Chroniques rebelles
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Noir Horizon de Thierry Périssé (Chant d’orties) et RFI en lutte RFI Riposte
Samedi 18 février 2012
Article mis en ligne le 19 février 2012

par CP

Noir Horizon de Thierry Périssé (Chant d’orties)

C’est quoi ce travail ? de Jean-Pierre Levaray (Chant d’orties)

Noir Horizon de Thierry Périssé (Chant d’orties)

Moule à cake, Noir horizon, La vieille, Mariette, Cauchemar, rapt, terrain vague, Regarde c’que tu m’as fait, Ainsi soit-il ! Des nouvelles, ce n’est pas si fréquent. Renouer avec l’écriture de nouvelles… Plaisir de lecture d’une histoire brève, un instantané, une vie, flash d’un moment, ambiance, entrevue sur une réalité, une porte que l’on entrouvre pour une rencontre sans dissimulation… Un recueil de nouvelles, cela ressemble à une suite de voyages empruntés, c’est un peu comme si l’on faisait du stop, d’une rencontre à l’autre, d’une histoire à l’autre… C’est cette impression que laisse le recueil de nouvelles de Thierry Périssé, Noir horizon.

Douze nouvelles, douze voyages dans notre société, dans nos sociétés, par l’entremise des exclu-es, des laissé-es pour compte. La voix donnée aux sans voix. Constat sans complaisance : « Je râle, je m’insurge contre ce que je vois et entends. J’ai bien souvent eu envie de partir, de quitter l’enseignement, je n’ai jamais eu le courage, par lâcheté sans doute, et puis il y a le loyer à payer, les prêts à rembourser, et les trois mois et demi de vacances. Je suis pris au piège. »

Du travailleur intérimaire dans un boulot à la chaîne à la jeune mère qui ignore tout de la naissance d’un enfant et accouche dans un terrain vague, de la vieille dame enfermée dans son silence à la femme battue à qui l’on a enlevé les gosses, de Mehdi le prof aux Roms harcelés par les flics, ils, elles témoignent, parlent de l’injustice, de la misère, d’un monde égoïste.

Drôles de vies ! Mais ce sont celles que l’on croise tous les jours, les invisibles…

Les nouvelles de Thierry Périssé évoquent le racisme latent, l’abus de pouvoir, l’administration inexorable, les bavures policières, le système qui broie… Avec parfois, au détour d’un regard ou d’une parole, une lueur, une bouffée de solidarité.

Les nouvelles parlent des langages différents, des récits à la première personne, ou bien en voix off, la voix d’un narrateur ou d’une narratrice qui accompagnent des pans de vie… L’écriture de Thierry Périssé nous immerge dans le vécu de personnages de notre quotidien, en miroir aussi de nous-mêmes.

Les détails ont leur importance… Une nappe posée, des draps pendent à la fenêtre, des voitures passent, un arrêt de bus, un terrain vague, et la solitude présente dans la plupart des histoires… La saveur de ces nouvelles se goûte comme des courts métrages en devenir…

CP

Noir Horizon est une magie, une magie noire. Une étrange opération a lieu lorsqu’on se laisse happer par cette littérature qui refuse le pathos, le réservoir de bons sentiments, la charité de circonstance pour lui préférer un style blanc, neutre, descriptif, implacablement factuel. Noir Horizon, ce serait Albert Camus qui aurait abandonné le passé composé de l’Étranger pour lui préférer un présent, pas seulement actuel, pas uniquement ancré dans le désastre du moment social, mais un présent qui dessine en creux la nécessité d’une lutte de tout temps, de chaque moment, de tous les instants. Il y a dans la noirceur de l’horizon bas comme un couvercle que décrit Thierry, la possibilité non seulement de penser la réalité autrement, mais surtout de percevoir dans les interstices d’une narration cruelle, ce qui nous manque, ce à quoi nous manquons : l’humanité. Elle est présente dans la douleur des expulsés, des mal-logés, des travailleurs pauvres, des femmes seules abandonnées à un sort calamiteux de mère pondeuse-tueuse, des vieux se morfondant dans un univers exsangue.

Il y a longtemps qu’une vraie littérature sociale, accessible à tous et de très haut niveau expressif nous était indispensable, elle est là, loin des prix littéraires, des faits-divers à valeur consensuelle et près de ce que nous vivons. Thierry Périssé, en ces temps de meeting, de fausses promesses, nous dit une et une seule chose : la littérature a pour fonction de dénoncer la pauvreté. La littérature a pour fonction de détruire la pauvreté : pauvreté intellectuelle, sociale, physique. La littérature a pour vocation de nous rappeler que le dénuement est ce qu’il y a de plus abject. La littérature n’a qu’un impératif absolument catégorique : l’indignation quant aux conditions dans lesquelles 99% des gens vivent. Les personnages de Noir Horizon sont passés au crible d’un style qui ne les épargne pas, une littérature qui absorbe l’atmosphère sociale ambiante en amoindrissant la distance entre les mots et le réel.

Le rythme est haletant. Le tempo stylistique est parfois fiévreux. Il manque souvent des liaisons de phrases en phrases. Parce que ces personnages sont comme nous, parce que ces personnages n’ont plus rien à prouver, parce que s’ils ne sont pas des héros, c’est que la littérature n’en fabrique plus. La littérature, je le répète, n’a qu’une fonction : rappeler la situation des humiliés. Ces humiliés vus de cette France qui de moins en moins se survit.

Thierry Périssé ravive les brasiers d’une écriture du désastre à travers des personnages au taquet, tendus, chacun crispé sur une existence entartrée par l’absence de lumière, une vie obstruée par un horizon sombre. Pour construire cette galerie de portraits en tenebroso, Thierry a choisi le genre de la nouvelle, elle qui, par sa brièveté, ne tolère pas l’élaboration patiente et concentre tous les effets esthétiques jusqu’à arriver à un effet hyperréaliste de saturation.

Il y a chez Thierry, une volonté d’extraire la nouvelle du roman, tout comme les personnages sont extraits, arrachés, exclus d’une société qu’eux-mêmes congédient : les existences des exclus du système sont imagées par une narration en tirets, par petites touches, comme des formes brèves qui ne prennent sens que dans le microcosme désespérant qu’elles construisent.

Noir Horizon c’est le malheur des petites gens ici, maintenant et de tout temps, dans un suspens qui chaque fois, à chaque nouvelle est à recoudre. Malheur sous forme de nouvelles, parce que la beauté du désespoir ne tient jamais mieux que dans le détail de ces micro-aventures. Elles ont d’ailleurs le lustre de l’universalité : ces petits personnages en perdition, à la dérive le sont d’autant plus qu’au dessus d’eux s’élève cette certitude : oui, la misère humaine est la seule réalité qui, une fois résolue, permettrait à tout de fonctionner.

En relisant certains passages de Noir Horizon, j’entends une voix :
« maintenant tu n’es plus dupe, tu sais ce qui autour de toi se passe, même pas sournoisement mais sous tes yeux que par dégoût et bienséance tu fermes. »

La beauté de Noir horizon, c’est d’accueillir dans les blancs des marges et la force de ses nouvelles, une part intolérablement excessive du délabrement anonyme.

Nicolas Mourer

C’est quoi ce travail ?

Jean-Pierre Levaray (Chant d’orties)

Annabelle est une petite fille de 10 ans. C’est elle la narratrice du roman. Elle se pose beaucoup de questions sur le travail à l’usine de son père. D’autant plus qu’il en parle très peu. Cette usine, elle la voit de la fenêtre de sa chambre. Elle lui semble gigantesque, comme une armada de navires. Attirante et repoussante à la fois. Attirante la nuit par toutes ses couleurs qui la font rêver. Repoussante à cause de ses odeurs désagréables. Dangereuse aussi à cause des accidents. Quand elle entend la sirène, elle s’inquiète pour son père qui n’est pas encore revenu. Elle écoute en cachette les conversations entre son père et sa mère. C’est comme cela qu’elle apprend que l’usine va fermer. Bientôt le chômage. Avec ses collègues, son père occupe l’usine, c’est la grève. Il y a des manifestations. Annabelle se demande ce que sa famille va devenir.

Ce premier roman jeunesse de Levaray est une réussite. Il permet aux jeunes lecteurs de comprendre ce qu’est une usine SEVESO (comme celle d’AZF à Toulouse), le travail qu’on y fait, l’évolution actuelle des ouvriers et de l’industrie en suivant les pas d’Annabelle.

Illustrations de David Rebaud.

Tue ton patron. Putain d’usine t3

Efix/Levaray (Fetjaine)

Voilà deux ans que le personnage principal - anonyme - est au chômage. Après vingt-cinq ans de boîte, notre homme est parti avec un chèque de vingt mille euros en poche en guise de prime pour « départ volontaire »… Une humiliation qui laisse des traces.Le licencié va mûrir son plan pour éliminer sa cible : Pelletier-Raillac, le big boss de FFI. C’est dans la tour qui abrite le siège social de l’entreprise, dans le quartier de La Défense, véritable réplique de Gotham City, que différents projets de meurtres vont être patiemment élaborés. Grâce à des dons certains de camouflage, l’ancien prolo enfile plusieurs costumes pour repérer les lieux. Vigile sous le nom de Guy Debord (l’un des fondateurs de l’Internationale situationniste), larbin sous le nom de Marius Jacob (génial cambrioleur anarchiste) ou faux chargé de communication sous le nom de Paul Lafargue (l’auteur du Droit à la paresse ), il va tout découvrir des luttes de pouvoir, du jeu des courtisans, du fonctionnement des services et des travers de ses ex-collègues.« Déguisé en arme », le vengeur anonyme attend son heure : « En haut de cette tour, du haut de mon mirador, j’observe et je réfléchis à comment faire. Je suis le ver dans le fruit. Patrons, décideurs, entrepreneurs, boss, crapules, tremblez, je vais faire un exemple… »

Et

Tue ton patron (Saison 2)

Jean-Pierre Levaray (Libertalia)

« On a tous rêvé, un jour, une nuit, de se débarrasser de son patron. Mais ce n’est pas si facile. Alors, si on s’y mettait tous ensemble ? C’est ce que les ouvriers d’une usine fabriquant des composants électroniques pour le secteur automobile mettent en œuvre lorsque le patron veut fermer la boîte. Cela se passe très vite, en quelques heures, à la faveur d’une réunion pour annoncer les licenciements. Mais pour que ce soit rapide et efficace, il faut avoir tout bien préparé. Tue ton patron, premier du genre, racontait l’acte individuel d’un chômeur. Pour ce deuxième opus, c’est le « tous ensemble » qui prévaut. Plus efficace ? Moins noir ? À voir et à lire. Imaginez un monde sans patron… »

RFI en lutte

Radio France Internationale est à nouveau en péril. RFI est menacée par la fusion juridique et rédactionnelle avec la télévision France 24, voulue par le président de la République française et menée par les responsables actuels de l’Audiovisuel extérieur de la France (AEF).

France 24 est la résultante d’une alchimie, qui a d’abord mêlé des intérêts privés (groupe TF1) et publics (France Télévision), avant d’être abritée par la holding de l’AEF.

La fusion exige le départ de 126 salarié-es supplémentaires, après 206 suppressions de postes, imposées en 2009. Ces licenciements sont évidemment en totale contradiction avec les promesses de « développement » faites par le PDG, Alain de Pouzilhac. Ces coupes sombres fragilisent la richesse de RFI, média d’information et de magazines, en français et dans plus de dix autres langues.

Quelle est alors la raison de ce projet pour le futur de RFI ? À ce jour, il n’existe ni cahier des charges, ni objectifs et moyens précisés, ni projet éditorial formulé. S’agit-il de ponctionner des moyens humains, techniques et financiers, légitimement affectés à la 3ème radio mondiale, pour perfuser une télévision sous-dotée depuis sa création ? C’est pourquoi les salarié-es de RFI sont
 contre cette fusion RFI-France 24 
 et pour le maintien de RFI, dans sa dimension multilingue, multiculturelle, en tant que radio internationale publique.

Entretien avec Agnès.

Rfi Riposte

rfiriposte.wordpress.com/

Une exposition à ne pas louper !