervention en Espagne, dans le n°3 ; dans le n°4, les interventions des dirigeants de la Gauche révolutionnaire au sujet des sanctions que réclame contre elle la direction de la SFIO qui la fera dissoudre : en mars 1937, la fédération et les Jeunesse socialistes de la Seine, dirigées par ses militants, avaient protesté publiquement après qu’à Clichy cinq manifestants ont été tués par la police qui protégeait un meeting de l’extrême-droite.
La Gauche révolutionnaire ne pouvant plus paraître sous ce titre, René Lefeuvre prendra alors en charge la publication des Cahiers rouges, nouveau périodique du courant.

Les Cahiers 6 et 7 seront consacrés à l’Espagne révolutionnaire : dans le premier, deux articles repris de Terre libre, la revue libertaire d’André et Dori Prudhommeaux, expliquent comment le peuple s’est armé contre l’insurrection franquiste, et ce que sont la CNT et la FAI. Dans le second, Marcel Ollivier rend compte des journées de mai 1937 à Barcelone, au cours desquelles la police politique stalinienne s’emparera de militants libertaires et du POUM [3] et fera disparaître nombre d’entre eux.

Il paraîtra ainsi en deux ans une quinzaine de ces Cahiers «  mensuels » ; mais en juin 1938, le Congrès de Royan de la SFIO ayant confirmé les sanctions prises contre la Gauche révolutionnaire, Marceau Pivert et ses camarades créent le Parti socialiste ouvrier et paysan (PSOP), et René prend en charge le secrétariat de rédaction de Juin 1936, l’organe du nouveau parti. Indépendamment, il fera renaître Masses en janvier 1939, pour trois numéros seulement.

Comme beaucoup de membres du PSOP, René Lefeuvre est condamné à une peine de prison dès juillet 1939 pour l’appel du parti à la résistance contre la guerre. Il n’en sera pas moins mobilisé et sera détenu en Allemagne pendant toute la guerre.

À la Libération, il retrouve certains de ses camarades à la SFIO et travaillera pendant un temps au secrétariat de rédaction du Populaire, ainsi qu’aux Éditions de la Liberté. Ceci lui permet dès janvier 1946 de relancer Masses, pour la quatrième fois, avec pour sous-titre « Socialisme et liberté » : car l’un des grands enjeux de la période, c’est de résister à l’emprise du stalinisme sur le mouvement ouvrier et sa vie intellectuelle. Parallèlement, il reprend la publication des Cahiers Spartacus, dont le catalogue va s’accroître sensiblement dans les deux années suivantes. Aux brochures, dont les textes peuvent être repris de celles d’avant-guerre, des classiques du socialisme ou traités de questions d’actualité, s’ajoutent de véritables petits livres au format un peu plus important, au premier rang desquels Réforme ou révolution ? et Grève générale, parti et syndicats de Rosa Luxemburg. Complétant la publication en brochures de La révolution russe (en janvier 1937) et, (sous le titre Marxisme contre dictature), de ses Questions d’organisation de la social-démocratie russe, ces textes de Rosa Luxemburg, devenus introuvables, rappelaient que le socialisme avait dû faire face depuis bien longtemps à son usurpation par ceux qui prétendaient en être l’expression, à la place et au dessus de la masse de ses partisans : par les réformistes qui les avaient conduits au désastre en 1914 et de nouveau dans les années 1930 ; et par les léninistes qui, refusant la démocratie ouvrière, avaient eux aussi ouvert la voie à la contre-révolution.

Autre exemple : en juillet 1949, quelques mois avant que David Rousset ne reprenne ce sujet dans Le Figaro, les Cahiers Spartacus publient sous le titre L’U.R.S.S. concentrationnaire [4] un ensemble de documents rassemblés par Guy Vinatrel sur la déportation de masse et le travail forcé en Union soviétique.

Des livres, les Cahiers Spartacus en publieront d’autres en coédition, au début des années 1950, comme par exemple une biographie de Francisco Ferrer par sa fille Sol ou le Blanqui calomnié de Maurice Dommanget. C’est un autre livre de Maurice Dommanget, sur la vie et l’œuvre de Sylvain Maréchal, paru en 1950, qui reste, avec ses cinq cents pages, l’ouvrage le plus volumineux jamais publié par les Cahiers Spartacus. Malgré une subvention du CNRS, la ponction sur les ressources de René fut considérable ! Car, comme c’était le cas depuis le premier Masses, et comme cela le restera, René ne vivait pas de ses éditions : c’était elles qui vivaient de lui.

Dans un climat de stalinisme dominant, et avec l’évanouissement de l’espoir éphémère de rénovation de la SFIO né avec l’arrivée de Guy Mollet au secrétariat général du parti, les lecteurs des Cahiers se font plus rares. Pendant deux ans, René Lefeuvre dirige encore Informations et ripostes, un bimensuel fournissant les militants socialistes en arguments antistaliniens. Et puis la politique algérienne de la SFIO le décide, comme bien d’autres socialistes, à quitter définitivement ce parti.

Les Cahiers Spartacus ne paraîtront donc plus jusqu’en 1969. René en a conservé les stocks, mais il n’a plus de canal de diffusion. Dans les années qui précèdent Mai 1968, un groupe de jeunes militants, soucieux de revivifier l’héritage du marxisme révolutionnaire étouffé par le réformisme et le marxisme-léninisme, prend contact avec lui et l’aide à remettre les Cahiers en circulation. Après Mai, l’intérêt pour les révolutions passées, pour la pensée socialiste, l’enthousiasme qui renaît autant chez de vieux compagnons que chez de jeunes sympathisants amènent René à reprendre l’édition des Cahiers Spartacus, dont le catalogue va s’accroître de façon considérable dans les dix années suivantes. Si c’est sa vieille amie Ida Mett, dont il avait publié La commune de Cronstadt en 1949, qui lui fournit le texte du premier Cahier de 1969, [5] des individualités nouvelles et de petits groupes vont venir entourer René et garnir avec lui la panoplie proposée aux lecteurs, dans un même esprit de critique de l’ordre établi et de l’orthodoxie marxiste-léniniste.

De nouveau, les Cahiers offriront des commentaires critiques sur l’actualité, celle de la révolution culturelle en Chine, des révoltes ouvrières en Pologne ou du changement de régime au Portugal. Des textes d’auteurs libertaires ou des communistes dits « de conseil » viendront enrichir le catalogue. En tout, les Cahiers Spartacus publieront soixante titres nouveaux dans les années 1970.

En outre, René reprendra à des éditeurs amis des titres en fin de carrière, pour en faire bénéficier les abonnés. Car René a conservé les modes de diffusion de la presse, par les messageries et l’abonnement, ce qui l’oblige à conserver un rythme élevé de parution pour justifier du statut de périodique des Cahiers. Le réseau des messageries est beaucoup plus étoffé que celui des libraires qui accueilleraient les Cahiers, et il assure donc une diffusion plus large. Revers de la médaille : pour alimenter un grand nombre de kiosques, les tirages doivent être plus importants, et les retours, nécessairement nombreux, sont traités sans ménagement puisque le sort commun de la presse invendue est d’aller au pilon.

L’afflux des collaborations, le rythme des parutions, conduisent René à renouer avec son mode premier d’expression, la revue. Ainsi renaît Spartacus, sous-titrée de nouveau « Socialisme et liberté », dont 15 numéros paraîtront entre 1974 et 1979. La faiblesse de sa diffusion, combinée au coût des tirages excessifs des Cahiers, viendront cette fois encore à bout des ressources de René, qui devra donc l’arrêter. C’est à cette époque, préoccupé de l’avenir de ses éditions, qu’il crée une association, les Amis de Spartacus, qui prendront officiellement la responsabilité des Cahiers, qu’il continuera à animer jusqu’à sa mort à 86 ans, en 1988.

On conçoit bien que ce travail d’édition bénévole, dont René Lefeuvre a assuré la continuité pendant cinquante ans, n’aurait pas été possible sans sa formidable capacité à attirer les collaborations, que ce soit pour un travail ponctuel ou pour des années.

Après sa disparition, il était naturel que des voix inquiètes expriment des doutes sur la capacité des membres de l’association, ses héritiers, à poursuivre son travail dans le même esprit. Mais ce qui les avait rassemblés durablement autour de lui, ce n’avait pas été la volonté de mettre en avant telle ou telle thèse, tel ou tel point de vue. Ils partageaient avec lui cette double approche des luttes pour la transformation de la société : de les analyser, ainsi que leur contexte, de la façon la plus lucide possible, en faisant usage de façon appropriée de la méthode de Marx ; de rechercher les tendances et les facteurs qui favorisent la réalisation de ce but éminemment libertaire qui nous réunit tous : que l’émancipation des travailleurs soit l’œuvre des travailleurs eux-mêmes.

Depuis, les Amis de Spartacus continuent à enrichir le catalogue des Cahiers, y faisant entrer des titres entièrement nouveaux ou des textes oubliés ou épuisés depuis longtemps.

Heureusement, d’autres éditeurs contribuent aussi à la réflexion de ceux qui cherchent dans les luttes passées des outils pour les combats présents et futurs. La course aveugle et chaotique du capitalisme bouleverse sans cesse les conditions de ces combats, et tant qu’il en sera ainsi, nous saurons comment accroître notre catalogue.

On a reproché aux Cahiers Spartacus leur éclectisme. Pour le myope, celui qui juge le catalogue du point de vue de telle ou telle obédience doctrinale, il peut en être ainsi. Mais celui qui le regarde dans son ensemble, qui se place du point de vue de « ceux d’en face », comprend bien que le combat pour l’émancipation humaine ne peut se priver des leçons d’aucune expérience, d’aucun apport critique. La liste des auteurs figurant au catalogue est parlante : beaucoup d’entre eux ont connu l’exil, la prison ou la mort pour leur engagement dans ce combat. Ceux qui, à un moment ou à un autre, ont contribué à enrichir ce catalogue, à le diffuser, ont tous fait leur cette maxime de Condorcet : « La vérité appartient à ceux qui la cherchent et non à ceux qui prétendent la détenir ». Tant que des lecteurs en seront persuadés, les Cahiers Spartacus pourront continuer. »

Les Amis de Spartacus, avril 2006