Chroniques rebelles
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La République impériale. Politique et racisme d’État d’Olivier Le Cour Grandmaison (Fayard)
Samedi 7 mars 2009
Article mis en ligne le 7 mars 2009

par CP

« Il faut l’activité guerrière ; il faut se répandre dans le monde. […] Voilà comment on peut devenir un grand peuple ! » Il s’est donc agi pour la République française de la fin du XIXe siècle de « multiplier les conquêtes pour bâtir un empire comparable à ceux des Pays-Bas et de la Grande-Bretagne ».

Autrement dit, de choisir « la guerre comme moyen, l’expansion comme but, et des conceptions racistes du genre humain » pour légitimer des visées impérialistes et la colonisation, bien évidemment au service de la civilisation occidentale.

« Entre 1871 et 1913, les colonies sont passées de moins d’un million de kilomètres carrés à treize millions environ. Quant aux populations “indigènes”, elles ont progressé de sept à plus de quarante-huit millions pour atteindre soixante-dix millions en 1938. »

Olivier Le Cour Grandmaison, La République impériale. Politique et racisme d’État.  [1]

Même si cette politique d’expansion coloniale au nom de la grandeur de la France est jugée — notamment par certains parlementaires — contraire aux principes républicains et « attentatoire aux droits des “indigènes ” » — qui sont « soumis à un ordre colonial discriminatoire, raciste et despotique » —, en 1936, le gouvernement du Front populaire ne remet pas en cause le « principe même de la domination de la métropole sur les territoires d’outre-mer ». Il ne sera alors question que de « réformer le statut de certains colonisés ».

De cette « culture » impériale de la brutalité et du mépris des « sauvages » et des « barbares », que reste-t-il aujourd’hui ? Quelles en sont les conséquences ? Et ne demeure-t-il pas des traces indélébiles au niveau des mentalités ?
Dans les medias, par exemple, la différence de traitement des générations issues de l’immigration est assez significative. Les enfants d’immigrés d’Afrique du Nord ne sont pas considérés comme ceux des immigrés européens. L’allusion aux origines pour les premiers est une indication du racisme latent construit durant le XIXe siècle. Les mentalités n’ont guère évolué.

La « conception hiérarchisée du genre humain » perdure. Les phrases types comme « on ne peut compter sur le Noir car il n’a ni “sens des responsabilités”, ni “ambition” », ne sont pas bannies du langage. L’expression « parler petit nègre » est encore utilisée. Lors de la grève récente, en Guadeloupe, il a été question de « casser du nègre » pour « rétablir l’ordre ». Des théories tout aussi aberrantes que la taille des « cerveaux africains » qui serait plus petite que celle des Blancs sont encore présentes pour justifier ou sous-entendre des discriminations ! Il ne manque plus à ce florilège d’inepties qu’une image toujours colportée : en Afrique, ils et elles ont le rythme dans la peau !

En 1956, on pouvait lire cette affirmation se voulant objective et « scientifique » : « Les 208 000 Nord-Africains qui […] vivent chez nous ne s’assimilent nullement […] et seraient un élément très dangereux le jour où un mouvement révolutionnaire se produirait en France. » On comprend mieux alors pourquoi les phénomènes économiques, sociaux et politiques sont passés à travers le filtre de l’ethnicité « qui fait tant de ravages ». De même, «  la mobilisation presque systématique de l’Islam prétendument explicatif des difficultés d’intégration [a] de nombreux antécédents que l’on découvre dans le passé colonial de la France et dans les représentations forgées par des spécialistes éminents des questions migratoires au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. »

« Sous des formes diverses et souvent théorisées, [les conceptions racistes continuent] à prospérer et à produire des effets politiques, juridiques et sociaux. » D’où l’importance de cette étude de la politique et du racisme d’État que nous livre Olivier Le Cour Grandmaison, qui suit un autre ouvrage tout aussi essentiel, Coloniser. Exterminer. Sur la guerre et l’État colonial.

« Aujourd’hui, les apologistes de l’empire sont beaucoup plus nombreux qu’hier » et les discours remettent au goût du jour « l’honneur du drapeau » et la « mission civilisatrice » de la colonisation. Alors, à l’hymne national qui souhaite « qu’un sang impur abreuve nos sillons », préférons « L’État comprime et la Loi triche […] Il n’est pas de sauveurs suprêmes
. Ni Dieu, ni César, ni Tribun ». Et certainement pas d’homme /ou de femme providentiel-le !