Chroniques rebelles
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El Negret. Film documentaire de Jean-Paul Roig
Samedi 4 juin 2011
Article mis en ligne le 5 juin 2011
dernière modification le 6 juillet 2011

par CP

Quelle est la place de la mémoire de 1936 dans un village du Bas Aragon ?

El Negret, comme ils l’appellent, participait en 1936 dans ce village, au sein d’un Comité antifasciste et révolutionnaire, à la mise en oeuvre d’une collectivité, avec salaire familial, suppression de la monnaie et abolition des titres de propriété.
Comment fonctionnait cette collectivité ? Que s’est-il passé dans le village durant la Guerre civile ?

En Espagne, entre ombre et lumière, dans la paix et le silence, le village suit inexorablement le cours de son histoire. Mais le souvenir du Negret y est encore présent à l’instar des traces des événements tragiques qui s’y sont déroulés, il y a plus de soixante-dix ans.

©Jean-Paul Roig

« Il est au présent mon passé » résume la démarche du réalisateur Jean-Paul Roig, du moins l’un des aspects de son film documentaire et très personnel.

Entretien avec le réalisateur Jean-Paul Roig.

Espagne 1936. « Les vieux concepts de maître et d’esclave brûlaient en même temps que les images religieuses. Tout brûlait, même les banques. Un nouveau monde allait naître dans lequel l’argent et l’inégalité disparaîtraient. C’était une atmosphère de fête révolutionnaire. » Daniel Pinos, Ni l’arbre ni la pierre.

Dans la province d’Aragon, les traditions collectivistes étaient très ancrées. La solidarité, l’entraide et les valeurs d’une société libertaire étaient déjà présentes, en germes, bien avant 1936. « Les collectivités d’Aragon[ont regroupé] 430 000 paysans. » De plus, les anarchistes aragonais avaient mis en place ce que les catalans avaient oublié de faire, à savoir donner tout le pouvoir aux organismes de base, aux travailleurs et aux paysans.

Mais ce n’était pas du goût de tout le monde, comme l’explique El Negret. El Negret, c’est la personne qui est au centre du film de Jean-Paul Roig, celui qui permet de dévider le fil d’Ariane du passé familial du réalisateur, un passé partiellement et volontairement enfoui dans les mémoires de ses proches. La rencontre avec El Negret va provoquer des questions, des rencontres et un autre regard sur ce pan de l’histoire, à la fois personnelle et publique, de l’Espagne.

L’utopie en marche, cela dérangeait en 1936 et déclenche encore aujourd’hui des réticences, notamment celles du cousin du réalisateur, qui paraît être revenu de ses propres convictions, et pense qu’ils étaient peu nombreux, avec El Negret, à vouloir faire « leur révolution ». Presque quarante années de dictature n’ont pas émoussé les critiques et les ressentiments. Dans le film, même si les témoins de cette époque s’expriment, on sent bien que soulever le voile sur un passé douloureux n’est pas simple. Plusieurs témoins de cette époque préfèrent se taire sur les déchirements, les blessures, les personnes sacrifiées et les morts de la guerre civile.

©Jean-Paul Roig

En ce qui concerne El Negret, quatre décennies d’interdit à penser ne l’empêche pas de faire des analyses et un bilan. Et lorsque Jean-Paul Roig l’interroge sur le regard qu’il porte sur les conséquences de la guerre civile, il constate : «  une Espagne ruinée d’un côté comme de l’autre. Pour en arriver plus tard à ce que les franquistes ne savaient pas quoi faire de la classe ouvrière, que 800 000 Espagnols partirent travailler dans le monde entier parce que l’Espagne et Franco étaient incapables de leur donner du travail. »

Quant à l’enjeu du film documentaire, de ce périple personnel, il est complexe, il ouvre essentiellement sur des questions et n’apporte guère de réponses, « ni sur la guerre ni sur les idéologies et leur défaite. [Mais une chose est claire, dit le réalisateur,] Mon grand-père faisait partie de ces Espagnols qui croyaient en la République et au socialisme dans un pays autoritaire dominé par les grands propriétaires féodaux, une armée et un haut clergé extrêmement conservateur.

Mon histoire est celle de tous ceux, enfants meurtris et abandonnés, héritiers sans testament dont les parents et les grands-parents ont un jour été chassés de la terre où ils vivaient parce qu’ils avaient osé refuser l’injustice, l’ignorance et la misère.
La guerre civile espagnole, provoquée par un coup d’État militaire contre un gouvernement élu démocratiquement, fut d‘abord et avant tout une
guerre sociale.
 »

El Negret : Film documentaire (69mn) de Jean-Paul Roig sur la guerre civille et la collectivité dans un village du Bas-Aragon (Calaceite) autour du témoignage du militant anarcho-syndicaliste Joaquin Monreal.

HD-CAM 16:9 - Couleur - 69 mn - 2009
Auteur-Réalisateur : Jean-Paul Roig
Image et son : Carlos Alvarez
Musique originale : Manuel Bleton
Montage : Sarah Taouss Matton, Pauline Coudurier,Delphine Dumont

Se procurer le DVD du film de Jean-Paul Roig :

Publico 145 rue Amelot 75011 Paris

jean-paul.roig@orange.fr