Chroniques rebelles
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Vicente Aranda : « L’importance de témoigner pour son temps. » (1)
Christiane Passevant
Article mis en ligne le 26 septembre 2009

par CP

Méconnu en France, Vicente Aranda est certainement l’un des réalisateurs les plus importants du cinéma espagnol. Cinéaste social et politique, Aranda est un remarquable adaptateur de fiction littéraire, par exemple les romans de Juan Marsé pour ne citer que ce grand romancier catalan. Ses films récents traitent de l’histoire sociale et politique — Juana la loca, Carmen (très proche du roman de Mérimée), Tirante el Blanco (adaptation d’un roman de chevalerie) — et sont des interrogations sur les grands de ce monde.

La question de la sexualité féminine est importante dans l’œuvre cinématographique de Vicente Aranda, notamment dans Cambio de sexo (Je veux être femme), La Pasion turca, La mirada del otro, Juana la loca, Carmen ou Tirante el Blanco . Ce regard très libre qu’il porte sur la sexualité et les rapports qu’elle engendre entre les êtres est tout à fait original. L’influence familiale de son éducation y est peut-être pour quelque chose. La liberté sexuelle et les images libertaires de la nudité innocente, la lutte des Mujeres libres pour la reconnaissance des droits des femmes transparaissent dans son discours sur la force des femmes et l’importance de l’égalité entre les sexes, à commencer par le rapport au désir.

La Mirada del otro est en cela un film très intéressant car il met en scène une jeune femme qui refuse le rôle que la société lui confère. Elle est autonome et ne tolère aucune entrave pour « aller aussi loin qu’un homme » dans l’expérience d’une sexualité qu’elle s’invente. Elle en paraît détachée car elle se place en observatrice et pense rompre avec les règles en déclarant : « Je préfèrerais être une vache plutôt qu’une femme ! » Pour oublier sa révolte ou sublimer une insatisfaction ? « Fureur utérine » conclut un médecin. Le rapport de Begoña à la maternité est également troublant, elle en veut l’exclusivité. C’est l’amazone qui refuse par avance toute forme de dépendance, réelle ou supposée. Sans doute est-ce pour cela qu’elle pousse les hommes qui l’entourent à la quitter.

La caméra, confidente de l’intimité de Begoña, joue ici un rôle central dans sa démarche de repousser les limites et dans l’auto analyse de la jeune femme. Après la naissance de son enfant, elle retourne dans l’univers interlope qui la fascine et fait ensuite visionner une scène de sexualité sadomasochiste à ses compagnons comme pour poser une condition : il faut m’aimer pour ce que je suis. En partant, l’un d’eux lui dit : « je comprends surtout que tu veux être seule. Tu ne peux pas vivre comme une adulte ». Et là commence réellement l’histoire de Begoña, sans le Regard de l’autre.

Victoria Abril a refusé le rôle, repris par l’actrice italienne Laura Morante. Film détesté et retiré des écrans après quelques jours, il continue à susciter des réactions, comme celle d’une festivalière de Montpellier qui s’interroge si la « crudité et [la] violence des rapports entre les hommes et les femmes » seraient des caractéristiques du cinéma espagnol. Et de souligner que les scènes de sexualité sont rarement filmées ainsi. La Mirada del otro est un questionnement ouvert sur la sexualité féminine et l’acceptation de celle-ci par la société.

Somptueuse fresque historique et cinématographique, Tirante el Blanco retrace la fin d’une ère, un tournant pour les civilisations méditerranéennes et orientales. Le générique, qui défile sur la toile de Paolo Uccello, place déjà le décor. Magnificence des couleurs avec l’arrivée de Tirante à Constantinople, les batailles au ralenti dans un étalonnage proche des tableaux de Paolo Uccello, entre cinéma du réel, peinture et animation. Les batailles stylisées et surréalistes tranchent avec le réalisme du pillage des blessés et des morts après l’affrontement. Pouvoir et sexualité, les thèmes que l’on retrouve dans l’œuvre d’Aranda sont aussi au cœur du récit : la couronne et la virginité. Les femmes sont au centre de ce film et ce sont elles qui influent directement sur l’histoire : la princesse refuse le sultan, la reine approuve
avec un « alors ce sera la guerre ! » et, à la mort du roi, elle épouse son jeune amant, Hipolito.

Tourné à Alicante, Palerme et Istanbul, le film explore les complots dans les coulisses d’un règne en déliquescence. Le titre en anglais, The Maiden’s Conspiracy (la conspiration de la jeune fille), évoque les luttes de pouvoir — le duel à mort du sultan et de Tirante, la défloraison de la princesse — et encore une fois le rôle des femmes dans la société.

Cet hommage rendu à l’œuvre de Vicente Aranda par le 29e Festival de Montpellier met en valeur l’itinéraire original et cohérent du cinéaste en programmant ses premiers et ses nouveaux films [1]. Fata Morgana , film mythique, ne fait pas partie de ce panorama, mais La Pasion turca — dont le générique se déroule sur un long plan séquence d’Istanbul se terminant sur Aya Sofya — n’est-il pas le Fata Morgana de la maturité ?

Le fameux Cambio de sexo — qui a démarré la carrière de Victoria Abril et marqué sa longue collaboration avec Aranda — rappelle l’audace d’une réalisation filmée à la fin du règne de Franco. Cambio de sexo ouvre en effet une réflexion sur les genres et la sexualité qui ponctue l’œuvre cinématographique du réalisateur.

De même son engagement et le caractère subversif de sa vision sociale, comme sa volonté de témoigner, est une constante dans toute sa filmographie. « C’est important de programmer ces films de Vicente Aranda aujourd’hui, car l’on sait qu’il existe encore près de six cent fosses communes où sont enterrés trente à quarante mille républicains espagnols. Dans le même temps, le pape béatifie 497 prêtres franquistes et, enfin, des décisions sont prises par le Parlement espagnol pour gommer les aspects les plus tragiques de ces quarante années de fascisme. Les gens de ma génération se sont demandé, en 1945, pourquoi il y a eu le maintien de Franco et du franquisme en Espagne alors que les gaullistes, socialistes et communistes étaient au gouvernement. Il aurait été possible à ce moment-là de le balayer pour le plus grand bonheur du peuple espagnol. [2] »

Los Jinetes del Alba — un film de télévision tourné comme un long métrage de cinéma — illustre parfaitement le regard du cinéaste sur cette répétition de la guerre civile. Cinq épisodes de l’histoire espagnole qui vont de la révolution des Asturies, en octobre 1934, jusqu’à 1936. Le festival a eu quelques difficultés à obtenir les cinq épisodes de la télévision espagnole et les voir en une seule fois souligne son caractère de grande fresque sociale. L’évolution des personnages dans cette période dramatique est remarquablement jouée et dirigée.

De même la première partie de El Lute, Camina o revienta , qui se situe dans la période franquiste, est une peinture de l’oppression et de la nature du régime : présence omniprésente de la garde civile, répression de la population et, en particulier, des gitans, chassés et humiliés en permanence. Le film est tiré de la biographie d’un homme qui, à la mort de sa mère, se révolte contre la barbarie de la société. Il réagit comme un animal, mais ni les tortures, ni la prison ne le brisent et certains des gardes lui témoignent même du respect.

Ces deux derniers films font évidemment songer à deux films marquants de Vicente Aranda, Libertarias  [3] et Tiempo de silencio  [4]. Des films qu’on aimerait voir programmés plus souvent comme des rétrospectives de l’œuvre remarquable de Vicente Aranda. Une œuvre passionnante et profonde qui pose la question de la distribution parcimonieuse du cinéma méditerranéen en général et du cinéma espagnol en particulier [5].

À un spectateur lui faisant remarquer que, dans ses films comme dans ceux de Pedro Almodovar, les personnages féminins sont marquants et permettent une vision de la société espagnole,

il répondit : « Je ne pense pas avoir beaucoup en commun avec Pedro Almodovar sinon ce point : le rôle important accordé aux femmes. Je n’ai vu que ses derniers films, mais pour moi, la femme est le personnage principal. Je les prépare pour qu’elles gouvernent le monde et Almodovar les prépare pour qu’elles l’acceptent. C’est une différence. Je crois dans la capacité émotionnelle des femmes, elle est supérieure à celle des hommes, par exemple Juana est plus forte au niveau des émotions que Philippe. Philippe est intéressé par le corps et Juana par l’âme. Juana veut posséder entièrement Philippe. »

Vicente Aranda est-il féministe ? Surréaliste ? Libertaire ? Une chose est certaine : un souffle de révolte et de liberté traverse son œuvre cinématographique.

Vicente Aranda : je suis né à Barcelone et j’ai commencé à filmer à Barcelone, je suis ensuite allé ensuite à Madrid : le cinéma était à Madrid. Mais une autre raison m’a poussé à partir, je tournais un film où tout le monde devait parler en catalan, y compris les gardes civils. Or je ne connais pas de gardes civils qui parlent catalan. En outre, il se passait des choses absurdes au niveau politique, Madrid était plutôt à gauche et Barcelone à droite. Je me suis donc installé à Madrid et le courant s’est inversé ! Je suis cependant resté, mais j’ai été sur le point de repartir au moment des événements du 11 mars, il y a quatre ans. Avant ces événements, un projet de film a rassemblé plusieurs cinéastes, finalement trente quatre, avec une séquence de trois minutes chacun et chacune. Le titre de ce film collectif : ¡ Hay motivo ! (Il y a des raisons) [6]. Nous avons craint que la droite ne passe, mais le 11 mars tout a changé et la gauche a gagné. Si la gauche avait perdu, je serai reparti à Barcelone, et les trente trois réalisateurs et réalisatrices auraient du quitter Madrid aussi. L’époque franquiste était sur le point de revenir.

Henri Talvat : Dans El Amante bilingue, tu parles de ce problème de la langue lorsque le personnage doit apprendre le catalan pour travailler au Corte Ingles [7].

Vicente Aranda : El Amante bilingue est une adaptation d’un roman de Juan Marsé. Il écrit en castillan et ses textes doivent ensuite être adaptés en catalan. Les Catalans ont raison de défendre leur langue, mais, dans un film, cela me paraît idiot de faire parler des gardes civils dans une langue qu’ils n’ont jamais utilisée. Le même problème s’est présenté pour l’adaptation du roman de Marsé, Si te dicen que cai (1973) [8]. Le roman, écrit en 1973, est paru au Mexique alors que Franco était toujours vivant. Quand j’ai tourné le film — je ne sais pas si l’on sait que Si te dicen que cai est un vers de l’hymne phalangiste, Cara al sol [9] —, on m’a demandé que la version originale soit catalan alors que le roman est écrit en castillan. Marsé et moi étions prêts à rencontrer les responsables de cette décision, mais finalement cela n’a pas été nécessaire. Nous avons tourné dans la langue du roman. Sans doute ont-ils eu peur de ce que nous représentions à nous deux. Ils ont aussi cédé à une logique : quand un groupe parle en catalan et qu’arrive un tierce personne s’exprimant en castillan, tout le monde parle alors le castillan. C’est ce qui se passait alors par rapport au catalan, maintenant c’est différent.

Nestor Almendros, qui est cubain, s’est retrouvé à cette époque dans un festival à Barcelone où tout le monde parlait catalan auquel il ne comprenait rien. J’ai réalisé à la même époque El Amante bilingue qui parle aussi de la confrontation entre le castillan et le catalan. Cette dialectique entre les deux langues est intéressante, mais j’ai pensé alors qu’on allait l’attribuer à une attitude revancharde de ma part. En réalité, la controverse sur ce sujet n’intéresse que peu de personnes, mais le problème est tout à fait transposable aux États-Unis : deux personnes sont amoureuses, l’une parle espagnol et l’autre anglais. La dialectique entre le catalan et le castillan est, à mon avis, un problème provincial, en revanche la dialectique entre l’espagnol et l’anglais se situe à un niveau mondial. J’avais des contacts à Los Angeles sur ce projet, mais le producteur n’a pas suivi. Le comble, c’est que sur l’affiche il y avait le drapeau catalan ! En Espagne, il existe quelque chose de particulier, une forme d’antipathie par rapport au catalan et d’admiration par rapport au basque.

Henri Talvat : Considères-tu avoir fait partie de l’École de Barcelone où tu as rencontré Joaquin Jorda [10] avec qui tu as souvent collaboré ?

Vicente Aranda : Le proverbe espagnol que l’on pourrait traduire par « qui se ressemble, s’assemble » s’applique peut-être à ce qui s’est passé pour l’École de Barcelone qui a rassemblé des personnes autour d’une théorie sur le cinéma. Celle-ci se résumait à ce constat : raconter des histoires n’a aucun intérêt. Joaquin Jorda, qui s’endormait et même ronflait au cinéma, se réveillait à la fin du film en ayant tout compris. Il disait que les films racontaient toujours les mêmes histoires, sans aucun intérêt, et qu’il fallait revenir à l’essentiel de l’image. Ce sont les images qui racontent. La théorie est parfaite, mais personne n’allait voir nos films. On organisait des sortes de happenings qui, par curiosité, attiraient les gens mais ensuite personne ne restait. L’un des théoriciens de l’École de Barcelone, Ricardo Muñoz Suay, a avancé l’idée que faire un film avec Sara Montiel [11] pourrait résoudre ce problème. Les principaux membres de ce que l’on appelle l’École de Barcelone se sont finalement réunis et cela s’est terminé en pugilat. On peut dire que Sara Montiel, qui voulait se mettre à la disposition de l’avant-garde cinématographique, a achevé l’École de Barcelone.

Henri Talvat : La collaboration avec Joaquin Jorda s’est poursuivie pour des films liés à l’histoire politique et sociale comme dans Libertarias [12].

Vicente Aranda : Après le tournage des cinq épisodes de Los Jinetes del alba , Joaquin m’a dit : « ce que tu as fait avec ce film, c’est Autant en emporte le vent ». Il a fait le scénario et m’a donné des éléments de l’histoire de la guerre civile pour construire le film, non pas à partir du front, mais de l’arrière. Cet homme, très cultivé, m’a permis de comprendre que la guerre civile espagnole avait un antécédent, que tout était déjà en germe en octobre 1934, dans les Asturies. C’était la répétition générale. Dans Los Jinetes del alba, c’est la première fois que l’on parle ainsi au cinéma de ces événements oubliés.

— J’ai vu certains de vos films grâce à Montpellier, la plupart sont engagés politiquement et socialement et très intéressants. Mais je me suis demandé pourquoi vous aviez réalisé Juana la Loca, en dehors du fait qu’il s’agit d’un personnage magnifique de femme ?

Vicente Aranda : Il existe un film antérieur au mien qui a pour titre Locura de amor [13] qui a été réalisé par un metteur en scène franquiste avec les critères de l’histoire officielle d’alors. J’ai voulu faire un film sur le même thème pour en contrebalancer le traitement. Il est évident que durant les quarante années de franquisme où l’histoire officielle a dit que l’unité de l’Espagne était l’œuvre des rois catholiques, c’était un mensonge.

En fait la reine Isabelle la catholique est morte avant l’unité et le roi a épousé une Française. Ils n’ont pas eu d’enfants, mais s’ils avaient eu un enfant, l’Espagne aurait été divisée en trois parties : le Portugal, la Castille et l’Aragon. En revanche, Juana n’avait pas le désir d’être reine. Seule l’intéressait sa relation sexuelle et passionnelle avec son mari. Elle était d’une fécondité extraordinaire et, en dix ans, elle a mis au monde six enfants, dont Charles Quint. Tous ont vécu et ont été mariés dans les différentes dynasties européennes. Peu savent que Sissi est une descendante de Jeanne. Après la mort d’Isabelle la catholique, la venue de Jeanne, reine de Castille, avec son mari flamand, Philippe le beau, a permis d’arrêter cinq cent procès de l’inquisition. Et le peuple a fêté ce jeune couple qui mettait fin à l’austérité et à la rigueur des rois catholiques. Cela mettait fin à la bure.
De Flandres venait une autre conception du vêtement avec davantage de couleurs. Elle a eu le surnom de folle parce qu’elle était amoureuse. Cette femme qui plaçait son amour avant le rang de reine marque cette période de l’histoire. Il est regrettable que l’intention de moderniser l’Espagne n’ait pas pu se faire en raison du décès de Philippe. Après sa mort, les cinq cents procès suspendus ont eu lieu. La légende dit que sa mort fut provoquée par une boisson glacée qu’il aurait bu après avoir fait un effort physique. Je ne crois pas que ce soit l’eau glacée, mais plutôt les épidémies de choléra. Il est mort d’une pneumonie qui a résulté d’un défaut de défenses immunitaires.

— Quelle est la part historique et la part de fiction dans Jeanne la folle [14], merveilleusement interprétée par la comédienne ?

Vicente Aranda : Je suis arrivé à la conclusion que la documentation historique et la part de légende autour du personnage de Jeanne étaient proches.

— Pourquoi ne voit-on pas les enfants de Jeanne dans le film ? Est-ce que son amour excessif pour son époux occulte sa descendance ?

Vicente Aranda : À la mort de son mari, elle est enceinte de son sixième enfant. Je n’ai pas eu le temps de traiter l’existence des enfants.

— Dans les deux films, Juana la loca et La Mirada del otro , il est question de fureur utérine — c’est l’expression qui est utilisée. Pourquoi cette expression à propos des femmes, en l’occurrence Juana et Begoña ?

Vicente Aranda : Je n’utilise pas cette expression, ni nymphomane d’ailleurs. C’est l’auteur de Juana la loca qui parle de fureur utérine. Dans La Mirada del otro , c’est le docteur qui l’utilise. Je crois que cette expression peut s’appliquer au personnage de Juana la loca, mais pas à la jeune femme de La Mirada del otro . Je dois dire que ce film porte la poisse car, chaque fois qu’il est projeté dans un endroit, il se passe quelque chose. Dans le cas du filmage des scènes de sexualité, je sais que des réalisateurs panotent vers un arbre quand l’action commence, mais moi je reste. J’aime rester et je crois que le public aussi. Je me suis en fait senti très libre en tournant ce film. C’est peut-être de l’orgueil de ma part de cire cela, mais, à part Bunuel dans Belle de jour  [15], personne n’a parlé de la sexualité féminine. Et pourtant je suis un homme et je ne connais pas bien la sexualité féminine, mais je voulais parler au nom d’une femme. Je me souviens de témoignages érotiques publiés en France [16], si j’avais lu ceux-ci avant de réaliser ce film, j’aurais su davantage de choses sur la sexualité féminine. J’ai voulu que ce personnage de femme aille aussi loin que les hommes dans les expériences sexuelles.

Lorsque j’ai commencé à vivre avec ma compagne, Teresa [17], qui est beaucoup plus jeune que moi, j’étais plus souvent en contact avec des personnes de sa génération plutôt que de la mienne. Parmi ses amies, beaucoup avaient la trentaine et pensaient que c’était leur dernière chance d’avoir un enfant. La réflexion sur la maternité est liée à la sexualité, à l’amour. Cela a eu des répercussions sur les compagnons de ces femmes qui prenaient la pilule depuis des années et a qui l’on avait dit que, dès qu’elles arrêteraient, elles seraient enceintes. Ce qui est parfaitement faux. Cela a provoqué de la frustration et ce phénomène a fait ouvrir des cliniques pour l’insémination artificielle, in vitro.

Dans une scène du film, lors du réveillon, j’ai décrit cette situation lorsqu’une amie de Begoña lui demande son aide pour l’éjaculation de son mari. Dans cette scène, il y a une actrice de la télévision très connue, Anna Obregon, et cela a été très mal pris. Contrairement à mes autres films, je comprends de moins en moins ce qui s’est passé pour La Mirada del otro . Je suis surpris que le film soit programmé ici car il n’est projeté nulle part. Personne ne m’en a dit la raison, mais je dois avouer que j’ai senti qu’il soulèverait des problèmes avant même de le tourner.

— Pourquoi avez-vous voulu traiter du thème de la transsexualité ?

Vicente Aranda : Je me suis posé la question. C’est le seul film dont Nestor Almendros a fait l’image en Espagne et il m’a dit « je me demande ce que je fais ici. Ce film ne me correspond pas. »