Chroniques rebelles
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Tout est permis, mais rien n’est possible. Film documentaire de Ossian Gani et Fabien Trémeau
Samedi 28 janvier 2012
Article mis en ligne le 29 janvier 2012

par CP

Tout est permis, mais rien n’est possible

Film documentaire de Ossian Gani et Fabien Trémeau

(DVD – 16:9 - PAL - 55’ 19" - Son mono - Editions Delga).

http://www.youtube.com/watch?v=s8y7TinwP0Y

http://www.youtube.com/watch?v=ohFVP_m76iI&feature=related.

Le capitalisme n’est pas qu’un système économique, il intègre pour s’accomplir un ensemble de changements sur le comportement de l’individu et de la société. Cette totalisation du système capitaliste par le biais de la culture et de l’idéologie a été au cœur de la réflexion du philosophe Michel Clouscard. Tout est permis, mais rien n’est possible met en question le système idéologique qui sous-tend le néocapitalisme à travers des images d’archives et des interventions de philosophes, d’économistes et d’ouvriers se réclamant ou non de la pensée de Michel Clouscard, afin de déboucher sur une plus juste compréhension du monde contemporain.

La crise financière de 2008 n’a fondamentalement pas remis en cause la conception et la pratique de l’économie : la solution avancée n’est que l’éternelle recette mise en place dès 1929, la moralisation et la régulation du capitalisme. Le problème de l’existence d’une pensée alternative à la société néolibérale se pose : les dogmes libéraux apparaissant comme parole d’évangile et le capitalisme comme la fin de l’Histoire.

Or derrière tout dogme, il y a une idéologie. Et, l’idéologie actuelle n’est pas uniquement économique, elle est également culturelle. La logique libérale-libertaire, concept théorisé pour la première fois par Michel Clouscard en 1972, conjugue libéralisme économique et libertarisme sociétal, tous deux fonctionnant en étroit rapport, tous deux représentant la même face d’une pièce. Tout est permis, mais rien n’est possible propose, à partir des principaux concepts de Michel Clouscard, de décrire les processus qui ont mené à l’émergence de ce système, d’en décrypter les enjeux idéologiques et d’aborder les conséquences sociales, culturelles et économiques. Nous reviendrons ainsi sur l’émergence historique du néolibéralisme ; sur le consumérisme, les rites de consommation,
le rôle et la place des « marchés de la séduction » dans l’économie ; et sur la disparition de la figure du travailleur de la scène médiatique.

Avec la participation des réalisateurs, Ossian Gani et Fabien Trémeau, de Jean-Pierre Garnier, Aymeric Monville et Dominique Pagani.

Tout est permis, mais rien n’est possible. Cela résume la situation actuelle qui se dit permissive — ça dépend pour qui et pour quoi —, et butte sur l’impossible dès qu’il s’agit d’« utopies », remisées plus que jamais aux oubliettes du libéralisme.

Tout est permis… Quoique ce « tout » reste à définir par rapport à la réalité sociale ou à l’idéal « libéral libertaire », répressif pour le producteur, permissif pour le consommateur. « Vous pouvez aller partout, avoir tout
ce que vous voulez, mais il faudra trimer, se soumettre et accepter les normes.
 » Ce qui se traduit par rien n’est possible puisqu’il n’est pas
question de sortir des schémas convenus et validés par la pensée unique. L’exploitation, l’émancipation, la révolution étant évidemment des termes à bannir des discours, termes aussi déplacés que lutte de classes, rébellion, révolte ou classe ouvrière. La classe ouvrière a effectivement disparu du discours des politiques, des universitaires et des journalistes, pourtant elle est toujours présente cette « classe fantôme » avec 7 millions d’ouvriers.

Le film d’Ossian Gani et de Fabien Trémeau, Tout est permis, mais rien n’est possible, analyse le système idéologique mis en place par le capitalisme et ses idéologues pour une meilleure compréhension de la situation présente.
Et pour cela, les réalisateurs s’appuient sur la pensée de Michel Clouscard, comme l’indique le sous-titre du film documentaire. Michel Clouscard est un intellectuel à contre-courant qui a été marginalisé, « écarté » pour avoir dénoncé la « trahison des clercs » et l’«  abandon des questions sociales et des enjeux collectifs au profit des préoccupations sociétales, chères aux classes moyennes ». Il s’est également attaché à étudier les classes en fonction, non pas de la seule production, mais aussi de la consommation.

À travers des archives et des entretiens avec Jean-Pierre Garnier, Jean-Pierre Levaray, Aymeric Monville et Dominique Pagani, les réalisateurs du film documentaire, Ossian Gani et Fabien Trémeau, reviennent sur la question de la régulation du capitalisme et « la crise de 1929 [qui] mena à la Seconde Guerre mondiale et à ses horreurs. [C’est le début du film.] Depuis le plan Marshall, le capitalisme use d’une autre arme, l’arme de la séduction ». Stratégie liée à la fabrication d’une « culture de masse à l’intention du
peuple pour l’aliéner et lui faire adopter des positions conformistes et consuméristes.
 »

Le Capitalisme de la séduction de Michel Clouscard, publié en 1981, est un décodage du mode de vie construit par la société de consommation, vue sous l’angle d’une stratégie de classes. Tolérer dans le contexte actuel quelques atermoiements ponctuels de contestation passe encore, s’il est possible ensuite de la récupérer, mais la critique sociale doit être, dans tous les cas, remisée aux accessoires inutiles et inutilisés. Il faut bien installer l’idée que le système capitaliste est incontournable et, qu’au mieux, on peut envisager de l’aménager, de le « moraliser », mais certainement pas de le remettre en question.

La consommation serait donc la seule possibilité d’émancipation… Une véritable aubaine pour sauver le capitalisme de la crise !

DVD en vente à Publico

145 rue Amelot 75011 Paris.