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Hakanion Le Chantier / The Mall. Documentaire de Yonathan Ben Efrat
Cinéma du réel (2007). Entretien avec Yonathan Ben Efrat et Nir Nader
Article mis en ligne le 23 septembre 2009
dernière modification le 28 mars 2010

par CP

Hakanion de Yonathan Ben Efrat, 12 mn 55, Israël, production Video 48.
WHO Office (World Health Organization). Production : Nir Nader assisté de Mahfouz Abu Turk. Repérages : Yonathan et Asma Agbarieh. Son : Yisrael David. Montage : Sari Ezuz et Sharon Horodi.

Le 29e festival du cinéma du réel a présenté au centre Pompidou, en mars dernier, un documentaire remarquable sur les conditions de vie de travailleurs illégaux palestiniens. Ce court documentaire, réalisé par Yonathan Ben Efrat, est une enquête sur le terrain de la situation de personnes travaillant à Tel-Aviv, sans permis, et dans l’impossibilité de regagner leur domicile en Cisjordanie à la fin de la journée. Ils vivent ainsi toute la semaine dans un chantier abandonné, à proximité d’un échangeur périphérique.

Avant 1993, plus de 100 000 Palestiniens des territoires occupés venaient en Israël pour travailler et gagner leur vie. Depuis les accords d’Oslo, Israël a imposé une politique de fermeture des territoires palestiniens, obligeant les travailleurs palestiniens à être des clandestins et à entrer illégalement en Israël. Le mur de séparation a encore augmenté les difficultés économiques dans les territoires occupés et de nombreux Palestiniens n’ont pas d’autre choix que de venir travailler en Israël.

Ce documentaire a été filmé dans un chantier de supermarché, près de Tel-Aviv.

Sous une autoroute, près de dépôts d’ordure, un trou dans le sol en guise d’entrée. C’est un chantier abandonné, sans eau ni électricité ni aucune aération, où se réfugient plusieurs centaines de Palestiniens clandestins... Les rafles de police et les expulsions ne les empêchent pas de revenir. D’ailleurs ont-ils le choix ?

Dans cet univers de béton et de boue, ils tentent de conserver une dignité. « Quand je suis arrivé ici la première fois, c’était l’enfer. Je ne pouvais pas dormir. L’odeur était insupportable et les moustiques pullulaient. C’était un cauchemar. Au bout d’une semaine, je me suis habitué et j’ai pu dormir. »

Deuxième sous-sol, du béton, de l’eau croupie, des tiges de fer qui sortent des sols en béton armé. « Quand je grimpe à l’air libre, le matin, j’ai l’impression de sortir de la tombe. Je ne peux pas respirer ici. Mais que puis-je faire ? Il faut bien vivre. »

Sur le bord de la route, les travailleurs attendent d’éventuelles embauches, souvent un travail de journalier dans la construction. Les camionnettes s’arrêtent, on négocie et c’est l’embauche. La police s’arrête aussi et le flic prévient : « si je te trouve ici ce soir, je prends le téléphone et toi avec.  »

Retour à l’autoroute. « Jusqu’à il y a quatre ans, nous pouvions venir en Israël et rentrer chez nous le soir. Depuis qu’ils construisent le mur de séparation, ce n’est plus possible. Pour un travailleur sans permis, il est impossible de rentrer le soir à son domicile. »
Le soir, les sous-sols sont inondés. « Quand je quitte la maison, je suis comme un soldat qui part au combat. Il n’y a pas de retour possible, impossible de rebrousser chemin et de revenir désespéré. »

Les hommes nettoient, cherchent un matelas en mousse, une paillasse, s’aménagent un coin de fortune dans le noir et l’air confiné. « À la lumière du jour, on peut voir devant soi, ici absolument rien ! Ici, c’est bloqué. Il n’y a rien à faire, seulement penser, c’est l’obscurité.  »
Une passerelle improvisée entre des carcasses de béton pour atteindre une sorte de petite pièce. Un poster de Julianne Moore au mur. Deux hommes se saluent. Le plus âgé, Abu Naji, raconte : « Nous avons quitté la maison avant midi, nous faufilant par les villages : Hawara, Akraba, Za’atra et Beita. La route est longue. » Un portable sonne, il répond : « Allo. Oui Sima... Je suis bien arrivé... demain, à 8 heures, je serai chez vous... Je suis à Pardes-Katz... Oui, ne craignez rien, j’ai un permis de travail... Je suis jordanien, vous savez bien. Allez, bonne nuit.  » Abu Naji a répondu à une femme, une Israélienne qui l’emploie, et a menti, bien sûr. Son compagnon, Jalal, ironise « vous avez entendu ? Il a dit qu’il dort à Pardes-Katz ! Il ne lui a pas dit : je dors sur un chantier avec quatre cent cinquante autres travailleurs.  » Abu Naji explique : « Ils ne savent rien. Nous sommes obligés de mentir pour survivre. Si les patrons me demandent si j’ai un permis de travail et que je dis la vérité, c’est-à-dire que je n’en ai pas, je ne travaille pas. »

Le matin. Le réveil et le départ. Un garçon de 16 ans témoigne devant la caméra : « Je ne peux pas rentrer chez moi sans trouver du travail. Même s’ils m’expulsent cent fois, je reviendrai. Jamais je n’ai imaginé vivre dans un endroit pareil. À mon âge, je devrais être à l’école. Mais je dois venir ici et trouver du travail, sinon il y a des problèmes à la maison. »

Abu Naji : « Je vais vous avouer quelque chose, j’arrive ici le samedi soir et je reste jusqu’au jeudi soir. Quand je suis chez moi, le vendredi, cet endroit me manque. C’est presque plus qu’un foyer pour moi. C’est le moyen d’existence de toute ma famille. » Jalal ébauche un sourire, dubitatif.

Un peu plus loin, un jeune homme remarque : « Je regarde les travailleurs ici et quand je vois un homme de 50 ans poser son assiette sur le sol pour manger, cela me fait mal et j’ai pitié. Je me demande si cela sera pareil pour moi à 50 ans. Est-ce que je serai dans la même situation, obligé de venir chercher du travail ici ? La vie sera-t-elle la même : venir pour une journée de travail, manger et vivre dans les ordures ? Quand je vois des travailleurs âgés, je suis totalement bouleversé. »

Retour dans la pièce improvisée avec le poster. Jalal déclare : « Tout aura une fin. Cet endroit ne nous appartient pas. Ce n’est pas notre pays. » Abu Naji reprend : « Si la situation politique reste au même point, ce sera la même chose, ici ou ailleurs. Cela recommencera de la même manière. » Jalal affirme : « Laissez-moi vous dire que jamais je ne laisserai mes enfants venir ici et vivre la même chose que moi. Je vendrai plutôt mon sang, mes organes pour qu’ils n’aient pas à vivre cette situation. » Abu Naji : « J’en doute. Ton père dort ici, non ? Un père, c’est ce qu’il y a de plus important pour moi. Personne ne remplace un père. » Jalal rétorque : « Demande à mon père ce qu’il pense du fait que son fils dort ici, en bas. S’il le pouvait, il resterait en me renvoyant à la maison. Je ne dors pas avec lui, en haut, parce que je ne supporte pas de le voir dormir sur un carton. Je dors ici, en bas, et mon père est en haut. Je ne peux pas rester près de lui. »

Beaucoup dorment à l’extérieur, à même le sol, sur des cartons. Un homme répond au téléphone, se voulant rassurant : « Je dors à mon travail ma chérie.  » Un autre mensonge... Mais que dire de cette réalité ? Que dire de l’endroit insalubre et dangereux où ils se réfugient à la nuit tombée ? La maison, la famille est proche en termes de distance, mais il y a tous les contrôles de police, les check points, les blocages, le mur, l’occupation... Une sirène de police retentit et les regards se font anxieux.
Ce film est dédié aux travailleurs du chantier qui luttent pour leur droit de vivre.

Christiane Passevant : Comment as-tu eu connaissance de cet endroit et rencontré les Palestiniens qui ont accepté de témoigner à visage ouvert ?

Yonathan Ben Efrat : Nous avons décidé de tourner ce sujet après avoir appris que la WHO (World Health Organization) faisait des films sur la santé. Nous connaissions déjà le lieu par un article écrit sur les travailleurs palestiniens illégaux, l’un d’eux avait été arrêté et tué à un checkpoint ; torturé et tué. Je suis donc allé au chantier pour enquêter dans le but de faire un article. J’ai rencontré des Palestiniens clandestins qui m’ont montré l’endroit et leurs conditions de vie. Ensuite, nous avons très vite pensé faire un film sur ces clandestins, sur leurs conditions de vie et les raisons psychologiques et économiques qui les poussent à venir en Israël malgré les risques, une situation précaire et des conditions inacceptables.

Christiane Passevant : Sur le générique de fin, j’ai lu le nom d’Asma Agbarieh  [1] . Quel est son rôle dans la réalisation du film ?

Yonathan Ben Efrat : Elle était présente quand j’ai commencé mon enquête. J’avais besoin d’elle pour prendre contact avec les clandestins palestiniens. Elle m’a beaucoup aidé.

Nir Nader : Ces ouvriers vivent dans les sous-sols de Tel-Aviv et leurs rapports avec les Israéliens - entre Arabes et juifs - se réduit au fait que ces derniers sont d’éventuels employeurs. Nous avions besoin d’Asma pour établir un autre rapport et gagner leur confiance. Asma est l’une de ces militantes qui défend les Palestiniens et les Palestiniennes, elle écrit dans Challenge [2] et est arabe, Palestinienne israélienne. Elle connaît les codes, pas seulement la langue, mais aussi les coutumes et les attitudes à adopter dans un premier temps.

Yonathan Ben Efrat : Quand nous avons rencontrés les clandestins, certains vivaient là depuis deux ou trois ans. Pour eux, l’endroit n’était pas connu du public et quand nous avons débarqué, Asma et moi, cela leur a paru étrange et même suspect. Pourquoi ce type de Tel-Aviv pose des questions sur ce clandestin de Jenine qui avait été tué à un checkpoint ? Pourquoi se préoccupe-t-il de notre vie et des conditions dans lesquelles nous sommes ici ? Nous avons parlé d’abord de notre travail au sein de WAC [3] qui défend les droits des ouvriers palestiniens de l’intérieur d’Israël, et également de Cisjordanie. C’est pourquoi il était important qu’Asma soit présente, pour les aider également d’un point de vue légal. La plupart d’entre eux ont parfois des difficultés à se faire payer par les employeurs. Elle est venue au début, puis lorsque le projet de film s’est concrétisé, j’ai travaillé seul avec eux.

Christiane Passevant : Au début du film, on a l’impression de descendre dans un trou. C’est le chantier d’un parking de supermarché ?

Yonathan Ben Efrat : C’est le parking sur six étages en sous-sol sur lequel devait se construire un complexe commercial, avec supermarchés, boutiques, mais en raison de la situation économique, la construction s’est arrêtée au niveau du chantier du parking. Les gens vivent jusqu’au niveau du quatrième et du cinquième étage. Pas en dessous.

Nir Nader : il est quasiment impossible de respirer au niveau du quatrième et du cinquième sous-sol. À propos du nom, Hakanion/the Mall, les travailleurs connaissent l’endroit par la rumeur. C’est supposé être un centre commercial, alors ils lui donnent ce nom : Hakanion. C’est ironique.

Yonathan Ben Efrat : Ils parlent de l’endroit comme d’un lieu de contact, de rencontre : Hakanion. Nous leur avons emprunté le nom pour le titre du film.

Nir Nader : Dans la scène où Abu Naji converse en hébreu, au téléphone avec son employeure, et qu’elle évoque son permis, il ment. Ensuite Jalal rit et s’adresse à Yonathan : « tu as entendu, il parle de Pardes-Katz ». C’est un quartier populaire de Tel-Aviv mais pas le trou où il dort.

Christiane Passevant : Il précise « il ne dit pas qu’il vit avec 450 Palestiniens à Hakanion ! » Il y a vraiment jusqu’à 450 personnes qui dorment là ?

Yonathan Ben Efrat : L’été, il y a entre 300 et 400 personnes. Pendant l’hiver, moins car il est encore plus difficile d’y demeurer.

Christiane Passevant : Dans le film, des personnes dorment aussi dehors ?

Yonathan Ben Efrat : C’est le toit des six sous-sols.

Nir Nader : Ce sont les fondations du chantier. Cela ressemble à un cimetière.

Christiane Passevant : C’est ce que dit l’un des clandestins. « Le matin, j’ai l’impression de sortir de ma tombe. » Pourquoi Abu Naji et Jalal ont-ils mis un poster de Julianne Moore sur le mur ?

Yonathan Ben Efrat : Je ne sais pas s’ils connaissent Julianne Moore. Mais Abu Naji et Jalal sont les seules personnes, ou presque, à avoir aménagé un coin, comme une pièce à eux, avec des lits, des draps, de la lumière, un décor. Ils en prennent soin. La plupart ne sont pas organisés à ce point ou bien sont de passage, comme ceux qui dorment sur le toit, couchés sur des cartons. Nous avons été surpris par la découverte de leur pièce.

Christiane Passevant : Jalal ne dort pas avec son père. Il a pitié de lui. Tu as rencontré son père ?

Yonathan Ben Efrat : Oui, mais les gens se groupent aussi selon les âges, les affinités. Le père est plutôt de passage, il reste quelques jours, selon les opportunités d’emploi, pas autant que Jalal.

Christiane Passevant : Le jeune garçon qui regrette ne pas être en classe, quel âge a-t-il ?

Yonathan Ben Efrat : 16 ans.

Christiane Passevant : Abu Naji dit qu’il est passé par des villages. Comment les Palestiniens peuvent-il passer en Israël malgré le mur, les barrières, les checkpoints ?

Yonathan Ben Efrat : Avant d’arriver au mur, il faut éviter tous les barrages, les contrôles, c’est pourquoi ils passent par des villages. Ensuite, ils se débrouillent pour se faufiler par un endroit où le mur n’est pas complètement terminé et arriver à Jérusalem. C’est le moyen d’entrer en Israël. Quand le mur sera terminé, ce sera difficile de pénétrer en Israël.

Christiane Passevant : Les autorités donnent-elles une date pour la fin de la construction du mur de séparation ?

Yonathan Ben Efrat : Je l’ignore. Je pense que le mur n’est pas le problème pour les Palestiniens, mais le symbole du problème. Je crois que le principal problème, c’est le chômage. Le chômage, la corruption et un gouvernement qui ne se soucie pas des travailleurs. C’est aussi ce que ressentent ces ouvriers. Personne, dans l’Autorité palestinienne, ne paraît se soucier d’eux. La situation serait différente sinon.

Nir Nader : Il y a l’occupation, le mur et, par-dessus tout cela, une situation de laissés-pour-compte. Cela double encore les difficultés de la vie quotidienne.

Yonathan Ben Efrat : Les autorités palestiniennes sont dans une situation de dépendance et sont obligées de mendier pour obtenir des moyens et de l’argent, de la part des Nations unies, des Etats-Unis ou des pays arabes. L’ouvrier moyen palestinien voit tout cela. L’économie palestinienne est basée sur la charité mais cet l’argent va aux travailleurs des administrations. Les ouvriers palestiniens n’ont pas de travail dans les territoires occupés. Je parle de 50 000 ouvriers clandestins qui travaillent chaque année en Israël. Et une large part de l’économie est basée sur ceux-ci.

Christiane Passevant : Hakanion est un court métrage documentaire. Penses-tu réaliser un long métrage sur cette question des travailleurs palestiniens illégaux en israël ? Ou bien élargir le sujet au chômage en général ?

Yonathan Ben Efrat : Nous voulons continuer à explorer ce problème. Toutes les personnes qui ont vu le film veulent en savoir plus. Nous voulons approfondir le sujet, voir les conséquences à termes. Nous ne voulons rester sur une fin sans ouverture. Hakanion est un peu comme une manière de poser le problème, de faire un constat, la réflexion doit suivre. Nous travaillons sur le projet. Pour nous, il manque un aspect essentiel du récit, en dépit des témoignages : c’est la vie des personnages. Qui sont-ils ? Comment vivent-ils chez eux ? Nous voulons les suivre dans leur travail, leur famille, leur environnement, leur quotidien, leur ville ou village pour les montrer en tant qu’êtres humains. Ce qui est frappant à Hakanion, c’est que malgré les difficultés, les conditions sommaires et insupportables, ils ont la force de rester des êtres humains dignes.

Christiane Passevant : Abu Naji dit quelque chose de troublant dans le film, il fait allusion à Hakanion qui lui manque quand il est chez lui, l’endroit est important parce que c’est son moyen d’existence pour lui et sa famille. Il a également une analyse intéressante de la situation politique. Vivre en Cisjordanie sous occupation, travailler illégalement en Israël et regretter Hakanion une fois chez lui, n’est-ce pas là une contradiction ?

Nir Nader : La situation entière est une contradiction. Si sa maison est « normale » en Cisjordanie, rien n’est vraiment normal dans l’environnement. Il y a le chaos, le danger, le manque de nourriture, d’argent, la misère, les gens qui restent chez eux... Il s’échappe d’un endroit à l’autre.

Yonathan Ben Efrat : La première chose que nous avons filmée après la fin du film, c’est le jeune qui ne dort pas près de son père. Nous l’avons suivi et filmé les élections palestiniennes à Naplouse. Il est originaire d’un village près de Naplouse. Voilà une autre contradiction, il vote pour une démocratie et retourne dormir dans un chantier et travailler illégalement en Israël. L’Autorité palestinienne ne peut rien pour sa situation qui n’est pas une exception. Il n’y a pas d’espoir d’amélioration pour trouver un travail en Cisjordanie.

Christiane Passevant : Pour donner une idée des distances dans la région : s’il n’y avait pas de mur, pas de checkpoint, combien de temps lui faudrait-il pour aller de Naplouse à son lieu de travail actuel, près de Tel-Aviv ?

Yonathan Ben Efrat : Environ quarante minutes. Avec les checkpoints, cela peut prendre trois heures, plus peut-être.

Christiane Passevant : Donc impossible de rentrer chez lui le soir.

Yonathan Ben Efrat : C’est impossible et surtout très onéreux.

Christiane Passevant : Si tu réalises un prochain documentaire dans un format classique, de 55 ou 60 minutes, peut-il être diffusé à la télévision israélienne ?

Yonathan Ben Efrat : C’est possible. Je crois que c’est très ouvert du côté audiovisuel, artistique. Des films sont faits sur les clandestins. En Israël, d’un côté c’est très ouvert, mais de l’autre rien n’est fait pour corriger une situation inacceptable. En filmant une situation, en la montrant dans toute sa réalité, à travers des cas, d’un point de vue critique, c’est aussi une manière de dédouaner sa responsabilité, de se donner bonne conscience. Cela n’a aucun rôle politique au-delà de la dimension et du choix artistiques. C’est sans doute la différence entre notre groupe, Vidéo 48, et les autres réalisateurs et producteurs de films. Notre volonté est de combiner notre vision politique, nos valeurs, nos actions militantes avec l’art, le cinéma ou toute autre forme d’expression. La solution politique est une possibilité de changer vraiment les choses.

Christiane Passevant : En réalisant des documentaires de ce type, cela peut aider à faire évoluer une situation qui paraît ici désespérée ?

Yonathan Ben Efrat : En partie. C’est peut-être un pas, mais ce n’est pas le seul. Et c’est cela l’essentiel : ce n’est pas le seul pas. L’important est de construire un mouvement avec les ouvriers, les groupes alternatifs, les individus, pour initier un changement...

Nir Nader : ...Créer un mouvement. Les réalisateurs font en général du bon travail et il est possible de trouver des institutions, des productions, des fonds pour soutenir des projets qui s’inscrivent dans une perspective alternative. Ce n’est pas toujours pour se donner bonne conscience, c’est souvent sincère. Mais ils font partie du système et sont limités, malgré eux. Si le premier pas est fait, il s’agit maintenant de ne pas se contenter des constats et se borner seulement à dénoncer les problèmes, il faut créer un grand mouvement alternatif.

Cet entretien a eu lieu le 13 mars 2006, à Paris. Traduction, transcription et notes de Christiane Passevant. Il a été publié une première fois en ligne dans Divergences.be, en mai 2007.

Hakanion de Yonathan Ben Efrat, 12 mn 55, Israël, production Video 48.
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