Chroniques rebelles
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Livres, films, musiques…
Samedi 31 décembre 2011
Article mis en ligne le 5 janvier 2012

par CP

Pour cette dernière émission de l’année 2011, des livres dont nous avons parlé, brièvement ou pas du tout, faute de temps ou d’invité-es. C’est donc une revue des livres, mais aussi des films que nous vous proposons aujourd’hui avec des chansons et des musiques. Une sorte de regard panoramique sur l’année 2011 pour une fin d’année morose au plan social, et dramatique à l’international, en particulier en Syrie où des civils — des femmes, des hommes, des enfants — se font tuer tous les jours, et en Égypte où la contestation est également réprimée par l’armée, après l’élan révolutionnaire du printemps.

Souhaitons-nous donc une année 2012 pleine de résistance…

Et pour commencer un petit livre, un pamphlet édité par l’Insomniaque, pour faire écho à la campagne électorale assourdissante de vacuité et gonflée à la propagande non stop. Un texte de Charles Maestracci qui a pour titre :
NON ! Un pamphlet anti-électoral et un cri de colère contre l’État et la
« phinance » planétaire.

« Le nombre de pauvres en surnombre, devenus inutiles à leurs maîtres, d’exclus et de prolos surexploités devient gigantesque. Le chantage de la dette va évidemment accélérer un processus dévastateur.

“Quand on laisse littéralement pourrir des millions d’êtres humains dans les réserves du paradis capitaliste, quand on militarise des quartiers entiers pour accueillir des sommets de chefs d’État, parler d’intégration est une ignoble plaisanterie. Dans cet impérialisme marchand, qui oblige des millions de gens à rêver le même rêve sans vie, aucun appel au dialogue et à l’intégration démocratique n’est possible.”

Je suis donc convaincu que “l’homo financius” n’aura aucune pitié envers quiconque ; que ce monstre engendré par le capitalisme, est un buveur de sang et qu’il ne va pas hésiter à fomenter une guerre ou quelque autre calamité. Car comme ironisait Jean Servier : “C’est manquer de beaucoup de confiance en l’homme que de croire qu’il a atteint un absolu dans le crime au cours du XXe siècle.”

Voilà ma crainte et la raison pour laquelle je me soulève contre l’État, ce simple valet armé des puissances financières et qui agit avec elles en symbiose.
S’abstenir de voter pour désigner le chef des forces armées — le président de la République — serait une manière de s’insurger, sans se jeter dans la rue pour tomber sous le feu nourri de leurs armes perfectionnées.

Ce serait donc tout à son honneur si le peuple français boycottait massivement les urnes, car la force d’une insurrection est sociale.

Aucun maître, aucun dirigeant ne peut enlever la possibilité d’un refus. D’un “NON !” qui va bien au-delà du choix de la “marionnette présidentielle”, puisqu’il s’adresse au système global, au NOM — au Nouvel Ordre Mondial.
S’abstenir, c’est donc s’insurger contre ce système injuste, c’est commettre un acte de révolte en jetant, ici, sur la politique française, le filet de l’opprobre.

Osez !

N’allez pas voter ! »

Montreuil, 11 novembre 2011. Jour commémoratif de la fin de la “Grande Boucherie”.

Éditions LUX.

L’empire du capital de Ellen Meiksins Wood.

De nos jours, l’hégémonie étatsunienne ne semble pas s’affirmer par la construction d’un empire colonial. Mais la puissance militaire des États-Unis est de loin mondialement la plus redoutable.

Comment expliquer ce paradoxe ?

L’auteure rappelle l’histoire des grands empires qui furent à la fois des empires territoriaux et commerciaux et montre la nature singulière de l’impérialisme étatsunien qui ne repose pas sur des conquêtes territoriales. Le projet des gouvernements étatsuniens, rendu possible par le capitalisme, est celui d’une domination économique mondialisée, administrée localement par des États souverains, mais « protégée » par la puissance militaire des États-Unis.

L’empire du capital débouche ainsi sur ce paradoxe : tout indifférent qu’il soit à la conquête du monde, l’empire du capital a mis en place une machinerie militaire dont on ne saisit pas à première vue l’objectif, sinon la suprématie étatsunienne et le contrôle politique mondial.

Ellen Meiksins Wood est l’auteure de nombreux ouvrages, dont L’origine du capitalisme, publié également aux éditions Lux.

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Futurs proches

Liberté, indépendance et impérialisme au XXIe siècle

Noam Chomsky

Dans ce livre, Noam Chomsky dresse l’inventaire des horizons possibles, « menaçants » ou « exaltants », du XXIe siècle. Au fil d’une analyse acerbe des événements politiques de ces dernières années, il dévoile les rouages de la mécanique implacable de l’impérialisme étatsunien, mécanique qui plonge des peuples entiers dans la dépendance et le désarroi.

Noam Chomsky explore ainsi les problèmes d’aujourd’hui : le fossé grandissant entre le Nord et le Sud, l’exceptionnalisme des États-Unis qui n’a pas cessé sous la présidence d’Obama, les fiascos meurtriers en Irak et en Afghanistan, l’offensive israélo-étatsunienne à Gaza et, enfin, les crises financières.

Il montre aussi les effets d’un processus qui s’emballe, mais qui, face à la détermination des populations, n’a pas le caractère inéluctable que, notamment, les médias veulent bien lui prêter.

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Petit cours d’autodéfense en économie.

L’abc du capitalisme de Jim Stanford

Traduit de l’Anglais par Nicolas Calvé

Qu’est-ce que la dette publique ? D’où vient l’inflation ? Le profit est-il une source de progrès ? Pourquoi le chômage serait-il un mal nécessaire ? L’État nuit-il à l’investissement ?

Mystérieuse et confuse, l’économie est trop souvent mise hors de la portée de la majorité qui cependant en paie les frais lors des crises qui, elles, profitent en général au capitalisme. Seuls les experts agréés par les pouvoirs sont autorisés à répondre à des questions dont dépend pourtant l’avenir de tous et de toutes.
Le Petit cours d’autodéfense en économie de Jim Stanford veut rompre ce déséquilibre par l’analyse critique de situations concrètes, auxquelles s’ajoutent des synthèses expliquées par des schémas récapitulatifs.

Ce livre démystifie les dessous et les processus du capitalisme, les rendant compréhensifs à tout le monde.

Jim Stanford est économiste et le fondateur du Progressive Economics Forum, réseau canadien d’économistes progressistes.

L’ouvrage est illustré par Charb avec une préface d’Éric Pineault.

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Éditions de l’Échappée.

Tricolores

Une histoire visuelle de la droite et de l’extrême droite en France

Zvonimir Novak

Des livres traitant d’affiches, de dessins, de caricatures, de notes, de tracts,
de graphs… de propagande, il en existe, au plan international, un nombre important, issus des milieux libertaires et plus généralement de la
« gauche ». Qu’il s’agisse de critique sociale ou politique, de la période révolutionnaire allemande, après la Première Guerre mondiale, des années 1920 en Russie, de la Révolution espagnole de 1936, de mai 1968 très prolixe en images, de la lutte féministe des années 1970, entre bien d’autres mouvements, soulèvements et révolutions, les groupes militants et les activistes se sont surpassés dans le domaine de l’image au service de la contestation, de la lutte et de la subversion. Cette créativité, qui souvent influence des courants artistiques, est en général associée à la gauche révolutionnaire, du moins c’est ce que l’on croit.

Or, l’utilisation de l’image tient également une place prégnante à droite et à l’extrême droite. L’image s’impose comme un passage obligé de la propagande : il faut « occuper la rue » !

Tricolores. Une histoire visuelle de la droite et de l’extrême droite en France de Zvonimir Novak fait la démonstration impressionnante de la permanence d’une propagande graphique depuis 1880 dans les mouvements de droite, d’extrême droite, fascistes et néonazis. On découvre ces images dans la rue, sur des tracts, dans des manifestations, mais rares sont les ouvrages qui recensent les représentations graphiques et les images utilisées par la droite et l’extrême droite dans un ouvrage spécifique et sur plusieurs périodes historiques.

Tricolores. Une histoire visuelle de la droite et de l’extrême droite en France livre une analyse des mouvements, à travers les symboles utilisés, les codes et les images de propagande, et permet de comprendre les enjeux, la portée de ces images comme « lutte idéologique menée par les signes visuels ». C’est en quelque sorte «  matérialiser à travers des figurations, les représentations mentales des combattants de la politique. »

Tricolores. Une histoire visuelle de la droite et de l’extrême droite en France est un ouvrage passionnant qui plonge dans les méandres d’une production graphique pour mieux décrypter l’idéologie des courants politiques et la manipulation, souvent subliminale, qui s’opère sur le public. Xénophobie, nationalisme, populisme, racisme, antisémitisme…

Le détournement des codes et des images bat son plein aujourd’hui et nous n’avons pas fini d’en voir et d’en subir dans les mois qui viennent… Campagne électorale et course au pouvoir oblige.

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La Mano negra

Anarchisme rural, sociétés clandestines et répression en Andalousie (1870-1888)

Clara Lida

1878, la révolte s’étend à toute la campagne de l’Andalousie occidentale : les fermes et les oliveraies sont incendiées, le bétail massacré, les vignes arrachées, les boulangeries pillées, les maisons de maîtres occupées... À l’origine de ces actions, la Fédération régionale espagnole, section ibérique de l’AIT (Association internationale des travailleurs), qui compte à cette époque plus de 30 000 adhérents dans la région.

En 1883, dans les provinces andalouses, de Séville et Cadix, une série de délits est attribuée à une organisation secrète, la Mano negra. Une répression féroce s’abat alors sur les militants paysans et internationalistes accusés de vouloir renverser le gouvernement et éliminer l’aristocratie des grands propriétaires terriens en recourrant aux moyens les plus extrêmes comme
« le fer, le feu et la calomnie ».

Ce livre raconte les prémices du mouvement anarchiste en Espagne et le rôle essentiel joué par les mouvements paysans. Il décrit aussi une manipulation de l’État qui, aidé par l’oligarchie andalouse et par la presse, n’hésite pas à utiliser la torture, les agents provocateurs, les arrestations massives et la terreur pour criminaliser le mouvement de révolte.

Sept ouvriers agricoles, accusés d’appartenir à la Mano negra, sont garrottés en juin 1884. Cette exécution suscite l’effroi dans toute l’Europe et marquera profondément le mouvement libertaire espagnol.

La Mano negra Anarchisme rural, sociétés clandestines et répression en Andalousie (1870-1888) de Clara Lida

Un livre essentiel pour comprendre l’importance de l’implantation libertaire en Espagne.

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L’horreur managériale

Gérer, instrumentaliser, détruire d’Étienne Rodin

Le management… Qui n’a pas entendu ce mot dans la bouche des chefs et autres cheffaillons de service au cours de réunions dans les entreprises. Le management…

Une technologie sociale érigée en discipline scientifique par les « gourous » du rendement, les coachs, les consultants et autres penseurs libéraux, chantres de l’exploitation.

Le management serait la manière la plus efficace de gérer les individus, les salarié-es — pardon, il faut dire les ressources humaines — et gérer aussi des projets pour atteindre des objectifs de rentabilité, cela va de soi. Et là, il faut traduire par : comment obtenir toujours plus avec toujours moins de moyens.

Avatar de l’économisme, c’est-à-dire de l’économie pensée comme une finalité de l’activité humaine, le management entend faire de la personne, du et de la salarié-e une ressource qui doit être rentabilisée au maximum, et dans tous les domaines. Il s’agit de tout étudier, tout formaliser, tout programmer, tout vérifier, tout exploiter pour obtenir le rendement le plus fort au nom de l’anticipation permanente, du contrôle et de l’évaluation, de la qualité et de la performance. C’est la guerre, il faut écraser les autres !

Le management est une discipline — au sens disciplinaire du terme — à la fois médiocre et subtile. Discipline médiocre car elle tente d’opérer une réduction anthropologique qui ferait des salarié-es, des êtres humains, les instruments du profit édifié en principe existentiel. Discipline subtile car elle est aussi bien capable de nous susurrer des mots doux que de nous presser comme des citrons, sous prétexte de favoriser notre réussite, et même notre
« bonheur ».

L’horreur managériale

Gérer, instrumentaliser, détruire d’Étienne Rodin (l’Échappée)

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Atelier de Création Libertaire (ACL)

Engagement libertaire et organisation anarchiste

Mimmo Pucciarelli

Ce livre est construit sur la base d’entretiens avec deux compagnons libertaires, Laurent Fouillard et Jean-Louis Van Phan. Texte passionnant qui permet de comprendre non seulement les itinéraires, mais aussi la prise de conscience et le choix qui se fait à travers des expériences différentes et des événements traversés.

Qu’est-ce qui fait que l’on remet en question le modèle de société qui est imposé depuis l’enfance ?

Quel est le point de départ d’une volonté militante ? Et à quel moment s’opère le choix de l’utopie libertaire ?

Engagement libertaire et organisation anarchiste

Mimmo Pucciarelli

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Être anarchiste oblige !

André
 Bernard

C’est le récit de vie d’un jeune libertaire confronté au militarisme et à la guerre d’Algérie de 1954. Le livre est le témoignage d’un réfractaire à la guerre coloniale. Ce refus de la guerre d’Algérie se révélera en fait comme l’acte fondateur de son itinéraire intellectuel et militant.

Ses articles, publiés dans le Monde libertaire et la revue anarchiste Réfractions, accompagnent le récit et éclairent ses choix. Créativité sociale et imagination se retrouvent également dans son parcours.

Être anarchiste oblige !

André 
Bernard

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Anarchie économique

Baba

« C’est nous-mêmes, petites gens, qui nous persuadons que la réalité marchande et financière du monde prime sur la réalité concrète et naturelle. Il en va ainsi lorsque nous admettons que le déficit en argent d’un hôpital public, ou d’une entreprise privée produisant des choses réellement utiles (c’est-à-dire non encore perverties par la fabrication économique de pseudo besoins), puisse entraîner sa fermeture. Une telle proposition a autant de sens que refuser des mots d’amour à l’être aimé parce que le stock de mots d’amour de la journée serait épuisé. C’est confondre la réalité concrète de son sentiment amoureux avec son signe, le mot amoureux. C’est confondre la vie réelle avec la valeur en argent qui lui est attribuée par les marchés. C’est écraser la vie sous des représentations qui nous ont échappé. C’est renoncer à vivre. »

Baba collabore au journal la Décroissance.

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Sourates pour Doubaï

Jean-Manuel Traimond (ACL)

Sourates pour Doubaï ou les mille et une histoires d’une ville État qui se veut modèle du système capitaliste, dans un décor de riches… très coûteux, mais plutôt style décor en carton pâte. La mégalomanie architecturale y atteint des sommets et les conditions de travail sont les fioritures qui gomment les êtres humains pour ne garder que les fonctions qu’ils occupent dans ce chantier géant à ciel ouvert, sur lequel sont en place 20 % des grues de la planète.

Sourates pour Doubaï est le journal de bord d’une ballade dans un Las Végas économique, fantasmé, érigé en pays d’Arabie. Journal où se côtoient les impressions d’un Candide au pays des émirats, d’un Aladin occidental qui parle à tout le monde — quand c’est possible —, les constats, les chiffres officiels et les impressions à chaud… Mais l’Aladin en question ne possède ni lampe merveilleuse, donc pas de génie magique, ni tapis volant !

Sourates pour Doubaï, beau titre pour décrire le débordement de fric basé sur l’exploitation qui offre — qui vend, devrais-je dire — la projection nouveau riche d’une ville État « trop étendue, trop dépendante de l’automobile, une ville lacérée par d’immenses autoroutes impassables ; une ville, peut-être la plus cosmopolite qui n’ait jamais existé, mais dont le cosmopolitisme a été stérilisé au bénéfice des bazars infiniment répétés ».

Dubaï la clinquante et l’hyper contrôlée, la ville moderne et factice, « une ville bigoto-pécheresse où la tolérance se résume à celle de la prostitution et de l’alcool, tant que ces deux bonheurs des bourgeoisies extérieures se tiennent dans les limites de la nuit et des bars d’hôtel ; une ville dont on ne sait si elle mine l’islam en y injectant les insidieux poisons de la modernité, ou si au contraire elle le conforte en lui procurant une soupape de sûreté géante. »

Sourates pour Doubaï

« Le Dubaï menaçant dépasse le Dubaï rêvé, mais procède de lui. Ou plutôt de l’écart entre le rêvé et le réel. Car pour que les mythes du Dubaï rêvé ne soient pas trop mis à mal par la réalité, il fallait que le pays ne soit pas un pays.

Un vrai pays regorge de vieux, d’adolescents, de malades, de mendiants, ces inutiles qui empêchent de croire qu’on peut vivre comme des dieux. Il faut que le pays [Dubaï] ne soit qu’une entreprise, que la société ne soit une société qu’au sens commercial.

De là, comme dans une entreprise explicite, l’usage des travailleurs jetables. Ils ne viennent que pour travailler, sans leurs familles. »

Mythe et capitalisme à l’ombre de nouvelles tours de Babel : l’économie a tout « conquis, le pouvoir, l’espace, le temps, la perception, la réalité, l’imaginaire. Le règne nu de la marchandise enfin débarrassé des fictions politiques, des oripeaux constitutionnels, du cache-misère appelé démocratie. »

Sourates pour Doubaï de Jean-manuel Traimond… Un récit intéressant qui commence par les égouts…

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Éditions CNT.

Le Havre 1922 : la grande grève de la métallurgie

Patrice Rannou

Le Havre, 1922. Début juin, la Chambre syndicale patronale de la métallurgie du Havre fait savoir à ses ouvriers que, à partir du 22 du mois courant, les salaires seront diminués de 10 % en moyenne. Le mardi 20 juin, les ouvriers forment un comité de grève et, le lendemain, 900 métallurgistes en grève tiennent leur première réunion publique. Le 23 juin, 10 000 personnes, hommes et femmes, parcourent pacifiquement les rues du Havre dans ce qui est la première d’une longue série de manifestations de rue. Dans les jours suivants, le mouvement se communique rapidement à l’ensemble des grands chantiers du Havre.

Cette grève, qui va s’étendre sur plus de trois mois, a lieu dans une ville où, en dépit d’une déjà longue tradition révolutionnaire, les ouvriers de la métallurgie sont peu syndiqués. En outre, la grève commence presque au moment même où le congrès de fondation de la CGTU ratifie la première grande scission du mouvement ouvrier français d’après 1914, divisé entre une CGT réformiste, dirigée par l’ex-anarchiste Léon Jouhaux, et la nouvelle confédération, fondée par les minoritaires de l’organisation, communistes et libertaires. Il y a alors une vague de solidarité qui permet d’appliquer la vieille tactique syndicaliste de l’exode des enfants des grévistes, accueillis dans d’autres villes.

Les métallos du Havre vont mener un combat courageux, soutenus par le maire radical-socialiste de la ville, contre les patrons du Comité des Forges, mais aussi contre l’État et ses chiens de garde, policiers, militaires et magistrats.

Le 26 août, une collision entre manifestants et forces dites de l’« ordre » entraîne la mort de quatre ouvriers. Après les années de boucherie patriotique de la Première Guerre mondiale, la République renoue avec les crimes de Fourmies et de Villeneuve-Saint-Georges. Ce n’est que le lundi 9 octobre, après cent dix jours de grève, que le comité de grève suspend un mouvement qui reste l’un des épisodes les plus marquants de la lutte des classes des années de l’après Première Guerre mondiale.

C’est ce grand mouvement, largement oublié aujourd’hui, que Patrice Rannou, fait revivre au jour le jour.

Le Havre 1922 : la grande grève de la métallurgie (CNT)

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Cipriano Mera Sanz, 1897-1975. De la guerre à l’exil

Clément Magnier

Avec cette biographie, inédite en français, consacrée à Cipriano Mera Sanz (1897-1975), on suit une figure emblématique du prolétariat révolutionnaire madrilène. Il est maçon et devient général de l’armée populaire durant la guerre civile espagnole.

Comme Durruti, ce militant de la CNT s’engage dans la guerre de classes qui ravage l’Espagne. Comme Durruti, il a connu les cachots de la dictature de Primo de Rivera, puis ceux de la République. Cependant, à la différence de Durruti, mort en novembre 1936, Cipriano Mera gardera les armes à la main jusqu’en mars 1939, et même au-delà.

Antimilitariste convaincu, il s’est pourtant fait l’agent de la militarisation des milices avec le retour à une discipline abhorrée et le système des soldes et des insignes.

L’utopie est-elle contrainte d’embrasser les méthodes de ses ennemis pour vaincre ? Quelle part prirent les staliniens dans la défaite du camp dit républicain en 1939 ? Les fascistes et leurs alliés sauront-ils toujours mieux faire la guerre ?

À l’heure où les tenants de la dernière idéologie libérale en date – celle de la fin des idéologies – essaient d’enterrer le bel idéal révolutionnaire, ce livre bat en brèche le schéma réducteur diffusé par la propagande d’une guerre opposant fascisme et démocratie.

Cipriano Mera Sanz, 1897-1975. De la guerre à l’exil

Clément Magnier (CNT)

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Éditions Libertalia

Guerre à l’État

Luttes autonomes et expériences alternatives au Pays basque (1980-1992)

Jtxo Estebaranz

Les années 1980 représentent pour l’Espagne la seconde étape de ce que l’on a nommé la « transition démocratique » et son intégration à l’Europe. Cette période fut l’occasion d’une intense agitation sociale, particulièrement dans les territoires basques. Outre les mouvements nationalistes, on y vit fleurir un mouvement antiautoritaire, libertaire, prenant comme esthétique la vague punk qui balayait alors tout le pays. 
Ce mouvement eut de multiples aspects : squats, radios pirates, fanzines, musique. Il se retrouva mêlé aux luttes ouvrières, étudiantes, féministes, antimilitaristes, écologistes …

Il fut en butte à la répression des États espagnol et français ainsi qu’à l’ostracisme et aux calomnies du mouvement de libération nationale basque classique.

Ce livre évoque une histoire oubliée par l’historiographie officielle et la geste nationaliste, une histoire souvent méconnue. Son but, au-delà de rendre justice, consiste à poser cette simple question : « Comment ne pas refaire les mêmes erreurs ? »

« Guerre à l’État… jusqu’à ce qu’on nous foute la paix » est le titre d’un morceau du groupe punk Hertzainak. Hommage au camarade Piti mort accidentellement sur une bombe, ce morceau est devenu un hymne.
Avec ce nouveau titre, Libertalia inaugure une nouvelle collection, mêlant graphisme, alternatives politiques et culturelles.

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JE N’AIME PAS LA POLICE DE MON PAYS

Maurice Rajsfus

L’aventure du bulletin Que fait la police ? (1994-2012)

« Dans un pays où la police parle bien plus de ses droits que de ses devoirs, quel espace de liberté peut bien subsister pour les citoyens ? Ces droits revendiqués par les policiers ne peuvent que signifier, parallèlement, le renoncement à la critique quant à la qualité de leurs activités. Lorsque la parole du policier ne peut être réfutée, c’est toute la liberté d’expression qui se trouve mise en cause […].

Il est nécessaire que des témoins ou des observateurs se fassent entendre. C’est le rôle qu’a tenté de jouer, depuis le printemps 1994, l’Observatoire des libertés publiques et son bulletin mensuel Que fait la Police ? Avons-nous réussi à décrire les aspects malfaisants de la police et à sensibiliser les esprits ? Peut-être pour une minorité. Sans doute pas pour le plus grand nombre. Est-ce une raison pour renoncer ?
Sans doute pas !
 »

Maurice Rajsfus viendra dans les Chroniques rebelles en février 2012.

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TUE TON PATRON, SAISON 2

Jean-Pierre Levaray

On a tous rêvé, un jour, une nuit, de se débarrasser de son patron. Mais ce n’est pas si facile. Alors, si on s’y mettait tous ensemble ? C’est ce que les ouvriers d’une usine fabriquant des composants électroniques pour le secteur automobile mettent en œuvre lorsque le patron veut fermer la boîte. Cela se passe très vite, en quelques heures, à la faveur d’une réunion pour annoncer les licenciements. Mais pour que ce soit rapide et efficace, il faut avoir tout bien préparé.

Tue ton patron, premier du genre, racontait l’acte individuel d’un chômeur. Pour ce deuxième opus, c’est le « tous ensemble » qui prévaut. Est-ce plus efficace ? Moins noir ? Imaginez un monde sans patron…

TUE TON PATRON, SAISON 2

Jean-Pierre Levaray

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Tue Ton Patron

Jean-Pierre Levaray

La BD dessinée par Efix sortira le 6 février 2012,

Chez Fetjaine/La Martinière

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Aux Chant d’orties

C’est quoi ce travail ?

Jean-Pierre Levaray

Un livre-album jeunesse qui sortira à la fin du premier trimestre 2012.

« Mon père ne parle jamais de son travail. Il ne parle pas beaucoup en général. Je ne sais pas ce qu’il fait dans l’usine. Doit-il escalader tous ces tubes et tuyaux ? Toutes ces poutrelles ? Est-ce qu’il verse l’essence fabriquée dans des jerricans, dans des fûts ou dans des camions aux énormes citernes ? Doit-il aller d’un bout de l’usine à l’autre, à pied, en vélo ou en voiture ? Doit-il porter une combinaison comme les cosmonautes ? Est-ce qu’il fait froid ? Est-ce qu’il fait chaud là où il travaille ? Est-ce qu’il manipule des ordinateurs comme des Playstations ? Est-ce qu’il doit rentrer dans les grosses turbines que j’entends ronronner ? Enfin des tas de questions. »

C’est quoi ce travail ?

Jean-Pierre Levaray

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Les chroniques rebelles présentaient la semaine dernière plusieurs livres des éditions chant d’orties, dont :

Marius Gardebois dit le Savoureux

Recueil de trois textes d’Albert Londres accompagnés d’une préface de Claire Auzias, d’une petite histoire du bagne et d’une carte de la Guyane.

Et

La Marseillaise

Hervé Mestron

C’est l’histoire de Momo qui un jour siffle la Marseillaise dans un stade et c’est la chronique d’un quartier sous haute surveillance avec Yasmina, une adolescente qui n’a ni la langue, ni les yeux dans sa poche. Elle observe, raconte et organise des micro-trottoirs… « Comment peut-on rabâcher sans cesse par voie médiatique le devoir de tolérance, stigmatiser continuellement les dangers de la xénophobie et en même temps sacraliser un chant qui accepte qu’il puisse y avoir un sang impur ? »

Ça, c’est évidemment la question. Parce que, lorsque «  je relis les paroles de la Marseillaise, j’ai de plus en plus envie de siffler ce chant malsain. » Et l’on peut ajouter que lorsque le gouvernement parle d’identité nationale, le sifflet s’impose aussi.

La Marseillaise

Hervé Mestron (Chant d’orties)

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Éditions Nuits rouges.

HISTOIRE DU TRADE-UNIONISME

Les Origines – La Période révolutionnaire (1799-1842)

Beatrice Porter & Sydney Webb

Avant de plonger dans la collaboration sociale, le trade-unionisme britannique — premier de l’histoire — avait connu une période agitée où, de concert avec le mouvement chartiste, et à la suite des luddistes, il avait mené contre les possédants des actions radicales, mais sévèrement réprimées. S’appuyant sur les archives des syndicats, les auteurs racontent ces douloureux et parfois exaltants combats des pionniers du syndicalisme. Leur ouvrage monumental, paru initialement en 1894, reste un classique des études sociales.

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LA GUERRE DES PAYSANS EN COLOMBIE

De l’autodéfense agraire à la guérilla des FARC

Michel Gandhilon

La détention d’Ingrid Bétancourt par la guérilla des FARC a pendant un moment braqué les feux de l’actualité sur la Colombie. Cependant, cet intérêt médiatique n’a suscité que des visions simplistes de ce pays et de la principale organisation armée en lutte contre l’oligarchie terrienne et l’empire étatsunien.

Longtemps dirigé par le Parti communiste, ce mouvement, qui puise ses racines dans les luttes agraires et ouvrières du siècle passé, a remporté divers succès militaires au tournant des années 2000, en partie grâce aux taxes prélevées par lui sur l’industrie de la cocaïne. Mais, après de sévères revers, conséquence de la répression brutale pilotée par les États-Unis, comme de la pérennisation d’une classe moyenne dans les villes, il ne reste plus, aujourd’hui, d’autre stratégie que la survie de son État forestier.

Cependant, la guérilla contrôle toujours une partie notable du territoire colombien, grâce aux milliers de recrues qui lui restent, pas toujours volontaires d’ailleurs.

Michel Gandilhon place son récit dans la longue période agitée d’édification de l’État colombien et de la difficile construction d’un mouvement ouvrier, tout en évitant l’hagiographie et le dénigrement mensonger.

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LA GLOIRE DES ATHÉES

Anthologie

101 textes rationalistes et antireligieux.

Les montées parallèles des fondamentalismes musulman, chrétien, juif et autres, témoignent du grand désordre de la planète qui découle de causes, de natures économique et sociale. Mais elles redonnent de la pertinence à un anticléricalisme qui pouvait apparaître, il y a encore peu de temps, comme périmé. Face aux fanatismes qui relèvent la tête, il est opportun de rappeler le combat multiséculaire des athées et des libres penseurs, qui sont l’avant-garde de la philosophie contre les Églises et les pouvoirs constitués. Cependant, l’athéisme est peu de chose s’il se limite à la négation de « Dieu » et laisse debout les innombrables idoles et cultes de substitution. À quoi bon, en effet, jeter des pierres au ciel si on laisse en place le système économique qui détruit la terre !

Les textes ici rassemblés par ordre chronologique – dont certains sont inédits en français – mêlent œuvres philosophiques et littéraires, poèmes, chansons et pamphlets, depuis l’Antiquité indienne, chinoise, grecque, jusqu’à nos jours, sans oublier le domaine arabo-persan. Ils sont issus majoritairement d’Europe, ce continent ayant abrité jusqu’à présent la meilleure expression du rationalisme. C’est une anthologie, mais aussi une histoire succinte de la pensée antireligieuse et matérialiste.

LA GLOIRE DES ATHÉES

Anthologie (Nuits rouges)

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Fidèle à sa tradition, le 33e Festival international du cinéma méditerranéen a joué, fin octobre dernier, le rôle de découvreur de talents cinématographiques et s’est fait l’écho des révoltes et des révolutions autour d’une Méditerranée élargie.

La grande surprise a été de mesurer combien le cinéma égyptien a anticipé la révolte populaire dans ce pays. Il se passe quelque chose du côté du Machrek, comme le montre un cinéma hors des codes habituels, parfois filmé « à l’arrache », en roue libre. Microphone de Ahmad Abdalla en est une belle illustration. Le cinéma est le révélateur d’un frémissement qui existait à l’état latent dans cette société, bien avant l’occupation de la Place Tahrir.

À voir d’ailleurs, Tahrir, documentaire de Stefano Savona qui sort prochainement sur les écrans. Le film a été tourné en février 2011, au Caire, Place Tahrir où de jeunes Égyptien-nes sont en train de faire la révolution. Ils et elles occupent la Place jour et nuit, parlent, crient, chantent avec d’autres milliers d’Égyptien-nes. La répression du régime attise la révolte ; à Tahrir on résiste, on apprend à discuter et à lancer des pierres, à inventer des slogans et à soigner les blessés, à défier l’armée et à préserver un espace de liberté où l’on s’enivre de mots. Tahrir est un film écrit par les visages, les mains, les voix de ceux et celles qui ont vécu ces journées sur la Place. C’est une chronique au jour le jour de la révolution, aux côtés de ses protagonistes.

En Égypte, de jeunes réalisateurs et réalisatrices refusent d’être tributaires d’hypothétiques subventions et se lancent dans des projets à petits budgets, bref le cinéma égyptien éclate dans un renouveau qui renoue avec un cinéma social, inventif, populaire et libre. Peut-on y voir une filiation avec les grands cinéastes égyptiens, comme Youssef Chahine ?
Peu importe car l’important, c’est la fougue créatrice qui anime la jeune production égyptienne.

Les Femmes du bus 678 - Mohamed Diab

Les Femmes du bus 678 de Mohamed Diab — qui sort sur les écrans en avril-mai 2012 — traite de la lutte des femmes pour leurs droits et pose un regard sans complaisance sur la société égyptienne. Déjà, en 2009, étaient sortis deux films sur cette question, un documentaire passionnant de Saad Hendawy, Sujet Tabou, enquête sur les violences faites aux femmes, et une fiction, Un-zéro, de Kamla Abu Zekri. Deux films sur la même
problématique : la conscience des droits des femmes dans une société patriarcale. Les Femmes du bus 678 de Mohamed Diab met en scène trois femmes qui refusent le diktat du silence face au harcèlement dont elles sont la cible, elles se rebellent et décident de répliquer.

Nous reparlerons évidemment de ce film dont la sortie nationale est programmée en avril-mai 2012.

Man Without a Cell Phone - Sameh Zoabi

Pour le 33e festival CINEMED 2011, l’Antigone d’or a été attribuée à un jeune réalisateur palestinien israélien, Sameh Zoabi, pour son film Man without a Cell phone. Comédie à l’humour décapant qui, même si le réalisateur se défend d’avoir fait un film politique, décrit la situation des Palestiniens israéliens en la traitant par la dérision.

Terraferma - Emanuele Crialese

Les douze longs métrages, proposés en compétition étaient, pour la plupart, engagés dans une démarche sociale : Terraferma d’Emanuele Crialese est filmé sur l’île de Lampedusa et témoigne de la réalité de l’immigration clandestine ; La Sombra del sol de David Blanco est un film libertaire et poétique sur les sans abris de Barcelone ; The Enemy de Dejan Zecevic est un pamphlet violent contre l’absurdité de la guerre, il a reçu la Mention spéciale du jury ; Monster’s dinner de Ramin Martin est un film critique et outré sur les convenances sociales et ses dérives totalitaires. Une très belle réussite de l’humour noir.

Autre opus social, Senza arte né parte de Giovanni Albanese décrit le licenciement d’ouvriers d’une usine de pâtes. Libéralisme, profit et faux artistiques, cela donne une comédie italienne dans la plus pure tradition. Tradition rappelée par la superbe rétrospective des films de Pietro Germi, avec Mes chers amis, le Chemin de l’espérance, Divorce à l’italienne ou encore, Séduite et abandonnée, en compagnie de Stefania Sandrelli qui présentait également son film, Christine, Critina, qu’elle a réalisé sur la vie de Christine de Pisan.

Deux films israéliens étaient présentés, Le Jardin d’Hanna de Hadar Friedlich qui est un constat d’échec de l’idée du kibboutz passé au crible du libéralisme et Melting Away, de Doron Eran, qui est une critique de la famille et des interdits liés aux conventions sociales, en l’occurrence la transsexualité.
De nombreux courts métrages étaient en quelque sorte le reflet du festival et de sa diversité, Le Troupeau de Asier Altuna, Yasmine et la révolution de Karin Albou, Rouge pâle de Ahmar Bahet, Je pourrais être votre grand-mère de Bernard Tanguy — Prix du public —, Freedom de Khaled Hafi, Mokhtar de Halima Ouardiri — Grand prix du court métrage —, Brûleurs de Farid Bentoumi — Prix du jeune public —, ou encore RF de Stavros Liokalos et Tiraillement de Najwa Limam Slama…

Quant au choix des documentaires, c’était une sélection hors pair. Le documentaire de Bruno Bigoni, La Couleur du vent, part de Barcelone et de la Révolution espagnole de 1936 pour créer un fil rouge entre les différents bouleversements survenus autour de la Méditerranée, les conflits, les migrations, les ponts artistiques, présents dans la musique et les mythes.
My Land de Nabil Ayouch qui porte un regard différent sur l’exil des Palestiniens ; Quand tout le monde dort de Erdem Murat Çelikler, enquête sur un chauffeur de taxi qui photographie la nuit les sans abri, dans les rues
d’Istanbul ; Cinema Komunisto de Mila Turajlic qui mêle cinéma et
politique ; Will There be a theatre up there ? de Nana Janelidze retrace le destin d’un comédien géorgien et de sa famille prise dans la tourmente du nazisme, puis du stalinisme ; Les Tortues ne meurent pas de vieillesse de Hind Benchekroun et Sami Mermer donne la parole à trois « anciens », un pêcheur, un musicien, un aubergiste ; La Fin de la fugue d’Albert Solé suit Miguel Nunez dans sa lutte pour une mort dans la dignité ; Femmes du Hamas de Suha Arraf fait le portrait de quatre Palestiniennes de Gaza, entre lutte et militantisme ; enfin le magnifique et très original Angst de Graça Castanheira qui a reçu le Prix Ulysse.

Ce qui a caractérisé ce 33e festival, c’est encore une fois le choix ouvert tant sur les nouvelles productions que sur les rétrospectives, les hommages et la diversité des thématiques. Une belle démonstration que la forme et le fond peuvent être au rendez-vous. La Méditerranée n’a pas fini de générer des rêves, des opportunités de rencontres et d’échange.

La Désintégration

Film de Philippe Faucon

La Désintégration évoque la désintégration sociale qui est le pendant occulté de « l’intégration » médiatisée à outrance par les politiques, les sociologues et les journalistes. Film courageux et percutant, la Désintégration bouscule les tabous et les idées reçues en cernant un problème social majeur, celui de la discrimination et de ses conséquences possibles. L’action du film se situe dans la banlieue lilloise, mais pourrait tout aussi bien se dérouler dans la banlieue d’une autre agglomération.

Le film décrit la dérive progressive de trois jeunes gens, Ali, Nasser et Nicolas (qui se fait appeler Hamza), âgés tous trois d’une vingtaine d’années, vers un islamisme radical. Leur rencontre avec Djamel, homme plus mature, les impressionne et bouleverse le cours de leur vie. Ce dernier, en jouant sur leurs frustrations, les endoctrine et les coupe peu à peu de leur famille et de leurs amis. Djamel, le « recruteur » qui vante un Islam radical, les entraîne peu à peu vers une logique de jihad meurtrier.

Comme auparavant dans plusieurs de ses films, Philippe Faucon explore le milieu de l’immigration. Avec la Désintégration, il réalise un film fort, libre des astuces convenues et des fioritures exotiques habituelles.

Auteur du scénario, Philippe Faucon sait de quoi il parle. Les trois jeunes gens, à l’orée d’une vie active, se trouvent confrontés au rejet social et leur rencontre avec Djamel fait le reste : « Regarde où tu vis. Tu n’as droit et accès à rien » pourrait être le point de départ du basculement des trois garçons. L’endoctrinement ira jusqu’à la mort. Il y a d’abord le discours idéologique et xénophobe au nom d’un islam originel, ensuite l’isolement de leur environnement familial et amical, puis, progressivement, leur auto-exclusion.

La caméra filme en plans serrés les visages pour cerner l’évolution des personnages, les regards qui, peu à peu, se durcissent. Le rythme du récit fait monter une tension lourde jusques dans les détails pratiques de l’attentat. On pense à Paradise Now de Hani Abu Assad qui se passe entre Naplouse et Tel-Aviv et qui retrace le cheminement de trois jeunes Palestiniens des territoires occupés se préparant à un attentat-suicide. Une autre situation et un autre contexte politique, certes les Territoires occupés ne sont pas les banlieues, mais il n’en reste pas moins une vision du désespoir dans les deux films et la tension qui demeure bien après les dernières images.

Sélectionné à la 68e Mostra de Venise, la Désintégration a fait partie des films montrés en avant-première au 33e Festival international du cinéma méditerranéen de Montpellier, CINEMED, et l’on se prend à espérer que des films français de cette intensité soient plus nombreux.

Enfin du vrai cinéma !

Philippe Faucon est notamment le réalisateur de La Trahison (2005), Dans la vie (2008).

La Désintégration sera sur les écrans en février 2012.

On the Ice

Andrew Okpeaha MacLean

C’est le premier long métrage inuit de fiction et c’est un drame qui se situe dans les immensités glacées du Pôle Nord, dans une petite ville d’Alaska, Barrow, dont la famille du réalisateur est originaire. Le film est interprété par des comédiens non professionnels. Ce qui lui donne une authenticité troublante qui parfois frôle le film documentaire.

Carnage de Roman Polanski

Avec Kate Winslet, Jodie Foster, Christoph Waltz, John C. Reilly

Dans un jardin, altercation entre deux enfants de 11 ans. L’un d’eux est blessé légèrement. Les parents de la « victime » demandent à s’expliquer avec les parents du « coupable ». Rapidement, les échanges cordiaux cèdent bientôt le pas à l’affrontement qui monte, qui monte…

On pense évidemment à Who’s afraid of Virginia Woolf ? de Mike Nichols, avec Elisabeth Taylor et Richard Burton (1966).

Si vous aimez le cinéma, Hugo Cabret de Martin Scorcese, décorateur : Dante Ferretti.

Prochainement :

Another Happy Day de Sam Levinson

Un autre jour heureux. Le film ne donne guère l’envie de participer à des réunions familiales où toutes les rancœurs et les non-dits ressortent tout à coup de manière violente et cruelle.

Another Happy Day de Sam Levinson fait penser à Un mariage de Robert Altman. Le mariage et ses codes, les nombreux personnages, les inimitiés maquillées, les sourires de façade, les jalousies, les faux semblants et la mort de la grand-mère dans le film d’Altman, comme celle du père dans celui de Levinson.

DVD :

¡VIVA MEXICO ! le documentaire de Nicolas Défossé, montre la résistance actuelle au Mexique et pose la question essentielle de ce qu’est devenue la révolution dont on a célébré à grands frais, en 2010, le centenaire en même temps que les deux cents ans de l’Indépendance. Une célébration qui a choqué la population par les dépenses fastueuses du gouvernement en pleine crise économique, alors que la militarisation s’accroît et que la criminalisation des mouvements sociaux s’amplifie.

Il ne faut pas non plus oublier l’influence des Etats-Unis au Mexique. Le film commence à Los Angeles, avec les vendeurs mexicains à la sauvette, issus de l’immigration clandestine… Pourquoi cette immigration ? Pourquoi finir sur les trottoirs de Los Angeles à guetter les flics ? D’un côté, les retards catastrophiques du pays en matière économique, sociale et démocratique, d’un autre « l’histoire de la guérilla au Mexique [qui a] une actualité qu’il est important d’analyser et de comprendre, pour pouvoir éradiquer les causes qui la font exister, non par des mesures militaires, mais avec de véritables actions de justice sociale. »

¡VIVA MEXICO ! Portrait en mouvement du Mexique en résistance. De Los Angeles au Chiapas, un voyage différent, un autre regard sur le pays de Zapata et des frères Magon. Un voyage où l’on a sans cesse en mémoire la formule : Terre et liberté, Tierra y Libertad !

Le DVD est à Publico.

http://www.youtube.com/watch?v=YwEhKu3T51Q&feature=youtube_gdata_player