Chroniques rebelles
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Samedi 8 septembre 2007
Un couteau entre les dents d’Antonio José Forte
De Godzilla aux classes dangereuses, avec des textes d’Alfredo Fernandes, Claude Guillon, Charles Reeve, Barthélémy Schwartz (Ab Irato)
Article mis en ligne le 21 décembre 2007

par CP

« D’autres avant nous ont tenté le même effort : dent pour dent : non ne jamais regarder de biais et garder la tête écarlate, vomissure au poing pour chaque nuit volée ; pas même une minute pour la gloire de la peau. Éveil décalé : œil pour œil : tenir la famille en respect, l’espérance à bonne distance de toutes les faims et garder la corne de chaque jour plantée dans les intestins. À dix-huit ans comme à vingt-huit, la vie mise à l’épreuve de la rage et de l’amour, les yeux mis à l’épreuve du dégoût. »
Antonio José Forte, Un Couteau entre les dents .

Une poésie violente dans les textes et, dans la présentation, « un portrait aux contours assez précis et aux couleurs vives ; […] image où l’homme fut solidaire de son œuvre autant que l’œuvre de l’homme. »

Que savons-nous du surréalisme portugais ?
«  Ce qu’il y a de plus surréaliste dans le surréalisme portugais, c’est qu’en fin de compte, il n’a jamais existé. » Une boutade d’Alexandre O’Neill ? En tout cas, cette nouvelle publication d’Ab irato nous en fait découvrir une facette, en bilingue. Des textes forts où « l’esthétique et l’éthique s’équilibrent dans la revendication sans cesse réitérée de la totalité, exigence majeure du surréalisme. » Ce qui nous ramène à la question de la subversion de la poésie, de la métaphore et de la remise en question des systèmes dans un pays qui était alors sous dictature.

La révolution et la subversion du surréalisme des origines. Car «  l’utopie peut aussi s’écrire révolution », même si l’œuvre d’Antonio José Forte « n’est pas réductible au seul contexte historique, social et politique ».
Un couteau entre les dents d’Antonio José Forte, traduction et présentations d’Alfredo Fernandes et de Guy Girard : la poésie farouche et immédiate d’un visionnaire autonome.

« L’action poétique implique : envers l’amour une attitude passionnée, envers l’amitié une attitude intransigeante, envers la Révolution une attitude pessimiste, envers la société une attitude menaçante. […] Les prophètes, les réformistes, les réactionnaires, les progressistes écarquilleront les yeux et aussitôt ils les fermeront de honte. Ils les fermeront comme, en fin de compte, ils font d’habitude en se plongeant dans leurs prophéties. »
Ce texte est lancé comme un manifeste et c’est une belle liaison pour parler du second volume publié par Ab irato, De Godzilla aux classes dangereuses.

La peur politique est plus que jamais une manière de gouverner. Ajoutez-y
la peur du capitalisme devenu « éternel et indépassable » et l’angoisse d’un futur qui ne promet que le pire : finie la carotte pour les gogos que nous sommes, il ne reste que le bâton. « La production sociale de la peur est indissociable des rapports d’exploitation capitalistes, de l’inégalité économique cachée par l’égalité formelle. Le capitalisme, c’est la guerre, la misère et la peur. »

À cette situation, il faut des moyens de contrôle — et l’État n’en manque pas. La propagande est partout, cible toute critique et l’emporte sur toute analyse. Dernier avatar en date : le terrorisme. C’est un gimmick qui marche et qui fait recette. Pas très original certes, et qui revient souvent pour prévenir toute contestation sociale, mais enfin le concept a bien des avantages. La peur sur laquelle se construit la propagande fait passer la misère, l’exploitation, la criminalisation des mouvements sociaux, la répression, le Patriot Act outre Atlantique…

Bref, l’État démocratique veille et nous protège contre le chaos… contre Godzilla et les classes dangereuses !

CP