Chroniques rebelles
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De l’indigénat. Anatomie d’un « monstre » juridique : le droit colonial en Algérie et dans l’Empire français d’Olivier Le Cour Grandmaison. Et retour sur la loi antiterroriste en Tunisie
Samedi 11 septembre 2010
Article mis en ligne le 15 septembre 2010

par CP

De l’indigénat.
Anatomie d’un « monstre » juridique : le droit colonial en Algérie et dans l’Empire français
d’Olivier Le Cour Grandmaison (Zones)

et

La loi antiterroriste en Tunisie et les conséquences pour les libertés civiles : le contrôle et la répression

Avec Olivier Le Cour Grandmaison et Luiza Toscane

Le colonialisme est un système social et politique basé sur l’exploitation et la domination. En Algérie, en Tunisie, au Maroc, en Afrique, en Indochine, la colonisation s’est traduite par la spoliation, par la confiscation de terres collectives considérées comme « terres vacantes », par le travail obligatoire, la famine, l’oppression, l’humiliation, le travail des enfants, la torture et les massacres, tout cela au nom du profit.

En 1875 est adopté un code de l’indigénat qui est régulièrement reconduit par les députés de la IIIe République, « convaincus que les “indigènes”, en raison de leurs particularités raciales, culturelles et cultuelles, doivent être soumis à un ordre autoritaire constitutif d’un état d’exception permanent ». La « grandeur de la France » et la construction d’un empire colonial justifient l’arbitraire d’un régime disciplinaire qui « déroge aux lois fondamentales de la République. » À la trappe donc les scrupules et les principes républicains !

Il s’agit avant tout de rattraper la Grande-Bretagne, première puissance coloniale. Ainsi les députés, dans leur majorité, « défendent une législation coloniale qu’ils savent être “en désaccord avec [les] principes républicains ».

Internement administratif pour une durée indéterminée, responsabilité
collective appliquée à des tribus et des douars entiers, séquestre des
propriétés «  indigènes » pour les donner aux colons, travail obligatoire et esclavage domestique, lois d’exception qui, selon la propagande,
sont « adéquates aux mœurs arriérés des populations »… L’application du droit colonial, c’est d’abord des règles pour spolier les populations occupées et « briser toutes les résistances ». On peut ensuite prétendre que « “les indigènes auxquels [les] notions [de 1789] sont absolument étrangères” trouvent ce régime “naturel puisque [appliqué par] les plus forts. [Le droit colonial] fournit un moyen de répression souple, commode, rapide, qui évite de recourir à d’autres procédés plus rigoureux.” »

Ces dispositions répressives seront appliquées dans l’Algérie coloniale jusqu’en 1945.

Le racisme d’État, théorisé et pratiqué par la République, est ainsi institutionnalisé même si certains juristes en dénoncent l’ignominie. L’exception politique et juridique de la législation coloniale devient donc la règle pour les « indigènes ».

Dans son ouvrage, De l’indigénat. Anatomie d’un « monstre » juridique :
le droit colonial en Algérie et dans l’Empire français
, Olivier Le Cour Grandmaison analyse les textes, le code, les pratiques pour examiner le processus et les conséquences de cet outil du colonialisme.
Une analyse de la privation instituée des droits et des libertés démocratiques les plus élémentaires pour des catégories de populations qui souligne les influences sur les mentalités.

Le droit colonial est un « droit sans principe » qui « obéit néanmoins à un principe souterrain et constant dont les effets sont partout visibles : être au service d’une politique où le “premier devoir” du conquérant est de maintenir sa domination et d’en assurer la durée ». On ne saurait être plus clair comme il est certain que le code et ses implications ont laissé des traces dans la société.

Le racisme latent, la discrimination, les pratiques policières, les rafles et les camps de rétention ont des origines coloniales de même que les expressions employées dans les textes et discours officiels comme « maîtrise de l’immigration » ou gestion des « flux migratoires ». « L’étranger est devenu de façon officielle l’incarnation de dangers multiples qu’il faut conjurer au plus vite par la multiplication de réformes législatives votées dans l’urgence ».

La propagande de la « mission civilisatrice » de la France est à présent remplacée par l’instrumentalisation de la peur.

Consultez gratuitement le "lyber" de ce livre en ligne :

[[http://www.editions-zones.fr/spip.php]->http://www.editions-zones.fr/spip.php]

La répression en Tunisie.

La loi antiterroriste

Depuis des années, Luiza Toscane vient nous parler dans l’émission de la situation tunisienne sous le régime de Ben Ali, des exactions de la police politique, des conditions d’incarcération, de la torture… Nous suivons des dossiers comme celui des internautes de Zarzis ou encore celui, depuis décembre dernier, de Yassine Ferchichi, qui avait demandé l’asile politique en France. Expulsé vers Dakar sans papiers d’identité, il ne peut ni se loger ni travailler ni se soigner…

Une situation sociale qui s’aggrave, mais le régime semble exempté de toute critique de la part des autorités européennes qui veulent voir dans la Tunisie la vitrine de la lutte antiterroriste de la région.
C’est pourquoi nous avons choisi aujourd’hui de parler de cette loi antiterroriste qui a bon dos et permet des dérives graves vis-à-vis de la population tunisienne.

Grave escalade dans les événements de Ben Gardane suite aux atermoiements du pouvoir quant à la réalisation de ses promesses de règlement de la crise : Les manifestants ont mis le feu dans la région de Zekra dans la nuit du 18 août 2010 à un car des forces de police. Il a été complètement incendié. Cela s’est passé non loin de la société Dbouba de produits alimentaires. Puis les heurts ont repris de plus belle entre manifestants et éléments des forces anti émeutes qui étaient à bord d’une vingtaine de véhicules au bas mot et ont fait usage de gaz lacrymogènes. La fumée a recouvert une large zone et atteint de nombreux citoyens alors dans leurs domiciles, occasionnant de nombreux cas de suffocation.

Les exactions de la police politique.

Des dizaines d’arrestations parmi lesquelles celle de Nafti Mahdhi, militant des droits humains à la suite de la dispersion par la force d’un sit-in devant la délégation de Ben Gardane.

Les forces de police, renforcées par les forces anti émeutes et des éléments de la police politique ont dispersé à midi, mardi 17 août 2010 à Ben Gardane, les familles qui faisaient un sit-in devant et dans la cour du siège de la délégation pour exiger la libération de leurs enfants arrêtés récemment, suite aux événements survenus dans la ville et aux alentours, qui ont vu des blessés et de lourdes pertes matérielles, ainsi que des arrestations par dizaines.
Les forces de police ont fait usage de la force pour disperser les manifestants et elles ont procédé à l’arrestation de plus d’une soixantaine de personnes, notamment le militant des droits humains Nafti Mahdhi, membre de l’organisation Liberté et Equité.

14 août 2010.

Aujourd’hui, mon mari, le journaliste Fahem Boukaddous, a effectué un mois d’emprisonnement sur les quatre ans auxquels il a été notoirement condamné et qui sont, -le doute n’est pas permis-, le fruit d’un procès inique, qui a fait fi des critères minima, locaux ou internationaux, de l’équité, mais il y a plus, le maintien de Fahem derrière les barreaux, dans les conditions sanitaires qui sont les siennes, n’a pas la moindre justification, y compris si on le replace dans le cours de l’affaire connue comme celle de l’"entente criminelle".