Chroniques rebelles
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Samedi 27 janvier 2007
"Espagne 1936, état des lieux" et "Pour le bien de la révolution"
La révolution espagnole

"Espagne 1936, état des lieux" dans À Contre temps (Bulletin de critique bibliographique) et
Pour le bien de la révolution d’Albert Minnig et Edi Gmür
Avec Freddy Gomez
et
Pour le bien de la révolution
D’Albert Minnig et Edi Gmür
Avec Freddy Gomez et Thierry Poré

Article mis en ligne le 18 décembre 2007
dernière modification le 21 décembre 2007

par CP

2 septembre 1936. À la gare de Port-Bou, « de grandes banderoles rouges et noires de la CNT et de la FAI décorent les quais, wagons ou locomotives. Tout de suite on comprend que les organisations ouvrières ont pris en main l’exploitation des chemins de fer qui étaient, avant la révolte du 19 juillet, propriété d’entreprises privées et dont les actionnaires ont fui avec le traître Franco. On traverse plusieurs villages et sur la route qui longe la voie ferrée on voit des barricades, témoins des luttes récentes. Les paysans nous saluent en chantant l’Internationale et des hymnes révolutionnaires. Plus on approche de la capitale de la Catalogne, plus on remarque de mouvement. Enfin nous voilà aux premières maisons et, jusqu’à la gare, les passants nous saluent et crient de joie. Aux fenêtres des maisons, les femmes agitent des drapeaux rouges et noirs ». Albert Minnig, Cahier d’un milicien suisse dans les rangs de la CNT-FAI.

Albert Minnig a tenu un journal pendant la révolution et la guerre d’Espagne. Ce texte et celui d’Edi Gmür, Journal d’Espagne, sont aujourd’hui republiés par le CIRA de Lausanne sous le titre : Pour le bien de la révolution.

Ces deux témoignages nous permettent de saisir ce qui se passait sur le terrain, les enjeux qui ont fait que la « guerre a dévoré la révolution ». Les deux hommes relatent le moment exceptionnel, vécu et partagé par une population et par des hommes et des femmes venus d’ailleurs se battre… Pour le bien de la révolution.

Ces internationaux venus en Espagne d’un peu partout pour rejoindre la colonne Durruti, qui étaient-ils ?
Des insoumis, des pacifistes, des réfractaires, des révolté-e-s, des militants et des militantes portés par un désir de changement pendant ces fulgurants quelques mois qui ont suivi juillet 1936. Encore une preuve que l’utopie est possible et que le rêve actif peut renverser des siècles d’oppression.

1936 a libéré des énergies pour des remises en question aujourd’hui encore aussi fortes et ancrées dans la réalité. Par exemple l’idée du mariage : « Je suis contre toutes les prostitutions, même celles qui sont légalisées par le maire et bénies par le curé. […] Le mâle a imposé la loi du plus fort et a fait de la femme un bibelot, une servante ou une bête de somme. […] Je réclame pour la moitié du genre humain le droit à la liberté de l’amour, à la libre maternité. » Ou encore la lutte armée : « Camarades, nous sommes venus de tous les pays du monde nous battre pour une cause juste et humaine. Nous nous battons, mais nous n’assassinons pas. Je ne veux pas que l’on puisse, demain, dire que le Groupe international […] était une unité de bourreaux. »
À bas les institutions, l’État et les religions outils du maintien de l’ordre et du capitalisme ! 1936…

La révolution espagnole est certainement l’une des expériences révolutionnaires les plus importantes du XXe siècle ; et la réflexion qu’elle génère sur le pouvoir est essentielle, notamment à travers les témoignages de ceux et celles qui ont vécu cette révolution.

Mais qu’en était-il de cette mémoire après quarante ans de répression et de chape de plomb franquiste ? Qu’a représenté la « transition démocratique » dans un pays étouffé par quarante années de dictature ? Quel a été le rôle de l’histoire officielle dans la mémoire collective ? Après la mort de Franco, l’amnésie orchestrée a-t-elle permis l’oubli de ceux et celles qui avaient souffert de la dictature franquiste ?

Autant de victimes dans les poubelles de l’histoire officielle au nom d’un oubli rédempteur pour les uns, garant de la paix sociale pour les autres, mais surtout parce qu’il fallait appliquer les règles libérales du marché. Et oublier toute velléité de partage, de solidarité, de reconnaissance du passé révolutionnaire et des utopies mises en pratique.

La crainte du « chaos », agitée par les chantres de l’amnésie, était celle de voir une population écrasée depuis quarante ans se souvenir de l’utopie révolutionnaire. Il fallait donc mettre en place, comme l’écrit José Manuel Naredo, un « despotisme rénové par le simulacre électoral ».
Et aujourd’hui, plus de soixante-dix ans après, que reste-t-il de cette mémoire enfouie, de 1936 ?

« Espagne 36, état des lieux » titre de À Contretemps pour son 25ème numéro dans lequel Freddy Gomez revient justement sur la mémoire, sur la guerre civile et « les soubresauts d’une histoire sans fin » et «  l’explosion mémorielle » qui s’y attache.

CP