Chroniques rebelles
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Utopies américaines [états-uniennes]. Expériences libertaires aux États-Unis de Ronald Creagh (Agone)/Les éditions LUX
Avec Ronald Creagh, Mark Fortier et Ève Delmas/Samedi 14 novembre 2009
Article mis en ligne le 15 novembre 2009

par CP

«  Il y a manifestement une tradition communautaire aux États-Unis qui a pris des formes extrêmement variées. Les communautés libertaires étaient minoritaires et le sont encore. Il ne faut pas se faire d’illusions. Il y a des communautés libertaires en France et partout dans le monde. »

Qu’est-ce que l’utopie ? «  L’utopie est à la vie ce que l’hypothèse est à la science. » Cette citation de Gaston Bachelard, en tête du prologue sur les utopies états-uniennes de Ronald Creagh, est-elle une définition large de l’utopie et s’applique-t-elle aux Expériences libertaires aux Etats-Unis ? On ne peut que se poser la question, qui en entraîne d’ailleurs bien d’autres sur les motifs, les mobiles et les enjeux de la création de communautés libertaires.

L’utopie — projet de vie meilleure, plus libre et égalitaire, qui, selon ses détracteurs, serait irréalisable — génère également des réflexions quant à la définition du terme et à son emploi. John Berger, dans le film de Gilles Perret, Walter. Retour en résistance, parle de «  l’utopie diabolique du néolibéralisme » pour retourner l’argument habituel. Alors qu’est-ce que l’utopie ? Et a-t-elle une spécificité états-unienne ?

L’utopie, selon le dictionnaire, est un « pays imaginaire où un gouvernement idéal règne sur un peuple heureux » ou encore une « vue politique qui ne tient pas compte de la réalité ». Je serai favorable, quant à moi, à zapper le gouvernement idéal pour ne garder que le peuple heureux. Et c’est ce que j’appellerais une vue réaliste d’une construction sociale basée sur l’émancipation, l’autonomie, l’autogestion, la solidarité, la curiosité et le respect des autres… L’utopie est certes une vision des opposant-es au capitalisme alors que l’idéologie est un système d’idées pour défendre le système capitaliste. Faisons donc table rase de la globalisation du capitalisme, de la compétition, de la société marchande avec sa surproduction, son but unique de profit et bien sûr le fric, la money !

Les Nouvelles de nulle part de William Morris, roman paru en 1890, décrivent ce type de société.
« Lorsque William Morris ou la romancière Ursula Le Guin conçoivent une utopie, ils entreprennent un exercice sur d’autres avenirs possibles, animé par d’autres espérances et d’autres visées que celles de leur époque ».
L’imagination à la Une, cela nous changerait du discours sécuritaire et du cynisme ambiant, car « si les anars sont des mines de fantasmes pour les journalistes en mal de récits d’épouvante », pourquoi ces derniers ne se laisseraient-ils pas aller à l’inspiration utopique ?

Voici donc un livre de Ronald Creagh, Utopies américaines [états-uniennes]. Expériences libertaires aux Etats-Unis, qui provoque bien des « hypothèses » sur la vie, et de l’optimisme, ne serait que par le constat du nombre des expériences libertaires aux Etats-Unis. Et même si les occasions de parler de leur existence se font rares dans les médias de masse, le descriptif qui figure dans le livre de Ronald dresse un tableau alternatif et encourageant des Etats-Unis. Il en ressort évidemment un flot de questions sur la création même de ces groupes et la rencontre des personnes dans un pays aussi vaste et diversifié. La formation des Etats-Unis a-t-elle favorisé ce phénomène ? Les décisions sont-elles prises en commun et comment la composition du groupe s’inscrit-elle dans la durée ? Quels sont les dangers de récupération par un individu, un groupe de pression, une secte ou une idéologie ? Quels sont les risques d’isolement ou, au contraire, les chances d’acceptation de ces groupes par la société ? Quelle est, à l’intérieur des communautés, la place de la famille, de la sexualité, de l’éducation des enfants, de la religion ? Quels sont les liens entre les groupes ? Et enfin quelle est l’organisation sociale des groupes, leur attitude vis-à-vis de la politique et de l’État, et les actions de contestation ?

Les libertaires « luttent contre toutes les formes de domination à la fois, qu’elles soient hiérarchiques, étatiques, ethniques, intellectuelles, sexuelles ou économiques. » « En politique, [l’anarchie] c’est l’absence d’un chef ou d’une organisation directrice pyramidale. » « Disons que l’anarchisme est une théorie politique au cœur vibrant de laquelle loge l’idée d’anti-autoritarisme, c’est-à-dire le refus conscient et raisonné de toute forme illégitime d’autorité et du pouvoir. »

Les éditions LUX avec Mark Fortier et Ève Delmas

Prochaines publications :

Corps, cosmos et environnement chez les Nahuas de la Sierra Norte de Puebla. Une aventure en anthropologie de Pierre Beaucage, préface de Serge Bouchard

Monographie des communautés paysannes autochtones de la Sierra Norte, au Mexique, Pierre Beaucage propose de décrire comment le rapport des Nahuas à leur corps et au monde s’exprime dans une cosmologie qui, tout à la fois, intègre leur savoir pratique, leurs connaissances médicales, leurs pratiques alimentaires, leurs connaissances générales et leurs principes religieux. Cette cohérence culturelle façonne leur environnement et, de plus, a permis à ces autochtones d’intégrer bons nombres des transformations induites par le contact avec les réalités matérielles et politiques des occidentaux. L’œuvre d’une grande carrière d’anthropologue, fruit de 40 années de recherche sur le terrain au Mexique.

Histoire de la révolution mexicaine de Jesus Silva Herzog, postface de Felipe Avila Espinosa

Traduit de l’Espagnol par Raquel Thiercelin-Mejias

Jesus Silva Herzog (1892-1985) fut un témoin actif de la révolution mexicaine en tant que journaliste, puis secrétaire d’un chef révolutionnaire. Il devint par la suite un universitaire, un diplomate et un homme politique respecté et a notamment participé, en 1940, à la nationalisation du pétrole mexicain sous la présidence de Lazaro Cardenas.

Dans ce classique de la littérature mexicaine (publié au Mexique pour la première fois en 1960), Jesus Silva Herzog raconte, dans un style vif et enlevant, les principaux événements de la révolution mexicaine (1910-1917), la première révolution sociale du XXe siècle. Œuvre trépidante, faisant une large part aux intrigues et aux retournements qui ont marqués la révolution, Histoire de la révolution mexicaine retrace les faits et gestes des grands personnages de l’époque que sont les dictateurs Porfirio Diaz et Victoriano Huerta et les chefs révolutionnaires Francisco I. Madero, Venustiano Carranza, Alvaro Obregon, Pancho Villa et Emiliano Zapata. L’historien porte une attention particulière aux problèmes économiques et sociaux, notamment le partage des terres et la répression des grèves, qui ont poussé des millions de paysans et d’ouvriers mexicains à la révolte.

Révolutionnaires du Nouveau-Monde. Une brève histoire du mouvement socialiste francophone aux États-Unis, 1885-1922 de Michel Cordillot

Le socialisme eut son heure de gloire aux États-Unis entre 1885 et 1922. Cette histoire est connue. Ce qui l’est moins, toutefois, c’est la contribution de l’immigration française à ce mouvement politique. Des exilés de la Commune de Paris aux mineurs du nord de la France, nombreux sont les ouvriers et militants francophones qui ont poursuivi leurs luttes politiques aux États-Unis après y avoir élu domicile. L’historien Michel Cordillot nous rappelle dans ce livre les luttes, les espoirs et la vie quotidienne de ces socialistes français d’Amérique.
Révolutionnaires du Nouveau Monde, c’est aussi un livre sur l’immigration. À travers l’histoire de ces drôles de Français d’Amérique, on découvre en effet toutes les difficultés, les espérances et les modalités d’acculturation au Nouveau Monde. Une expérience qui n’est pas sans rappeler celle des Canadiens français exilés en Nouvelle-Angleterre, avec lesquels ces socialistes eurent parfois maille à partir.

Les Black blocs. La liberté et l’égalité se manifestent de Francis Dupuis-Déri

« Le Black Bloc est mort », déclaraient des anarchistes en 2003. Mais loin des projecteurs, des Black Blocs participent encore à des manifestations et entrent en action pour critiquer et contrecarrer les dominants de ce monde.
Cagoulés, vêtus de noir et s’attaquant avec force aux symboles du capitalisme, les Black Blocs ont été transformés en phénomène médiatique de l’altermondialisme. Cette renommée, associée à l’image du casseur, cache une réalité complexe, intéressante pour qui ose faire l’effort de mieux comprendre l’origine de ce phénomène, sa dynamique et ses objectifs. Car l’utilisation de la violence s’inscrit toujours dans un rapport de force, dans un contexte éthique et stratégique, et ne se résume pas seulement à des jets de pierre dans les manifestations de rue. Cette nouvelle édition des Black Blocs, entièrement remaniée et bonifiée, dresse le panorama le plus complet du phénomène de la tactique du Black Bloc dans le monde et la situe dans la tradition anarchiste de l’action directe. La première édition de ce livre comprenait un ensemble de textes écrits par et pour les Black Blocs : communiqués, manifestes, témoignages, etc. Voici ceux auxquels Francis Dupuis-Déri fait référence dans cette nouvelle édition.

Pour une anthropologie anarchiste de David Graeber

Traduit de l’anglais par Karine Peschard

L’anarchisme, en tant que philosophie politique, est en plein essor. De fondement de l’organisation dans le mouvement altermondialiste qu’ils étaient, les principes anarchistes traditionnels — autonomie, association volontaire, autogestion, entraide, démocratie directe — en sont venus à jouer ce rôle dans des mouvements radicaux de toutes sortes dans le monde entier.

Et pourtant, cela n’a eu presque aucun écho dans le milieu universitaire. Les anarchistes interrogent souvent les anthropologues sur leurs idées quant aux diverses façons d’organiser la société sur des bases plus égalitaires, moins aliénantes. Les anthropologues, terrifiés à l’idée de se voir accusés de romantisme, n’ont pour seule réponse que leur silence. Et s’il en était autrement ?

« On peut penser, à tout le moins, qu’être un professeur ouvertement anarchiste signifierait, remettre en question la façon dont les universités sont gérées — cela non pas en demandant un département d’études anarchistes —, ce qui, bien sûr, lui attirerait beaucoup plus d’ennuis que tout ce qu’il pourrait écrire par ailleurs. »

Anthropologue et militant vivant à New York, David Graeber a effectué ses recherches de doctorat à l’Université de Chicago, dont une prériode de deux ans au Madagascar (de 1989 à 1991). Il a enseigné aux universités de Chicago, Haverford, New York et Yale — où il a été membre de la faculté pendant huit ans avant d’être renvoyé sans explications en 2005. Au cours des cinq dernières années, il a été actif au sein de plusieurs groupes d’action directe, dont le Direct Action Network et l’Action mondiale des peuples, en plus de participer à diverses actions lors de manifestations anti-capitalistes (Sommet des Amériques à Québec en avril 2001, Sommet du G8 à Gênes en juillet 2001, rencontre du FMI en février 2002 à Washington DC). Il est également l’auteur de Towards an Anthropological Theory of Value.

Jenan, la condamnée d’Al-Mansour. Chronique d’une guerre de Zehira Houfani Berfas

En mars 2003 une averse de bombe dévaste l’Irak. Zehira Houfani Berfas, qui séjourne alors à Bagdad, affronte ce terrible orage d’acier avec aplomb, déterminée à secourir une jeune fille, Jenan, mais aussi à témoigner de la vie quotidienne sous les feux de la plus grande puissance militaire de l’histoire.
À cette époque, Zehira Houfani oeuvre dans les hôpitaux de la capitale irakienne avec la section montréalaise du groupe Irak Peace Team (IPT). C’est dans un de ces établissements qu’elle croise Jenan, une jeune fille atteinte de leucémie. Ce sont les bombes à l’uranium appauvri, larguées par les Américains dans les années 1990, qui l’ont rendue malade. La souffrance de la fillette la touche et elle veut lui donner un cahier à colorier, objet introuvable dans un pays frappé par un embargo économique depuis 13 ans. Malheureusement, le gouvernement vide les hôpitaux pour y accueillir les soldats blessés, et Jenan est transportée à la campagne chez des parents. Zehira Houfani, obéissant à un téméraire élan du coeur, décide alors de partir à sa recherche pour lui donner des médicaments… et un cahier à colorier. Ainsi débute une quête émouvante au coeur de l’Irak. Houfani, ne reculant devant aucun obstacle, traverse la région de Bagdad en flammes. Elle y croise des personnes terrifiées, déambulant entre les débris de leurs quartiers anéantis, assiste à des événements inouïs propres aux temps de guerre, et, chemin faisant, fait état du courage, de la fierté et de l’hospitalité d’Irakiens qui refusent obstinément de céder à la haine dont ils sont victimes.

Zehira Houfani puise dans cette expérience la matière d’une dénonciation des motivations et des conséquences de cette guerre, mais aussi de la fausse conscience des pacifistes occidentaux, fort silencieux depuis que le conflit est commencé.